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WILLIE, ALLEN (Allan, Alan) PATRICK, écolier, né le 28 mars 1928 dans la réserve autochtone de Nautley (Fort Fraser), no 1, Colombie-Britannique, fils de Benoit Willie (décédé le 29 septembre 1929) et d’Amelia François ; décédé le 1er janvier 1937 sur le lac Fraser, Colombie-Britannique, et inhumé au cimetière de la réserve.

Allen Patrick Willie naquit au sein d’une petite communauté de Porteurs (Dakelh), dans la réserve de Nautley. Celle-ci était située au centre de la Colombie-Britannique, sur la rive nord du chenal Nautley (appelé par erreur rivière Stellako sur les cartes géographiques publiées entre 1930 et 1966), qui relie le lac Fraser à la rivière Nechako, à l’intérieur du territoire traditionnel des communautés autochtones du lac Fraser. (Ces dernières seraient connues sous le nom de Première Nation Nadleh Whut’en et de Première Nation Stellat’en en 1990.) À la fin du xixe siècle et au début du xxe, les habitants de la région avaient vécu des changements rapides sur le plan social, économique et culturel, provoqués par la construction, achevée en 1914, du Grand Trunk Pacific Railway. Subséquemment, plus la colonisation euro-américaine et l’extraction minière s’intensifièrent, plus il se créa d’emplois salariés. La subsistance et le commerce qui reposaient traditionnellement sur la chasse, la pêche et le trappage persistèrent, mais des règlements imposés par l’État poussèrent les Porteurs à abandonner l’exploitation collective des terres au profit d’un système de propriété familiale privée ; des pressions pour faire enregistrer des titres privés de concessions de piégeage dans les années 1920 et 1930 facilitèrent cette transition.

Parmi ces transformations, les efforts déployés afin d’assimiler les jeunes Autochtones à la culture coloniale eurent de lourdes conséquences sur la communauté des Porteurs. Duncan Campbell Scott*, surintendant général adjoint du ministère des Affaires indiennes, avait fait modifier la loi sur les Indiens, en 1920, pour obliger les enfants autochtones âgés de 7 à 15 ans à fréquenter un externat (école de jour), une école industrielle ou un pensionnat, que le surintendant général pouvait choisir pour eux. La modification prévoyait également la condamnation des parents ou des tuteurs à une amende ou à un emprisonnement nexcédant pas dix jours, ou les deux à la fois, sils ne se soumettaient pas aux autorités dans les trois jours suivant la réception dun avis officiel. De nombreux Porteurs perçurent les avantages qu’une éducation officielle pourrait apporter à leur peuple, en les aidant à s’adapter à une société en mutation, et ils réclamèrent la création d’externats locaux qui incorporeraient leurs coutumes et leur culture au programme d’apprentissage. Les Porteurs avaient d’abord demandé au gouvernement fédéral de leur accorder l’accès à l’éducation publique en 1867, requête qu’ils reformulèrent dans les années 1920, même si bien peu de leurs enfants allèrent à l’école avant 1922. Les pensionnats, financés par le gouvernement avec la participation des principales Églises du Canada [V. Émile Grouard ; George Holmes* ; Joseph Hugonard*], avaient pour mission d’assimiler les enfants à la société euro-canadienne en les coupant de l’influence de leur famille, de leur communauté et de leur culture. Dans ce contexte, et sous l’autorité des oblats de Marie-Immaculée, le Fraser Lake Indian Boarding School ouvrit ses portes le 17 janvier 1922, près du centre de la rive sud du lac. On le renomma Lejac Indian Residential School neuf ans plus tard.

Allen Patrick, dont la mère et le beau-père, Sylvester Patrick, avaient fréquenté une école de jour dirigée par des missionnaires, figure parmi les enfants autochtones – plus de 150 000 – inscrits au programme de pensionnats du Canada entre la fin des années 1880 et 1996. Il intégra l’établissement de Lejac en 1935, à l’âge de sept ans. Le récit de l’aînée Mary John, membre de la communauté de Stoney Creek (Première Nation Saik’uz), entrée à la même école en 1922, laisse entrevoir le mode de vie traditionnel des Porteurs au début du xxe siècle. Dans son histoire, publiée en 1988, elle souligne l’importance du lien entre les enfants et leur famille, et de l’usage de la langue des Porteurs. Elle relate que l’on contraignait les élèves à effectuer des travaux ingrats et exigeants, et qu’on infligeait aux fugueurs de sévères châtiments corporels. En 1927, sa mère refusa de la renvoyer au pensionnat au terme d’une visite dans sa famille. Pendant l’enquête du ministère des Affaires indiennes subséquente à la mort d’Allen Patrick, le père Patrick McGrath estima que 90 % des parents s’opposaient à ce que leurs enfants fréquentent l’établissement. Même si bien des communautés autochtones avaient demandé que leurs enfants aient accès à l’éducation, de nombreuses personnes se retournèrent contre le système de pensionnats en raison des conditions auxquelles étaient assujettis les élèves [V. Frederick Ogilvie Loft]. Les parents cachaient souvent leurs enfants des autorités ; certains défièrent ouvertement les agents des Affaires indiennes et les policiers, et furent emprisonnés.

La situation à Lejac était comparable, en général, à celle des autres pensionnats. En 1907, Peter Henderson Bryce, médecin en chef du ministère des Affaires indiennes, qualifia de « criminelles » les conditions de vie qu’il avait observées dans ces écoles. Les travaux de chercheurs et les témoignages de milliers de survivants que la Commission de vérité et réconciliation du Canada recueillerait de 2008 à 2015, font état d’enseignants non formés, de nourriture non convenable, d’un manque de vêtements et d’hygiène, de surpeuplement, ainsi que d’un labeur harassant et incessant, en plus de violences physiques, sexuelles et spirituelles. En conséquence, la maladie et les décès étaient fréquents. Dans son rapport publié en juin 2015, la commission affirme avoir recensé 3 201 élèves autochtones morts dans les pensionnats, tout en soulignant qu’il y en eut probablement beaucoup plus, car les dossiers médicaux étaient régulièrement détruits. Des médecins, des agents des Affaires indiennes et des membres des Premières Nations avaient souvent protesté contre ces conditions, et le ministère des Affaires indiennes connaissait les dysfonctionnements des pensionnats. La solitude, la maltraitance, les ruptures familiales forcées et la perte du sentiment d’appartenance à une communauté furent dévastatrices. En outre, on défendait aux élèves de parler leur propre langue, et de pratiquer des rites culturels et spirituels autochtones.

Un tel contexte poussa Allen Patrick à se sauver en janvier 1937. C’était sa deuxième tentative ; la première fois, on l’avait rattrapé, puis soumis à des châtiments corporels. L’évêque oblat Jean-Louis-Antoine Coudert ayant interdit à Allen Patrick et ses camarades Andrew Paul, John Michael (aussi connu sous les noms de Michel et de Jack), Maurice Justin (appelé également Justa Maurice) et Paul Alex de retourner dans leur communauté pour un rassemblement du Nouvel An, ces derniers s’enfuirent le 1er janvier, en fin d’après-midi. Paul Alex revint sur ses pas, mais les quatre autres garçons, légèrement vêtus, longèrent les rails du Grand Trunk Pacific Railway vers le sud-est avant de tenter de traverser le lac Fraser. Le mercure chuta, passant de -4 °F à -22 °F, et bien vite les enfants se retrouvèrent à marcher dans l’obscurité sur la glace recouverte de cinq ou six pouces de neige.

Des membres du personnel avaient remarqué l’absence des petits au souper le 1er janvier et en avaient avisé la direction de l’école. La disparition des enfants ne fut cependant signalée aux parents et aux habitants de la réserve de Nautley que le lendemain, à 5 heures du soir, après quoi on forma une équipe de recherche. On découvrit rapidement leurs corps gelés, gisant à un peu plus d’un demi-mille de la communauté, près des eaux libres de la décharge du chenal Nautley. L’enquête du coroner, menée le 3 janvier, établit que les garçons avaient succombé à l’épuisement et l’hypothermie peu avant minuit, et ne put déterminer qui était responsable du pensionnat le soir du drame. La tragédie fit les manchettes dans tout le pays, mais on ne porta aucune accusation. L’enquête du ministère des Affaires indiennes, en mars, conclut qu’une battue déclenchée dès l’annonce de leur absence aurait fort probablement permis de retrouver les garçons vivants.

Ce malheur au pensionnat de Lejac ne fut pas le seul. Près d’un an plus tard, jour pour jour, le rapport trimestriel de l’établissement fit état d’« une épidémie de fugueurs ». En Colombie-Britannique centrale et ailleurs, beaucoup d’élèves tentaient de s’enfuir. Par exemple, à l’hiver de 1902, un jeune Shuswap avait trouvé la mort en s’évadant du pensionnat oblat du lac Williams et, en 1920, après un pacte de suicide, huit garçons shuswaps avaient ingéré une plante vénéneuse, fatale pour l’un d’eux.

On en vint à considérer les pensionnats, à quelques exceptions près [V. William Morris Graham], comme des échecs pédagogiques qui dévastèrent les peuples autochtones d’un bout à l’autre du Canada. Même s’il reste bien peu de traces de l’existence d’Allen Patrick Willie, l’histoire de sa mort prématurée symbolise les conditions déplorables qu’endurèrent tant de jeunes Autochtones. Celles-ci les traumatisèrent au point que bon nombre d’entre eux tentèrent d’y échapper au péril de leur vie.

Brendan Plummer et James McKenzie

BAC, R216-247-1.— Gazette (Montréal), 6 janv. 1937.— Globe, 5 janv. 1937.— Manitoba Free Press, 5 janv. 1937.— Vancouver Sun, 6 janv. 1937.— Canada, Commission des revendications des Indiens, Première Nation de Nadleh Whut’en : enquête sur l’école Lejac (Ottawa, 2008) ; Commission de vérité et réconciliation du Canada, Honorer la vérité, réconcilier pour l’avenir [...] (Winnipeg, 2015).— Jo-Anne Fiske, « Life at Lejac », dans Sa Ts’e : historical perspectives on northern British Columbia, Thomas Thorner, édit. (Prince George, C.-B., 1989), 235–272.— Elizabeth Furniss, Victims of benevolence : the dark legacy of the Williams Lake Residential School (Vancouver, 2000).— M.-E. Kelm, Colonizing bodies : aboriginal health and healing in British Columbia, 1900–50 (Vancouver, 1998).— J. S. Milloy, A national crime : the Canadian government and the residential school system, 1879–1986 (Winnipeg, 1999).— Bridget Moran, Stoney Creek woman : the story of Mary John (Vancouver, 1988).

Bibliographie de la version modifiée :
Canada, Statuts, 1920, c. 50.

Bibliographie générale

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Brendan Plummer et James McKenzie, « WILLIE, ALLEN PATRICK », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/willie_allen_patrick_14F.html.

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Auteur de l'article:    Brendan Plummer et James McKenzie
Titre de l'article:    WILLIE, ALLEN PATRICK
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2018
Année de la révision:    2023
Date de consultation:    19 mars 2024