FitzGIBBON, JAMES, soldat et fonctionnaire, né le 16 novembre 1780 à Glin (comté de Limerick, République d’Irlande), fils de Garrett (Gerald) FitzGibbon et de Mary Widenham ; il épousa en 1814 Mary Haley qui lui donna plusieurs enfants, dont quatre fils et une fille qui dépassèrent le bas âge ; décédé le 12 décembre 1863 au château de Windsor en Angleterre.

Le père de James FitzGibbon, fermier et tisserand, possédait une petite terre en Irlande, sur le domaine du chevalier de Glin. James quitta l’école à l’âge de 11 ans et à 15 ans s’enrôla dans le Knight of Glin’s Yeomanry Corps où il fut bientôt promu sergent. En 1798, il rejoignit un régiment local irlandais, le Tarbert Infantry Fencibles, où le 49e régiment de l’armée britannique alla requérir ses services. Il fit sa première campagne en 1799 à Egmond aan Zee, en Hollande. Il fit partie des troupes de marine lors de la bataille de Copenhague (1801), ce qui lui valut la Naval General Service Medal. En 1802, FitzGibbon débarqua à Québec avec le 49e régiment ; il allait demeurer au Canada pendant 45 ans.

Son commandant, le lieutenant-colonel Isaac Brock*, l’incita à pousser plus loin son instruction en se faisant son propre maître et lui obtint des promotions sans qu’il dût, selon l’usage, acheter ses brevets. FitzGibbon devint sergent-major en 1802, enseigne et adjudant en 1806 puis lieutenant en 1809. Il abandonna son poste d’adjudant en 1812 pour consacrer plus de temps à l’étude afin de monter en grade, mais la guerre de 1812 l’en empêcha.

FitzGibbon y fit preuve d’initiative. En août 1812, il escorta de Montréal à Kingston une flottille transportant du matériel militaire qu’il dirigea dans les rapides du Saint-Laurent, à proximité des côtes américaines. En janvier de l’année suivante, il conduisit 45 traîneaux chargés de provisions de Kingston à Niagara. En juin 1813, après la bataille de Stoney Creek, à laquelle il prit part à titre de commandant de compagnie, FitzGibbon obtint la permission de « choisir 50 hommes d’élite qui serviraient d’avant-garde à l’armée et qu’il aurait toute latitude, sous sa seule responsabilité, de lancer contre l’ennemi ». Retranchés dans la maison de pierre de John De Cou*, près de Beaver Dams, les hommes de FitzGibbon harcelèrent les troupes ennemies et en observèrent les mouvements. Les Américains, cantonnés au fort George (près de la ville de Niagara), décidèrent de lancer une expédition pour déloger sa troupe. Quelque 500 hommes de troupe américains, conduits par le lieutenant-colonel Charles Boerstler, marchèrent du fort George à Queenston où ils campèrent une nuit pour repartir le lendemain matin, le 24 juin, en direction de Beaver Dams. À peine entrés dans un bois de hêtres, ils furent surpris par 400 Indiens commandés par les capitaines William Johnson Kerr* et Dominique Ducharme*. Le combat faisait rage depuis trois heures lorsque FitzGibbon partit au galop vers les Américains en agitant un mouchoir blanc. Il leur fit accroire que ses hommes leur étaient fort supérieurs en nombre et qu’il attendait d’autres renforts indiens, après quoi Boerstler se rendit.

FitzGibbon fut couvert de louanges pour avoir obtenu la reddition de 462 Américains, officiers et soldats, aux mains de ses « 46 hommes de troupe ». Le général Edward Baynes exprima son admiration pour cet « exploit qui faisait preuve de tant de jugement et de courage » ; la Montreal Gazette parla « du sang-froid, de l’intrépidité et de la présence d’esprit de cet officier de grand mérite ». Les collègues de FitzGibbon lui offrirent une médaille d’or. En octobre 1813, il obtint la promotion qu’il ambitionnait : il fut nommé capitaine du Glengarry Light Infantry Fencibles.

Toutefois, les Indiens se sentirent frustrés des honneurs militaires qui leur étaient dus. En 1818, le capitaine Kerr se fit donner par FitzGibbon une lettre dans laquelle celui-ci reconnaissait qu’à Beaver Dams, les Indiens « avaient terrorisé le détachement américain ; le seul droit que je revendique, ajoutait-il, est d’avoir profité d’un moment favorable pour leur offrir ma protection contre le tomahawk et le couteau à scalper ». On apprit également par la suite que FitzGibbon avait été prévenu de l’imminence de l’attaque américaine par Laura Secord [Ingersoll], venue à pied de Queenston en faisant un détour de 20 milles pour lui donner l’alerte. FitzGibbon attesta la vérité du haut fait de Mme Secord en 1820, 1827 et 1837. Dans sa déposition de 1827, il affirma que grâce aux renseignements qu’elle lui avait apportés il avait pu « disposer les Indiens [...] et les hommes de [son] détachement de façon à couper la route aux Américains ».

Après son coup d’audace de Beaver Dams, FitzGibbon participa surtout à des missions de reconnaissance dont le but était d’observer les mouvements des troupes américaines. Le Glengarry Light Infantry Fencibles fut dissous en 1816, et FitzGibbon fut mis à la demi-solde jusqu’en 1825, date à laquelle il vendit son brevet. Il devint colonel de milice en 1826.

C’est en 1816 qu’il commença sa carrière de fonctionnaire, à titre de commis du bureau de l’adjudant général de la milice du Haut-Canada. Comme il gagnait peu et que sa famille ne cessait de s’agrandir, il quitta son poste au début de 1819 pour mettre sur pied une agence foncière à York (Toronto) en association avec Benjamin Geale. En deux ans, ses revenus doublèrent presque, mais en 1821, il réintégra son poste de fonctionnaire avec un salaire supérieur. Deux ans plus tard, il devint adjudant général adjoint de la milice et, en 1827, greffier de la chambre d’Assemblée du Haut-Canada. Jusqu’en 1841, FitzGibbon occupa aussi plusieurs autres postes de durée diverse dans le district de Home : il fut commissaire chargé d’assermenter les membres de l’Assemblée et de faire prêter les serments d’entrée en charge et d’allégeance, juge de paix, président de la Cour des sessions trimestrielles, greffier de la Cour d’enregistrement et d’examen des testaments et commissaire de la douane. Il fit également partie de la commission, composée de deux membres, chargée de faire rapport sur l’établissement des colons de La Guayra à Guelph ; il fut membre du comité responsable de la construction de l’Upper Canada College, un des trois commissaires nommés pour achever la construction de l’édifice du parlement et fit aussi partie du Bureau de santé de la région d’York au cours de la période qui suivit l’épidémie de choléra de 1832. C’est surtout aux lieutenants-gouverneurs sir Peregrine Maitland* et sir John Colborne que FitzGibbon fut redevable de ses nominations qui ne lui donnèrent cependant que peu de pouvoir ou de prestige. Il n’est pas surprenant que William Lyon Mackenzie ait cité FitzGibbon comme preuve vivante de favoritisme gouvernemental. FitzGibbon était de tendance tory ; après la destruction de l’imprimerie de Mackenzie en 1826, il avait fait des quêtes pour aider à défrayer les amendes des jeunes gens impliqués dans l’affaire. Les réformistes l’accusèrent d’avoir par ce geste assuré sa nomination comme greffier de la chambre d’Assemblée.

FitzGibbon fut un franc-maçon éminent ; de 1822 à 1826, il détint la plus haute charge maçonnique au Haut-Canada, celle de grand maître provincial adjoint (celle de grand maître provincial restait en Angleterre). Il fut secrétaire de la Society for the Relief of Strangers in Distress et, en 1831, membre fondateur du Mechanics’ Institute d’York.

Ses origines irlandaises faisaient de lui un bon médiateur auprès des immigrants irlandais. Le lieutenant-gouverneur Maitland l’envoya à Perth en 1824 lorsque des émeutes éclatèrent dans le canton de Ramsay entre les immigrants catholiques irlandais et les colons écossais et protestants établis de plus longue date. FitzGibbon ramena la paix en « faisant entendre raison aux deux parties et en apaisant la rancœur de tous ». Lorsqu’en 1836, les ouvriers irlandais travaillant au canal de Cornwall furent accusés par les colons de l’endroit de fomenter des troubles et de commettre des meurtres, ce fut encore lui qui fut chargé d’aller enquêter. Le lieutenant-gouverneur sir Francis Bond Head* lui donna des armes à distribuer au besoin à la milice locale, mais elles furent inutiles. FitzGibbon parcourut à cheval les rives du canal et parvint à maintenir l’ordre « grâce à des réprimandes et des conseils bienveillants ».

FitzGibbon incita également les orangistes et les Irlandais catholiques du Canada à mettre un terme à leur animosité. Il s’opposa aux manifestations orangistes et mit fin à une violente émeute qui éclata à York en 1833 en incarcérant les participants. FitzGibbon lui-même était un protestant dont le père avait renoncé à la foi catholique, sans doute pour échapper à la discrimination suscitée par les lois anticatholiques en Irlande au cours des années 1780.

Lors d’une grave émeute qui mit aux prises les tories et les réformistes à York, en 1832, FitzGibbon prouva que ses talents de briseur d’émeute n’étaient pas limités aux querelles entre ses compatriotes. À lui seul, il mit fin à la bagarre qui eut lieu devant l’imprimerie de Mackenzie. Lorsque celui-ci le mit au défi de faire intervenir les troupes, FitzGibbon le menaça de l’emprisonner comme fauteur principal de l’émeute, au lieu de quoi il l’emmena et l’enferma chez lui.

Pour venir à bout des émeutiers, FitzGibbon avait comme principaux atouts sa prestance militaire, sa force exceptionnelle, son courage et sa présence d’esprit. Mais il lui arrivait aussi d’être impulsif et imprudent ; en 1830, ces défauts l’entraînèrent dans un scandale douanier, lorsqu’il aida un marchand d’York, William Bergin, à obtenir la libération d’un envoi de porc prétendument de contrebande. FitzGibbon justifia sa participation à l’affaire en déclarant que Bergin n’avait pas fait entrer sa marchandise en fraude et qu’il l’avait aidé auparavant à « ramener le calme chez les catholiques ».

La carrière de FitzGibbon atteignit son apogée lors de la rébellion de 1837. Il prévit l’imminence de l’insurrection et poussa le lieutenant-gouverneur Head à prendre les mesures défensives qui s’imposaient. Head s’y opposa obstinément et envoya même toutes les troupes régulières dans le Bas-Canada pour aider à mater la révolte qui y sévissait. FitzGibbon prit de son propre chef quelques précautions qui irritèrent Head et son Conseil exécutif ; celui-ci l’accusa d’être alarmiste et zélé. Le 4 décembre cependant, Head le nomma adjudant général suppléant de la milice. Les deux premières pertes survinrent cette nuit-là. Le soir suivant, défiant les ordres de Head, FitzGibbon posta un piquet de milice dans la rue Yonge, sous le commandement du shérif William Botsford Jarvis. Le piquet intercepta une troupe de rebelles qui marchait sur Toronto où elle espérait être rejointe par des centaines de sympathisants. Les deux côtés tirèrent une salve et prirent la fuite en désordre.

La décision fut prise d’attaquer les rebelles le jeudi 7 décembre. FitzGibbon apprit alors que Head avait demandé à Allan MacNab, colonel de milice et président de l’Assemblée, de diriger l’attaque. Humilié, car il était le colonel de milice le plus ancien et le plus expérimenté de la province, FitzGibbon protesta avec véhémence, et, à la dernière minute, Head lui confia le commandement. Mais au moment où il lui fallait faire preuve de décision, FitzGibbon se montra totalement désemparé. Outre que ses différends avec Head le perturbaient, il avait à faire face à un problème « d’organisation plus compliqué que tous ceux auxquels [il avait] dû s’attaquer ». Il devait le matin même armer et former en compagnies plus de 1 000 volontaires. FitzGibbon n’avait jamais eu à organiser des troupes pour le combat. Il se retira dans son bureau, tomba à genoux et pria puis, son sang-froid recouvré, il exécuta sa mission. À midi, il conduisit ses troupes dans la rue Yonge au son des fanfares, sous les acclamations des citoyens. Les rebelles furent bientôt mis en déroute, après quoi, sur l’ordre de Head qui avait accompagné les troupes, on incendia la taverne de John Montgomery* et la maison du rebelle David Gibson. Le lendemain, profondément blessé par l’attitude de Head, FitzGibbon renonça à son poste d’adjudant général suppléant de la milice. Toutefois, il fit fonction de juge-avocat auprès de la cour martiale qui fut créée en 1838, après la rébellion.

Les dernières années de FitzGibbon furent gâchées par l’amertume et son obstination à rechercher la stabilité financière et à réclamer la récompense qui lui échappait sans cesse. Toute sa vie, il avait eu des difficultés d’argent. Il avait commencé d’accumuler les dettes en 1806 pour acheter son équipement d’enseigne et d’adjudant, et chaque nouvelle promotion l’obligeait à d’autres dépenses. Ses fils étudièrent à l’Upper Canada College puis entamèrent l’étude du droit ; en général, il vivait au-dessus de ses moyens. En 1843, la Bank of Upper Canada le menaça de poursuites en justice pour des sommes qu’il avait empruntées afin de rembourser certains de ses créanciers, mais elle ne mit jamais sa menace à exécution.

En mai 1838, les citoyens de Toronto organisèrent une réunion publique et exprimèrent leur gratitude à FitzGibbon qui « leur avait épargné les horreurs de la guerre civile », mais le don en espèces qu’ils offrirent de recueillir par souscription demeura à l’état de projet. Le gouvernement impérial s’opposa à l’octroi d’une terre de 5 000 acres demandé en 1838 à la reine par les deux chambres du corps législatif du Haut-Canada et proposa à la place d’offrir à FitzGibbon une récompense pécuniaire pour les services civils et militaires qu’il avait rendus. Un projet de loi visant à passer outre aux objections du gouvernement britannique fut adopté en 1839 mais fut annulé et, en 1840, le gouvernement britannique ne tint aucun compte d’un projet semblable. Les demandes faites en faveur de FitzGibbon par sir Augustus D’Este, petit-fils de George III, au ministre des Colonies, lord Stanley, et par les gouverneurs généraux sir Charles Bagot* et sir Charles Metcalfe* à l’Assemblée de la province du Canada subirent le même sort. Les députés du Bas-Canada n’éprouvaient personnellement aucun intérêt pour FitzGibbon mais ils acceptèrent d’honorer tous les engagements pris par l’ancienne Assemblée du Haut-Canada. Ce ne fut qu’en 1845 que FitzGibbon reçut la somme de £1 000, soit la moitié du montant total de ses dettes et moins de la moitié du montant total de la valeur estimée de la concession proposée au début. Il tenta vainement de persuader le gouvernement britannique d’ajouter un supplément à sa récompense, en alléguant qu’il avait conservé le Haut-Canada à l’empire. En 1847, il publia tous ses documents dans une brochure intitulée An appeal to the people of the late province of Upper Canada qui ne lui servit de rien.

En 1841, FitzGibbon était devenu greffier du Conseil législatif de la province du Canada, mais il remplit de moins en moins souvent sa charge tout en continuant d’en toucher le traitement. Son médecin, le docteur William Winder, dit de lui en 1845 qu’il était de « tempérament fort sanguin et nerveux », ce qui, ajouté à des « déceptions et des malheurs peu ordinaires », se traduisait par « de l’irritation, de l’abattement, du découragement et des pertes de mémoire ». Il était devenu amer et maussade et était lui-même son pire ennemi. Le conseil perdit patience en 1846, déclarant que FitzGibbon avait « virtuellement transformé sa charge en sinécure », et le mit à la retraite avec une pension.

FitzGibbon se montra un fonctionnaire consciencieux, capable et assidu tant qu’il ne fut pas accablé de dettes ni obsédé par l’injuste et longue attente de la récompense qu’il avait pourtant bien méritée. Il était foncièrement loyal et clairvoyant mais l’éducation, les origines sociales et la richesse, qui lui auraient permis d’accéder aux postes militaires ou gouvernementaux les plus élevés, lui faisaient défaut.

FitzGibbon se rendit en Angleterre en 1847 et n’en revint pas. Grâce à l’influence de lord Seaton [Colborne], il fut accepté en 1850 comme chevalier militaire au château de Windsor. Il y vécut d’une petite pension dans de confortables appartements fournis par la couronne et consacra la rente qu’il recevait du Canada à rembourser ses dettes. Il mourut à l’âge de 83 ans et fut inhumé dans la crypte de la chapelle St George.

Ruth McKenzie

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Ruth McKenzie, « FitzGIBBON, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 11 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fitzgibbon_james_9F.html.

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Auteur de l'article:    Ruth McKenzie
Titre de l'article:    FitzGIBBON, JAMES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 9
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1977
Année de la révision:    1977
Date de consultation:    11 oct. 2024