LORIMIER, CHEVALIER DE (baptisé François-Marie-Thomas, il reçut par la suite, semble-t-il, de son oncle et parrain, François-Chevalier de Lorimier, le prénom de Chevalier ; on le désignait généralement sous le nom de François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier, mais il signa toujours Chevalier de Lorimier), notaire et patriote, né le 27 décembre 1803 à Saint-Cuthbert, Bas-Canada, troisième des dix enfants de Guillaume-Verneuil de Lorimier, agriculteur, et de Marguerite-Adélaïde Perrault ; décédé le 15 février 1839 à Montréal.

Chevalier de Lorimier descendait d’une vieille famille de nobles français qui étaient restés en Nouvelle-France après la Conquête et que le déclin de leur classe amena à s’intégrer à la nouvelle bourgeoisie canadienne ascendante au xixe siècle. On ne sait quand exactement ses parents vinrent s’établir à Montréal mais, chose certaine, en 1813, le jeune Chevalier commençait ses études classiques au petit séminaire de cette ville. À la fin de son cours en 1820, il ne devait pas encore être fixé sur le choix d’une profession, car ce n’est que trois ans plus tard qu’il amorça son stage de clerc sous la direction de Pierre Ritchot, notaire de Montréal ; durant cette période, il se lia d’amitié avec son patron.

Dans son testament politique, Lorimier a écrit que dès 1821 ou 1822, à l’âge de 17 ou 18 ans, il prit une part active à la politique. Idéaliste, épris de liberté et acquis d’emblée à la cause nationale, il faisait partie du groupe des jeunes gens qui s’engagèrent très tôt dans les luttes que Louis-Joseph Papineau* et ses partisans livrèrent au gouverneur, lord Dalhousie [Ramsay], et aux Conseils exécutif et législatif du Bas-Canada. Il est à peu près sûr qu’en 1822 Lorimier participa à la vaste campagne de protestation organisée contre le projet d’union du Bas et du Haut-Canada [V. Denis-Benjamin Viger*]. En décembre 1827, au moment où le conflit entre Dalhousie et la chambre d’Assemblée était entré dans une phase de tension aiguë, il signa une pétition des habitants du comté de Montréal, à George IV, roi de Grande-Bretagne et d’Irlande ; entre autres choses, cette pétition condamnait la conduite « arbitraire et despotique » de Dalhousie et demandait son rappel, dénonçait le cumul des charges publiques par un petit groupe de privilégiés et réclamait une représentation proportionnelle à l’augmentation de la population bas-canadienne.

Admis au notariat le 25 août 1829, Lorimier passa son premier acte le 6 septembre suivant. Quelque 15 jours plus tard, il installait son étude dans une maison du faubourg Saint-Antoine, située vraisemblablement non loin de la maison où ses parents demeuraient depuis au moins 1819. Il s’associa par la suite à son ancien patron et ami Ritchot. À la mort de celui-ci en 1831, en signe de reconnaissance et d’amitié, il dressa l’inventaire de ses biens. Le 10 janvier 1832, Lorimier épousa à Montréal Henriette Cadieux, fille aînée de feu Jean-Marie Cadieux, notaire. À la suite de son mariage, il s’établit rue Saint-Jacques, dans une maison dont sa femme avait hérité à la mort de son père, et il y déménagea aussi son étude. De leur union naquirent cinq enfants, quatre filles et un fils ; ce dernier et deux filles moururent en bas âge. Grâce à son intelligence, à sa grande intégrité et à son assiduité au travail, Lorimier se fit une bonne clientèle. Une analyse de son minutier révèle qu’il recrutait ses clients surtout parmi les membres des professions libérales, les petits marchands, les artisans ainsi que les cultivateurs canadiens de la ville et de l’île de Montréal ; il rédigea notamment pour Gabriel Franchère*, agent principal à Montréal de l’American Fur Company, un grand nombre d’engagements entre 1832 et 1837.

Son activité de notaire et son zèle politique firent bientôt de Lorimier un membre influent de la petite bourgeoisie professionnelle montréalaise et une personnalité proche du groupe des dirigeants patriotes. À l’élection partielle tenue dans la circonscription de Montréal-Ouest en 1832, il se révéla l’un des plus ardents partisans de Daniel Tracey*, éditeur du Vindicator and Canadian Advertiser de Montréal, qu’on avait emprisonné pour diffamation envers le Conseil législatif ; il contribua dans une large mesure à le faire élire député à la chambre d’Assemblée. À la fin de cette élection, Lorimier faillit cependant être blessé au cours de l’émeute du 21 mai, marquée par la mort de trois Canadiens, lorsqu’une balle tirée par un soldat du 15th Foot brisa le manche de son parapluie. Aux élections générales de 1834, il prit une part très active à la campagne du parti patriote et soutint les candidats favorables aux Quatre-vingt-douze Résolutions. Deux ans plus tard, il s’empressa de participer à la souscription qu’avait lancée Édouard-Raymond Fabre* dans le but d’indemniser le directeur de la Minerve, Ludger Duvernay*, de son emprisonnement pour outrage au tribunal.

Comme la plupart des partisans de Papineau, Lorimier s’insurgea contre l’adoption par le Parlement de Londres en mars 1837 des résolutions de lord John Russell, qui rejetaient catégoriquement les demandes de réforme du parti patriote et consacraient la mainmise de l’exécutif provincial sur le trésor public du Bas-Canada. C’est pourquoi il se lança dans le mouvement de résistance organisé dès avril par les chefs patriotes et assista à presque toutes les grandes assemblées de protestation de la région de Montréal qui précédèrent les insurrections. Ainsi, le 15 mai, on le nomma secrétaire de l’assemblée du comté de Montréal, tenue à Saint-Laurent, dans l’île de Montréal. Au cours de cette assemblée, on mit sur pied un comité central de résistance – le Comité central et permanent du district de Montréal – et Lorimier et George-Étienne Cartier* furent choisis comme cosecrétaires ; ce comité devait se réunir chaque semaine à la librairie de Fabre, rue Saint-Vincent, et aurait pour tâche de « veiller aux intérêts politiques de ce comté [Montréal] » et de « correspondre [coordonner la résistance] avec les [comités des] autres comtés [de la province] ». Le 29 juin, Lorimier agit également à titre de secrétaire de l’assemblée de la ville de Montréal où les participants protestèrent solennellement contre l’application des résolutions Russell qui « annihilaient les droits constitutionnels de la province ». Le 23 octobre, il se fit un point d’honneur d’assister, avec un grand nombre de patriotes montréalais en vue, à l’assemblée des six comtés qui eut lieu à Saint-Charles-sur-Richelieu. Encore présent à l’assemblée des Fils de la liberté, tenue le 6 novembre à Montréal, il fut atteint par une balle à la cuisse au cours de l’échauffourée qui éclata entre les membres de cette association et ceux du Doric Club et qui aboutit au saccage des bureaux du Vindicator.

Avant que le gouverneur, lord Gosford [Acheson], ne lance les mandats d’arrestation contre les chefs patriotes, Lorimier quitta précipitamment Montréal le 14 ou le 15 novembre 1837, en laissant derrière lui femme, enfants, propriété et clientèle, et se dirigea vers le comté de Deux-Montagnes. Arrivé dans ce comté le 15 novembre, il fut nommé peu après capitaine dans le bataillon de milice de l’endroit et reçut l’ordre d’aller à Saint-Eustache se placer sous le commandement de Jean-Olivier Chénier. Durant le mois qui suivit, il joua un rôle important auprès de Chénier et d’Amury Girod dans la préparation de la lutte armée dans la région. Le 14 décembre, il assista à la bataille de Saint-Eustache, mais devant l’inutilité des efforts pour repousser les troupes de sir John Colborne*, supérieures en nombre, il conseilla en vain à Chénier et à ses partisans de déposer les armes. Au moment où les combats faisaient rage, il se réfugia, pendant qu’il en était encore temps, dans le village voisin de Saint-Benoît (Mirabel). De là, avec quelques compagnons il gagna Trois-Rivières, traversa le Saint-Laurent et parcourut les Cantons-de-l’Est pour finalement entrer aux États-Unis.

Peu après son arrivée en terre américaine, Lorimier passa par Montpelier, dans le Vermont, puis par Middlebury où, le 2 janvier 1838, il était du groupe des patriotes, notamment Papineau, Robert Nelson*, Edmund Bailey O’Callaghan*, Cyrille-Hector-Octave Côté, Édouard-Élisée Malhiot*, Édouard-Étienne Rodier, le curé Étienne Chartier* et Lucien Gagnon, qui s’étaient donné rendez-vous pour discuter de la possibilité d’une nouvelle insurrection. Il est très vraisemblable que l’attitude temporisatrice et hésitante de Papineau au cours de cette rencontre ait déçu Lorimier dans ses attentes. Une semaine plus tard, il assista à l’assemblée de Swanton. À cette réunion, il se rallia sans doute aux vues de Nelson et de Côté et au plan d’invasion du Bas-Canada que ceux-ci projetaient de mettre de l’avant. Après que Nelson eut pris la tête de l’armée patriote et eut commencé à préparer l’invasion, Lorimier alla le rejoindre à Plattsburgh, dans l’état de New York. Le 28 février, il servit comme capitaine dans l’armée qui franchit la frontière. Il était aux côtés de Nelson lorsque celui-ci lut la déclaration d’indépendance du Bas-Canada. Le manque d’organisation et de préparation et les fuites de renseignements firent avorter cette expédition. Revenu aux États-Unis, Lorimier fut incarcéré avec d’autres pour avoir violé la neutralité américaine. Cependant, un jury favorable à la cause patriote l’acquitta rapidement.

Dès les premiers mois de son exil, Lorimier connut une existence difficile. Il avait cessé à toutes fins utiles d’exercer sa profession et, de ce fait, se retrouvait sans travail et sans argent. Également sans nouvelles de sa famille, il se rongeait d’inquiétude à la pensée qu’il avait laissé celle-ci à Montréal sans aucun moyen de subsistance. Au lieu de se laisser décourager par ses problèmes personnels et par l’échec de février 1838, il décida de se vouer à la réorganisation du mouvement insurrectionnel. À partir de mars, selon toute vraisemblance, Lorimier aurait pris une part active à la mise sur pied de l’Association des frères-chasseurs, à laquelle il n’a pas dû tarder à adhérer ; dans l’esprit de Nelson et de ses collaborateurs, cette société secrète et paramilitaire aurait pour but de soutenir l’armée patriote par un soulèvement à l’intérieur du Bas-Canada une fois lancée une offensive depuis la frontière américaine. En mai, Henriette Cadieux vint rejoindre son mari à Plattsburgh où elle vécut avec lui jusqu’en août ; il est permis de penser que ce séjour dut entraîner de graves tiraillements chez Lorimier entre ses obligations familiales et son engagement révolutionnaire. Cet été-là, il ne rentra pas moins plusieurs fois au Bas-Canada avec mission de recruter des membres pour l’association et de préparer le soulèvement dans les comtés de Deux-Montagnes et de Beauharnois. Fort des promesses de Nelson et de Côté, il assurait aux adhérents qu’une armée encouragée par le gouvernement américain leur apporterait son appui et les armes et les munitions dont ils avaient besoin. De retour à Plattsburgh d’un de ses voyages, en juillet, il s’ouvrait dans une lettre à un ami des sentiments profonds qui l’animaient, à quelques mois de la nouvelle insurrection : « Quant à moi, je suis toujours prêt de verser mon sang sur le sol qui m’a vu naître, afin d’abattre le sommet, les branches, les racines, &c. de l’infâme gouvernement Anglais. »

Il est difficile de déterminer avec précision le rôle que Lorimier aurait joué dans le déclenchement de la seconde insurrection, dans la nuit du 3 au 4 novembre 1838. Laurent-Olivier David* s’est contenté de dire que Lorimier se trouvait à Beauharnois lorsque les patriotes de l’endroit s’emparèrent du manoir seigneurial d’Edward Ellice* et arraisonnèrent le navire à vapeur Henry Brougham. L’auteur de la biographie parue dans le North American de Swanton du 15 mai 1839 et un autre biographe, Hector Fabre*, ont affirmé pour leur part que Lorimier agissait en qualité de brigadier général de l’armée patriote au moment où ces événements se produisirent. Quant à François-Xavier Prieur, l’un des chefs du soulèvement de Beauharnois et marchand de Saint-Timothée, il a écrit que « de Lorimier n’avait jusque là pris aucune part active, du moins à [sa] connaissance ». Ce qui est sûr, c’est qu’une fois le travail accompli, les patriotes de Beauharnois attendirent vainement les ordres de Nelson. Le 7 novembre, Lorimier et Prieur prirent la tête d’une troupe de 200 hommes pour apporter des renforts aux patriotes du camp Baker, à Sainte-Martine, menacés par l’approche d’un régiment d’infanterie. Un autre chef du soulèvement, Jean-Baptiste Brien, médecin de Sainte-Martine, révéla dans une déclaration faite aux autorités deux jours après son emprisonnement, le 18 novembre, que « de Lorimier [...] encourage[a] [alors] les gens à tenir bon [à ne pas abandonner la lutte] ». Le 9 novembre, après que les patriotes du camp Baker eurent repoussé une attaque d’un détachement du 71st Foot, Lorimier adressa de vifs reproches au commandant James Perrigo, marchand de Sainte-Martine, pour avoir dissuadé ses compagnons de se mettre à la poursuite des soldats en fuite. Quelques heures après la fin des combats, les patriotes de Beauharnois apprirent la nouvelle de la défaite de Nelson à Odelltown. Le lendemain, ils se dispersèrent avant l’arrivée de deux bataillons de milice du Haut-Canada. Les plus compromis tentèrent, sous la conduite de Lorimier, de se réfugier aux États-Unis mais celui-ci, pris sous le feu d’un corps de volontaires, s’égara dans la nuit et fut arrêté près de la frontière le 12 novembre au matin. Conduit à pied à la prison de Napierville, il fut transféré le 22 ou le 23 novembre à la prison de Montréal.

Le 11 janvier 1839, Lorimier comparut avec 11 compagnons devant le conseil de guerre que présidait le major général John Clitherow*. Peu après l’ouverture de la cour, on exclut Perrigo du procès. Les accusés se firent représenter par les avocats Lewis Thomas Drummond* et Aaron Philip Hart. Ceux-ci eurent seulement le droit de préparer des plaidoyers écrits pour leurs clients. Après consultation avec ses procureurs, Lorimier déposa d’entrée de jeu un protêt récusant la juridiction du conseil de guerre et réclama un procès devant un tribunal civil. Il fut débouté de sa prétention. Le procès se déroula dans un climat de violence. Lorimier se défendit avec acharnement, dans une salle remplie de bureaucrates assoiffés de sang. Il procéda aux contre-interrogatoires des témoins, les amena à se contredire et contesta toutes les preuves réunies contre lui. Mais c’était peine perdue. À l’insu de Lorimier, Brien, épouvanté par la perspective de l’échafaud, avait déjà signé, contre une promesse d’indulgence des autorités, sa déclaration dans laquelle il dénonçait en particulier son compagnon. Cette confession s’avéra plus préjudiciable à Lorimier que toutes les dépositions des témoins. Faute de n’avoir pu capturer les principaux chefs de la rébellion, les autorités se rabattirent sur celui qu’elles considéraient comme le personnage le plus en vue du groupe des rebelles de Beauharnois. Charles Dewey Day*, juge-avocat suppléant, s’en prit surtout à Lorimier qu’il dépeignit dans son adresse au conseil de guerre sous les traits d’un criminel très dangereux, qui avait fomenté la rébellion et qui méritait de mourir sur l’échafaud. À l’issue du procès, le 21 janvier, tous les accusés furent trouvés coupables de haute trahison ; seul Lorimier ne bénéficiait pas d’une recommandation à la clémence de l’exécutif.

Drummond et Hart firent des démarches répétées auprès du gouverneur Colborne et des membres du Conseil spécial pour sauver la vie de Lorimier, mais en vain. Le 9 février 1839, ils tentèrent une manœuvre ultime en demandant une ordonnance de sursis contre le conseil de guerre. Malheureusement, la Cour du banc du roi rejeta cette requête. Le 14 février, Henriette Cadieux adressa de son côté une lettre à Colborne dans laquelle elle le suppliait de gracier son mari dont l’exécution avait été décidée le jour précédent. Colborne ne daigna même pas répondre à cette supplique.

C’est d’un pas ferme que Lorimier gravit les marches de l’échafaud en compagnie de Charles Hindenlang, d’Amable Daunais, de François Nicolas et de Pierre-Rémi Narbonne, le 15 février 1839, à neuf heures du matin. À la veille de son exécution, il avait rédigé son testament politique, dans lequel il exprimait l’espoir de voir son pays libéré un jour de la domination britannique et qu’il concluait par ces mots émouvants et pathétiques : « Quant à vous mes compatriotes ! Puisse mon exécution et celle de mes compagnons d’échaffaud vous être utiles. Puissent-elles vous démontrer ce que vous devez attendre du gouvernement Anglais. Je n’ai plus que quelques heures à vivre, mais j’ai voulu partager ce tems précieux entre mes devoirs religieux et ceux [dûs] à mes compatriotes. Pour eux, je meurs sur le gibet de la mort infâme du meurtrier, pour eux je me sépare de mes jeunes enfants, de mon épouse, sans autre appui que mon industrie et pour eux je meurs en m’écriant – Vive la Liberté, Vive l’Indépendance. » On enterra le corps de Lorimier dans une fosse de l’ancien cimetière catholique de Montréal, là où se trouve aujourd’hui le square Dominion. Après la mort de son mari, Henriette Cadieux, incapable de payer les dettes contractées par Lorimier, dut renoncer à sa succession. En 1858, on aurait procédé à l’exhumation des cendres du patriote qui furent transportées fort probablement au monument aux morts dédié aux victimes de 1837–1838, dans le cimetière Notre-Dame-des-Neiges.

En 1883, le journaliste Laurent-Olivier David organisa une souscription publique en faveur d’Henriette Cadieux et de ses deux filles, qui vivaient pauvrement à L’Assomption. Avec l’aide d’Honoré Beaugrand*, éditeur de la Patrie, et de l’écrivain Louis-Honoré Fréchette*, il réussit à recueillir 1 300 $, dont 1 000 $ furent versés à la veuve de Lorimier en guise de réparation nationale. La même année, par un juste retour des choses, le conseil municipal de la ville de Montréal adopta une résolution qui changea le nom de l’avenue Colborne en celui d’avenue de Lorimier. D’après le North American, Lorimier était plutôt de taille moyenne, il avait le teint brun, les cheveux et les yeux noirs. À cette description s’ajoute celle que David avait faite dans son article sur Lorimier, publié dans l’Opinion publique du mois de mars 1881 : « [le visage de Lorimier] était ovale, [...] ses traits réguliers ; il avait le front haut, la figure douce et intelligente. On avait l’idée, en le voyant, d’un homme de cœur et d’imagination, d’un esprit distingué. »

Qu’un personnage comme Chevalier de Lorimier ait suscité des perceptions très différentes dans l’historiographie n’est guère surprenant. Il est cependant un point sur lequel ses biographes et les historiens sont d’accord : la sincérité de ses convictions. L’historien Pascal Potvin a condamné l’aveuglement de certains chefs de l’insurrection de 1838, mais il a dû reconnaître la sincérité de Lorimier. Pour leur part, le biographe du North American et David ont soutenu que Lorimier était l’un des patriotes les plus convaincus du succès du mouvement insurrectionnel. Fidèle à lui-même, il s’était acquitté de la mission qu’on lui avait confiée : les patriotes de Beauharnois remplirent leur partie du plan d’invasion et ils formèrent ensuite l’un des derniers groupes d’insurgés à avoir résisté à l’armée britannique. Le seul tort de Lorimier serait d’avoir trop fait confiance à Nelson et à Côté – mais aurait-il pu faire autrement dans les circonstances ? – quant à la préparation et au déroulement du soulèvement et d’avoir cru aux promesses de soutien des Américains. Son plus grand mérite est d’être allé jusqu’au bout de son idéal politique et de son engagement révolutionnaire, au prix de sa propre vie. Il reste que Lorimier est passé à l’histoire comme un grand patriote et comme un martyr de la cause indépendantiste bas-canadienne.

Michel de Lorimier

Le minutier de Chevalier de Lorimier, contenant des actes passés entre 1829 et 1838, est conservé aux ANQ-M, sous la cote CN1-122.

Lorimier a de plus laissé une intéressante correspondance qui comprend plusieurs lettres écrites pour la plupart durant son séjour à la prison de Montréal et adressées à sa femme, à ses parents et à des amis. Les originaux et les copies de ces lettres sont disséminés dans différents dépôts d’archives, entre autres : aux ANQ-M, P-224/1, no 78 ; aux ANQ-Q, E17/37, no 2972 ; P1000-8-124 ; P1000-49-976 ; P1000-66-1317 ; et P1000-87-1806 ; aux ASQ, Fonds Viger-Verreau, carton 67, no 6 ; aux ASTR, dans les papiers Wolfred Nelson, qui font partie de la collection Montarville Boucher de la Bruère (0032) ; à la BVM-G, mss, Lorimier à [L.-A.] Robitaille, 12 févr. 1839 ; et au musée David MacDonald Stewart (Montréal), Album lady La Fontaine, Lorimier à [lady La Fontaine (Adèle Berthelot)], 15 févr. 1839. Parmi cette correspondance se trouve également le testament politique que Lorimier a rédigé à la veille de son exécution ; ce document est déposé aux ANQ-Q, sous la cote E17/37, no 2971 (copies sous les cotes P1000-49-976 et P1000-66-1317).

Cette correspondance a été reproduite dans plusieurs journaux, ouvrages de référence, études et périodiques. Journal des sympathisants américains à la cause patriote, le North American a publié la plupart des lettres de Lorimier dans ses éditions des 15 mai, 7 août, 6 nov. 1839, 22 janv., 24 juin et 25 juill. 1840 ; l’édition du 22 janv. 1840 contient une lettre particulièrement éclairante sur ses dispositions au moment de la préparation de la seconde insurrection en juillet 1838. À la même époque, le Patriote canadien (Burlington, Vt.), organe des patriotes canadiens réfugiés aux États-Unis, dirigé par Ludger Duvernay, a aussi fait paraître quelques-unes de ces lettres dans son numéro du 13 nov. 1839. Moins de dix ans plus tard, le littérateur James Huston* publia l’ensemble des lettres de Lorimier dans le Répertoire national (1848–1850), 2 : 97–108. Puis, vers la fin du xixe siècle, Laurent-Olivier David publia à son tour cette correspondance dans le cadre de son article intitulé « les Hommes de 37–38 : de Lorimier », paru dans l’Opinion publique, 10 févr. 1881 : 61–62 ; 3 mars 1881 : 97 ; 10 mars 1881 : 109–110 ; David reprit cet article dans Patriotes, 237–263. Enfin, au xxe siècle, certains éléments de la correspondance de Lorimier ont été publiés, à savoir : «Testament politique de Chevalier de Lorimier (14 février 1839) » et « Lettre du patriote Chevalier de Lorimier à sa femme (15 février 1839) », ANQ Rapport, 1924–1925 : 1, 32 ; « Lettre de Chevalier de Lorimier à Pierre Beaudry (14 février 1839) », 1926–1927 : 145 ; et « Lettre du Chevalier de Lorimier au baron de Fratelin (15 février 1839) », BRH, 47 (1941) : 20.

Un portrait au crayon de Lorimier, attribué à Jean-Joseph Girouard*, se trouve dans l’album de lady La Fontaine, au musée David MacDonald Stewart.

ANQ-M, CC1, 23 avril 1839 ; CE1-51, 10 janv. 1832 ; CE5-19, 27 déc. 1803 ; CN1-32, 10–13 mai, 20 juin 1839 ; CN1-270, 3 sept. 1823, 9 janv. 1832.— ANQ-Q, E17/6, no 7 ; E17/14, no 793 ; E17/27, nos 2027–2030 ; E17/28, nos 2031, 2047, 2051, 2058–2060, 2062–2063, 2075 ; E17/37, no 2968, 2973 ; E17/39, no 3116 ; P-68/3, no 313 ;P-68/4, no 429 ; P-68/5, no 559 ; P-92.— APC, MG 24, A2, 50 ; A27, 34 ; B2, 17–21 ; B39 ; RG 4, B8 : 2908–2918 ; B20, 28 : 11218–11219, 11256–11259, 11297–11300 ; RG 31, C1, 1825, 1831, Montréal.— Arch. de la ville de Montréal, Doc. administratifs, Procès-verbaux du conseil municipal, 27 juin 1883.— BVM-G, Fonds, Ægidius Fauteux, notes compilées par Ægidius Fauteux sur les patriotes de 1837–1838 dont les noms commencent par la lettre L, carton 6.— Musée David MacDonald Stewart, Pétition, janv. 1828.— [Henriette Cadieux], « Lettre de la veuve du patriote de Lorimier au baron Fratelin », BRH, 46 (1940) : 372–373.— Amury Girod, « Journal tenu par feu Amury Girod et traduit de l’allemand et de l’italien », APC Rapport, 1923 : 408–419.— « Papiers Duvernay », Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3e sér., 6 : 6–7, 9–10 ; 7 : 20–23, 25–26, 184–185.— L.-J.-A. Papineau, Journal d’un Fils de la liberté.— F.-X. Prieur, Notes d’un condamné politique de 1838 (Montréal, 1884 ; réimpr., 1974).— Rapport du comité choisi sur le gouvernement civil du Canada (Québec, 1829), 351–353.— Report of state trials, 1 : 293–376 ; 2 : 141–286, 548–561.— « Un document inédit sur les événements assez obscurs de l’insurrection de 1837–38 », [F.-L.-G.] Baby, édit., Canadian Antiquarian and Numismatic Journal, 3e sér., 5 (1908) : 3–31.— Le Canadien, 15 nov. 1839.— La Minerve, 13, 20 déc. 1827, 10, 28 janv. 1828, 21 sept. 1829, 11, 15, 18 mai, 29 juin, 26, 30 oct., 9 nov. 1837.— Montreal Gazette, 22 janv., 19 oct. 1839.— North American, 22 mai, 4, 11, 18 déc. 1839.— Almanach de Québec, 1830–1838.— Appleton’s cyclopædia of American biography, J. G. Wilson et John Fiske, édit. 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Michel de Lorimier, « LORIMIER, CHEVALIER DE (baptisé François-Marie-Thomas) (François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lorimier_chevalier_de_7F.html.

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Auteur de l'article:    Michel de Lorimier
Titre de l'article:    LORIMIER, CHEVALIER DE (baptisé François-Marie-Thomas) (François-Marie-Thomas-Chevalier de Lorimier)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
Année de la révision:    1988
Date de consultation:    25 nov. 2024