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SCOTT, EPHRAIM, instituteur, ministre presbytérien, journaliste et rédacteur en chef, né le 29 janvier 1845 à East Gore, Nouvelle-Écosse, fils aîné de James Alexander Scott et d’Ann Grant ; le 4 avril 1876, il épousa à Gays River, Nouvelle-Écosse, Margaret Ann McKeen (décédée en 1884), et ils eurent trois fils, puis le 5 février 1891, à Dartmouth, Nouvelle-Écosse, Annie Roy (décédée en 1928), et aucun enfant ne naquit de ce second mariage ; décédé le 7 août 1931 à Montréal.
Ephraim Scott vit le jour et grandit au sein de l’Église presbytérienne évangélique de la Nouvelle-Écosse. Son père, conseiller presbytéral, était un pilier de l’Église dans une communauté d’immigrants écossais où existait un lieu de culte presbytérien depuis les années 1790. Son prénom, Ephraim, qu’il était le seul à porter dans sa famille, était lourd de symbolisme théologique au vu de l’histoire qui serait la sienne. Comme l’Éphraïm de l’Ancien Testament, Scott hériterait du droit d’aînesse de manière inattendue, ainsi qu’il le découvrirait en 1925. L’évangélisme conservateur et l’opposition à l’Église établie, selon la tradition de Robert Burns*, furent les traits marquants de sa carrière de 56 ans comme ministre évangélique.
Scott aboutit au ministère par une voie indirecte. Sa vie active débuta dans les chantiers navals de William Dawson Lawrence* à Maitland, dans le comté de Hants. Ce fut là qu’il tomba sous l’influence du ministre presbytérien de l’endroit, John Currie, qui l’encouragea non seulement à devenir membre de l’Église, mais aussi à s’y engager activement. Le principal obstacle à l’ordination de Scott était qu’il n’avait pas fait d’études secondaires. Il se fixa l’objectif d’y remédier grâce à des leçons particulières. Après avoir reçu un brevet d’instituteur vers 1865, il enseigna à East Gore.
En 1868, poursuivant sa grande ambition, Scott s’inscrivit à la Dalhousie University, à Halifax. Pendant ses études de premier cycle, il devint candidat au ministère et consacra ses étés à travailler comme missionnaire stagiaire. Après avoir reçu un baccalauréat en 1872, il demeura dans la ville et s’inscrivit au Theological Hall de l’Église presbytérienne des provinces Maritimes de l’Amérique du Nord britannique, où enseignait son mentor, Currie. Même si Scott ne termina pas sa formation, il deviendrait en 1880 membre du conseil d’administration du Theological Hall (établissement qui succéderait au Presbyterian College), dont il recevrait un doctorat honorifique en théologie en 1905.
Une rentrée d’argent d’origine inconnue (probablement un héritage) permit à Scott de consacrer l’année 1874 et une partie de l’année suivante à un grand voyage en Terre sainte et en Méditerranée. Il termina son séjour outre-mer en Écosse, où il suivit des cours dans les écoles de théologie de l’Église presbytérienne unie et de l’Église libre, équivalents en Écosse de l’Église unie à laquelle il appartenait. À son retour en Nouvelle-Écosse, en mai 1875, il reçut du consistoire de Halifax le droit de prêcher. En juillet, on lui adressa ce que le Presbyterian Witness de Halifax décrivit comme « un appel unanime et enthousiaste » de Milford et Gays River, charge pastorale sur un territoire rural dispersé ; il fut ordonné et installé en septembre. Au mois de juin de la même année, l’Église presbytérienne au Canada avait été créée [V. John Cook* ; William Snodgrass*]. La lutte de Scott pour empêcher sa disparition, quelques décennies plus tard, représenterait le moment le plus marquant de sa vie.
En septembre 1878, Scott s’installa à New Glasgow comme deuxième ministre de l’Église presbytérienne unie. À bien des égards, New Glasgow deviendrait son véritable lieu d’appartenance. Il y fut enterré, tout comme ses femmes et ses enfants, et son héritage demeura vivace des années après sa mort. C’était un pasteur efficace ; un recensement des fidèles, mené un dimanche de novembre 1888, montra qu’un tiers des 1 900 presbytériens de New Glascow se trouvaient à l’Église presbytérienne unie. C’était aussi un socio-libéral, tendance conforme à l’enseignement théologique qu’il avait reçu, mais bien éloignée de la position qui ferait sa réputation. En 1886, à l’époque où les femmes n’avaient d’autre statut dans l’Église que comme professes ou fidèles et missionnaires à l’étranger, il eut l’audace de proposer au synode que la fille célibataire du défunt révérend Peter Gordon MacGregor puisse succéder à son père – qu’elle avait déjà remplacé par le passé – en tant qu’agente ecclésiastique (trésorière du synode) ; la proposition resta lettre morte. Durant le pastorat de Scott, l’Église presbytérienne unie devint la première congrégation de l’Église presbytérienne au Canada à adopter le principe des quêtes hebdomadaires, qui remplaçait les souscriptions annuelles ou la location de bancs.
En 1881, Scott fonda la revue mensuelle Maritime Presbyterian, publiée à New Glasgow, comme supplément à l’hebdomadaire le Presbyterian Witness, organe officiel du Synode des provinces Maritimes. En 1886, il ajouta une deuxième publication, le Children’s Record, mensuel pour les jeunes dont il serait rédacteur en chef jusqu’en décembre 1899. Ces deux périodiques étaient consacrés principalement aux missions étrangères, sujet qui lui tenait à cœur. En 1891, il fut co-organisateur de l’assemblée générale du Foreign Missions Committee, dont il serait membre pendant 48 années consécutives. Cette année-là, il prit la succession de James Croil* comme rédacteur en chef du Presbyterian Record, publié à Montréal, voix officielle de l’Église presbytérienne au Canada, et cessa la publication de la Maritime Presbyterian.
Après s’être installé à Montréal, Scott dirigea le Presbyterian Record pendant 35 ans et n’assuma plus de pastorat. Sous sa direction, ses « Lettres de l’assemblée » annuelles constituèrent le compte rendu habituel des actes de l’assemblée générale. Comme journaliste et commentateur, il était infatigable ; son écriture était dépouillée, lucide et agréable à lire. Quand il n’était pas occupé à diriger le journal, il écrivait des lettres à ses collègues de la presse religieuse et grand public, activité qui s’intensifia à mesure qu’il avançait en âge, et que son indifférence et son scepticisme à l’égard du projet d’union des presbytériens avec les méthodistes et les congrégationalistes [V. Samuel Dwight Chown ; Clarence Dunlop Mackinnon] se muaient en opposition, puis en résistance déterminée.
À la fois idéologue et démagogue, Scott n’exerça pas de leadership politique ni intellectuel dans le mouvement de résistance à l’union des Églises au Canada, mais il fut de loin son propagandiste et son polémiste le plus efficace. L’un des six ministres nommés au comité de l’union de l’assemblée générale, en 1912, pour représenter les opposants au projet, il diabolisa l’union en la présentant comme une invention non pas de protestants éclairés, mais du Parlement du Canada. Il considérait que les moyens mis en œuvre pour réaliser l’union représentaient une violation des libertés constitutionnelles pour lesquelles les dissidents presbytériens d’Écosse s’étaient battus si durement et avaient fait tant de sacrifices. Durant ce que l’historien John Sargent Moir appellerait « la longue crise de l’union des Églises », Scott et Robert Campbell* furent parmi les rares opposants au projet qui conservèrent des postes importants dans l’administration de l’Église.
À titre de rédacteur en chef du Presbyterian Record, Scott avait une position extrêmement délicate. Relevant directement de l’assemblée générale, il conserva son poste uniquement parce que la majorité unioniste ne voulait pas s’aliéner davantage les opposants en faisant un exemple d’un adversaire aussi éminent. Scott n’hésita pas à exprimer son point de vue et accorda une grande place dans le Presbyterian Record à ceux qui partageaient son opinion, mais il prenait soin d’adhérer au discours officiel de l’Église quand il le fallait.
En juin 1922, quand le rapprochement entre unionistes et non-unionistes semblait encore possible, Scott tenta en vain de jouer le rôle de modérateur à l’assemblée générale. Selon lui, les choses allaient de mal en pis ; la résistance s’était tellement accrue que l’assemblée générale ne permit pas de tenir un troisième vote populaire sur l’union des Églises. Même sa propre congrégation, l’église Erskine, à Montréal, finit par joindre l’Église unie du Canada. En juin 1925, Scott, âgé de 80 ans, fut élu modérateur de l’assemblée générale de l’Église presbytérienne au Canada, qui regroupait les presbytériens qui avaient choisi de demeurer en dehors de la nouvelle organisation. L’Église avait perdu la plupart de ses ministres, beaucoup de ses propriétés et les deux tiers de ses membres. Néanmoins, il semblait approprié que Scott soit modérateur à l’occasion du jubilé de l’Église, qui coïncidait avec le sien à titre de ministre. Il commença son discours d’installation en citant l’ancien hymne écossais O God of Bethel, pour laisser entendre que l’Église perturbée de 1925 serait ce que l’Église fondée en 1875 n’avait pas été : le produit d’une contre-réforme écossaise. À l’opposé, certains de ses collègues, par exemple John Cook, avaient considéré l’Église de 1875 comme « trop exclusivement écossaise ».
Malgré son âge, Scott fut beaucoup plus qu’une figure de proue. En 1925, il assuma la direction intérimaire du Knox College à Toronto et du collège presbytérien de Montréal ; les deux établissements restèrent finalement au sein de l’Église presbytérienne. En 1926, il renonça à son poste de rédacteur en chef du Presbyterian Record, dont les commissaires unionistes de l’assemblée avaient tenté sans succès de l’évincer en juin 1925. Il consacra ses cinq années de retraite à des bonnes œuvres et à écrire, avec autorité mais sur un ton quelque peu simpliste, sur ce qu’il appela le « conflit de vingt ans », comparant l’union des Églises au Canada à la controverse non intrusionniste de l’Église d’Écosse (1834–1843), qui avait également conduit à des perturbations et à un schisme. Selon Scott, l’intervention de l’État dans les affaires de l’Église presbytérienne au Canada avait brisé le fragile équilibre des relations entre l’Église et l’État et compromis la liberté religieuse.
Vers la fin de sa longue vie, Ephraim Scott était devenu un personnage triste et solitaire, après avoir perdu sa seconde femme et ses trois enfants. Il menait une existence frugale dans des chambres de la principale Young Men’s Christian Association de Montréal et versait sa pension annuelle de 3 000 $ au fonds de secours de l’assemblée générale pour les ministres indigents et leurs familles. Dans son testament, il légua 50 000 $ à ce fonds afin de lui assurer un financement permanent. Tourné vers le passé vers la fin de sa vie, Scott semble bien éloigné des presbytériens modernes du Canada. Son évangélisme conservateur fut frappé d’anathème par la jeune génération de savants théologiens néo-conservateurs de sa propre Église [V. Walter Williamson Bryden*]. Néanmoins, Scott demeure le père fondateur de l’actuelle Église presbytérienne au Canada et l’un des saints patrons du renouveau évangélique au sein de celle-ci.
Quelques papiers personnels d’Ephraim Scott sont conservés par des descendants. Une transcription partielle de son journal de voyage de 1874 a été publiée par sa petite-fille : W. S. [Philips] Trutnau, Diary of Dr. Ephraim Scott (Winsen an der Luhe, [Allemagne], 1989). Scott est l’auteur de : A sermon preached at Shubenacadie, February 11, 1877 ([Truro, N.-É. ?], 1877) ; The Presbyterian Church in Canada : its preservation and continuance ([Montréal, 1914]) ; Continuing the Presbyterian Church in Canada : letters to an inquirer ([Montréal, 1917]) ; « Church union » and the Presbyterian Church in Canada (Montréal, 1928). Sa vaste contribution au journalisme presbytérien n’a pas été compilée.
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Barry Cahill, « SCOTT, EPHRAIM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 22 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_ephraim_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/scott_ephraim_16F.html |
Auteur de l'article: | Barry Cahill |
Titre de l'article: | SCOTT, EPHRAIM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2018 |
Année de la révision: | 2018 |
Date de consultation: | 22 déc. 2024 |