JOHNSTON (Johnstone), JAMES, négociant, né vers 1724, probablement à Stromness, dans les Orcades, Écosse, décédé à Québec, le 8 avril 1800.
James Johnston, dont les origines et la carrière précanadienne nous sont inconnues, arrive à Québec à ou peu après la Conquête, vraisemblablement pour s’y établir comme négociant. Le 22 juin 1761, il loue, à raison de 1 000# par année, une maison située rue des Pauvres, avec l’assurance, si la colonie demeure possession britannique, de pouvoir s’en porter acquéreur pour la somme de 12 000#, dont 3 000# en espèces et le reste en lettres de change sur Londres. Quoique presbytérien, il appose sa signature, deux mois plus tard, à une pétition demandant que John Brooke, aumônier anglican de la garnison, soit nommé missionnaire à Québec. Le 22 juillet 1762, Johnston s’associe à un autre marchand écossais, John Purss*, avec lequel il entretiendra, jusqu’à sa mort, de solides relations d’affaires et d’amitié.
En tant que membre de la communauté marchande britannique de la nouvelle colonie, Johnston participe aux revendications politiques de ce groupe. En 1764, il est nommé président du premier jury d’accusation par un adversaire du gouverneur Murray, Williams Conyngham, qui réussit à persuader le fonctionnaire responsable des nominations de lui confier cette tâche. Les 14 membres britanniques choisis faisaient partie, d’après le procureur général, George Suckling, « des mécontents qui n’avaient pas été nommés magistrats et de quelques autres que leur peu d’intelligence et leur situation économique prédisposaient à être manipulés » par Conyngham. Johnston lui-même avait été frustré par le gouverneur dans sa tentative d’obtenir une part du domaine public. Le jury, composé en majorité de marchands britanniques, s’oppose à l’ordonnance du 17 septembre 1764, jugée susceptible de rendre le système judiciaire onéreux, complexe, oppressif, voire même inconstitutionnel, en permettant aux catholiques d’agir comme jurés et avocats dans les causes civiles. Lors de ses assises du 16 octobre 1764, le jury d’accusation procède, en outre, à une dénonciation virulente de la politique économique et sociale du gouverneur Murray. La même année, une pétition des commerçants de Québec réclame le rappel du gouverneur, et Johnston compte parmi les signataires. Même si Guy Carleton* considère que Johnston « s’est ligué contre monsieur Murray avec trop de vigueur », il le recommande, en 1768, à lord Shelburne, secrétaire d’État pour le département du Sud, pour occuper un poste vacant au Conseil de Québec, le décrivant comme « un homme d’une excellente compréhension et très convenable ». Bien que réitérée l’année suivante, cette recommandation n’eut pas de suite.
En 1767, Johnston, probablement au nom de la société Johnston et Purss, et huit autres actionnaires prennent à bail les forges du Saint-Maurice ; toutefois, les deux Écossais se départissent de leurs actions en faveur de Christophe Pélissier avant 1771. Depuis 1770 au moins, la maison Johnston et Purss exerce ses activités commerciales à partir d’un emplacement loué à même le quai du Roi, contigu nu Cul-de-Sac, dans la basse ville de Québec. Les deux associés entretiennent de bonnes relations personnelles avec certains autres marchands de Québec dont George Allsopp*, Jacob Jordan et Adam Lymburner*. De plus, John Johnston, l’un des frères de James, les représente à Londres et l’un de ses jeunes parents, David Geddes, aux Antilles à partir de 1772. Au cours des années 1780, tout au moins, Johnston et Purss s’occupent du commerce du blé ; mais une préparation nommée « essence d’épinette pour faire de la bière », dont ils attribuent la découverte à Henry Taylor, beau-frère de James Johnston et propriétaire d’une distillerie à Québec, semble constituer une part importante de leur commerce avec New York et les Antilles.
À partir de 1784, Johnston, à l’instar de la plupart des marchands britanniques réduits au silence pendant la Révolution américaine, revient à la charge contre le système judiciaire et revendique de nouveau une réglementation plus propice au commerce. Ainsi, en novembre, il signe une pétition à cet effet dans laquelle on réclame également une nouvelle constitution. Il soutient aussi le lieutenant-gouverneur Henry Hamilton, favorable aux revendications des marchands, quand celui-ci est rappelé en Angleterre pour avoir accordé, en 1785, le bail des postes du roi à un groupe de ses partisans. Deux ans plus tard, il appuie la position du juge en chef William Smith visant à angliciser le système judiciaire. De plus, Johnston fait partie du groupe de marchands qui, en 1789, assurent leur soutien au procureur général James Monk* – porte-parole de ces derniers qui protestent contre l’administration de la justice – destitué pour avoir mis en doute la compétence des juges.
Vers la fin des années 1780, Johnston reçoit des preuves tangibles de l’estime qu’il a méritée de la part de ses concitoyens. En 1787, dans une ordonnance prévoyant la construction de prisons et autres édifices publics, lord Dorchester [Carleton] le nomme parmi les commissaires chargés d’en établir les plans et les coûts, d’octroyer les contrats de vente de terrains ainsi que d’assurer la perception des taxes nécessaires à leur réalisation. Cependant, Johnston ne remplit pas cette fonction, puisque cette ordonnance, dont l’application avait été liée par le gouverneur à l’approbation des autorités britanniques, n’entra jamais en vigueur. Toujours en 1787, il devient, à l’âge de 63 ans, capitaine d’artillerie dans la milice britannique de la cité et banlieue de Québec, poste qu’il occupe jusqu’en 1794, année au cours de laquelle il est promu lieutenant-colonel. Par contre, à la même époque, la société Johnston et Purss paraît avoir connu une prospérité toute relative. Quoiqu’en 1800 elle accuse un déficit d’exercice de £756, elle possède des biens immobiliers évalués à £5 252 comprenant cinq maisons, dont celle de Johnston, dix hangars, deux quais ainsi qu’un lopin de terre de deux emplacements acquis en 1782 dans la paroisse de Beauport.
À l’automne de 1783, Johnston avait épousé une jeune Écossaise, Margaret Macnider, sœur des marchands Mathew et John Macnider de Québec. Deux enfants naissent de cette union, John Purss et Ann. Imbu de l’esprit de famille, Johnston maintient des liens étroits avec sa parenté restée dans les Orcades. Par ailleurs, en tant que curateur de ses neveux John et Henry Taylor, de Québec, il envoie l’aîné en Angleterre à partir de 1779, afin de lui assurer « la meilleure éducation qui soit en Angleterre (quel qu’en puisse être le prix) pour en faire un homme honnête et un distillateur accompli ». Dans ce but, le jeune homme doit étudier le français, l’anglais, l’arithmétique, la tenue des livres, la géométrie, la trigonométrie, les sciences naturelles et la chimie, mais il « ne doit pas gaspiller son temps à apprendre le latin ou toute autre langue inutile en affaires ». Henry suit son frère en 1783.
En novembre 1798, James Johnston rédige son testament ; il meurt à Québec, dans sa maison de la rue Champlain, le 8 avril 1800. Avec son décès, la société Johnston et Purss se trouve dissoute et les biens immobiliers de cette société sont divisés par tirage au sort entre, d’une part, sa veuve et ses enfants mineurs et, d’autre part, son ancien associé.
ANQ-Q, Greffe de M.-A. Berthelot d’Artigny, 17 août 1782 ; Greffe d’Alexandre Dumas, 2 août 1794, 9 sept. 1795 ; Greffe de J.-C. Panet, 22 juin 1761 ; Greffe de J.-A. Saillant, 4 avril 1771 ; Greffe de Charles Stewart, 17 juin 1793, 4 juin 1798 ; Greffe de Charles Voyer, 12, 16 mai, 8, 10 juin, 23 août 1800.— APC, MG 11, [CO 421 Q, 2, pp.233–249 ; 29, pp.534–539, 870–872 ; MG 23, GII, 19, 2, p.10 ; RG 4, A1, 6 053–6 058.— Archives civiles, Québec, Testament olographe de James Johnston, 17 nov. 1798 (V. P.-G. Roy, Inv. testaments, III : 64).— Orkney Archives, Orkney Library (Kirkwall, Écosse), D 15/1/3 : 3/1–3 ; 3/6 ; 3/10–11.— PRO, CO 42/28, ff.155–156 :42/29, f.31 ; 42/115, f.13.— USPG, C/CAN/Que, I, 29 août 1761.— APC Rapport. 1914–1915, app.C, 205–207.— Les dénombrements de Québec faits en 1792, 1795, 1798 et 1805 par le curé Joseph-Octave Plessis, ANQ Rapport, 1948–1949, 78, 80, 128, 131.— Doc. relatifs h l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921), I : 187–191, 202–205.— La Gazette de Québec, 22 nov., 27 déc. 1764, 29 sept. 1766, 17 déc. 1767, 3 nov. 1785, 5, 26 juill. 1787, 11 déc. 1788, 12 nov. 1789, 28 oct. 1790, 28 avril, 16 juin, 18 août 1791, 28 nov. 1793, 13 févr., 3, 10, 24 juill., 23 oct. 1794, 11 juin 1795, 29 juin 1797, 16 juill. 1799, 10 avril 1800, 14 mai 1801, 5, 26 mai 1803.— Burt, Old prov. of Que. (1968), I : 99s.— Neatby, Administration of,justice under Quebec Act, 344 ; Quebec, 37s.
André Bérubé, « JOHNSTON, JAMES (mort en 1800) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/johnston_james_1800_4F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/johnston_james_1800_4F.html |
Auteur de l'article: | André Bérubé |
Titre de l'article: | JOHNSTON, JAMES (mort en 1800) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1980 |
Année de la révision: | 1980 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |