WYATT, CHARLES BURTON, fonctionnaire, né vers 1778 à Londres, fils de James Wyatt, architecte renommé, et de Rachel Lunn ; le 29 mars 1805, il épousa Mary Rogers, et ils eurent cinq enfants ; divorcé pour cruauté en 1811 par jugement d’une cour écossaise, il se remaria par la suite ; décédé le 4 septembre 1840 à Barston, Angleterre.

Charles Burton Wyatt passa son enfance à Londres et dans le domaine rural de son éminente famille. De 1799 à 1801, il fut commis aux écritures à l’East India Company. En mai 1804, en partie grâce à l’influence de son père, il prit la succession de David William Smith au poste d’arpenteur général du Haut-Canada. Un salaire annuel de £300 plus des honoraires s’attachaient à cette fonction. Cependant, la suspension, le 13 janvier 1804, de la commission de l’arpenteur général sur les levés avait réduit ces honoraires. Déjà en difficultés financières, Wyatt craignait que « [son] mariage, contracté sans le consentement de [son] père, ne serve d’occasion de [le] priver de cet important approvisionnement monétaire sur lequel, si les choses s’étaient déroulées autrement, [il] aurai[t] pu compter à [son] arrivée en Amérique ». Néanmoins, son père l’aida à acheter la maison de Smith à York (Toronto), au coût de £750.

En novembre 1806, Wyatt se plaignit de la réduction de ses honoraires au secrétaire d’État aux Colonies, William Windham. Il s’en prit aussi à un fonctionnaire de son propre bureau, l’arpenteur général adjoint William Chewett, l’accusant d’avoir bâclé les levés de la vaste étendue de terre achetée des Mississagués en 1805 [V. Kineubenae*]. De plus, il provoqua la colère du lieutenant-gouverneur Francis Gore* en soumettant la question à la chambre d’Assemblée plutôt qu’à l’exécutif. En septembre 1806, son autre assistant, le commis Thomas Gibbs Ridout*, s’était dit insatisfait de son poste. Wyatt tenta d’abord de le remplacer puis, le 31 décembre, sans tenir compte de Gore ni du Conseil exécutif, le démit de ses fonctions. Sur l’avis du conseil, Gore ordonna de réintégrer Ridout, mais Wyatt refusa en faisant valoir que c’était « incompatible avec [son] mandat, [sa] propre sécurité et celle de la population ». Suspendu par Gore le 19 janvier 1807, et démis de ses fonctions par la suite, Wyatt quitta la province au début de février.

La querelle de Wyatt et de Gore découlait en partie d’une interprétation divergente des prérogatives attachées aux commissions de la couronne. Wyatt estimait que son mandat l’habilitait à diriger son bureau sans faire approuver au préalable ses décisions par l’exécutif. Par contre, Gore, le conseil et le solliciteur général D’Arcy Boulton* croyaient que son pouvoir était de fait limité par son mandat et qu’il ne pouvait pas remplacer des fonctionnaires nommés à son bureau par la couronne ou ses représentants. Ce débat présentait un aspect politique, car on croyait que Wyatt avait démis Ridout de ses fonctions parce qu’il avait voté contre le juge Robert Thorpe à l’élection partielle tenue pour remplacer William Weekes*. On associait Wyatt, avec raison, à quelques-uns des plus durs critiques du gouvernement, dont Thorpe et Joseph Willcocks*.

Par ailleurs, à titre d’arpenteur général, Wyatt avait uni sa voix aux protestations qui avaient commencé de s’élever quand, au début de la première décennie du xixe siècle, le lieutenant-gouverneur Peter Hunter* avait tenté de restreindre les droits fonciers des loyalistes. Sensible aux critiques de Hunter, il estimait que les gouverneurs avaient agi, l’un après l’autre, au mépris de la politique impériale. Sa propre suspension lui apparaissait comme un autre exemple de la propension qu’avaient les autorités coloniales de contrevenir, par une action injustifiée, à la politique impériale. Pourtant, disait-il, seul l’animait « un sincère et vif désir de [s’]acquitter, au meilleur de [son] jugement et de [sa] compétence, des fonctions [qui lui avaient été] confiées, [et ce] avec fidélité, bénéfice et honneur pour [lui-même], pour ses employeurs aussi bien que pour la population ».

Tout de suite après sa suspension, Wyatt retourna en Angleterre pour demander justice. Sa famille avait de meilleures relations que Gore et, comme il l’espérait, elle l’aida à acheminer sa plainte par les canaux officiels. Gore avait justifié sa suspension en invoquant un vague motif, « l’opposition générale », et un autre, précis, celui d’avoir effacé un nom d’un registre de localisation des terres pour inscrire le sien. La première accusation était trop générale pour que Wyatt tente de s’y attaquer. Quant à la deuxième, il en fut lavé parce qu’il avait pris toutes les dispositions requises pour vérifier la propriété du lot.

Se présentant comme une victime du « despotisme colonial » qui ne pouvait obtenir justice des autorités, Wyatt intenta un procès à Gore en Angleterre en juin 1814. Il accusait le lieutenant-gouverneur de l’avoir suspendu « par malveillance, et sans raison sérieuse », d’avoir envoyé « de fausses représentations au gouvernement » et de l’avoir diffamé en l’accusant de « désaffection [...] et [de] mauvaise conduite générale dans l’exercice de [ses] fonctions ». Le 11 juillet 1816, le président du tribunal conclut qu’il n’avait pas prouvé que sa suspension était injustifiée mais déclara Gore coupable de diffamation et le condamna à verser £300 à Wyatt en dommages-intérêts. Deux ans plus tard, Thorpe obtint aussi des dommages-intérêts dans un procès semblable contre Gore.

Au début des années 1830, Wyatt vécut dans le comté d’Essex ; sa situation financière était fort précaire. En 1836, il se retira dans le Warwickshire avec sa « douce épouse ». Affligé depuis longtemps d’une maladie de la vessie, il passa ses cinq derniers mois « dans de grandes souffrances ». Selon la plupart des historiens, Wyatt surestimait autant son influence que la solidité de sa position et comprenait mal la nature de ses fonctions. Cependant, comme le fait observer l’historien Gerald Marquis Craig : « Peut-être son plus grand tort fut-il d’être l’ami des mécontents, surtout de Thorpe. » D’autres difficultés surgirent parce qu’il se préoccupait du fait que son département n’agissait pas, avec les Indiens et les loyalistes, conformément à la politique impériale. Finalement, tant de ce côté-ci de l’Atlantique que de l’autre, ses relations politiques ne furent pas assez solides pour le sauver.

Elwood H. Jones

AO, MS 88.— APC, RG 1, E3, 93.— MTRL, W. D. Powell papers ; D. W. Smith papers.— PRO, CO 42/350.— W. W. Baldwin, « A recovered letter : W. W. Baldwin to C. B. Wyatt, 6th April, 1813 », J. McE. Murray, édit., OH, 35 (1943) : 49–55.— [Richard Cartwright], Letters, from an American loyalist in Upper-Canada, to his friend in England ; on a pamphlet published by John Mills Jackson, esquire : entitled, A view of the province of Upper Canada (Halifax, [1810]).— Joseph Farington, The Farington diary, James Greig, édit. (8 vol., Londres, [1923–1928]).— Clement Gatley, Gatley on libel and slander, R. [L.] McEwen et P. [S. C.] Lewis, édit. (7e éd., Londres, 1974).— [J. M. Jackson], A view of the political situation of the province of Upper Canada [...] (Londres, 1809).— « Political state of U.C. », APC Report, 1892 : 32–135.— John Strachan, The John Strachan letter book, 1812–1834, G. W. Spragge, édit. (Toronto, 1946).— Town of York, 1793–1815 (Firth).— H. M. Colvin, A biographical dictionary of English architects, 1660–1840 (2 vol., Londres, 1954).— Antony Dale, James Wyatt, architect, 1746–1813 (Oxford, Angl., 1956).— Derek Linstrum, Sir Jeffry Wyatville (Oxford, 1972).— H. H. Guest, « Upper Canada’s first political party », OH, 54 (1962) : 275–296.— G. [H.] Patterson, « Whiggery, nationality, and the Upper Canadian reform tradition », CHR, 56 (1975) : 25–44.

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Elwood H. Jones, « WYATT, CHARLES BURTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/wyatt_charles_burton_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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