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BURTON, sir FRANCIS NATHANIEL, administrateur colonial, né le 26 décembre 1766 à Londres, puîné des jumeaux de Francis Pierpont Burton et d’Elizabeth Cléments ; le 4 juin 1801, il épousa Valentina Letitia Lawless, fille de Nicholas Lawless, 1er baron Cloncurry, et ils eurent deux fils et trois filles ; décédé le 20 janvier 1832 à Bath, Angleterre.
Francis Nathaniel Burton fut élu au Parlement d’Irlande en 1790 comme député de Clare. C’est là, plus précisément à Buncraggy, près d’Ennis, que se trouvaient les propriétés de sa famille. Après l’union de l’Irlande avec la Grande-Bretagne, Burton siégea à Westminster de 1801 à 1808, toujours comme député de la circonscription de Clare. Peut-être en guise de récompense pour avoir défendu la cause de l’union, ou en reconnaissance du rôle important joué par sa famille dans la vie politique de la région, Burton fut nommé lieutenant-gouverneur du Bas-Canada le 29 novembre 1808. Alors, pendant plus de dix ans, il se borna à demeurer en Grande-Bretagne et à toucher un revenu annuel de £1 500. En 1818, la chambre d’Assemblée de la province commençait déjà à protester contre le paiement d’un salaire aux fonctionnaires absents de la colonie, mais lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, mit plusieurs années à vaincre l’hésitation de Burton d’aller vivre à Québec. Pour le persuader, il dut le menacer de lui supprimer son salaire et peut-être aussi lui promettre le titre de chevalier. Finalement, en 1822 (l’année où il fut fait chevalier), Burton quitta la Grande-Bretagne et arriva dans la colonie en juin. Il apporta la nouvelle inopinée qu’un projet de loi visant à unir le Haut et le Bas-Canada était à l’étude à Londres.
En 1824, Burton, éternel courtisan, s’était suffisamment insinué dans les bonnes grâces de l’Assemblée pour obtenir une augmentation de traitement à titre de dédommagement parce qu’il avait daigné venir résider dans la colonie. « Ses manières plaisent à tous » déclarait le gouverneur lord Dalhousie [Ramsay*]. Puis, avec une généreuse confiance que de futurs événements allaient cruellement trahir, il ajoutait : « de fait, il se montre en toute occasion si courtois et si distingué qu’il doit inspirer le respect des meilleures classes de la société, et il s’avère pour moi un appui solide ».
La brève période de gloire que connut Burton en tant qu’administrateur du Bas-Canada commença le 7 juin 1824, date à laquelle il prit la place de Dalhousie qui partait en Grande-Bretagne pour un congé. Depuis quelque temps, l’Assemblée tentait d’étendre ses pouvoirs au détriment de ceux de l’exécutif en recourant au moyen consacré par l’usage qui consistait à s’approprier tous les revenus perçus dans la colonie. Jusque-là, l’exécutif avait maintenu un certain degré d’indépendance financière et de souplesse administrative, grâce à la mainmise qu’il avait sur les revenus de la couronne provenant des émoluments, des permis, des droits de douane, des amendes, des saisies, des redevances seigneuriales et de la location de propriétés gouvernementales. Comme ces sources de revenu suffisaient rarement à payer les dépenses, on allait puiser, selon les besoins, dans les caisses de l’armée ou dans « l’emprunt » subreptice de revenus sur lesquels l’Assemblée avait droit de regard. Avant que celle-ci ne soit disposée à voter une liste civile permanente qui assurerait un traitement convenable aux hauts fonctionnaires, les gouverneurs durent tour à tour lutter non seulement pour préserver l’intégrité des revenus de la couronne, mais aussi pour formuler les projets de loi annuels portant affectation des deniers publics, de sorte à empêcher une reconnaissance, même tacite, du droit que revendiquait l’Assemblée de s’approprier ces crédits. Croyant peut-être qu’il pouvait avancer dans sa carrière par un coup d’éclat, Burton convoqua le Parlement dans l’espoir de l’amener à voter un projet de loi de subsides qui régirait les dépenses du gouvernement pour une seule année. Il était donc soucieux d’éviter le climat de querelles et l’impasse où avaient récemment échoué les discussions entamées à ce sujet entre Dalhousie et l’Assemblée.
Burton commença par négocier une entente avec le parti canadien, qui dominait l’Assemblée : la chambre élue ne revendiquerait pas ses droits sur les revenus de la couronne et Burton ne réitérerait pas la requête de l’exécutif pour obtenir une liste civile permanente. Dans le projet de loi qui fut finalement rédigé, les revenus de la couronne et ceux de la province furent réunis et, au début de 1825, les crédits budgétaires du gouvernement furent approuvés pour une seule année, après que l’Assemblée eut effectué quelques coupures. Le nouveau projet de loi devait toutefois recevoir l’assentiment du Conseil législatif, lequel s’opposait ordinairement à toute proposition venant de l’Assemblée. C’est là que Burton se heurta à une formidable opposition de la part de John Richardson, un des meneurs du parti des bureaucrates qui avait généralement la haute main sur le conseil. Le lieutenant-gouverneur s’assura l’aide de deux hommes que les convictions politiques et religieuses opposaient. L’un, Herman Witsius Ryland*, était un chef de file des fonctionnaires qui, se sentant politiquement négligé par Dalhousie, cherchait à se venger ; l’autre était l’archevêque de Québec, Mgr Joseph-Octave Plessis, qui devait à Burton une faveur politique, ce dernier ayant sanctionné un projet de loi qui marquait un premier pas vers la reconnaissance civile des paroisses. Ryland rallia les fonctionnaires britanniques du conseil, tandis que Mgr Plessis réussit à s’assurer, du côté des Canadiens, la présence au moment du vote des conseillers décrépits qui n’assistaient presque jamais aux séances. Richardson subit une défaite écrasante.
Burton annonça triomphalement au ministère des Colonies l’heureux règlement d’un trop long conflit. À Londres, par contre, Dalhousie avait prévu que le Parlement ne serait pas convoqué avant son retour ; il condamna donc aussitôt une entente qui, même si elle éludait les droits controversés, admettait implicitement, selon lui, la revendication de l’Assemblée d’avoir droit de regard sur les revenus de la couronne. Le ministère des Colonies partagea d’abord l’interprétation de Dalhousie et reprocha à Burton d’avoir enfreint ses instructions. Mais le lieutenant-gouverneur nia avoir sacrifié la position du gouvernement ; ses démentis furent ensuite confirmés par l’opinion du juge en chef du Bas-Canada, Jonathan Sewell*, et par celle des légistes de la couronne, et finirent ainsi par faire leur chemin. Au dépit et au déplaisir de Dalhousie, Bathurst en vint à considérer le règlement d’un oeil plus bienveillant et à rejeter l’affirmation mélodramatique du gouverneur, selon laquelle l’Assemblée avait agi avec animosité et fourberie. Il se peut aussi que le secrétaire d’État aux Colonies se soit souvenu que Burton jouissait de la faveur royale en raison de l’amitié notoire qui unissait lady Conyngham, sa belle-sœur, et George IV, lequel avait pris la liberté en 1827 de suggérer la nomination de Burton comme gouverneur de la Jamaïque, recommandation que les ministres ignorèrent poliment.
Au retour de Dalhousie en septembre 1825, Burton quitta le Bas-Canada pour un congé d’une durée illimitée. Un certain malaise planait au moment de son départ, et il contestait encore son salaire. Habitant Québec à son corps défendant, il semble s’être soucié davantage de sa carrière et de ses intérêts financiers que des questions constitutionnelles en jeu dans la politique tumultueuse du Bas-Canada. Malgré tout, pendant des années après son départ, les autorités religieuses et les hommes politiques canadiens souhaitaient son retour à la tête du gouvernement, rêve que Burton partageait peut-être puisqu’il conserva assez d’intérêt envers les affaires de la colonie pour continuer à correspondre avec des hommes politiques comme Denis-Benjamin Viger*, John Neilson* et Louis-Joseph Papineau*. Il ne revint pas au Canada, bien qu’il soit demeuré lieutenant-gouverneur jusqu’à sa mort. Bien de sa personne, aimable et doté d’un bagout typiquement irlandais, Burton pouvait charmer et flatter, mais il s’était montré incapable de faire le poids contre les fins renards qui menaient l’Assemblée. Même s’il était ouvertement partial, Dalhousie voyait très juste quand il disait que « sir F... a[vait] fait preuve d’un esprit très faible et très creux [et qu’ ]il a[vait] cherché la popularité dans chaque démarche et dans chaque geste de son gouvernement éphémère ». Mais, toujours selon Dalhousie, les politiciens rusés de l’Assemblée l’avaient battu à son propre jeu et, dans le cas de Mgr Plessis, l’avaient « vexé, déçu et embobiné ».
Bien que de courte durée, le mandat de sir Francis Nathaniel Burton à titre d’administrateur marqua longtemps la politique du Bas-Canada. Burton laissa à l’infortuné Dalhousie un triste héritage. En effet, la méthode qu’il avait élaborée pour présenter les crédits budgétaires avait aiguisé l’appétit de l’Assemblée qui cherchait à influencer l’affectation des subsides, et devait d’autant plus inciter cette institution à résister au gouverneur lorsqu’il reprendrait les anciennes revendications pour une liste civile permanente. La crise aiguë qui en résulta aboutit au rappel de Dalhousie en 1828. Son successeur à la tête du gouvernement, sir James Kempt*, fut finalement contraint de recourir au système de Burton et le ministère des Colonies de l’admettre en 1831.
APC, MG24, A64 ; B1, 4–6 ; B2, 1 ; B6, B6, 1–2 ; MG 30, D1, 6 : 669–678.— BL, Add.
Péter Burroughs, « BURTON, sir FRANCIS NATHANIEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/burton_francis_nathaniel_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/burton_francis_nathaniel_6F.html |
Auteur de l'article: | Péter Burroughs |
Titre de l'article: | BURTON, sir FRANCIS NATHANIEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |