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RAYMOND, WILLIAM ODBER, ministre de l’Église d’Angleterre et historien, né le 3 février 1853 à Lower Woodstock, Nouveau-Brunswick, fils de Charles William Raymond et d’Elizabeth Mary Carman ; le 18 juin 1879, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Julia Nelson, et ils eurent un fils et une fille ; décédé à minuit dans la nuit du 23 au 24 novembre 1923 à Toronto.

L’enfance de William Odber Raymond façonna bon nombre de ses traits psychiques et des aspects de son goût pour l’histoire. Lower Woodstock s’étendait dans une belle plaine qui donnait sur la rivière Saint-Jean et s’ornait de majestueux ormes d’Amérique. On y trouvait l’emplacement d’une palissade érigée par les Malécites à l’entrée du trajet emprunté autrefois par les Amérindiens pour descendre à la baie de Passamaquoddy, trajet sur lequel les Français avaient bâti une chapelle en 1717 [V. Jean-Baptiste Loyard*]. Vers la fin du xviiie siècle, Woodstock était situé à l’extrémité nord du plus ancien établissement loyaliste de la vallée de la Saint-Jean. La New England Company avait ouvert dans cette région l’une de ses premières écoles pour jeunes autochtones, sous la direction de Frederick Dibblee*, qui avait aussi été à la tête d’une mission anglicane. Tel était le contexte géographique, historique et religieux dans lequel grandit Raymond. Il était l’héritier de tout un réseau de loyalistes qui, venus du Connecticut pour s’installer dans la région, y avait dominé la vie juridique, religieuse, administrative et paramilitaire pendant deux générations et qui, au milieu du xixe siècle, gardait encore un brin d’influence et un vernis de distinction. Le père de Raymond – fermier mais aussi colonel de milice, officiant laïque, musicien, bâtisseur de maisons, de moulins à vent et d’églises et artisan de mobilier religieux – incarnait cet ancien régime dont Raymond deviendrait l’historien.

Après avoir obtenu en 1876 un diplôme de mathématiques et de sciences dans le premier programme de licence ès arts avec spécialisation offert par la University of New Brunswick (il aurait une maîtrise ès arts en 1891), Raymond entreprit ses études de théologie auprès de l’évêque de Fredericton, John Medley*, qui l’ordonna diacre à la fin de 1877 et prêtre en 1878. De santé fragile, Raymond passa pourtant les six premières années de son ministère dans la paroisse rurale de Stanley, à partir d’où il visita, à l’occasion, les camps de bûcherons des rivières Taxis et Miramichi-du-Sud-Ouest. En 1884, il fut affecté à Saint-Jean, à la nouvelle église St Mary ; il en conserverait la charge durant plus de 30 ans.

Raymond pratiquait l’évangélisme en restant en dehors des polémiques que la liturgie suscitait à Saint-Jean à la fin du xixe siècle. Homme fluet aux allures d’ascète, il déployait beaucoup d’énergie pour sa paroisse. Celle-ci, assez pauvre, connut une hausse de ses fidèles, une amélioration de sa situation financière et une augmentation de ses chantiers de construction. Si l’année 1903–1904 est représentative, on peut dire que, dans l’ensemble, le révérend avait en grande partie les mêmes préoccupations sociales que ses contemporains protestants. Peu après qu’il eut présidé une assemblée publique sur l’ouverture d’une garderie pour les enfants d’ouvrières, un tel service se donnait dans la salle paroissiale de St Mary. À titre de président de l’Evangelical Alliance, Raymond faisait campagne pour l’union des Églises et contre la profanation du jour du Seigneur, prônait l’instruction obligatoire et s’opposait à l’emprisonnement des jeunes délinquantes. En 1908, le nouvel évêque de Fredericton, John Andrew Richardson*, ex-rector à Saint-Jean, le nomma archidiacre de cette même ville. Avant son ordination, Raymond avait servi avec enthousiasme dans l’unité de volontaires de l’artillerie de Woodstock. Il fut donc particulièrement heureux que la fanfare de St Mary s’enrôle en bloc pendant la Première Guerre mondiale et devienne la musique du Princess Patricia’s Canadian Light Infantry. Réussir dans son ministère et être un citoyen respecté ne lui apportèrent cependant pas l’aisance. Les leçons de peinture de Mme Raymond et les productions « littéraires » du révérend étaient essentielles pour boucler le budget familial.

Déjà, vers 1865, le jeune Raymond avait écrit sur l’histoire de sa région, à partir d’entretiens avec des résidents âgés, textes qui avaient été primés. Ses premières publications – des portraits des établissements loyalistes de Kingston et de Woodstock, rédigés à l’occasion du centenaire de paroisses anglicanes – vinrent beaucoup plus tard, soit respectivement en 1889 et en 1891. Ensuite, Raymond remania son mémoire de maîtrise sur les loyalistes pour en faire un opuscule plus complet, axé sur la révolution plutôt que sur l’exil. Parfois, dans ces premières publications, les loyalistes lui servent de prétexte pour stigmatiser une conception « utilitariste » de l’existence ou indiquer son assentiment à la fédération impériale. Au début, Raymond ne se gênait pas pour « améliorer » les citations de ses sources ; c’était alors pratique courante en historiographie. Toutefois, d’une manière générale, il prenait ses distances par rapport aux excès de partialité – il en trouvait, par exemple, dans les écrits de James Hannay* sur les loyalistes –, et il finit même par déplorer la modernisation de l’orthographe.

À compter du début des années 1890, Raymond put consulter les collections de manuscrits du xviiie siècle sur lesquelles allaient s’appuyer ses contributions fondamentales à l’historiographie des Maritimes, notamment les papiers d’Edward Winslow*, de James White et de Ward Chipman* père. Aucun de ces papiers n’était conservé dans un dépôt public. En fait, ce furent des compagnons de jeu de son fils qui lui vendirent des documents sur les activités de la New England Company auprès des Micmacs [V. Oliver Arnold*] ainsi que le seul exemplaire restant du traité conclu au fort Howe en 1778. Sur un tas d’ordures, il trouva des rôles d’appel de l’époque révolutionnaire et des lettres sur le loyalisme passionné des habitants de Saint-Jean. Pris par ses fonctions pastorales, Raymond ne pouvait espérer écrire des monographies sous forme de livres. Il rédigea plutôt des centaines; pour la presse, et diffusa des éditions et articles documentaires par le truchement des Collections de la New Brunswick Historical Society, du New Brunswick Magazine et de l’Acadiensis, tous de Saint-Jean. Un certain nombre de ses travaux font toujours autorité : ceux qui portent sur le peuplement du port de Saint-Jean avant la période loyaliste, écrits à partir des papiers de James Simonds* (1896) et de James White (1897, 1899), sur des cantons de la vallée de la Saint-Jean avant l’arrivée des loyalistes (1905), sur Alexander McNutt* et le peuplement de la partie péninsulaire de la Nouvelle-Écosse par des planters (1911–1912), sur les régiments loyalistes pendant la révolution (1904), sur Benjamin Marston* et la fondation de l’établissement loyaliste de Port Roseway (Shelburne, Nouvelle-Écosse) (1907, 1909) et sur Thomas Carleton* (1905, 1914). Raymond réunit en 1905 quelques-uns de ses articles de journal en un volume sur l’histoire de la vallée de la Saint-Jean. Insatisfait, il se mit bientôt à le réviser et le republia en 1910 sous le titre The River St. John.

Raymond en viendrait à être considéré comme l’historien par excellence de la génération loyaliste au Nouveau-Brunswick. Cette réputation repose sur sa volumineuse édition des Winslow papers. Parue en 1901, cette publication est bien plus que l’une des assises des études loyalistes canadiennes. Encore aujourd’hui, les historiens persistent à étudier la naissance du Nouveau-Brunswick en limitant leur champ d’observation au brillant univers formé par Edward Winslow et son entourage. Raymond ne prenait guère au sérieux les réserves exprimées par les adversaires de cette vision élitiste. La plupart des chercheurs universitaires qui lui ont succédé restent campés sur les mêmes positions, en dépit du fait que les travaux démographiques réalisés par Esther Clark* Wright dans les années 1950 ont amorcé un bouleversement dans les études loyalistes.

Dès 1915, William Cochrane Milner, souvent hargneux, pouvait écrire au sujet de William Odber Raymond : « Nul homme au Canada n’a œuvré mieux que lui pour le pays dans [le] domaine historique et n’a été moins récompensé pour [son labeur]. » À Noël la même année, Raymond tomba malade ; accomplir en pleine guerre un travail d’aumônier auprès du 3rd Regiment of Canadian Artillery dans l’île Partridge, dans le port de Saint-Jean, l’avait épuisé. Il démissionna bientôt de son poste de rector et partit vivre auprès de ses enfants dans le Michigan, à Vancouver et enfin à Toronto. Dans sa dernière lettre à son vieux camarade William Francis Ganong*, il exigeait une « courte » nécrologie pour la Société royale du Canada (où il avait été élu en 1906) ; déprimé, il ne pouvait voir que les lacunes de ses travaux historiques. Cependant, comme les chercheurs qui viendraient après lui abandonneraient l’étude des autochtones, du Régime français et des conflits militaires parce qu’ils trouvaient ces sujets désuets, une bonne partie de ses travaux sur ces questions demeure ce qu’il y a de plus solide. La nécrologie écrite en 1924 pour la Société royale du Canada disait que la disparition de Raymond laissait, dans le monde de l’historiographie néo-brunswickoise, un vide impossible à combler. De fait, la province dut attendre les années 1950 pour trouver, en William Stewart MacNutt*, un autre historien de haut niveau. Toutefois, en un sens, jamais personne ne prit la place de William Odber Raymond. Il fut le dernier et le meilleur représentant de la race des historiens amateurs. En tant que collectionneur et éditeur de documents, il a apporté, à l’historiographie des Maritimes, une contribution qui reste inégalée.

D. G. Bell

On trouve une source fiable et pratique d’information sur la vie de William Odber Raymond dans la modeste autobiographie qu’il a incluse dans son ouvrage intitulé Ancestry of the family of William Odber Raymond, A.D. 1630–1920, préparé et indexé par R. W. Hale ([Woodstock, N. B., 1983]). La notice nécrologique dans SRC, Mémoires, 3e sér., 18 (1924), proc. : vii–ix est aussi très utile. La plupart des cahiers de transcriptions de Raymond sont conservés à BAC, MG 23, D1, sér. 1. La L. P. Fisher Library, à Woodstock, en possède un dans sa coll. Raymond, ainsi qu’une grande partie du contenu de la bibliothèque de travail de Raymond. Quand il a quitté Saint-Jean en 1916, ce dernier a remis ses 12 albums de documents personnels et historiques à l’établissement qui se nomme maintenant la Saint John Regional Library. Quelques lettres de Raymond ont été rassemblées sous la cote S 98–S 98A (coll. Raymond, William Odber) au Musée du N. B., à Saint-Jean ; les plus importantes se trouvent dans le fonds W. F. Ganong du même établissement. La lettre de William Cochrane Milner concernant le travail de Raymond en histoire et datée du 16 octobre 1915 est conservée à BAC, RG 37, 18. [d. g. b.]

Raymond est probablement surtout connu parce qu’il a publié Winslow papers, A.D. 1776–1826 (Saint-Jean, 1901). Il a aussi écrit United Empire Loyalists ([Saint-Jean ? 1893 ?]). Beaucoup de ses articles ont paru dans N.B. Hist. Soc., Coll. (Saint-Jean), dont les suivants : « Loyalists in arms : a short account of the « provincial troops » – otherwise known as British American regiments or loyalist corps – that served on the side of the king during the war of the American revolution, A.D. 1775–1783 », 2 (1899–1905), nº 5 : 189–223 ; « A sketch of the life and administration of General Thomas Carleton, first governor of New Brunswick », 2, nº 6 : 439–480 ; « Benjamin Marston of Marblehead, loyalist : his trials and tribulations during the American revolution », 3 (1907–1914), nº 7 : 79–112 ; « Brigadier General Monckton’s expedition to the River Saint John in September, 1758 : the beginning of the first permanent settlement of the English on the shores of the St. John harbor : story of old Fort Frederick », 3, nº 8 : 113–165 ; et « The founding of Shelburne : Benjamin Marston at Halifax, Shelburne and Miramichi, » 3, nº 8 : 204–277. Raymond a aussi été l’éditeur de plusieurs articles dans la même publication : « Letters written at Saint John by James Simonds, A.D. 1764–1785 », 1 (1894–1897), nº 2 : 160–186 ; « Selections from the papers and correspondence of James White, esquire, A.D. 1762–1783 », 1, nº 3 : 306–340 ; « The James White papers continued, A.D. 1781–1788 », 2, nº 4 : 30–72 ; et « Old townships on the River St. John ; papers relating to the St. John’s River Society », 2, nº 6 : 302–357.

Raymond a aussi écrit trois articles pour Canada and its provinces ; a history of the Canadian people and their institutions [...], Adam Shortt et A. G. Doughty, édit. (23 vol., Toronto, 1913–1917). Ce sont : « The Acadian settlements and early history, 1604–1713 », 13 : 15–66 ; « New Brunswick : general history, 1758–1867 », 13 : 127–210 ; et « New Brunswick : political history, 1867–1912 », 14 : 403–431.

Raymond a publié deux articles dans SRC, Mémoires, 3e sér. : « Colonel Alexander McNutt and the pre-loyalist settlements of Nova Scotia », 5 (1911), sect. ii : 23–115 et 6 (1912), sect.ii : 201–215 ; « The first governor of New Brunswick and the Acadians of the River Saint John », 8 (1914), sect. ii : 415–452. Avec William Quintard Ketchum, il a rédigé Proceedings at the centennial commemoration of the ordination of Rev. Frederick Dibblee (Saint-Jean, 1891). Des collections de certains articles de journaux de Raymond ont paru dans deux éditions : Glimpses of the past : history of the River St. John, A.D. 1604–1784 (Saint-Jean, 1905) et The River St. John : its physical features, legends and history from 1604 to 1784 (Saint-Jean, 1910 ; éd. abrégée, J. C. Webster, édit., Sackville, 1943).

Raymond a non seulement fait des recherches et écrit sur l’histoire du Nouveau-Brunswick, mais il a aussi aidé d’autres historiens à préparer leur travail pour la publication. C’est le cas au moins dans trois publications : Walter Bates, Kingston and the loyalists of the « spring fleet » of A.D. 1783, with reminiscenses of early days in Connecticut : a narrative [...], W. O. Raymond, édit. (Saint-Jean, 1889 ; réimpr., Fredericton, 1980) ; J. W. Lawrence, The judges of New Brunswick and their times, A. A. Stockton et [W. O. Raymond], édit. (Saint-Jean 1907 ; réimpr., introd. de D. G. Bell, Fredericton, 1983 [i.e. 1985]) ; et Peter Fisher, Sketches of New Brunswick, notes de W. O. Raymond (Woodstock, 1921).

Daily Telegraph (Saint-Jean), 23 avril 1900.— Saint John Globe, 5 nov. 1903, 21, 31 oct. 1904.— St. John Daily Sun (Saint-Jean), 6 janv., 25 juin, 22 oct., 7 déc. 1903, 21 oct. 1904.— D. G. Bell, Early loyalist Saint John : the origin of New Brunswick politics, 1783–1786 (Fredericton, 1983) ; « The writings of W. O. Raymond », New Brunswick Hist. Journal ([Saint-Jean]), printemps 1991.— T. R. Millman et A. R. Kelley, Atlantic Canada to 1900 : a history of the Anglican Church (Toronto, 1983).

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D. G. Bell, « RAYMOND, WILLIAM ODBER », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/raymond_william_odber_15F.html.

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Auteur de l'article:    D. G. Bell
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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