PACAUD, ÉDOUARD-LOUIS (baptisé Louis-Édouard), avocat, fonctionnaire, homme d’affaires et homme politique, né le 20 janvier 1815 à Batiscan, Bas-Canada, fils de Joseph Pacaud, charpentier, navigateur et négociant, et d’Angélique Brown ; le 28 juillet 1841, il épousa à Yamachiche Anne-Hermine Dumoulin puis, le 2 juillet 1868, à Trois-Rivières, Françoise Dumoulin, vraisemblablement cousine de sa première épouse ; quatre filles naquirent de ces unions ; décédé le 18 novembre 1889 à Arthabaskaville (Arthabaska, Québec).
À l’instar de ses six frères et de ses quatre sœurs, Édouard-Louis Pacaud put bénéficier d’une solide instruction ; il fit son cours classique au séminaire de Nicolet de 1826 à 1832 et, le 25 mai 1836, après avoir étudié le droit à Trois-Rivières chez Antoine Polette et Edward Barnard, il reçut sa commission d’avocat. Il exerçait sa profession dans cette ville au moment où les troubles de 1837–1838 éclatèrent. Contrairement à ses frères, Philippe-Napoléon, Charles-Adrien et Joseph-Narcisse, Édouard-Louis ne participa pas activement au conflit. Toutefois, en janvier 1838, il obtint du juge Joseph-Rémi Vallières* de Saint-Réal la mise en liberté du notaire André-Augustin Papineau, frère de Louis-Joseph*, qui avait participé à la bataille de Saint-Charles-sur-Richelieu. Pacaud prononça également, le 5 janvier 1839, un discours en faveur de son ami et futur beau-frère Joseph-Guillaume Barthe*, écroué, « qui demandoit le benefice d’un bref d’Habeas corpus » [V. Jean-Roch Rolland*]. Mais, dès février 1840, il écrivait à Ludger Duvernay* qu’il s’était rallié au projet d’union des deux Canadas, suivant en cela les idées de Louis-Hippolyte La Fontaine*.
De 1840 à 1844, Pacaud continua de se consacrer à sa profession, devenant peu à peu un des avocats les plus respectés de sa région et un personnage important au sein de la communauté de Trois-Rivières. Nommé commissaire des banqueroutes pour ce district en février 1844, Pacaud entra en fonction le 20 avril suivant. Cette charge allait toutefois lui causer bien des soucis. En effet, trois lois, sanctionnées en décembre 1843, venaient régir les devoirs du commissaire des banqueroutes. En vertu de cette législation, celui-ci devait recevoir des honoraires proportionnels aux services rendus. Cependant, tout avocat occupant cette fonction se voyait privé du droit d’exercer sa profession. Le commissaire devait, en outre, présider les sessions trimestrielles de la paix, agir à titre de juge de paix et remplir « tous les devoirs du résident du district pendant les absences de ce dernier à la cour d’appel ». Si la tâche convenait à Pacaud, celui-ci ne s’accommodait nullement des honoraires, ne recevant pour tous ces services « que les émolumens provenant des affaires en banqueroutes ». Après de nombreuses lettres adressées au gouverneur général et plusieurs pétitions envoyées à l’Assemblée législative, Pacaud parvint à obtenir un salaire annuel de £200 pour la période du mois d’août 1846 au mois de janvier 1850, date à laquelle il cessa probablement d’agir à titre de commissaire. Il échoua, cependant, dans sa tentative d’être rémunéré équitablement pour la période 1844–1846. Entêté et obstiné, il alla même jusqu’à demander à l’Assemblée, en juin 1851, d’adopter une loi l’autorisant à entreprendre des poursuites contre le gouvernement dans le but de recevoir une compensation pour services rendus.
Au cours des années 1836 à 1850, Pacaud s’activa au sein de plusieurs comités, dont celui demandant l’érection civile de Trois-Rivières en 1845, et sa demeure devint un lieu de rendez-vous des notables. Il s’intéressa également aux affaires. En plus de prêter de l’argent, il profita, dès 1839, du fait que lord Durham [Lambton*] avait émis une proclamation, en septembre 1838, décrétant de nouveau l’octroi de terres aux miliciens de 1812 en récompense de leurs services. Bon nombre de miliciens ne désirant ou ne pouvant pas, pour diverses raisons, prendre possession des terres auxquelles ils avaient droit, Pacaud se chargea alors d’acheter leurs « réclamations » à des prix vraiment dérisoires. Nous ne pouvons, à ce jour, évaluer exactement combien d’acres de terre Pacaud réussit à acquérir de la sorte, mais, chose certaine, à la fin des années 1840, il possédait plusieurs terrains à Trois-Rivières même ; en outre, il acheta pendant cette décennie un peu plus de 3 200 acres dans les comtés de Drummond, de Mégantic et de Nicolet, dont il retirait des « rentes et loyers ».
Le 1er mai 1850, Pacaud se présenta à l’élection partielle tenue dans le comté de Mégantic. Battu par Dunbar Ross*, il attribua sa défaite aux intrigues de Charles-Félix Cazeau, secrétaire de l’archidiocèse de Québec, qui aurait incité les membres du clergé de l’endroit à intervenir en faveur du vainqueur. Amer, Pacaud dénonça cette ingérence cléricale dans les journaux, ce qui provoqua une vive réplique de la part de Cazeau. Appuyé par la direction du Moniteur canadien, de Montréal, Pacaud brigua les suffrages comme réformiste aux élections générales de décembre 1851 dans le comté de Nicolet. Son programme politique en 16 points prônait, entre autres, l’abolition du Conseil législatif et de la tenure seigneuriale, et la colonisation des Cantons de l’Est ; quelques articles démontraient également les préoccupations de l’homme de loi, telles la codification des lois, la réforme de l’administration de la justice et l’indemnisation des jurés. Le docteur Thomas Fortier remporta toutefois l’élection, et cette seconde défaite de Pacaud mit fin à ses tentatives de se faire élire à l’Assemblée législative.
Vers la mi-mai 1850, Pacaud s’était installé à Montréal où il avait ouvert un bureau d’avocat. Il annonçait dans au moins deux journaux qu’il achetait « des réclamations de miliciens, des terres dans les Townships de l’Est, [et] des débentures du gouvernement ». Il devint membre de l’Institut canadien de Montréal auquel il donna plus de 40 volumes en juin 1850. Selon Wilfrid Laurier*, avec qui il se liera d’amitié vers la fin des années 1860, Pacaud connut du succès dans les affaires ; il aurait ensuite investi « son avoir dans l’exploitation des mines de cuivre » pour se retrouver « ruiné » après une chute vertigineuse des prix. Ce revers de fortune peut expliquer le fait que Pacaud retourna à Trois-Rivières, probablement en 1854, et qu’il organisa « une grande loterie » de terrains « pour bâtir aux Trois-Rivières ». Il mit alors en vente 10 280 billets « à deux piastres chaque » pour le tirage au sort, le 28 février 1855, de 150 lots dont il était propriétaire. Nous ignorons cependant si Pacaud obtint, par cette entreprise, les résultats escomptés. Au demeurant, il n’était pas à court de ressources. À la même époque, l’hôtel du Canada ouvrait ses portes dans un immeuble lui appartenant. À la fin de 1858, Pacaud fit construire l’« immense » hôtel Saint-Maurice. De plus, en 1859, il était associé à Louis-Adélard Senécal et à Sévère Dumoulin dans la Compagnie de navigation de Trois-Rivières.
Pacaud alla s’établir à Arthabaskaville en 1861 ou 1862. En peu de temps, il se trouva de nouveau comme avocat à la tête d’une excellente clientèle. Plaideur éloquent, imaginatif et convaincu, il soutenait parfois, au dire de Laurier, des « hérésies devant le tribunal ». Il ajouta à sa notoriété en défendant avec succès, de 1864 à 1866, son frère Philippe-Napoléon dans un retentissant procès contre le curé de la paroisse Saint-Norbert (à Norbertville), au cours duquel ses adversaires le qualifièrent de « superlativement zélé ». Pointilleux et homme de principe, Pacaud intenta même une poursuite de $16 en dommages à la Compagnie du télégraphe de Montréal qui avait omis de transmettre un de ses messages en décembre 1870. Il collabora, cette même année, à la Revue légale (Montréal) en signant quelques comptes rendus de causes.
Fidèle à lui-même, Pacaud en vint à jouer un rôle important à Arthabaskaville sur le plan politique, économique et social. Au moins à deux reprises, en 1871 et 1874, il compta parmi ceux qui incitèrent Laurier à se présenter comme libéral aux élections dans le comté de Drummond et Arthabaska, s’opposant même ouvertement, à la première occasion, au curé de son village. Il participa au mouvement de colonisation de la région en prêtant, tout comme son frère Georges-Jérémie, de l’argent aux colons. Pacaud ne manqua pas d’ailleurs d’investir dans les terres, acquérant pas moins de 550 acres dans le comté de 1871 à 1884. En 1880, il participa à la fondation et devint président du Syndicat agricole d’Arthabaskaville qui avait pour but d’exploiter la betterave sucrière. Il occupa pendant un certain temps un poste de conseiller municipal et fut presque de toutes les manifestations locales. Pacaud jouissait d’une « honnête aisance » et son « hospitalité [était] devenue depuis longtemps proverbiale » ; sa résidence était le rendez-vous des intellectuels de la région.
Créé conseiller de la reine le 31 mai 1878, Pacaud fut bâtonnier du Barreau d’Arthabaska de juillet 1884 à mai 1887 ainsi que bâtonnier général de la province en 1885–1886. Il fut un des premiers conseillers législatifs nommés par le gouvernement d’Honoré Mercier* ; Pacaud occupa ce poste pour la division de Kennebec du 24 août 1887 à sa mort en novembre 1889. Avec lui disparaissait un avocat peut-être impitoyable et un modeste homme d’affaires parfois intraitable, mais surtout un personnage qui prit toujours une part active aux affaires locales et régionales.
AAQ, 1 CB, XVI : 33.— AC, Arthabaska, État civil, Catholiques, Saint-Christophe (Arthabaska), 22 nov. 1889.— ANQ-MBF, État civil, Catholiques, Immaculée-Conception (Trois-Rivières), 2 juill. 1868 ; Sainte-Anne (Yamachiche), 28 juill. 1841 ; Saint-François-Xavier (Batiscan), 22 janv. 1815 ; Minutiers, J.-M. Badeaux, 29 févr. 1836, 2 janv., 8 mars, 2 mai, 8 juin, 15 août 1837, 23 juill. 1838, 22, 23 mars, 2 (nos 2 867–2 869), 23 avril, 14, 17 mai, 21 juin, 30 oct. 1839, 19 juin 1840, 25, 27 févr. 1841, 18 janv. 1842, 18 févr. (nos 3 480–3 481), 19 oct. 1843, 26 juill. 1848.— ANQ-Q, AP-G-68, nos 406, 418, 445 ; AP-G-239/79 ; QBC 9, 4 : f.91 ; QBC 25, Événements de 1837–1838, no 3 257.— ASN, AO, Séminaire, V : 81 ; Inscription des élèves.— Debates of the Legislative Assembly of United Canada (Gibbs et al.), IV–V ; VII–X.— Examen de fait et de droit touchant la cause jugée en Cour du banc de la reine, sur appel, à Québec, entre Philippe N. Pacaud, Ecr., appelant, et le révérend Pierre Roy, prêtre, intimé, le 20 mars 1866 (Québec, 1867).— L’Avenir, 11, 25 mai, 8 juin 1850.— Le Canadien, 31 déc. 1847, 7 nov. 1851.— L’Électeur (Québec), 11 oct. 1881, 19 nov. 1889.— L’Ère nouvelle (Trois-Rivières), 1853–juill. 1855, janv.–juin 1859, janv.–févr. 1860, 7 janv.–11 févr. 1861.— La Minerve, 28 mai 1846.— Le Moniteur canadien (Montréal), mai 1850–oct. 1855. Contrairement à ce qu’affirment certaines notices nécrologiques parues peu après la mort de Pacaud et répétées ultérieuremént dans divers ouvrages, dont le RPQ, Pacaud ne fut pas rédacteur du Moniteur. Il y collabora en faisant paraître plusieurs lettres ou articles de 1850 à 1854, plus particulièrement en 1850 et 1851 [p. d. et g. g.]. — L’Opinion publique, 4 oct. 1877, 1er janv. 1880.— Quebec Mercury, 16 mai 1850.— L’Union des Cantons de l’Est (Arthabaskaville [Arthabaska], Québec), 23 févr., 23 nov. 1889.— Fauteux, Patriotes, 343s.— Langelier, Liste des terrains concédés, 1 713s., 1 741, 1 744.— Montreal directory, 1850–1853.— P.-G. Roy, Les avocats de la région de Québec, 327s.— RPQ, 435, 606.— G. Turcotte, Le Conseil législatif de Québec, 195s.— Bernard, Les Rouges, 98.— Alcide Fleury, Arthabaska, capitale des Bois-Francs (Arthabaska, 1961), 15s., 85, 87, 106, 114s., 142s., 166, 217, 229.— A.-R. Lavergne, Histoire de la famille Lavergne (Montréal, s.d.), 23s.— C.-É. Mailhot, Les Bois-Francs (4 vol., Arthabaska, 1914–1925), II : 156s. ; III : 281–302. Les pages que l’auteur consacre à la société d’Arthabaska dans ce dernier tome sont empruntées presque exclusivement au texte de la conférence que Lawrence Arthur Dumoulin Cannon* a prononcée au Club de réforme de Montréal, le 26 avril 1919. Mailhot remercie Cannon de lui avoir permis de consulter le texte intégral de son allocution. Le Canada (Montréal) a publié un compte rendu incomplet de cette conférence sous le titre « Portraits de quelques amis de sir Wilfrid Laurier », 28 avril 1919 : 6. Un compte rendu identique est aussi paru le même jour dans La Presse : 9, sous le titre « Sir Wilfrid a commencé son œuvre à Arthabaska » [p. d. et g. g.].— Robert Rumilly, Honoré Mercier et son temps (2 vol., Montréal, 1975), II : 67, 89.— Joseph Schull, Laurier, H.-J. Gagnon, trad. ([Montréal], 1968), 60, 76–81.— Les ursulines des Trois-Rivières depuis leur établissement jusqu’à nos jours (4 vol., Trois-Rivières, 1888–1911), II : 535 ; III : 422 ; IV : 75, 395.— « La conférence de l’hon. Wilfrid Laurier : un grand avocat des Bois Francs », La Presse, 21 déc. 1897 : 1.
Pierre Dufour et Gérard Goyer, « PACAUD, ÉDOUARD-LOUIS (baptisé Louis-Édouard) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pacaud_edouard_louis_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/pacaud_edouard_louis_11F.html |
Auteur de l'article: | Pierre Dufour et Gérard Goyer |
Titre de l'article: | PACAUD, ÉDOUARD-LOUIS (baptisé Louis-Édouard) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |