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FAUTEUX, ÆGIDIUS (baptisé Oscar-Egidius), journaliste, rédacteur en chef, bibliothécaire, historien et professeur, né le 27 septembre 1876 dans la paroisse Saint-Joseph, Montréal, fils d’Hercule Fauteux, menuisier, et d’Exilda Dagenais ; le 27 février 1911, il épousa dans la paroisse Saint-Pierre-Apôtre, Montréal, Antonia Chevrier (décédée le 13 mai 1927), et ils adoptèrent une fille, Marie-Laure Fauteux ; décédé le 22 avril 1941 à Montréal et inhumé quatre jours plus tard au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, dans la même ville.
Après avoir fréquenté l’école primaire de Sainte-Cunégonde (Montréal), Ægidius Fauteux poursuit des études classiques chez les sulpiciens au petit séminaire de Montréal (1887–1893), puis au séminaire de philosophie (1893–1895), où il obtient son baccalauréat ès arts de l’université Laval de Montréal. Il s’engage dans une formation en théologie au grand séminaire de Montréal qui, en 1898, lui décerne une licence. Toutefois, convaincu qu’il n’a pas la vocation, il n’accède pas à la prêtrise. Il entreprend alors des études à la faculté de droit de l’université Laval (1899–1903). Reçu avocat, il est admis au Barreau de la province de Québec le 10 juillet 1903. Cependant, il ne désire pas faire carrière dans le domaine juridique et ne plaidera jamais.
Pendant sa scolarité, Fauteux a remporté le premier prix du concours de littérature française de l’université en 1900 et en 1901. Il préside le Cercle Ville-Marie [V. Ignace Bourget*], patronné par la Compagnie de Saint-Sulpice, en 1901–1902 (après y avoir occupé d’autres responsabilités de 1897 à 1902). Il prononce de plus quelques conférences, notamment sur de notables journalistes parisiens du moment, Paul Granier de Cassagnac, Édouard Drumont et Henri Rochefort, en décembre 1900, sur le Canada français et les écrivains étrangers en décembre 1901, et sur Émile Zola, ses influences littéraires et sociales en octobre 1902. En octobre 1907, il donne une conférence sur la condition de la femme. Il se signale ainsi à l’attention de ses anciens maîtres sulpiciens du Cercle Ville-Marie, tribune culturelle montréalaise importante au tournant du siècle.
Avant la fin de ses études, Fauteux s’est également intéressé au journalisme. Il écrit ses premiers articles dès 1900 dans la Patrie de Montréal, où, le 21 décembre 1901, sous le pseudonyme de M. France, il publie un plaidoyer sur la nécessité d’établir une bibliothèque publique à Montréal. Dans ce texte, il rappelle le rêve de Jean-Charles-Emmanuel Nodier, bibliothécaire de l’Arsenal à Paris, concernant une riche bibliothèque de Bagdad dans laquelle le calife ʽabbāsside Hārūn al-Rachīd et son vizir barkamide Yahyā lui répètent : « Tous ces livres sont à toi ! » En 1902, il fonde le Rappel, hebdomadaire montréalais de quatre pages, avec de jeunes amis conservateurs, dont Arthur Sauvé et Joseph-Édouard-Émile Léonard. Dans ce périodique, les auteurs expriment leur opposition à l’impérialisme britannique, que les dirigeants du Parti conservateur soutiennent. Ce journal survit moins de deux ans, soit du 14 septembre 1902 au 12 juin 1904.
Joseph-Israël Tarte* recrute Fauteux en 1905 comme courriériste parlementaire de son quotidien la Patrie à l’Assemblée législative de la province de Québec. Fauteux demeurera à ce poste pendant quatre ans. Il développe des amitiés, notamment avec Thomas Chapais et Olivar Asselin*. En 1908, il publie Dix ans de régime libéral, le gouvernement Gouin : ses faiblesses, ses abus, ses scandales. Dans ce texte partisan bien documenté de 80 pages, il fait, à l’approche des élections provinciales de 1908, le procès des dix années de pouvoir de l’administration libérale et passe au crible tous les actes du gouvernement. L’année suivante, il devient rédacteur en chef du quotidien montréalais la Presse, dont le tirage atteint plus de 100 000 exemplaires par jour. Ce journal populaire, qui a fait preuve d’une certaine neutralité jusqu’aux élections fédérales de 1900, appuie dorénavant le Parti libéral du premier ministre fédéral sir Wilfrid Laurier* [V. Sir Wilfrid Laurier]. Conservateur dans l’âme, Fauteux peut passer outre à ses convictions politiques dans le cadre de son travail. Il possède alors une riche expérience journalistique et soutient des combats contre des quotidiens opposés ou rivaux, dont le Devoir fondé en 1910 [V. Henri Bourassa*]. Ces années à ce poste de rédacteur en chef l’épuisent.
Avec un certain soulagement et un grand plaisir, Fauteux accepte, en décembre 1912, la direction de la bibliothèque que les sulpiciens veulent construire rue Saint-Denis, en plein quartier latin. Bien que le monde des livres et des bibliothèques soit désormais le sien, Fauteux ne délaissera pas complètement le journalisme et continuera à écrire toute sa vie. Les sulpiciens donnent à Fauteux le mandat explicite d’enrichir les collections de leur Cabinet de lecture paroissial et d’amener la nouvelle institution, la Bibliothèque Saint-Sulpice, à devenir le meilleur centre de documentation de l’Amérique francophone. Ils lui fournissent les moyens financiers nécessaires.
Fauteux fait appel à ses relations tissées avec des ministres, des députés et des fonctionnaires pendant qu’il pratiquait le journalisme parlementaire. En 1913, il visite de grandes bibliothèques américaines, comme la Washington Public Library, la Library of Congress et la New York Public Library. À Washington, il prend notamment contact avec le U.S. Government Printing Office, la Smithsonian Institution et l’American Historical Association. Sur recommandation du bibliothécaire en chef de la District of Columbia Public Library, George Franklin Bowerman, qui l’appuie dans ses démarches pour obtenir des documents américains, Fauteux profite de son séjour pour devenir membre de l’American Library Association. Du 26 septembre 1913 au 12 janvier 1914, il fait ensuite un long voyage en Europe, principalement en France, pour acquérir des volumes qui garniront les rayons de la bibliothèque sulpicienne en vue de son ouverture au public en 1915. À Paris, il visite la Bibliothèque nationale, la Bibliothèque de l’université de Paris à la Sorbonne, la Bibliothèque de l’Institut de France, la Bibliothèque de l’Arsenal et la Bibliothèque d’art et d’archéologie. Il fait la connaissance de la plupart des grands éditeurs du quartier latin. Il noue des relations profitables et durables avec les libraires-éditeurs Honoré Champion et Auguste Picard, qui dominent alors l’édition savante à Paris. Au cours de son séjour, Fauteux achète environ 50 000 volumes. Il y retournera en 1923 pour rencontrer de nouveau les éditeurs, passer des commandes substantielles, et effectuer des recherches historiques aux Archives nationales et aux Archives de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice.
Fortement influencé par les méthodes de gestion des bibliothèques aux États-Unis, Fauteux suit de près le développement de la bibliothéconomie dans ce pays et s’abonne aux publications de l’American Library Association. Il adopte la classification décimale de Dewey et les règles de catalogage en usage aux États-Unis.
À ses collections, Fauteux intègre également les ouvrages de la bibliothèque paroissiale de Notre-Dame, ainsi que des volumes provenant d’autres institutions sulpiciennes, comme les grand et petit séminaires de Montréal. Il ne néglige pas le fonds canadien. Il effectue des commandes importantes à Montréal, particulièrement chez les libraires Gonzague Ducharme et Gérard Malchelosse*. Pour l’achat de collections particulières, il profite de l’expertise de Ducharme et de l’archiviste Édouard-Zotique Massicotte. Il acquiert la riche collection du juge Louis-Wilfrid Sicotte, une portion de la bibliothèque de l’homme politique Louis-Joseph Papineau*, celle de l’artiste Napoléon Bourassa*, des manuscrits de l’imprimeur John Neilson*, de même que 600 incunables canadiens appartenant à l’abbé Nazaire Dubois, bibliophile montréalais.
À partir du début des années 1920, Fauteux fait de la promotion des livres canadiens une priorité. Dans le cadre de la Semaine du livre canadien, inaugurée en 1921 et qui se tient dans de nombreuses librairies et bibliothèques, dont celle de Saint-Sulpice, il crée un programme de dépôt volontaire. Des éditeurs et des imprimeurs de la province de Québec lui donnent des livres à exposer ; ceux-ci enrichissent ensuite les collections de la Bibliothèque Saint-Sulpice. Cette initiative permet à Fauteux de resserrer les liens entre le monde du livre et son institution. La liste des volumes présentés, préparée par Fauteux, figure, entre 1923 et 1930, dans la section française du Canadian catalogue of books published in Canada, ce qui contribue à la connaissance et à la diffusion des livres parus au Québec.
En raison de graves problèmes financiers apparus vers 1925 et amplifiés par la crise économique, la Bibliothèque Saint-Sulpice ferme ses portes au grand public en 1931. Cette situation affecte profondément Fauteux, car l’institution représente l’œuvre de sa vie. L’année suivante, il devient conservateur de la Bibliothèque municipale de Montréal, qu’il dirigera jusqu’à sa mort. Il y assure la continuité des services qu’une bibliothèque publique doit offrir à ses citoyens, bien qu’une bibliothèque d’étude et de recherche, comme celle de Saint-Sulpice, corresponde davantage à sa vision.
Malgré sa nature réservée, Fauteux s’engage dans nombre d’organisations importantes tout au long de sa carrière. Il a été un membre actif de plusieurs associations et sociétés savantes, comme la Société de numismatique et d’archéologie de Montréal et la Commission des lieux et monuments historiques du Canada. Élu à la Société royale du Canada en 1918, il devient le président de la section française en 1927–1928. Il préside, de 1928 jusqu’à sa mort, la Société historique de Montréal. Membre fondateur de la Société des Dix en 1935, il collabore assidûment à ses Cahiers des Dix, publiés annuellement et qu’il édite. Le gouvernement français lui donne le titre d’« officier d’académie » en 1930. La Société royale du Canada lui remet, en 1937, la médaille J. B. Tyrrell en histoire. Avec ses amis, les archivistes Pierre-Georges Roy* et Massicotte, et le notaire Victor Morin, Fauteux peut être considéré comme l’un des animateurs de la vie culturelle au Québec durant la première moitié du xxe siècle.
Fauteux se préoccupe également de la formation des bibliothécaires au Québec. En 1932, il a donné des cours de bibliothéconomie en français à la McGill University. En 1937, avec la bibliothécaire Marie-Claire Daveluy* et le père Paul-Aimé Martin*, il fonde l’École des bibliothécaires, affiliée à l’université de Montréal, où il occupe le poste de directeur des études jusqu’à sa mort. Son ami Mgr Olivier Maurault*, recteur de l’université, lui décerne en 1936 un doctorat honoris causa en lettres, pour souligner sa contribution à la bibliothéconomie au Québec et son œuvre historique. La distinction vise de plus à le remercier d’avoir reçu les étudiants à la Bibliothèque Saint-Sulpice après l’incendie de l’édifice principal de l’université en 1919.
Fauteux est également un historien prolifique et respecté. Les historiens Pierre Savard et Pierre de Grandpré écriront qu’il « s’est imposé à sa génération comme le chercheur le mieux informé sur la grande et la petite histoire ». À la mort de Fauteux en 1941, Mgr Maurault fait état de sa production : six volumes d’histoire, six bibliographies, une dizaine d’éditions critiques, de nombreuses contributions à des recueils, à des périodiques et à des journaux, ainsi que plusieurs conférences. En 1916, Fauteux a publié à Montréal les Bibliothèques canadiennes : étude historique. The introduction of printing into Canada constitue son apport le plus marquant dans le domaine de l’histoire culturelle ; publié à Montréal en 1929 par la Compagnie de papier Rolland [V. Jean-Baptiste Rolland*], le livre paraîtra en français au même endroit en 1957 sous le titre l’Introduction de l’imprimerie au Canada : une brève histoire. Fauteux a publié en 1917 à Montréal la Famille d’Aillebout : étude généalogique et historique. D’autres volumes consacrés au Régime français et parus à Montréal suivent, notamment le Duel au Canada en 1934 et les Chevaliers de Saint-Louis en Canada en 1940, écrit pour lequel la Société historique de Montréal lui décerne une médaille qui souligne à la fois la meilleure étude historique de l’année et l’ensemble de l’œuvre de l’auteur. Un ouvrage publié à titre posthume à Montréal en 1950, Patriotes de 1837–1838, contribue considérablement à la connaissance des personnes liées à ces événements.
En 1922, Fauteux a publié à Montréal une Bibliographie de la question universitaire Laval-Montréal (1852–1921), recensement des documents relatifs à la saga qui a occupé près de trois quarts de siècle de l’histoire montréalaise. Parmi ses éditions critiques figurent : Journal du siège de Québec du 10 mai au 18 septembre 1759 (Québec, 1922), Mémoire sur les postes du Canada de Charles de Raymond (Québec, 1929) et Journal de MM. Baby, Taschereau et Williams, 1776 (Québec, 1929). Fauteux a de plus collaboré à l’édition critique des Annales de l’Hôtel-Dieu de Montréal de sœur Marie Morin* (Montréal, 1921). Il participe régulièrement au Bulletin des recherches historiques, publié à Lévis par son ami Pierre-Georges Roy. Il tient des chroniques d’histoire dans la Patrie, avec « les Carnets d’un curieux » en 1933 et en 1934, et « le Courrier historique et littéraire de la “Patrie” », de novembre 1935 à octobre 1936.
En mars 1941, Fauteux, qui souffre de problèmes coronariens, est hospitalisé à la clinique Mayo de Rochester, au Minnesota, pour y subir des examens. De retour à Montréal, affaibli, il contracte une pleuropneumonie. Il meurt à l’hôpital Saint-Luc le 22 avril, à l’âge de 64 ans.
Ægidius Fauteux a fait de la Bibliothèque Saint-Sulpice une institution culturelle de premier plan à Montréal. Il l’a inscrite pleinement dans le monde des études en y recevant les étudiants de l’université de Montréal, de même que les chercheurs universitaires et amateurs, tout en tenant compte des besoins en lecture publique. Grand bibliothécaire, constamment à l’affût des nouvelles techniques, Fauteux a dirigé la Bibliothèque Saint-Sulpice et la Bibliothèque municipale dans une optique de service public. Ses contemporains le percevaient comme un érudit au service de ses concitoyens et des chercheurs. Le gouvernement provincial a acquis la Bibliothèque Saint-Sulpice en 1941, dont la collection a représenté le premier fonds documentaire de la Bibliothèque nationale du Québec, créée en 1967. On a transféré une partie des documents à la Grande Bibliothèque, dont l’exposition inaugurale, en avril 2005, rappelait le rêve évoqué par Fauteux : « Tous ces livres sont à toi ! »
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Marcel Lajeunesse, « FAUTEUX, ÆGIDIUS (baptisé Oscar-Egidius) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 17, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fauteux_aegidius_17F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fauteux_aegidius_17F.html |
Auteur de l'article: | Marcel Lajeunesse |
Titre de l'article: | FAUTEUX, ÆGIDIUS (baptisé Oscar-Egidius) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 17 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2022 |
Année de la révision: | 2022 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |