DENYS DE BONAVENTURE, SIMON-PIERRE, officier dans les troupes de la Marine, né le 21 juin 1659 et baptisé le lendemain à Trois-Rivières, du mariage de Pierre Denys de La Ronde et de Catherine Leneuf ; en 1693, il épousa Jeanne Jannière, veuve de Jean-François Bourdon*, sieur de Dombourg ; décédé à Rochefort, en France, le 7 février 1711 et inhumé le lendemain dans la première église de Saint-Louis.
On donne souvent le 15 février 1654 comme date de naissance de Bonaventure, mais les documents de la famille démontrent que cette date marque la naissance de son oncle, Simon-Pierre Denys de Saint-Pierre avec qui on le confond quelquefois. Celui-ci était le fils de Simon Denys* de La Trinité et de Françoise Du Tartre. Très jeune lieutenant dans les troupes de la marine, Denys de Saint-Pierre fut blessé au cours d’un engagement contre les Iroquois (Haudenosaunee), puis fait prisonnier et brûlé vif. Autre erreur : Louis-Marie Le Jeune a écrit que Bonaventure avait épousé Geneviève Couillard en premières noces en 1686, mais les archives de la famille indiquent qu’elle était la femme d’un autre de ses oncles, Pierre Denys Du Tartre.
Bonaventure entra dans les troupes de la marine et fut employé par la Compagnie du Nord, une compagnie de traite que des marchands français et canadiens avaient mise sur pied en 1682 [V. Charles Aubert de La Chesnaye]. À la même époque, il dirigeait à l’île Percée une entreprise de pêcherie établie par son père sur une concession qu’on lui avait octroyée en 1672 à cette fin. Son activité d’administrateur ne fut pas sans souffrir d’interruptions. Pendant huit mois, de l’automne 1685 jusqu’à l’été 1686, on lui confia le commandement d’un petit navire et de son équipage avec mission d’accompagner l’intendant Jacques de Meulles qui se rendait en Acadie. Par la suite, il se rendit en France pour tâcher d’obtenir le paiement de ses services et aussi solliciter le maintien de ses pêcheries.
Les guerres avec les Anglais devaient bientôt orienter la carrière de Bonaventure. En 1690, ceux-ci pillèrent et détruisirent les établissements de pêche de l’île Percée. La même année, prenant le commandement du Saint-François-Xavier, Bonaventure accompagna le Sainte-Anne que commandait Pierre Le Moyne d’Iberville ; ils se rendirent à la baie d’Hudson attaquer le fort York. Ils ne réussirent pas à s’emparer du fort mais menacèrent de sérieuse façon le poste de New Severn ; aussi, son commandant, Thomas Walsh, préféra-t-il l’incendier. Iberville passa l’hiver dans la baie et Bonaventure fit voile vers Québec avec une cargaison de pelleteries. Mais, apprenant que Sir William Phips* avait mis le siège devant Québec, il changea de direction et vogua vers la France. En 1691, commandant le Soleil d’Afrique, Bonaventure amena Joseph Robinau* de Villebon, le nouveau gouverneur de l’Acadie, à la rivière Saint-Jean. Ils s’emparèrent, à Saint-Jean, d’un vaisseau de la Nouvelle-Angleterre qui portait à son bord John Alden, John Nelson et le colonel Edward Tyng*. En 1692, Bonaventure, capitaine sur l’Envieux, frégate montée de 34 pièces, et Iberville sur le Poli, vaisseau monté de 38 pièces, servirent d’escorte à six navires marchands qui se rendaient à Québec et s’emparèrent de trois vaisseaux ennemis en cours de route. Iberville aurait voulu diriger une autre attaque contre le fort York mais la saison était déjà trop avancée ; il aida donc Bonaventure à faire le transport de provisions en Acadie. Le Poli et l’Envieux croisèrent le long du littoral, mais une tempête les sépara et ils rentrèrent en France, chacun de son côté. En 1693, Bonaventure et Iberville, l’un sur l’Indiscret et l’autre sur le Poli, mirent les voiles sur Québec d’où ils devaient partir pour le fort York, mais une fois encore, la saison trop avancée les retint. Bonaventure consacra les années 1694 et 1695 à transporter des approvisionnements destinés à l’Acadie et à sillonner le long des côtes à bord de l’Envieux.
En 1696, Bonaventure et Iberville, avec Jean-Vincent d’Abbadie de Saint-Castin et un groupe d’Abénaquis, s’emparèrent, à Pemaquid, du fort William Henry qu’ils rasèrent. Les vaisseaux mirent alors le cap sur Plaisance (Placentia). Bonaventure mena Jean-François de Brouillan [Monbeton], gouverneur de Plaisance, et ses troupes au rendez-vous, près de Saint-Jean, tandis qu’Iberville, par voie de terre, dirigeait un détachement à travers la péninsule d’Avalon. Brouillan et Iberville montèrent à l’attaque de Saint-Jean tandis que Bonaventure, porteur de dépêches, retournait en France à bord du Profond.
Pendant les quatre années qui suivirent, Bonaventure approvisionna de nouveau l’Acadie par mer. Puis il fut nommé commandant en second lorsque Brouillan succéda à Villebon comme gouverneur de l’Acadie en 1701. Brouillan reconstruisit le fort de Port-Royal (Annapolis Royal, N.-É.) que les Anglais avaient détruit en 1690, et Bonaventure y fut nommé lieutenant de roi le 2 février 1702. Quand, en juillet 1704, les troupes anglaises sous le commandement du colonel Benjamin Church ravagèrent des établissements acadiens et assiégèrent le fort, Bonaventure était absent, se trouvant aux Mines (Grand-Pré, N.-É.). En décembre de la même année, Brouillan traversa en France et lui confia le fort. Cependant, Brouillan devait mourir peu de temps après son retour, en septembre 1705. Bonaventure sollicita le poste mais, nonobstant ses états de service et la popularité dont il jouissait auprès des habitants, on le lui refusa sur la foi de rapports parvenus en France qui faisaient état de sa liaison avec une veuve, Mme Louise Damours de Freneuse [Guyon*]. C’est Daniel d’Auger de Subercase, gouverneur de Plaisance, qui fut nommé gouverneur de l’Acadie, le 22 mai 1706.
En juin 1707, les Anglais, dirigés par le colonel John March, assiégèrent de nouveau Port-Royal mais retraitèrent à l’arrivée d’un détachement d’Abénaquis ayant à leur tête Bernard-Anselme d’Abbadie de Saint-Castin. Pendant le siège, Bonaventure était à l’intérieur du fort, retenu au lit par la maladie. L’ennemi ravagea les fermes, incendia les habitations autour du fort et Bonaventure y perdit sa maison et ses biens. Au mois d’août, les Anglais mettaient de nouveau le siège devant le fort ; l’arrivée de Saint-Castin et de guerriers autochtones, qui fut suivie de quelques violentes escarmouches, força les assiégeants à se retirer.
Pendant que Français et Autochtones attaquaient et pillaient les établissements de la Nouvelle-Angleterre, on tentait de consolider la défense du fort de Port-Royal ; le butin que les corsaires saisissaient aux navires marchands anglais servait à approvisionner le fort. En 1710, les Anglais décidèrent d’attaquer Port-Royal en force. Le 29 septembre (18 septembre ancien style), une importante expédition sous les ordres du colonel Francis Nicholson quittait Boston par mer et, le 13 octobre, Port-Royal capitulait. La garnison fut rapatriée à La Rochelle ; Bonaventure était du nombre. Il soumit alors au ministre un plan pour reprendre Port-Royal. Il ne devait jamais apprendre que Port-Royal était irrémédiablement perdu car la mort le frappa à Rochefort, en 1711.
Il semble que le commérage ait été le passe-temps favori des habitants de Port-Royal. Outre son aventure avec Mme de Freneuse, on accusait Bonaventure d’avoir trafiqué pour son propre compte avec les colons de l’Acadie et, pis encore, avec les Anglais. On a aussi prétendu qu’il avait feint la maladie au cours du siège de juin 1707. Il est indéniable que sa liaison avec Mme de Freneuse a nui à son avancement, mais rien ne permet de supposer que les autres accusations aient été prises au sérieux par les autorités françaises car il jouissait de la confiance des gouverneurs sous lesquels il a servi. Il a peut-être été fait chevalier de Saint-Louis car on lui donne ce titre dans l’acte de mariage de son fils, Claude-Élisabeth*, en date du 25 novembre 1748.
La carrière de Bonaventure a été façonnée par l’époque troublée dans laquelle il a vécu. Soldat, il a consacré la plus grande partie de sa vie à la lutte que son pays livrait contre les Anglais en Amérique. Il semble qu’il ait été un homme actif et aimable, que n’étouffaient peut-être pas les scrupules moraux, mais un commandant capable de remplir les devoirs de sa charge avec compétence et énergie.
AN, Col., B, 16, 17, 19, 20, 22, 23, 25, 27, 29, 32 ; Col., C11A, 8 ; Col., C11D, 2, 4, 5, 6.— APC, FM 18, H 13 (Papiers de la famille Denys).— Mass. Archives, II : 611–611b.— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II, III.— Correspondance de Frontenac (1689–1699), RAPQ, 1927–28 ; 1928–29.— Correspondance de Vaudreuil, RAPQ, 1938–39.— Jug. et délib., III, IV, V.— Webster, Acadia.— Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis.— Le Jeune, Dictionnaire.— Tanguay, Dictionnaire.— N. M. Crouse, Lemoyne d’Iberville : soldier of New France (Toronto, [1954]).— Frégault, Iberville.— La Morandière, Hist. de la pêche française de la morue, I : 370ss.— Murdoch, History of Nova-Scotia.— Robert Rumilly, Histoire des Acadiens (2 vol., Montréal, [1955]).— Pierre Daviault, Mme de Freneuse et M. de Bonaventure, MSRC, 3e sér., XXXV (1941), sect. i : 37–56.— Simon-Pierre de Bonaventure, BRH, XXXVIII (1932) : 437.
Bibliographie de la version modifiée :
Arch. départementales, Charente-Maritime (La Rochelle, France), « État civil », Rochefort, Saint-Louis, 8 févr. 1711 : www.archives.charente-maritime.fr/ (consulté le 16 oct. 2023).— Bibliothèque et Arch. nationales du Québec, Centre d’arch. de la Mauricie et du Centre-du-Québec (Trois-Rivières, Québec), CE401-S48, 22 juin 1659.
A. J. E. Lunn, « DENYS DE BONAVENTURE, SIMON-PIERRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/denys_de_bonaventure_simon_pierre_2F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/denys_de_bonaventure_simon_pierre_2F.html |
Auteur de l'article: | A. J. E. Lunn |
Titre de l'article: | DENYS DE BONAVENTURE, SIMON-PIERRE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1969 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 21 déc. 2024 |