DCB/DBC Mobile beta
+

Dans le cadre de l’accord de financement entre le Dictionnaire biographique du Canada et le Musée canadien de l’histoire, nous vous invitons à participer à un court sondage.

Je veux participer maintenant.

Je participerai plus tard.

Je ne veux pas participer.

J’ai déjà répondu au sondage

Nouvelles du DBC/DCB

Nouvelles biographies

Biographies modifiées

Biographie du jour

La Confédération

Le gouvernement responsable

Sir John Alexander Macdonald

De la colonie de la Rivière-Rouge au Manitoba (1812–1870)

Sir Wilfrid Laurier

Sir George-Étienne Cartier

Sports et sportifs

Les fenians

Les femmes dans le DBC/DCB

Les conférences de Charlottetown et de Québec en 1864

Les textes introductifs du DBC/DCB

Les Acadiens

Module éducatif

La guerre de 1812

Les premiers ministres du Canada en temps de guerre

La Première Guerre mondiale

L'administration de la Nouvelle-France (suite)
 

Sous l’intendant évoluaient trois groupes de fonctionnaires : ceux des « bureaux » de la Marine, ceux du Domaine d’Occident, enfin le grand voyer et ses collaborateurs. Les bureaux de la Marine étaient chargés des entrepôts du roi et de la garde des vivres, munitions et autres marchandises, propriété de l’État. Ils étaient sous la direction du contrôleur de la Marine [Clairambault d’Aigremont], responsable de la direction et de la comptabilité des entrepôts du roi, qui résidait à Québec. Il avait sous ses ordres deux équipes, l’une à Québec, l’autre à Montréal, formées l’une et l’autre d’un garde-magasin, d’un trésorier et d’écrivains (commis aux écritures), soit une trentaine de fonctionnaires. Le directeur du Domaine d’Occident était chargé, pour sa part, de l’administration de certains territoires exploités au profit du roi (le Domaine du roi, ou traite de Tadoussac) et de la perception de certains droits, comme le quart du castor, le dixième de l’orignal, et cet autre droit de 10 p. cent sur les vins, eaux-de-vie et tabacs. Son personnel comprenait un contrôleur, des visiteurs (inspecteurs), un capitaine des gardes et des écrivains, soit, au total (à l’exception des gardes), moins de dix hommes. Le grand voyer, quant à lui, était responsable de la construction et de la réfection des routes et des ponts, de l’alignement des maisons de ville, de l’entretien des pavés, en un mot, de la voirie, comme son titre l’indique [Pierre Robinau de Bécancour]. Il avait des commis, qui l’assistaient ou le remplaçaient en cas d’absence [François Genaple].

Cette administration bicéphale, fondée sur un partage des pouvoirs entre le gouverneur général et l’intendant, s’incarnait cependant, en quelque sorte unifiée, dans la personne du capitaine de milice, lequel, au niveau de la paroisse ou de la seigneurie, représentait à la fois le gouverneur et l’intendant, le militaire et le civil. Le gouverneur seul avait juridiction sur lui, à vrai dire, mais l’intendant le chargeait souvent de l’application, dans le territoire qui était le sien, de certains règlements et ordonnances, de la surveillance et même de la direction des travaux de voirie, et d’autres choses. Sur ce plan, le capitaine de milice, bien que censitaire, était au-dessus du seigneur.

Le rôle civil du capitaine de milice était atténué, cependant, dans les seigneuries pourvues d’une cour de justice : l’intendant chargeait alors les officiers du tribunal de veiller à l’exécution de ses ordonnances. Ces cours subalternes n’étaient point sans importance : si, en effet, la seigneurie était le point d’arrivée, l’aboutissement de l‘administration coloniale, elle était en même temps le point de départ de l’administration de la justice qui, de juridiction en juridiction, remontait jusqu’au roi.

Jusqu’à la fin du xviie siècle, on accorda assez libéralement le droit de « haute, moyenne et basse justice » aux seigneurs de la colonie ; par la suite, on restreignit ce droit à la basse justice seulement, laissant aux juridictions royales le soin d’entendre les affaires d’une certaine importance. Le seigneur justicier devait nommer dans ses terres des officiers de justice auxquels l’intendant délivrait leurs commissions. Ces justices seigneuriales portèrent différents noms, qui ne reflètent cependant aucune dissemblance entre elles : on eut des sénéchaussées, des prévôtés, des bailliages, mais en général on parlait plutôt de justices seigneuriales (ou subalternes) ou encore de juridictions seigneuriales. Ces tribunaux de première instance étaient formés d’un juge (dit juge sénéchal [Jacques Barbel], juge prévôt, juge bailli ou juge seigneurial, selon les cas), d’un procureur fiscal [Hilaire Bernard], d’un greffier (qui, le plus souvent, exerçait aussi comme notaire [Paul Vachon père]) et d’un huissier [Antoine-Olivier Quiniart]. Ces fonctionnaires étaient payés par le seigneur, au nom duquel ils rendaient la justice. Les appels des cours seigneuriales ressortissaient à la juridiction royale du gouvernement dont elles dépendaient. 

Dans chacun des trois gouvernements de Québec, de Trois-Rivières et de Montréal, en effet, siégeait une cour royale, appelée prévôté à Québec (entre 1680 environ et 1717, on rencontre aussi Prévôté et Amirauté de Québec), et juridiction royale à Trois-Rivières et à Montréal. La Prévôté de Québec, cour de première instance, au civil et au criminel, fut aussi chargée d’entendre les causes relatives au commerce maritime (jusqu’en 1719) et servait de cour d’appel pour les juridictions seigneuriales du gouvernement. Créée en 1667 par la Compagnie des Indes occidentales, cette cour fut en principe abolie en 1674 par la démission de la compagnie ; elle continua toutefois de siéger [Louis-Théandre Chartier*] et fut « rétablie » officiellement en 1677. La juridiction royale de Trois-Rivières, elle-même issue d’une cour (ou juridiction) formée en 1667 par la Compagnie des Indes occidentales, connut une histoire semblable à celle de la Prévôté de Québec, joua le même rôle dans son gouvernement, mais ne s’intéressa pas aux affaires maritimes. À Montréal, les choses se passèrent autrement. Les Sulpiciens, seigneurs de Montréal depuis 1663, possédaient en effet leur propre tribunal seigneurial ; ils rendirent la justice jusqu’en 1693, alors qu’une juridiction royale semblable à celle de Trois-Rivières fut installée par ordre du roi à Montréal. Les Sulpiciens renoncèrent alors à nommer les officiers de justice, à l’exception du greffier ou garde du greffe dont ils restaient les propriétaires. Outre leurs attributions proprement judiciaires, ces juridictions enregistraient ou insinuaient, dans les registres prévus à cette fin, les commissions de leurs officiers et, dans certains cas, des documents divers, contrats de mariage, testaments, donations, par exemple. Les appels de ces tribunaux ressortissaient au Conseil souverain. 

Ces juridictions royales étaient formées des officiers de justice suivants, nommés par le roi (à l’exception des huissiers) : un lieutenant général civil et criminel (juge royal) [René-Louis Chartier], assisté (sauf à Trois-Rivières où cet office n’existait point) d’un lieutenant particulier (juge royal adjoint) à partir de 1695 à Québec et de 1712 à Montréal [Paul Dupuy], d’un procureur du roi [Louis Boulduc], d’un greffier [Pierre Rivet Cavelier] assisté de commis-greffiers, et d’huissiers [Jean-Baptiste Pottier]. Auxiliaires de la justice, les notaires royaux [Jacques Barbel] étaient rattachés à ces juridictions royales. En l’absence d’avocats dans la colonie – où ils ne furent jamais admis à l’exercice de leur profession –, des notaires, des greffiers, des huissiers, voire de simples particuliers étaient autorisés à paraître comme praticiens devant toutes les cours de la Nouvelle-France et à représenter les parties, à exposer les faits, mais non point à plaider. Ces praticiens n’étaient pas, à ce titre, des officiers de justice, et leur rémunération était débattue entre eux et les justiciables dont ils prenaient les intérêts.

En 1677, l’appareil judiciaire de la colonie fut doté, au criminel, d’une maréchaussée ayant à sa tête un grand prévôt [Philippe Gaultier* de Comporté] assisté d’un greffier [René Hubert] – tous deux nommés par le roi – et de six archers. La maréchaussée ne fut jamais, à vrai dire, un tribunal : elle était plutôt chargée de la recherche des criminels, des informations (interrogatoires) et de la constitution du dossier à remettre au procureur du roi pour que fût ordonnée la tenue d’un procès. Le criminel était enfermé dans les « prisons royaux », sous la garde du concierge des prisons (on dit aussi geôlier et gardien des prisons) [François Genaple ; Antoine Adhémar ; Michel Lepallieur de Laferté]. La question et les châtiments étaient appliqués par le maître des hautes œuvres (ou bourreau) [Jean Rattier], nommé par le Conseil souverain.

Outre ces juridictions royales existait encore, à Québec, une officialité diocésaine, tribunal ecclésiastique créé par Mgr de Laval dès 1660 mais reconnu officiellement par l’État en 1684 seulement. Ce tribunal, dont l’official (juge), le promoteur (procureur) et le greffier [Jacques Barbel] étaient nommés par l’évêque, entendait en première instance les causes civiles et criminelles dans lesquelles était impliqué un ecclésiastique ou un religieux. Les appels de cette juridiction ressortissaient au Conseil souverain.

L’organisation judiciaire de la colonie fut complétée en 1719, quand siégea pour la première fois l’Amirauté de Québec, créée deux ans plus tôt pour décharger la Prévôté de Québec qui avait tenu lieu d’amirauté pendant de nombreuses années. Ce tribunal avait des attributions judiciaires et administratives. Il devait connaître en première instance, au civil et au criminel, de toutes les causes relatives au commerce maritime et à la marine en général, et juger en temps de guerre de la validité des prises ; en outre, ses officiers devaient assurer la police des ports, quais et havres, réglementer la pêche, veiller au sauvetage et à la conservation des épaves et effets naufragés, et faire observer les lois et règlements sur la contrebande par mer. Les officiers de l’Amirauté de Québec, nommés par le grand amiral de France, au nom duquel ils rendaient la justice, et agréés par le roi, étaient au nombre de trois : un lieutenant général (juge) [Jean-Baptiste Couillard de Lespinay], un procureur [Nicolas-Gaspard Boucault*] et un greffier [Jean-Claude Louet]. De ce tribunal dépendait le capitaine maître de port (ou capitaine de port) [Louis Prat], autrefois sous l’autorité directe de l’intendant et qui avait pour fonctions principales d’assurer, avec l’aide d’un lieutenant et d’un maître de port qui avait rang d’enseigne, la police du port et d’empêcher les capitaines de navire et les particuliers de jeter dans la rade des pierres ou toute autre chose qui pût endommager les navires. Sous les ordres de ces officiers travaillaient des maîtres de quai, des interprètes, des courtiers, des jaugeurs, des lesteurs et délesteurs, et autres. Rattaché au même tribunal, le receveur délivrait aux navires leurs congés, ou permis de quitter le port. Les appels de cette juridiction ressortissaient au Conseil souverain.

Le Conseil souverain couronnait l’organisation judiciaire du pays. Au xviiie siècle, il ne jugeait plus qu’en appel et ne conservait, de ses droits administratifs, que ceux d’enregistrement et de remontrance ; il participait encore à la police générale, mais toujours en présence de l’intendant et en quelque sorte sous sa dictée. Le nombre des conseillers, qui était de cinq en 1663, outre le gouverneur général, le vicaire apostolique et, après 1665, l’intendant, passa à sept en 1675 (ces conseillers étant dès lors nommés à vie, par le roi). En 1703, le nom du conseil fut changé en celui de Conseil supérieur, et le nombre des conseillers porté à douze, dont un conseiller-clerc. Avec le gouverneur, l’évêque et l’intendant, les 12 conseillers, le procureur général [Mathieu-Benoît Collet] et le greffier ou secrétaire, le Conseil supérieur comptait donc 17 personnes, auxquelles s’ajouta en 1733 le commissaire de la Marine de Montréal. En 1742, le roi donna séance au conseil à quatre assesseurs, en principe des étudiants en droit, nommés pour trois ans et qui n’avaient, sauf en de très rares occasions, qu’une voix consultative. Ainsi composé, le Conseil supérieur jugeait les appels des juridictions royales, de l’amirauté et de l’officialité. De ses sentences on ne pouvait appeler qu’au Conseil du roi, en France.

Telles furent, en leur belle simplicité, les structures administratives de la Nouvelle-France. Pour compléter la trop brève description que nous en avons faite, il aurait fallu en analyser d’une façon beaucoup plus poussée le fonctionnement, en évaluer les avantages et les inconvénients, et surtout décrire l’esprit qui les inspira. Mais ce n’est pas le but qu’on s’était proposé ici : il suffisait, beaucoup plus modestement, de reconstituer les cadres à l’intérieur desquels évoluèrent tant de personnages dont la carrière est racontée dans les premiers tomes de cet ouvrage. C’est à la lecture des biographies consacrées à ces personnages, en effet, que le lecteur verra s’animer ces structures administratives, qu’il en découvrira les intentions et les objectifs, et qu’il en évaluera les résultats.

 

Vachon, André. Directeur adjoint, Dictionnaire biographique du Canada/Dictionary of Canadian Biography ; Directeur général, Les Presses de l’université Laval, Québec, Québec. 

 

André Vachon,« l’Administration de la Nouvelle-France », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2 (les Presses de l’univ. Laval, 1969 ; éd. corrigée 1991)

 

Page précédente

Retour vers le haut

◀◀  14 15 16 17 18 19 20  ▶▶