BERNARD DE LA RIVIÈRE (Darivière), HILAIRE, maçon, entrepreneur de bâtiments, « architecte », arpenteur royal, huissier, praticien, procureur fiscal et notaire, né en France vers 1640, inhumé à Québec le 1er décembre 1729.

Hilaire Bernard de La Rivière était entrepreneur de bâtiments. C’est à ce titre que Mgr de Saint-Vallier [La Croix], pour lors en France, l’engageait en 1688 pour diriger les travaux d’agrandissement de la cathédrale de Québec et de, construction d’une église à la basse ville, la future Notre-Dame-des-Victoires. Une fois au Canada, La Rivière demanda à l’intendant de Champigny [Bochart] une commission de « mesureur et arpenteur royal » qu’il obtint le 20 juillet l 689, d’autant plus facilement peut-être que – l’intendant le rappelle – il avait déjà exercé les mêmes fonctions en France. Il vint au pays avec son épouse, Marguerite Gillet. Autant qu’on sache, le couple n’avait pas d’enfants. Madame La Rivière devait périr à Sept-Îles, en 1693, dans le naufrage du Carossol, qui rentrait en France.

Décidé à rester au pays, Benard de La Rivière, avec un enthousiasme et une ambition dignes d’un homme beaucoup plus jeune, s’y tailla une remarquable carrière. Architecte et entrepreneur – ce qui, à l’époque, signifiait à peu près la même chose – il construisit beaucoup, surtout des ouvrages de pierre. Le 28 septembre 1692, il s’engageait avec son confrère François de Lajoüe à faire la maçonnerie du nouveau fort de Québec, ainsi que de la résidence du gouverneur ; et, le 3 juin 1693, avec le même associé, à construire la porte Saint-Jean, d’après les plans de Dubois* Berthelot de Beaucours. Il travailla beaucoup aussi pour des particuliers et forma plusieurs apprentis. Sa compétence était reconnue : régulièrement les juges du Conseil souverain le chargeaient de «visiter » des travaux ou des bâtiments et de dresser procès-verbal de ses constatations. Comme arpenteur, Bernard de La Rivière ne chômait pas non plus, parcourant infatigablement, théodolite en main, toutes les seigneuries du gouvernement de Québec.

Or, en 1707, sans rien abandonner de ses occupations antérieures, il entrait de plain-pied dans une autre carrière. Le 14 janvier, l’intendant Jacques Raudot le nommait huissier au Conseil supérieur, et, le 7 mai suivant, notaire et huissier dans les côtes du gouvernement de Québec « tant quil ny aura point dautres no.res et dautres sergents [huissiers] Etablis dans lesd. Endroits ». Puis, le 15 juillet 1711, il était appointé procureur fiscal de la seigneurie de Lauson. La même année, le 6 novembre, Raudot lui permettait de recevoir à Québec ratification des actes qu’il aurait pu dresser dans les côtes. (Cela ne lui conférait pas le droit d’exercer le notariat à Québec, comme on l’a prétendu, mais seulement d’y faire ratifier des actes passés en l’absence d’une des parties.)

Sa carrière d’officier de justice et de notaire, Hilaire Bernard de La Rivière l’aborda alors qu’il était bien près de ses 70 ans. Mais le plus remarquable est que toutes ses fonctions l’obligeaient à des déplacements constants, en hiver comme en été, aux quatre coins du gouvernement de Québec, et dans les conditions extrêmement pénibles de l’époque, où le canot et la raquette étaient a peu près les seuls moyens de transport. Par sa commission de 1707, il devenait le premier de ces notaires « ambulants » qui, sac au dos, parcouraient les seigneuries les unes après les autres à la recherche de la clientèle. De ces vagabonds du notariat, Philippe-Joseph Aubert* de Gaspé, dans ses Anciens Canadiens, a donné une description pittoresque. Huissier, Bernard de La Rivière avait à signifier des avis, assignations, arrêts et ordonnances dans les endroits les plus reculés : le 10 février 1710, par exemple, Jacques Barbel était condamné à lui payer 36# pour les six journées employées « au Voyage qu’il a fait pour Signiffier à Julien Laigne habitant de Tilly Un arret de ce Con.el ». Comme arpenteur, Bernard fut requis dans des seigneuries aussi éloignées de Québec que Sainte-Anne de la Pocatière, à l’est, et Sainte-Anne de la Pérade, à l’ouest. Ses absences nombreuses et répétées l’empêchèrent d’exercer les fonctions de praticien, qu’il ne remplit que fort épisodiquement devant le conseil.

Infatigable marcheur, il ne cessa ses arpentages qu’en 1723, à 83 ans. Sa vigueur déclinait. L’année suivante, le 26 août 1724, dans une commission qui ressemble à un bulletin de santé, l’intendant Michel Bégon* nommait François Rageot huissier au Conseil supérieur, « attendu l’infirmité du S. Hilaire Bernard de la Rivière qui ne lui permet pas a cause de son grand aâge de pouvoir toujours travailler ». La Rivière reçut son dernier acte notarié le 7 octobre 1725. Le 30 juin 1726, il était paralysé, mais vécut encore trois ans et demi.

Bernard de La Rivière s’était remarié à Québec, le 3 novembre 1694, avec Marie-Madeleine Voyer, avec qui il eut neuf enfants, dont trois filles et un garçon, nés entre 1703 et 1708, restaient à sa charge en 1720. Peut-être faut-il voir dans ses responsabilités familiales la raison de sa carrière si prolongée. Veuf une seconde fois au début d’octobre 1711, Bernard de La Rivière avait épousé à Beauport, le 22 septembre 1712, Gabrielle d’Anneville, veuve de Mathieu Lagrange, qui fut inhumée à Québec le 13 octobre 1728.

Devant l’admirable activité de ce vieillard, on se rappelle invinciblement La Fontaine : « Un octogénaire plantait. » Mais dans la vie comme dans la fable, c’est le vieillard qui eut raison.

André Vachon

AJQ, Greffe d’Hilaire Bernard de La Rivière, 1707–1725 ; Greffe de Louis Chambalon, 22 oct. 1693, 2 nov. 1694, 31 janv, et 21 mars 1695, 31 mai 1702, 8 mars 1715 ; Greffe d’Étienne Dubreuil, 20 sept, 1712, 30 juin 1726, 10 juill. 1729 ; Greffe de François Genaple, 3 cet., 25 et 29 nov. 1688, 4 mai, 28 sept. et 9 nov. 1692, 29 mai 1695, 22 oct. 1696, 2 oct. 1698, Greffe de Gilles Rageot, 2 mars et 28 mai 1691 ; 22 nov. 1692.— AQ, NF, Coll. de pièces jud. et not., 254, 2036 ; NF, Ins. Cons. sup., III : 9s., 44s. ; VI : 31 v.s. ; NF, Ins. de la Prév. de Québec, 1 : 629, 707, 731 ; II : 353 ; III : 295, 306, NF, Ord. des int., I : 83 v.s., 101v. ; IV : 17v.— Jug. et délib., III, IV, V, VI, passim,— Ord. comm. (P.-G. Roy), II : 183.— Recensement de Québec, 1716 (Beaudet).— A. Roy, Inv. greffes not., VIII : 238–274.— P.-G. Roy, Inv. Jug. et délib., VII : 44s., 62s.— Godbout, Nos ancêtres, RAPQ, 1955–57 : 420–422.— Philippe Aubert de Gaspé, Les Anciens Canadiens (Québec, 1863) I 351s., 410-Auguste Gosselin, Henri de Bernières, premier curé de Québec (« Les Normands au Canada », Québec, 1902), 160s., 374s.— Jean Langevin, Notes sur les archives de Notre-Dame de Beauport (2 vol., Québec, 1860–1863), I : 102.— J.-E. Roy, Histoire du notariat, I : 109, 134, 158–160.— P.-G. Roy, La ville de Québec, I : 520 (hors-texte) ; II : 424s.— J.-E. Roy, La cartographie et l’arpentage sous le régime français, BRH, I (1895) : 38–40, 53s.

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André Vachon, « BERNARD DE LA RIVIÈRE (Darivière), HILAIRE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 18 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bernard_de_la_riviere_hilaire_2F.html.

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Auteur de l'article:    André Vachon
Titre de l'article:    BERNARD DE LA RIVIÈRE (Darivière), HILAIRE
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 2
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1969
Année de la révision:    1991
Date de consultation:    18 nov. 2024