BAGNALL, JAMES (souvent prénommé de façon incorrecte James Douglas), imprimeur, fonctionnaire, éditeur et homme politique, baptisé le 16 novembre 1783 à Shelburne, Nouvelle-Écosse, fils de Samuel Bagnall et d’Elizabeth Whitehouse ; le 22 août 1815, il épousa à Charlottetown Anna Matilda Gardiner, et ils eurent au moins trois fils et quatre filles ; décédé le 20 juin 1855 à Bedeque (Central Bedeque, Île-du-Prince-Édouard).

Les parents de James Bagnall, loyalistes originaires de la colonie de New York, quittèrent Shelburne pour aller s’établir à l’île Saint-Jean (Île-du-Prince-Édouard) quelques années après la naissance de James, probablement en 1787. Incapable d’obtenir la concession de terre qu’il avait escomptée, Samuel Bagnall, menuisier et ébéniste, s’installa avec sa famille à Charlottetown, où il exerça de 1788 à 1795 les fonctions de shérif adjoint et de geôlier, la prison se trouvant à l’intérieur même de sa maison. Comme il n’y avait pas d’écoles convenables, le jeune James eut peu de chances de s’instruire. Lorsque son beau-frère William Alexander Rind, imprimeur du roi dans l’île, retourna avec sa famille dans sa Virginie natale en 1798, James, alors âgé de 15 ans, les accompagna en tant qu’apprenti de Rind. Il prit là-bas de l’expérience dans deux journaux que publia Rind, l’un à Richmond, en Virginie, et l’autre à Georgetown, dans le district de Columbia.

Bagnall revint chez lui avec une presse en 1804 et ouvrit une imprimerie dans l’île. La colonie comptait alors moins de 7 000 habitants éparpillés en petites communautés sur des terres en friche, et un grand nombre d’entre eux ne savaient pas lire. Nommé imprimeur du roi le 25 décembre par le lieutenant-gouverneur Edmund Fanning*, au salaire de £60, il commença un mois plus tard à publier son premier journal, le Royal Herald. En raison de la rareté de l’argent, Bagnall annonça que « les produits de lai région et les fourrures ser[aient] acceptés comme paiement dans le cas de ceux qui ne [pouvaient] s’arranger pour payer comptant ». En novembre 1805, il imprima le Journal de la session en cours à la chambre d’Assemblée, le premier à être imprimé dans l’île depuis 1797. Entre-temps, à cause d’une cargaison de papier qu’il attendait d’Angleterre, il réduisit l’épaisseur du Royal Herald, déjà très mince, puis interrompit sa parution pendant trois mois. L’entreprise se révéla non rentable, et le journal cessa complètement de paraître au début de 1806. À la fin de cette année-là, Bagnall, qui avait conclu un arrangement plutôt vague avec Fanning, négocia avec succès une entente plus sérieuse avec le lieutenant-gouverneur Joseph Frederick Wallet DesBarres*, selon laquelle il recevrait un paiement et du papier additionnels pour imprimer les lois votées avant sa nomination.

Bagnall, qui « éprouvait un vif désir » de promouvoir la colonisation et la prospérité de l’île, se porta candidat dans la circonscription de Georgetown aux élections générales de novembre 1806. Il attribua sa victoire à l’influence des Loyal Electors, groupement politique formé pendant les élections. Bon nombre des membres fondateurs de cette association se recrutaient parmi les loyalistes ou leurs descendants (Samuel Bagnall en fut le premier président et les réunions de l’association avaient lieu dans sa taverne), mais son principal organisateur, James Bardin Palmer*, était un attorney irlandais qui était arrivé dans la colonie en 1802 et qui avait aussi été élu député à l’Assemblée en 1806. Palmer se rendait compte de l’importance de la presse typographique et, pendant les 22 années qui suivirent, il exerça une influence majeure sur Bagnall, plus jeune et moins instruit que lui.

Bagnall siégea au printemps de 1808 à une commission de l’Assemblée où l’on déclara qu’il était nécessaire de publier une version révisée de toutes les lois de la colonie, y compris celles qui avaient été imprimées par Rind et son prédécesseur, James Robertson*. Au cours de la même session, on vota une loi imposant pendant une période de deux ans une taxe sur le sucre et le tabac destinée à financer les dépenses « d’impression, de publication et de mise en recueils des lois de l’Assemblée ». Le gouvernement se montra peu disposé à donner suite au projet avant que l’argent n’ait été recueilli. Le retard dans l’impression des lois, joint au refus du gouvernement de hausser de £15 un salaire que Bagnall jugeait insuffisant, incita ce dernier à rechercher des occasions plus avantageuses.

Laissant cet été-là son imprimerie de Charlottetown entre les mains de son frère Samuel et de son neveu James Douglas Haszard*, Bagnall alla s’établir à Halifax et commença à publier, probablement en janvier 1809, son deuxième journal, le Novator and Nova Scotia Literary Gazette. Un événement sensationnel survint à Halifax durant l’automne de 1809 : le procès d’Edward Jordan et de sa femme Margaret, accusés de piraterie et de meurtre à bord du schooner Three Sisters. En mars 1810, Bagnall publia un compte rendu de 59 pages sur le procès, lequel avait été compilé par Charles Rufus Fairbanks* et Andrew William Cochran* ; ce texte, qui contenait la confession de Jordan avant de mourir, dut obtenir un grand succès auprès des lecteurs du temps. Le journal et son imprimeur, qui publia également deux almanachs, connurent des débuts prometteurs. Bagnall était néanmoins de retour à Charlottetown dès septembre 1810, faisant paraître son troisième journal, le Weekly Recorder of Prince Edward Island. Pendant son absence, son frère Samuel avait négocié pour lui un salaire de £100. Le Journal de l’Assemblée de cet été-là, publié à la hâte après le retour de Bagnall, mentionnait que celui-ci avait démissionné de son poste de député.

Le Weekly Recorder fut immédiatement mêlé à la controverse entourant les Loyal Electors, dont l’influence avait augmenté dès 1810. Plusieurs élections partielles avaient accru la rancœur et la suspicion qui existaient déjà entre, d’une part, un groupe de fonctionnaires établi depuis longtemps et allié à des spéculateurs fonciers et à leurs agents, appelé la « cabale » par leurs adversaires politiques, et, d’autre part, les Loyal Electors, porte-parole des intérêts des colons. Dans son journal, Bagnall défendit vigoureusement la « loyale et respectable association », espérant que la publicité dissiperait les accusations de déloyauté et de dissimulation portées contre elle. Bagnall fit un effort évident pour présenter les arguments des deux camps, mais son appartenance à l’association loyaliste le rendit vulnérable aux accusations du procureur général Charles Stewart*, chef de la prétendue « cabale », voulant que la presse soit sous la coupe des Loyal Electors.

Bagnall était revenu de Halifax croyant que les textes de loi étaient prêts à être imprimés. Mais un mauvais partage des responsabilités au sein des commissions chargées de réviser les lois et la violente querelle entourant les Loyal Electors avaient empêché toute organisation efficace en vue de leur publication. Comme les deux factions étaient impatientes de faire imprimer les textes de loi, l’Assemblée accorda, au début de la session de 1812, son appui unanime à un projet de loi nommant des commissaires avec pleins pouvoirs « de passer un contrat avec M. James Bagnall concernant l’impression des lois ». Le contrat fut signé un an plus tard, soit en novembre 1813.

Pendant les quatre années qui suivirent, Bagnall lutta désespérément pour maintenir à flot son imprimerie. Le gouvernement temporaire de l’île, dirigé par William Townshend*, l’avait informé en décembre 1812 que son salaire d’imprimeur, du gouvernement ne lui serait plus versé à partir du printemps. Le nouveau lieutenant-gouverneur, Charles Douglass Smith, non seulement refusa à maintes reprises de rétablir le salaire de Bagnall, mais lorsque ce dernier ne put exécuter le contrat d’impression des textes de loi dans les délais fixés, il différa le paiement de sommes dues à l’imprimeur pour d’autres contrats. Bagnall, qui s’était endetté pour acheter du papier et des fournitures d’imprimerie, expliqua dans de longues requêtes à l’autocratique lieutenant-gouverneur qu’il avait dû pendant toute une année faire des demandes répétées à deux des commissaires, Palmer et le procureur général William Johnston*, pour obtenir des copies révisées et corrigées des lois manuscrites. Il soutint qu’il serait « acculé à une ruine inévitable » si on ne lui payait pas les sommes dues. La seule concession que fit Smith fut d’autoriser le trésorier Robert Gray*, qui comptait également parmi les commissaires, à verser à Bagnall 10 p. cent de ce qui lui était dû chaque fois que l’on attesterait que l’impression des textes de loi était en cours. Pendant que Bagnall se livrait à ce travail, une pénurie de papier et un manque de temps et d’argent l’obligèrent à interrompre la publication de la Prince Edward Island Gazette, qui avait remplacé le Weekly Recorder au printemps de 1814. L’année suivante, il publia le premier almanach imprimé dans l’île, le Prince Edward Island calendar for town and country. À la fin de 1817, la colonie possédait son premier recueil de lois révisées à être imprimé depuis 1789, et Bagnall put reprendre la publication de la Prince Edward Island Gazette. Les proclamations et les avis officiels ainsi que les réclames des entreprises procurèrent des revenus au directeur, à qui on refusait toujours un salaire pour ses fonctions d’imprimeur du roi. La Gazette ne désignait pas Bagnall sous le nom d’imprimeur du roi, contrairement aux autres journaux qu’il avait publiés auparavant ; ce titre ne paraissait plus que dans des publications officielles telles que le Journal de l’Assemblée et dans des travaux d’impression pour la milice, lesquels ajoutèrent à ses revenus. La Gazette présentait un compte rendu des séances des tribunaux et de l’Assemblée, et les commentaires du directeur et de ses correspondants sur l’économie de l’île, l’éducation et la morale. Bagnall continua d’imprimer des publications officielles, notamment des proclamations et des avis devant être affichés sur les places publiques et distribués aux magistrats et aux autres fonctionnaires de la colonie.

À titre d’imprimeur du gouvernement, Bagnall vit ses problèmes aggravés par son activité politique. Même s’il avait été défait aux élections générales de 1812, qui furent chaudement disputées, il remporta la victoire à une élection partielle en 1813. Membre actif de l’Assemblée au cours de la session suivante, en 1817, Bagnall perdit son siège aux élections générales de 1818. Nommé greffier de l’Assemblée cette dernière année, il conserva ce poste pendant la courte session de 1820, la dernière à avoir lieu sous le mandat du lieutenant-gouverneur Smith. Les alliés politiques de Bagnall, Palmer et Angus Macaulay*, s’opposèrent au mouvement populaire mis sur pied avec succès par John Stewart* en vue d’obtenir le rappel de Smith. Le successeur de Smith, John Ready*, annonça la tenue d’élections pour l’automne de 1824 ; Palmer subit alors la défaite, et Bagnall se retrouva avec peu d’amis au sein de la nouvelle Assemblée. Participant à la session de janvier 1825 en tant que greffier de l’ancienne Assemblée, Bagnall fut non seulement démis de ses fonctions lucratives de greffier, mais remplacé en outre au poste d’imprimeur du Journal de l’Assemblée par son ancien apprenti, James Douglas Haszard, lequel avait appuyé le mouvement en faveur du rappel de Smith.

Tentant de renforcer sa vague position d’imprimeur du roi, titre qu’il détenait toujours, Bagnall commença à publier en 1826 la Royal Gazette and Prince Edward Island Recorder, la Prince Edward Island Gazette ayant cessé de paraître en 1822, probablement pour des raisons financières. Créé pour faire pièce au Prince Edward Island Register de Haszard, qui paraissait régulièrement depuis juillet 1823, le journal de Bagnall ne fut publié que sporadiquement jusqu’en juin 1827 et reçut peu d’aide financière, soit du gouvernement, soit de particuliers.

En 1828, Bagnall publia son dernier journal, le Phenix ;c’était la première fois dans l’île que des citoyens se regroupaient pour parrainer un journal. Même si celui-ci avait pour but déclaré de donner aux adversaires des mesures présentées à l’Assemblée un point de vue différent de celui du Register de Haszard, son véritable objectif était de gagner des appuis en faveur de Palmer, lequel cherchait à reprendre son siège à l’Assemblée d’où il avait été expulsé en mars. Le journal, qui contenait de nombreuses lettres bien écrites à l’attention du rédacteur en chef, dut recueillir un certain appui. En effet, après la défaite de Palmer à l’élection partielle, on annonça des projets ambitieux en vue d’accroître le volume du journal et de poursuivre sa publication, mais la presse de Bagnall était en mauvais état et ne possédait pas suffisamment de jeux de caractères ; les projets ne se concrétisèrent donc jamais.

Bagnall fut démis de ses fonctions d’imprimeur du roi en août 1830 ; c’était une simple formalité, puisqu’il n’avait reçu aucune aide financière de la part du gouvernement depuis trois ans. Il exploitait une petite librairie dans sa maison où se trouvait aussi son imprimerie ; cependant, il n’existe aucun document attestant qu’il ait poursuivi longtemps son travail d’imprimeur. Il continua de s’intéresser à la lutte politique des fermiers à bail contre les propriétaires absentéistes et leurs agents, préconisant aux réunions de district le recours à des moyens constitutionnels et légaux pour obtenir l’escheat. Il dut s’incliner aux élections générales de 1838 devant les éléments plus radicaux du mouvement, dirigés par William Cooper*. Peu après 1848, Bagnall quitta sa ferme, Oatium, dans Charlottetown Royalty, et s’installa dans une autre ferme louée à bail à Bedeque, où vivaient son fils aîné Samuel James Bagnall et sa fille Caroline Charlotte Augusta Baker.

Si James Bagnall se révéla un membre consciencieux de l’Assemblée voué à la défense des intérêts de la population, c’est cependant son travail d’imprimeur qui constitua sa principale réalisation. À ce titre, il tint la petite colonie informée des questions qui influençaient ses destinées en imprimant le Journal de l’Assemblée, les textes de loi et ses propres journaux.

Marianne G. Morrow

Les journaux de la chambre d’Assemblée de l’Île-du-Prince-Édouard doivent être consultés pour une étude de James Bagnall, et les passages suivants ont été particulièrement utiles : 1805 (PRO, CO 226/20 : 81) ; 1806 (PAPEI, Acc. 2702/935 : 1) ; 1808 (PRO, CO 229/3 : 59, 73) ; 1810 (PRO, CO 229/3 : 132–133) ; 1812 (PRO, CO 229/4 : 100, 103, 117–118) ; 16 nov., 18 déc. 1813 ; 6–7 janv. 1814 (PAPEI, RG 3) ; 1817 (PAPEI, Acc. 2702/938 : 1, 8) ; 1818–1819 (PAPEI, Acc. 2702/939 : 5) ; 1820 (PRO, CO 226/36 : 111) ; 1825 (PRO, CO 229/5 : 171–172, 218) ; 1828 (PRO, CO 229/5 : 271) ; et le Journal publié pour l’année 1833 : 107–108.

PAPEI, Acc. 2702/527 ; 531a–b ; 533 ; 535–536 ; 538 ; 546–547 ; 839 ; 2849/124–127 ; 129–130 ; RG 5, Minutes, 4 mai 1789, 20 avril, 29 sept. 1790, 2 août 1796, 5 févr., 26 août 1805, 13, 16 oct. 1806, 2 mai 1808, 16 oct. 1809, 18 mars 1811, 15 déc. 1812, 24 juill., 6 nov. 1813, 4 janv., 5 avril, 7 juin 1814, 9 mai 1815, 3, 13 mars, 7 avril 1818, 4 août 1830 (mfm aux APC) ; RG 8, Warrant books, 1812–1847, spécialement 1812–1824 ; RG 18, 1848 : 39.— PRO, AO 13, bundle 11 : 151–154 (mfm aux APC) ; CO 226/20 : 49 ; 226/21 : 87 ; 226/22 : 165–167 ; 226/24 : 52–53 ; 226/26 : 9, 189, 234, 238 ; 226/28 : 4 ; 226/39 : 422.— St Paul’s Anglican Church (Charlottetown), Reg. of marriages, 22 août 1815 (mfm aux PAPEI).— Shelburne County Museum (Shelburne, N.-É.), Christ Church, Shelburne, reg. of baptisms, marriages, and burials, 16 nov. 1783 (mfm aux PANS).— Supreme Court of P.E.I. (Charlottetown), Estates Division, liber 1 : fo 23 (testament de Samuel Bagnall) ; file 48 (inventaire des biens de James Bagnall) (mfm aux PAPEI).— Colonial Herald, and Prince Edward Island Advertiser (Charlottetown), 8 avril 1843.— Prince Edward Island Register, 17 janv., 18, 29 déc. 1824, 21 févr., 30 mai 1826, 24 juin 1828, 14 juill. 1829.— Royal Gazette (Charlottetown), 26 juill, 20 sept., 24 oct. 1836, 6, 13 nov. 1838, 1er avril 1845.— Royal Herald (Charlottetown), 16 févr., 16 mars, 2 nov. 1805.— Weekly Recorder of Prince Edward Island (Charlottetown), 17 sept., 13 oct., 24 déc. 1810, 16 févr., 16 mars, 4 mai, 21 août, 26 déc. 1811.— Marie Tremaine, Abibliography of Canadian imprints, 1751–1800 (Toronto, 1952), 287–288, 521, 668–669.— [T. B. Akins], History of Halifax City (Halifax, 1895 ; réimpr., Belleville, Ontario, 1973).— Canada’s smallest prov. (Bolger), 66–94.— D. C. Harvey, « The Loyal Electors », SRC Mémoires, 3e sér., 24 (1930), sect. ii : 101–110.

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Marianne G. Morrow, « BAGNALL, JAMES (James Douglas) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bagnall_james_8F.html.

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Auteur de l'article:    Marianne G. Morrow
Titre de l'article:    BAGNALL, JAMES (James Douglas)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 8
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1985
Année de la révision:    1985
Date de consultation:    22 nov. 2024