BELL, JOSHUA, fabricant et marchand de chaussures, né vers 1812 en Irlande et décédé à sa résidence d’Hochelaga (Montréal), le 24 décembre 1863.

Joshua Bell, tout comme son frère Thomas, émigre au Canada avec son père, Alexander, cordonnier de son métier, probablement entre 1815 et 1825. Il faisait partie d’une famille de neuf enfants ; il épouse à une date inconnue la fille du révérend John Hutchinson. Son épouse décédée avant 1861 ne lui a pas laissé de descendant.

Joshua Bell est connu surtout par la notice que lui consacre Ægidius Fauteux* dans son ouvrage intitulé Patriotes de 1837–1838. L’auteur déclare que Bell, âgé de 44 ans, participa à la rébellion et s’exila aux États-Unis, puis revint à Montréal « avant la proclamation de l’amnistie générale, car, en 1845 il prend, avec son frère Thomas, la direction de la maison de commerce fondée en 1824 par leur père Alexander ». Or il semble bien qu’il y ait eu deux Joshua Bell, tous deux cordonniers, et que le Joshua Bell qui prit part au soulèvement n’a aucun lien avec la fabrique de chaussures J. & T. Bell Boot and Shoe Manufacturers.

Un individu de ce nom décédé en 1863 à l’âge de 51 ans est bien un des associés de cette maison. Sur ce point, le testament de Joshua Bell en 1861 est assez explicite : les deux frères sont dits « Boot and Shoe Merchant ». De plus on trouve au recensement de 1861, la maisonnée de Joshua Bell, composée de lui-même, 48 ans, né en Irlande, de ses frères Thomas, 46 ans, et Samuel, 30 ans, de sa sœur et de ses deux fils, d’une nièce, et de ce qui semble être une domestique. À l’exception de cette dernière, catholique, tous donnent comme religion le méthodisme wesleyen. Les trois frères déclarent travailler dans le secteur de la chaussure. Le recensement de 1842 fait mention d’un Joshua Bell, cordonnier natif d’Irlande, dont l’âge se situe, au moment du dénombrement, entre 21 et 30 ans, marié et de religion méthodiste. Jusqu’ici tout concorde.

Par contre le recensement de 1831 fait état d’un Joshua Bell, cordonnier, âgé de 30 à 60 ans, dont la maisonnée compte 12 personnes, de foi baptiste. De même dans le recensement de 1825, on trouve un Joshua Bell, marié, âgé de 25 à 40 ans, dont la maisonnée compte 10 personnes. En 1831 comme en 1825, il ne peut s’agir de Joshua Bell, fabricant, qui n’avait pas atteint alors sa dixième année. Ce serait plutôt le Joshua Bell dont parle. Fauteux et qui avait 44 ans au moment de la rébellion. De plus nous avons retrouvé une série d’actes, entre 1822 et 1834, concernant une maison sise rue Saint-Paul, louée à l’origine par Joshua Bell qui s’identifie d’abord comme cordonnier, puis dans les derniers actes comme marchand de cuir.

Manifestement, il ne s’agit pas du même individu ; d’ailleurs Fauteux cite une lettre de Joshua Bell en 1838 dans laquelle celui-ci fait part à Ludger Duvernay* de son intention de partir pour l’Ouest des États-Unis et de l’éventualité « qu’il n’en revienne pas ». Ce Joshua Bell pourrait bien n’être jamais revenu.

Sur le plan professionnel, nous retrouvons l’autre Joshua Bell à son compte en 1842 en qualité de fabricant de chaussures. Le premier bottin montréalais de 18421843 porte l’inscription suivante : « Bell, Joshua, Boots and Shoes, 209 St. Paul Street ». Deux ans plus tard, dans la même publication, nous apprenons qu’il possède aussi un stock de chaussures importées et qu’il dispose d’un salon d’essayage particulier, réservé à sa clientèle féminine.

En 18471848, nous trouvons la maison Bell, Joshua & Thomas, fabricants de chaussures, sur la rue Notre-Dame. L’association des deux frères daterait de l’année 1845. Toutefois nous ne pouvons souscrire à l’idée que Joshua et Thomas prenaient, à cette date, la relève de leur père Alexander, qui aurait fondé la maison en 1824 pour les uns, voire même en 1819 pour un autre. D’une part, Joshua possédait son commerce avant 1845 et, d’autre part, nous n’avons rien retracé d’une fabrique de chaussures propriété d’un Alexander Bell ; tout au plus pouvons-nous dire que, le 6 mai 1825, un certain Alexander Bell cordonnier fait dresser un protêt pour pouvoir entrer en possession d’une maison sise rue Saint-Paul. D’ailleurs, pour compliquer les choses, nous avons relevé les actes de décès de deux Alexander Bell, tous deux cordonniers (l’un est dit shoemaker et l’autre cordwainer), le premier mort le 5 juin 1838 et le second, le 28 août 1839. Il est probable que ce dernier soit le père de Joshua Bell ; du moins, son acte porte-t-il la signature de deux témoins, Joshua et Thomas Bell. De toute manière les dates présumées de fondation de la maison Bell, 1819 ou 1824, proviennent toutes deux d’annonces publicitaires, et de ce fait sont sujettes à caution : dans les deux cas, il s’agit de publications datant de la fin du xixe siècle (1893 et 1894), et il était sûrement de très bon ton, pour une maison commerciale, de rallonger au maximum son existence. Ces dates correspondent sans doute davantage à l’arrivée de la famille Bell à Montréal et, pourquoi pas, à l’ouverture d’une échoppe de cordonnier, mais certainement pas à la création d’une fabrique mécanisée de chaussures.

Au moment du décès de Joshua Bell toutefois, la maison J. & T. Bell compte parmi les importantes fabriques de chaussures montréalaises. Au recensement de 1861, elle emploie 70 personnes, soit 50 hommes et 20 femmes, et évalue sa production annuelle à $60 000. Or d’après le rapport de William Jeffrey Patterson* pour l’année 1863, la production annuelle de la ville de Montréal se chiffrerait à près de $2 000 000, ce qui attribuerait à la maison Bell plus de 3 p. cent de la production de la ville. Cette dernière proportion nous paraît juste. En 1871, en effet, l’entreprise figure au rang des fabriques de moyenne importance. Outre sa part dans la fabrique, Joshua Bell possédait une ferme de 28 arpents dans la paroisse de Sainte-Marguerite-de-Blairfindie (L’Acadie).

La carrière de Joshua Bell nous permet d’entrevoir les débuts de la fabrication mécanique des chaussures à Montréal ; même si nous ne saurions dire s’il fut vraiment le premier à s’y intéresser, il fut sûrement parmi les pionniers de cette activité.

Jean-Claude Robert

ANQ-M, État civil, Méthodistes, New Connection, 1839 ; St James, 1838–1839, 1863 ; Greffe de Joseph Belle, 13 févr. 1861, 8 janv. 1864 ; Greffe de Peter Lukin, fils, 28 févr. 1822, 3 avril 1823, 6 mai 1825, 15 janv. 1828, 12 mars 1833, 15 févr. 1834 ; Testaments, Register of wills probated, no 679.— APC, MG 17, A7–2–3, sér. II, 13 ; RG 31, 1825, Montreal County ; 1842, Montreal within city ; 1861, Montreal Centre Ward ; 1871, Montréal.— ASQ, Fonds Viger-Verreau, 015A.— Bibliothèque de la ville de Montréal, Salle Gagnon, Fonds Ægidius Fauteux.— Papiers de Ludger Duvernay, Canadian Antiquarian and Numismatic Journal (Montréal), 3e sér., VI (1909) : 127s.— W. J. Patterson, Report on the trade and commerce of the city of Montreal for 1863 [...] (Montréal, 1864).— L’Ami du peuple, de l’ordre et des lois (Montréal), 23 déc. 1837.— Montreal Gazette, 26 déc. 1863.— Montreal Herald, 28 déc. 1863.— Ivanhoë Caron, Papiers Duvernay conservés aux Archives de la province de Québec, ANQ Rapport, 1926–1927, 145–258.— Fauteux, Patriotes, 106s.— Montreal directory, 1842–1863.— Montreal illustrated, its growth, resources, commerce, manufacturing interests, financial institutions, educational advantages and prospects [...] (Montréal, 1894).— Montreal in 1856 ; a sketch prepared for the celebration of the opening of the Grand Trunk Railway of Canada (Montréal, 1856), 45.— F. W. Terrill, A chronology of Montreal and of Canada from A.D. 1752 to A.D. 1893, including commercial statistics, historical sketches of commercial corporations and firms and advertisements [...] (Montréal, 1893), 96.— P.-A. Linteau, Les Patriotes de 1837–1838 d’après les documents J.-J. Girouard, RHAF, XXI (1967–1968) : 281–311.

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Jean-Claude Robert, « BELL, JOSHUA », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bell_joshua_9F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
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