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CANNON, Lawrence ARTHUR (baptisé Laurent Arthur Dumoulin, on l’a parfois désigné sous le prénom d’Arthur), avocat, homme politique et juge, né le 28 avril 1877 dans la paroisse Saint-Christophe-d’Arthabaska, Québec, fils de Lawrence John Cannon*, avocat, et de Marie-Hermine-Aurélie-Alida Dumoulin ; le 20 avril 1904, il épousa à Ottawa Corinne Fitzpatrick, et ils eurent cinq enfants ; décédé le 25 décembre 1939 à Ottawa et inhumé trois jours plus tard au cimetière Notre-Dame de Belmont, à Sainte-Foy (Québec).
Lawrence Arthur Cannon fait d’abord des études au collège commercial du Sacré-Cœur d’Arthabaskaville (Victoriaville, Québec), puis, à partir de 1888, au petit séminaire de Québec, où il obtient un baccalauréat en 1896. Élève brillant, il remporte plusieurs prix, dont la médaille prince de Galles en rhétorique en 1894. Il s’inscrit ensuite à l’université Laval de Québec ; en 1899, il y reçoit une licence en droit avec grande distinction et, ex æquo avec un condisciple, la médaille d’argent du prix Tessier. Il se présente en juillet à l’examen du Barreau de la province de Québec, où il est admis le mois suivant.
La carrière juridique de Cannon est florissante. Dès 1899, il pratique le droit à Québec. Il se joint à un cabinet d’avocats qui regroupe alors plusieurs juristes et hommes politiques : Charles Fitzpatrick*, son futur beau-père, Ferdinand Roy, qui accédera à la magistrature, Simon-Napoléon Parent*, alors maire de Québec, et Louis-Alexandre Taschereau*, tous deux futurs premiers ministres de la province. Il exercera le droit jusqu’en 1927 avec différents associés, dont son fils Charles-Arthur, qui sera élu député fédéral. En 1911, il obtient le titre honorifique de conseiller du roi. Il devient, en 1923, l’un des trois membres de la commission chargée de la révision et de la refonte des statuts généraux de la province de Québec, qui présente ses résultats deux années plus tard. En 1924 et en 1925, il est élu bâtonnier du barreau de Québec. Il s’intéresse à l’Association du barreau canadien, dont il est le secrétaire honoraire en 1927.
Au cours de sa carrière, Cannon collabore à quelques procès en vue. En 1913 et en 1914, Benjamin Ortenberg l’a engagé pour participer à son action en justice contre le notaire Jacques-Édouard Plamondon*, à la suite des propos de ce dernier sur la communauté juive [V. Samuel William Jacobs]. En 1916, avec Taschereau, Cannon représente Georges-A. Vandry et des compagnies d’assurances à la Cour suprême du Canada, puis, en 1920, au comité judiciaire du Conseil privé de Londres dans la cause Quebec Railway, Light, Heat, and Power Company, Limited, c. Vandry and Others. Ce jugement fera jurisprudence au Québec durant plusieurs années et contribuera au développement de l’interprétation de l’article 1054 du Code civil du Bas-Canada concernant la responsabilité du gardien d’une chose causant un dommage. En 1925, Cannon se joint à l’équipe d’avocats qui représentent le conseil de la ville de Québec devant la commission d’enquête sur la gestion des affaires municipales, présidée par le juge Blaise-Ferdinand Letellier. L’enquête publique est mouvementée et médiatisée. De 1925 à 1927, Cannon participe à la défense de la position de la province de Québec et de la Commission du havre de Québec devant la Commission des chemins de fer pour le Canada. Cette dernière décide, en 1927, d’unifier les tarifs ferroviaires entre les différentes régions du pays pour le transport des grains d’exportation par les chemins de fer nationaux. Elle répond ainsi à leurs demandes, qui sont partagées par d’autres intervenants à travers le Canada. Cette décision encourage, entre autres choses, le transit d’une partie du commerce du blé par le port de Québec.
Parallèlement à ces activités, Cannon s’est porté candidat comme conseiller aux élections municipales de Québec en 1908. Élu comme l’un des représentants du quartier du Palais, il conserve son siège jusqu’en 1916. Il est membre de plusieurs comités municipaux, notamment celui des règlements (renommé comité de police et des règlements en 1911), dont il fait partie pendant l’ensemble de ses mandats comme conseiller. Il préside le comité des finances et joue le rôle de leader du conseil municipal de 1910 à 1916, soit durant toute l’administration du maire Napoléon Drouin. Cannon s’implique aussi dans divers projets culturels et économiques susceptibles de favoriser la capitale provinciale. Ainsi, en 1910, il se joint au comité de l’Exposition provinciale de Québec. En 1917, il en est le premier vice-président et, en l’absence du président, inaugure les festivités ; il en est le président l’année suivante.
En 1916, Cannon est devenu député provincial de la circonscription de Québec-Centre pour le Parti libéral, dirigé par le premier ministre sir Lomer Gouin*. Réélu par acclamation en 1919, il sera défait par le médecin Pierre-Vincent Faucher aux élections de 1923, à la suite d’une campagne électorale chaudement disputée. Comme député, il participe à plusieurs comités permanents, notamment à ceux des bills privés en général, des bills publics en général et du Code municipal. Il affiche parfois ses opinions et ne craint pas la controverse. Par un discours étayé de sa conception des valeurs du christianisme, il appuie, en 1916, les démarches de son frère Lucien, député provincial de la circonscription de Dorchester, pour permettre l’admission des femmes au barreau. Après la conscription, il se prononce contre l’avis de motion de Joseph-Napoléon Francœur, qui vise le retrait de la province de Québec de la Confédération [V. sir Lomer Gouin], et revendique la place prédominante de la province dans le Canada.
Quelques-uns de ses discours et de ses actes révèlent un certain intérêt pour des questions sociales. Ainsi, Cannon préconise l’amélioration des conditions salariales des employés civils et encourage le développement des écoles techniques dans toute la province. De même, il salue certaines réalisations des gouvernements Gouin et Taschereau (ce dernier étant au pouvoir depuis 1920), comme l’annonce d’un musée d’histoire naturelle à Québec en 1922. Pendant sa carrière politique, Cannon attache beaucoup d’importance au Parti libéral. Par exemple, il témoigne à quelques reprises de l’admiration et de l’émulation que lui inspire l’ancien premier ministre du Canada sir Wilfrid Laurier*.
Cannon semble avoir eu quelques adversaires politiques, notamment le conservateur Camilien-Joseph Lockwell, agent d’immeubles et conseiller municipal de Québec de 1908 à 1916. Selon l’historien Robert Rumilly*, la concurrence entre la Compagnie électrique Dorchester, soutenue par le maire Drouin et plusieurs de ses conseillers, dont Cannon, et la Quebec Railway, Light, Heat and Power Company, appuyée par Lockwell [V. sir Rodolphe Forget*], serait l’une des causes du conflit. Lockwell sera de plus un puissant appui à Faucher aux élections provinciales de 1923.
Cannon accède à la magistrature en octobre 1927, lorsqu’il est nommé à la Cour du banc du roi de la province de Québec. Son séjour y est bref. En effet, dès 1930, Cannon devient juge à la Cour suprême du Canada, en remplacement de Pierre-Basile Mignault*. Il accorde une grande importance à la loi, à la preuve, à la logique et à la rigueur de la démonstration. Sa science du droit est manifeste. Cannon connaît bien la loi et il s’intéresse à l’interprétation qui en est donnée, entre autres par la jurisprudence. Il se permet parfois d’exprimer des opinions dissidentes par rapport à celles de ses collègues.
En tant que juge, Cannon témoigne de certains intérêts qui ont marqué son cheminement. Son opinion dans le jugement Reference re Legislative Powers as to Regulation and Control of Aeronautics in Canada, tout en reconnaissant l’importance de l’adaptation du contenu de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique aux nouvelles circonstances, expose clairement son interprétation de la répartition des pouvoirs entre le fédéral et le provincial, dans le cas d’une compétence que l’acte n’a pas prévue. Cannon semble aussi conserver un intérêt pour la question sociale. Ses motifs dans le jugement Society Brand Clothes Ltd. c. Amalgamated Clothing Workers of America témoignent de l’attention qu’il porte à la réalité syndicale. Dans cette optique, Cannon perçoit un besoin de moderniser l’article 79 du Code de procédure civile de la province de Québec, qui régit la reconnaissance de la capacité d’ester en justice des entités non constituées en personne morale.
Par ordre d’âge, Cannon se trouve bientôt au troisième rang des sept juges de la Cour suprême. En 1936, le gouverneur général lord Tweedsmuir [Buchan] le nomme gouverneur général suppléant. En l’absence de ses aînés de la Cour suprême, Cannon exerce à quelques reprises la fonction d’administrateur du Canada en 1937. Récipiendaire de deux doctorats honorifiques, l’un de l’université Laval en 1927 et l’autre de l’université d’Ottawa en 1935, il a également reçu la médaille du jubilé du roi Georges V en 1935.
Cannon a manifesté des intérêts diversifiés au cours des ans. Il est notamment membre de l’Institut canadien de Québec, des Chevaliers de Colomb, de l’Alliance nationale et de clubs de golf. Il est aussi un des directeurs de l’Industrial Life Insurance Company et de la Compagnie maritime et industrielle de Lévis.
Mais la santé de Cannon se détériore. Il rédige peu de jugements pendant l’année 1939. Bien qu’il soit présent en mai, au moment de la pose de la première pierre du nouvel édifice de la Cour suprême, la maladie le retient à sa résidence durant les dernières semaines de sa vie. Cannon meurt le lundi 25 décembre. Ses imposantes funérailles ont lieu à Ottawa le 27 décembre ; sa dépouille est ensuite amenée à Québec pour un ultime hommage à la basilique Notre-Dame avant son inhumation.
Le 26 décembre, les témoignages publiés dans le Soleil au sujet de Cannon soulignent son intelligence et la qualité de son travail, son existence « digne et si régulière », et son « ambition du meilleur aloi ». Ils rappellent son érudition et son intérêt marqué pour la littérature. De même, ils louent sa profonde connaissance du droit de la province. Taschereau, ami et associé de longue date, insiste sur son affection pour sa femme et ses enfants, Charles-Arthur, avec qui il a pratiqué le droit, Edward Lawrence, homme d’affaires, Alexandre, capitaine dans l’armée, Marie-Louise, qui épousera Jules C. Notebaut, de New York, et Arthur Ernest, qui perdra la vie pendant la Deuxième Guerre mondiale.
Loyal, Lawrence Arthur Cannon a toujours témoigné de son attachement à ses proches, à sa foi, à son parti et à la ville de Québec. Ses discours politiques ont révélé un orateur non dépourvu d’habileté qui employait les termes précis. Friand de la joute verbale, Cannon pouvait aussi, à l’occasion, susciter de l’émotion. Certains de ses propos montrent son souci pour l’égalité entre les individus et entre les gouvernements fédéral et provincial. Avocat, politicien et juge à l’esprit pénétrant et parfois incisif, tenace et capable de faire preuve d’ouverture, respectueux des devoirs de ses fonctions et conscient de la réalité de son époque, Cannon a dignement servi la justice et les justiciables.
AVQ, QA1, 7/1043.— BAnQ-MCQ, CE402-S2, 29 avril 1877.— FD, Cathédrale Notre-Dame (Québec), 28 déc. 1939 ; Sainte-Agnès (Donnacona, Québec), 10 mai 1939 ; Saint-Joseph (Ottawa), 19 avril 1904.— Le Devoir, 26 déc. 1939.— La Presse, 26 déc. 1939.— Le Soleil, 23 déc. 1922, 26 janv. 1923, 29 août 1927, 26 déc. 1939.— Canada Gazette, 29 oct. 1927 : 1242 ; 25 janv. 1930 : 2671 ; 13 juin 1936 : 3044.— F.-X. Chouinard et al., la Ville de Québec : histoire municipale (4 vol., Québec, 1963–1983), 4.— L.-M. Côté et al., les Maires de la vieille capitale (Québec, 1980).— Raymond Deraspe, « le Généalogiste juriste : grand juriste d’une famille de juristes », l’Ancêtre (Québec), 33 (2006–2007) : 161–164.— François Drouin, Législature de Québec, 1867–1950 : députés et candidats selon l’ordre alphabétique (Québec, 1950).— Gazette officielle de Québec, 1909 : 1089–1090 ; 1911 : 383.— Clarence Hogue et al., Québec : un siècle d’électricité (Montréal, 1979).— J.-J. Lefebvre, « Tableau alphabétique des avocats de la province, 1868–1899 », la Rev. du Barreau de la prov. de Québec (Montréal), 22 (1962) : 346.— Québec, les Statuts refondus de la province de Québec [...] (Québec, 1925) ; Assemblée nationale, « Journal des débats » : www.assnat.qc.ca/fr/travaux-parlementaires/journaux-debats.html (consulté le 26 avr. 2017).— Quebec Railway, Light, Heat, and Power Company, Limited, c. Vandry and Others (1919–1920), Times Law Reports (Londres), 36 : 296–301.— Reference re Legislative Powers as to Regulation and Control of Aeronautics in Canada, [1930] Supreme Court Reports (Ottawa) : 663–720.— P.-G. Roy, les Juges de la prov. de Québec.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec.— Six années d’administration : son honneur Napoléon Drouin, maire de Québec, 1er mars 1910–1er mars 1916 (Québec, 1916).— Society Brand Clothes Ltd. c. Amalgamated Clothing Workers of America, [1931] Supreme Court Reports (Ottawa) : 321–330.— Univ. Laval, Annuaire, 1896–1897 ; 1899–1900.— Marc Vallières et al., Histoire de Québec et de sa région (3 vol., Québec, 2008).— Ville de Québec, Trésorier de la cité, Rapport annuel (1907–1908).— Who’s who in Canada, 1938–1939.
Jacinthe Plamondon, « CANNON, LAWRENCE ARTHUR (baptisé Laurent Arthur Dumoulin) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/cannon_lawrence_arthur_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/cannon_lawrence_arthur_16F.html |
Auteur de l'article: | Jacinthe Plamondon |
Titre de l'article: | CANNON, LAWRENCE ARTHUR (baptisé Laurent Arthur Dumoulin) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |