MALHIOT, ÉDOUARD-ÉLISÉE, patriote et avocat, né à Saint-Pierre-les-Becquets (comté de Nicolet, Qué.) vers 1810 ou 1814 et décédé en août 1875 à L’Assomption (Assumption) dans l’Illinois.

Les renseignements sur l’enfance et la jeunesse d’Édouard-Élisée Malhiot font totalement défaut. On sait cependant qu’il s’est rendu à Montréal vers 1830 et y a fait des études légales. À Montréal il épousa la cause du parti patriote avec une sorte de ferveur mystique. Ami de Ludger Duvernay*, ardent partisan de Louis-Joseph Papineau et membre actif des Fils de la liberté [V. Leblanc], il était de toutes les assemblées, de toutes les manifestations qui, d’avril à novembre 1837, se multiplièrent à Montréal. Le 6 novembre il participa au brutal affrontement entre les Fils de la liberté et les membres du Doric Club, favorables à la politique du gouvernement. Cet épisode, comme il le confia à Duvernay, fut pour lui le début d’un engagement total.

Il se lança dans la bataille tel un croisé. Le lendemain des événements de Saint-Charles il aurait commandé la petite troupe qui, le 28 novembre, à Pointe-Olivier (Saint-Mathias) dans le comté de Rouville, tenta d’intercepter le colonel George Augustus Wetherall*, en route vers Montréal. Peu après, Malhiot, avec plusieurs de ses compatriotes, gagna les États-Unis et se réfugia à Swanton au Vermont. À la tête d’un groupe de 70 à 80 hommes, il retraversa la frontière dans le but de rejoindre les Patriotes à Saint-Eustache. Il fut rapidement arrêté à Moore’s Corner (Saint-Armand-Station), le 6 décembre, par un parti de volontaires canadiens [V. Moore]. Blessé, il regagna Swanton le lendemain où commença pour lui une courte mais douloureuse période d’exil.

Malhiot traversa une phase de découragement. Pendant les premières semaines de janvier sa situation matérielle était très précaire. Surtout, il appréhendait le pire pour l’avenir. À son avis, les Américains mettaient trop de temps à manifester de façon tangible leur sympathie et surtout leur appui. Par ailleurs les dissensions parmi les chefs patriotes risquaient de compromettre irrémédiablement la cause de l’indépendance. Fidèle à Papineau, il en voulait beaucoup à Robert Nelson et à Cyrille-Hector-Octave Côté* de critiquer publiquement son chef. Ce n’est que vers le mois de mai qu’impatient « de la conduite impopulaire et malhonnête de Papineau » il se réconcilia avec Robert Nelson et se rallia à l’idée d’une invasion à partir des États-Unis pour favoriser l’accès à l’indépendance de la république du Bas-Canada.

Après l’échec, le 28 février 1838, d’une première tentative – échec dû, croyait-on, à une trop grande indiscrétion et à la décision de Washington de veiller plus soigneusement à l’observation de la neutralité américaine –, les Patriotes avaient décidé de se regrouper au sein d’une société secrète : les frères-chasseurs [V. Nelson]. Malhiot devait y jouer un rôle important. Profitant de l’amnistie générale accordée par lord Durham [Lambton*] le 28 juin 1839, il revenait à Montréal en août de la même année avec l’intention d’y rester. Il ne fut pas inquiété. Nommé Grand Aigle de l’Association des frères-chasseurs, il fit un travail de propagande remarquable dans la vallée du Richelieu. Circulant de paroisse en paroisse, le Commandant du Sud, comme il s’intitulait lui-même, fondait des loges, initiait de nouveaux adeptes et promettait des armes et des munitions pour le jour du soulèvement général. Ce jour-là, le 3 novembre, les Patriotes du Bas-Canada aidés par l’armée d’invasion dirigée par Nelson devaient lancer des attaques simultanées contre Saint-Jean, Chambly, Sorel et se diriger vers Montréal où les Patriotes se seraient soulevés. Sorel était l’objectif de Malhiot.

Le plan élaboré se solda par un échec total. Malhiot parvint à rassembler rapidement près de 300 hommes à Saint-Ours et se mit en route vers son objectif dans la nuit du 3 au 4 novembre. Apprenant que Nelson n’avait pas bougé de Napierville, il revint à Saint-Ours la même nuit. Il assista impuissant au départ de Nelson de Napierville, à sa défaite à Odelltown et à sa fuite aux États-Unis. Du 10 au 14 novembre avec environ 200 Patriotes, en possession de 3 canons et de plus d’une centaine de fusils, il établit un camp dans la montagne de Saint-Bruno-de-Montarville, bien décidé à résister. Peine perdue. Le 14 au matin, à l’approche des troupes régulières venant de Sorel, Malhiot, dont la tête était mise à prix, s’enfuit avec quelques compagnons. Ils franchirent la frontière après avoir erré deux semaines dans la forêt.

Malhiot était profondément abattu et aigri de la tournure des événements. Peu de personnes trouvaient grâce à ses yeux. À Duvernay il écrit son mépris pour l’égoïsme et l’ignorance des Américains, pour l’ingratitude de ses compatriotes et surtout pour la fourberie et la lâcheté d’une partie de ceux qui prêchaient la révolution avant novembre 1837 dans le but de se faire une popularité ou par intérêt personnel. Il n’est pas impossible que ses sentiments, plus un certain malaise à l’idée de revoir ceux qui avaient cru en lui, expliquent pourquoi Malhiot choisit l’exil. De toutes façons il n’avait pas le tempérament pour accepter de vivre effacé.

Après une certaine hésitation il alla se fixer à L’Assomption (Assumption), en Louisiane. Il existait en Louisiane une colonie francophone à laquelle s’étaient joints d’autres réfugiés de 1837–1838 comme par exemple Benjamin Ouimet et les docteurs J.-Guillaume Beaudrieau et Pierre Damour. Jusqu’en 1856 il pratiqua le droit avec beaucoup de succès acquérant la fortune et la célébrité. En 1856, un district l’élut sénateur en son absence.

En 1856, en effet, Malhiot avait décidé de renouer avec son passé. Abandonnant sa carrière il acheta des terres très fertiles en Illinois. Il avait conçu le projet d’y fonder une colonie agricole où pourraient s’établir quelques-uns des milliers de Canadiens français qui, chaque année, contraints d’émigrer, préféraient retrouver la terre plutôt que de travailler dans les briquetteries et les manufactures de textiles de la Nouvelle-Angleterre. Une cinquantaine de familles dont quelques-unes de sa paroisse natale l’y rejoignirent. Son œuvre prospéra. Il obtint les services d’un prêtre canadien pour sa petite communauté de L’Assomption (Assumption). En 1875 il mourait prématurément, emporté par le choléra. Il laissait dans le deuil son épouse et deux fils.

Yves Roby

Inventaire des documents relatifs aux événements de 1837 et 1838, conservés aux archives de la province de Québec, RAPQ, 1925–1926, 172, 193, 210, 212, 217, 221, 224, 258, 259, 260, 272, 322.— Papiers Duvernay conservés aux archives de la province de Québec, RAPQ, 1926–1927, 147–252.— Fauteux, Patriotes.— Ivanhoë Caron, Édouard-Élisée Malhiot, MSRC, 3° sér., XXII (1.928), sect. : 155–166.

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Yves Roby, « MALHIOT, ÉDOUARD-ÉLISÉE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/malhiot_edouard_elisee_10F.html.

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Auteur de l'article:    Yves Roby
Titre de l'article:    MALHIOT, ÉDOUARD-ÉLISÉE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    20 nov. 2024