RYERSE (Ryerson), SAMUEL, officier dans l’armée et dans la milice, meunier, fonctionnaire et juge, né en 1752 dans le canton de Saddle River, New Jersey, fils de Luke (Luyckes) Ryerse (Ryerson) et de Johanna Van der Hoff ; il épousa Elizabeth Colwell, et ils eurent quatre enfants, dont un fils et une fille qui atteignirent l’âge adulte, puis le 22 janvier 1784 il s’unit à Sarah Davenport, née Underhill, et de ce mariage naquirent dix enfants, dont deux fils et une fille qui atteignirent l’âge adulte ; décédé le 12 juin 1812 à Port Ryerse, Haut-Canada.
Les ancêtres de Samuel Ryerse avaient quitté la Hollande pour gagner l’Amérique au milieu du xviie siècle. Par la suite, ils s’installèrent dans ce qui devint le comté de Bergen, au New Jersey, où le jeune Samuel fut élevé et reçut sans doute son éducation. Selon un historien de la famille, au début de la Révolution américaine, Ryerse fut emprisonné pour sa loyauté envers la couronne britannique. Après s’être évadé, il joignit les forces loyalistes avec son jeune frère Joseph, et, le 25 mars 1777, il devint capitaine dans les New Jersey Volunteers. Au cours des deux années suivantes, Ryerse se fit remarquer lors des raids menés dans sa province natale à partir de New York. À une occasion, un journal rebellé loua les efforts qu’il avait déployés pour empêcher ses hommes de se livrer au pillage et déclara qu’il était « animé par des principes d’honneur et d’humanité ». Au début de 1779, ses terres furent confisquées et vendues.
À l’automne de cette année-là, le major Patrick Ferguson recruta Ryerse au sein d’une force d’élite qui devait, le printemps suivant, se lancer dans une campagne contre Charleston, en Caroline du Sud. Le 7 octobre 1780, la troupe de Ferguson fut cruellement défaite à la bataille de Kings Mountain. Ryerse, blessé à la main et au poignet gauches, finit par perdre « l’annulaire et dans une grande mesure l’usage de [sa] main ». Fait prisonnier, il fut mis en liberté sur parole en février de l’année suivante. Il décrit ainsi à un correspondant inconnu le traitement qu’il avait subi chez les rebelles : « Vous auriez du mal à croire qu’un être humain puisse avoir autant de barbarie. Songez aux plus horribles cruautés qui ont jamais été commises par les sauvages et vous pourrez dans une certaine mesure juger de ce que nous avons vu et souffert. » Après sa libération, il retourna à New York où il rejoignit son ancienne unité.
À la fin de la guerre, Ryerse devint officier à la demi-solde. Jusque-là, il s’était presque toujours fait appeler Ryerson (Ryerse à l’occasion). Désormais, il allait signer Ryerse. On a souvent attribué ce changement à une erreur d’écriture qui se serait glissée dans les listes de l’armée et qui l’aurait obligé à adopter cette variante pour toucher sa solde. Toutefois, les plus récentes études indiquent que cette interprétation est insoutenable et suggèrent plutôt que Ryerse voulut ainsi se distinguer de la branche rebelle de sa famille. Son frère Joseph conserva par contre le nom de Ryerson.
Les New Jersey Volunteers quittèrent New York en septembre 1783 et arrivèrent le mois suivant dans ce qui est aujourd’hui, le Nouveau-Brunswick. Comme d’autres membres de son bataillon, Ryerse refusa de s’établir sur le lot qui lui était imparti, dans la région la plus éloignée de la rivière Saint-Jean qui eût été arpentée jusque-là. Apparemment, il s’installa plutôt comme squatter aux environs de la pointe St Anne (Fredericton) et y demeura jusqu’en juin 1784. Cette année-là, il demanda à plusieurs reprises au gouverneur Thomas Carleton de lui accorder des terres dans le comté de Sunbury. En décembre 1786, il reçut enfin sur la rive sud de la rivière Little 600 acres de terre qu’il cultiva et, malgré ses pressions, il ne parvint pas à obtenir un dédommagement pour ses pertes de guerre. Son frère Joseph, qui l’avait accompagné au Nouveau-Brunswick, reçut 400 acres au même endroit.
Ryerse ne se plaisait pas au Nouveau-Brunswick. Il était « déçu à la fois par le sol et par le climat, trouvant [cette province] stérile et désagréable ». Sa femme n’était pas heureuse non plus loin de New York, sa ville natale. Il vendit donc sa terre et, au début de 1793, s’installa à Brooklyn, dans l’état de New York. Les quatre enfants qui étaient nés de son second mariage moururent dans les huit semaines qui suivirent son arrivée. En avril, il retourna dans le New Jersey et acheta une terre dans le comté de Morris, mais l’animosité engendrée par la révolution le poussa à chercher à s’établir dans le Haut-Canada. À l’été de 1794, il alla donc à Newark (Niagara-on-the-Lake) et rencontra le lieutenant-gouverneur Simcoe. Ayant décidé de déménager de nouveau, il revint dans la province avec sa famille à l’été de 1795.
Simcoe avait été frappé par la « personnalité [de Ryerse] et [sa] fidélité au roi ». Convaincu que la loyauté et l’adhésion à la constitution britannique pouvaient être enseignées à la population par la force de l’exemple, le lieutenant-gouverneur demanda aux autorités de la Grande-Bretagne la permission d’étendre les limites de l’établissement de Long Point, dans le comté de Norfolk, pour y inclure les terres de Ryerse et d’autres. En outre, il fit beaucoup d’efforts pour améliorer la situation de Ryerse en lui octroyant des terres et en lui confiant des responsabilités. Le 1er juillet 1796, Ryerse fut nommé juge de paix ; il fut renommé continuellement jusqu’à sa mort. Le 15 juillet, le Conseil exécutif lui accorda les 3 000 acres auxquelles son grade militaire lui donnait droit. Il les choisit dans le comté de Norfolk et s’établit à l’embouchure du ruisseau Young, dans le canton de Woodhouse. C’est là qu’il construisit la scierie et le moulin à farine qui devaient former le noyau du village de Port Ryerse. Contrairement à la scierie, le moulin ne prospéra pas : le 14 mai 1814, il fut incendié par un groupe de maraudeurs américains dont Abraham Markle* faisait partie. Avant de quitter le Haut-Canada, Simcoe avait indiqué que Ryerse pouvait « être placé à la tête » de la milice et recevoir au moins le grade de major. Le 17 juillet 1797, il obtint le poste le plus important sur le plan régional, celui de lieutenant de comté [V. Hazelton Spencer] et fut nommé colonel du 1er bataillon de milice de Norfolk.
Ryerse, qui était le plus éminent fonctionnaire de la région, joua un rôle de premier plan dans les affaires administratives et militaires de la partie est, de plus en plus populeuse, du district de Western. Le 1er janvier 1800, date de la formation du district de London, il devint le premier juge de la Cour du district et, croit-on, le premier juge du tribunal des successions et tutelles. Le mois suivant, il fut nommé avec Thomas Welch et Thomas Hornor* commissaire à la Cour du banc du roi. En août, il devint l’un des trois commissaires chargés de faire prêter le serment d’allégeance aux individus qui réclamaient des terres dans le district. Il remplit assidûment ses devoirs. Ainsi, jusqu’en juin 1803, il présida toutes les séances de la Cour des sessions trimestrielles, sauf une. Par la suite, il fut nommé aussi à des fonctions moins importantes : commissaire de la voirie en mars 1805, administrateur de l’école du district en 1807, puis juge de la Cour des requêtes en 1807 et en 1809.
Ryerse faisait donc partie d’une élite régionale qui occupait les postes de fonctionnaire et était dominée par le député local, l’arpenteur général David William Smith*. Ce dernier était étroitement lié aux puissants marchands de la péninsule du Niagara comme Robert Hamilton. Cela n’empêcha toutefois pas Ryerse, en 1800, de placer son nom en tête d’une pétition dans laquelle 105 habitants du comté de Norfolk dénoncèrent comme « monopolisateur et oppressif » le projet de loi qui permettrait à Hamilton et à ses associés d’améliorer le portage du Niagara et d’augmenter en conséquence les frais de transport. Vers la fin de 1803, Smith ayant résolu de ne pas se représenter dans la circonscription de Norfolk, Oxford and Middlesex, le vide politique créé par son départ engendra une lutte acerbe entre des factions rivales.
Ryerse décida de se présenter et eut comme adversaire Benajah Mallory*. À la fin de mai 1804, lord Selkirk [Douglas] nota : « ici, [les élections] semblent se dérouler avec une assez forte aigreur ». En dépit de l’appui d’autres collègues fonctionnaires comme Welch, Ryerse fut défait par 166 voix contre 77. Forts de leur victoire, ses rivaux réclamèrent qu’il fût, avec d’autres fonctionnaires, démis de ses fonctions. La tension entre les deux groupes monta à tel point qu’en janvier 1805, plusieurs coups de feu furent tirés chez Mallory. Il allégua que cette tentative d’assassinat était le fait de Ryerse ou de John Backhouse, et Ryerse répliqua en disant que cette accusation faisait partie d’une conspiration ourdie contre lui. Quelques mois plus tard, l’affaire fut portée devant la Cour des sessions trimestrielles, où elle donna lieu à tout un fatras d’accusations et de contre-accusations. Les fonctionnaires comme Welch et Ryerse alléguèrent que leurs opposants formaient une faction méthodiste aux intentions séditieuses. En février 1806, Ryerse demanda à la chambre d’Assemblée de déclarer Mallory inapte à siéger au Parlement, car il avait « prêché et enseigné la doctrine de la société ou secte religieuse [dont les membres] port[aient] le nom de méthodistes ». L’avocat de Ryerse convoqua plusieurs témoins qui refusèrent de comparaître. Un an plus tard, à la suite d’une motion du solliciteur général D’Arcy Boulton*, la demande de Ryerse fut rejetée à défaut de preuves.
En 1809, le trésorier général adjoint suspendit la demi-solde de Ryerse parce qu’il occupait des postes au gouvernement. Ryerse demanda au bureau du lieutenant-gouverneur Francis Gore* de lui délivrer un certificat attestant qu’il n’avait jamais été rémunéré pour ces fonctions, faute de quoi il demandait d’en « être relevé [...] médiatement […] puisqu’on ne lui [avait] jamais payé le temps perdu ni les articles de bureau [qu’il avait] utilisés pour les affaires publiques ». Apparemment, le litige ne fut pas réglé à son avantage. En effet, dans une lettre du 24 février 1810, il écrivit : « Les quelques problèmes que ma demi-solde m’a malheureusement causés m’ont obligé à démissionner des différents postes que j’occupais dans la province. »
Même après sa retraite, Ryerse continua de s’intéresser aux affaires publiques. Comme il le dit au juge en chef Thomas Scott* en 1810 : « à titre de simple citoyen, le bien du pays et la prospérité de la province me tiennent tout autant à cœur qu’auparavant ». Par exemple, il s’inquiétait de l’incompétence de certains des hommes dont on recommandait la nomination à des charges publiques locales. Peu d’entre eux avaient les qualités nécessaires, et certains étaient « hostiles » au gouvernement Gore. Il écarta Duncan McCall* en arguant que c’était un commerçant qui résidait à l’occasion aux États-Unis. En outre, on l’avait vu dans une taverne, « absorbé dans un jeu de hasard (jetant des dés et lançant des dollars), ce qui semblerait indiquer chez lui un penchant pour les fréquentations peu recommandables ». Il considérait Abraham A. Rapelje comme un meilleur candidat, mais nota : « Il n’a pas de terres ni de résidence fixe, et durant le séjour du juge Thorpe [V. Robert Thorpe*] au pays, il a défendu ses politiques avec ardeur. »
Plus de deux ans après sa retraite, Samuel Ryerse mourut de tuberculose. Tour à tour soldat, franc-maçon, fermier et meunier, il s’était surtout acquis une solide réputation comme éminent fonctionnaire. Simcoe avait espéré que les valeurs personnifiées par Ryerse – un profond loyalisme, le conservatisme, l’adhésion à l’Eglise d’Angleterre – seraient adoptées par la population. Mais, comme le prouvèrent les élections de 1804, ces qualités ne pouvaient pas lui gagner l’appui de la majorité des habitants de Norfolk, qui étaient presque tous des méthodistes et des Américains non loyalistes.
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Daniel James Brock, « RYERSE (Ryerson), SAMUEL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ryerse_samuel_5F.html.
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Auteur de l'article: | Daniel James Brock |
Titre de l'article: | RYERSE (Ryerson), SAMUEL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |