TASCHEREAU, sir HENRI-THOMAS, avocat, journaliste, homme politique et juge, né le 6 octobre 1841 à Québec, fils de Jean-Thomas Taschereau*, avocat, et de Louise-Adèle Dionne ; le 22 juin 1864, il épousa à Princeville, Bas-Canada, Séverine Pacaud, fille d’Édouard-Louis Pacaud*, et ils eurent dix enfants, puis le 15 avril 1885 à Montréal Coralie Globensky, veuve d’Henri Masson ; décédé le 11 octobre 1909 à Montmorency, France.
Henri-Thomas Taschereau étudia au petit séminaire de Québec de 1851 à 1859, puis entra à l’université Laval où il obtint un baccalauréat en droit en 1862. Un essai d’éloquence qu’il écrivit sur la bibliothèque d’Alexandrie lui valut plusieurs honneurs et fut longtemps cité, selon Pierre-Georges Roy*, comme l’une des meilleures compositions littéraires des divers concours de l’université depuis sa fondation. Il fut admis au Barreau du Bas-Canada le 5 janvier 1863.
Taschereau exerça sa profession à Québec. Issu d’une famille bien en vue dans la magistrature – son père était alors juge suppléant à la Cour supérieure –, il ne tarda pas à se bâtir une clientèle importante. Il s’associa en 1864 à Didier Montambault puis, vers 1874, à Taschereau Fortier. Parallèlement, il s’intéressa à la politique. Déjà, en mars 1862, dans le but de remédier à ce qu’il considérait comme une lacune des journaux canadiens-français, il avait entrepris la publication du journal les Débats, où il cherchait à « rendre en toute fidélité et en toute objectivité les débats de la chambre ». Toutefois, après une session, le journal cessa de paraître en juin. Sa disparition n’était sans doute pas étrangère au fait que les députés payaient déjà 300 £ au Journal de Québec pour la reconstitution des débats. Aux élections de 1863, Taschereau se présenta comme candidat libéral contre Hector-Louis Langevin dans la circonscription de Dorchester. Après une campagne marquée par l’intimidation et la corruption – les conservateurs reprocheraient à Taschereau d’avoir amené à Sainte-Claire et à Saint-Isidore des partisans qui provoquèrent la violence chez les cultivateurs –, il connut la défaite. Devenu l’un des rédacteurs de la Tribune, organe du gouvernement de John Sandfield Macdonald* et d’Antoine-Aimé Dorion*, il préféra ne pas se représenter contre Langevin en 1864.
De 1871 à 1873, Taschereau fit partie du conseil municipal de Québec à titre de représentant du quartier Saint-Louis. Il contribua, notamment, à relancer le projet du chemin de fer de la rive nord, dont il était l’un des administrateurs. Avec Joseph-Édouard Cauchon*, président de la compagnie, il parcourut les comtés de Champlain, de Joliette, de Berthier et de L’Assomption pour obtenir des subventions ; la ville de Québec promit elle-même 1 000 000 S. Entre-temps, aux élections générales de 1872, Taschereau avait tenté sa chance sur la scène fédérale dans la circonscription rurale de Montmagny et l’avait emporté sans difficulté contre Joseph-Octave Beaubien*. Il fut réélu sans concurrent aux élections générales de 1874. À la Chambre des communes, Taschereau prit une part active aux discussions qui entouraient la création de la Cour suprême. Prétextant le caractère unique du code de procédure civile français, il présenta une motion dans le but de limiter la juridiction de ce tribunal aux causes qui relevaient de la loi fédérale, mais sa proposition fut repoussée par 118 voix en 1875 [V. Télesphore Fournier*].
Sa réputation de juriste lui valut d’être nommé, à 37 ans, juge à la Cour supérieure de la province de Québec. Il travailla successivement dans les districts de Kamouraska (1878), de Joliette (1886) et de Terrebonne (1887) ; la loi stipulait qu’à titre de juge du district de Terrebonne, il devait résider à Montréal, aussi s’y installa-t-il dès 1887. Il allait être appelé à présider des causes importantes, notamment celles de Cordélia Viau et de Samuel Parslow en 1898. Les procès des deux inculpés, accusés du meurtre du mari de Cordélia Viau, eurent un grand retentissement dans la province et soulevèrent bien des passions. Après que le jury eut reconnu Cordélia Viau coupable le 2 février, Taschereau attendit pour prononcer la sentence que la Cour d’appel eût décidé des questions de droit réservées durant le procès. Le 7 juin, la cour cassait le verdict de culpabilité et ordonnait la tenue d’un autre procès. Le juge Taschereau présida à nouveau ce procès ainsi que celui de Parslow. Les deux accusés furent reconnus coupables, et Taschereau les condamna à être pendus le 10 mars 1899.
En 1901, le gouvernement fédéral institua une commission royale d’enquête sur l’existence d’un monopole parmi les fabricants et marchands de papier au Canada, et en nomma Taschereau commissaire. Dans son rapport au secrétaire d’État l’année suivante, il démontra l’existence d’une association des fabricants de papier au Canada, regroupant 26 compagnies, qui avaient influencé les prix « alors courants en Canada d’au moins vingt-cinq centins par cent livres sur le papier journal en feuilles et en rouleaux ». Quatre ans plus tard, Taschereau fut appelé à présider une autre enquête, cette fois sur la police de Montréal et le problème de la prostitution. Dans son rapport au conseil municipal, il analyse les mœurs sociales de son époque et cite André Gide qui constate que les maisons de « rapport » sont plus répandues que les maisons de jeu et les débits de boisson. Il dénonce la tolérance dont font preuve les policiers et se prononce en faveur de la suppression des maisons de prostitution.
La compétence d’Henri-Thomas Taschereau dans le domaine juridique devait être pleinement reconnue en 1907 avec sa nomination à titre de juge en chef de la province de Québec, en remplacement de sir Alexandre Lacoste*. L’année suivante, il était fait chevalier par le roi Édouard VII. Il ne devait toutefois pas exercer longtemps ses nouvelles fonctions, puisqu’il mourut le 11 octobre 1909.
Henri-Thomas Taschereau est l’auteur de : Affaire Cordélia Viau (meurtre de St-Canut) ; résumé du juge Taschereau, pour les jurés, avant le verdict ; le 2 février 1898, à Ste-Scholastique, P.Q. (s.l., [1898 ?]) ; Report of Hon. Justice Taschereau on the police investigation, Montreal, and its results (Montréal, 1905) ; The social evil : toleration condemned ; report (second part) of the Hon. Justice Taschereau, to the City Council of Montreal, Feb. 18, 1905, introd. de D. C. L. Weir ([Montréal], 1909).
ANQ-M, CE1-33, 15 avril 1885.— ANQ-MBF, CE2-4, 22 juin 1864.— ANQ-Q, CE1-1, 7 oct. 1841 ; E53/96.—Les Débats (Québec), 22 mars 1862.— Le Soleil, 12 oct. 1909.— Aux électeurs du comté de Montmagny ([Montmagny, Québec, 1872 ?]).— Pauline Cadieux, Cordélia ; ou, la Lampe dans la fenêtre (Montréal, 1979).— Canada, Parl., Doc. de la session, 1902, n° 53.— L.-O. David, Souvenirs et Biographies, 1870–1910 (Montréal, 1911), 33.— Désilets, Hector-Louis Langevin, 119.— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 2.— Jean et Marcel Hamelin, les Mœurs électorales dans le Québec de 1791 à nos jours (Montréal, 1962), 69.— In the Exchequer Court of Canada ; petition of right ; Sir N. F. Belleau et al. vs the Queen ; Henri T. Taschereau, attorney and counsel for suppliants (s.l., s.d.).— Le Jeune, Dictionnaire.— Andrée Lévesque, « Éteindre le Red Light : les réformateurs et la prostitution à Montréal entre 1865 et 1925 », Rev. d’hist. urbaine (Toronto), 17 (1988–1989) : 191–201.— P.-G. Roy, la Famille Taschereau (Lévis, Québec, 1901), 154.— Rumilly, Hist. de la prov. de Québec, 2 ; 14.
Yves Hébert, « TASCHEREAU, sir HENRI-THOMAS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/taschereau_henri_thomas_13F.html.
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Auteur de l'article: | Yves Hébert |
Titre de l'article: | TASCHEREAU, sir HENRI-THOMAS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1994 |
Année de la révision: | 1994 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |