POTTS, JERRY (aussi connu sous le nom de Ky-yo-kosi, qui signifie « enfant de l’ours »), chasseur, interprète et éclaireur, né au plus tard en 1840 au fort McKenzie, sur le Missouri (Montana), enfant unique d’Andrew R. Potts et de Namo-pisi (Crooked Back), de la tribu des Gens-du-Sang ; il eut quatre femmes et plusieurs enfants ; décédé le 14 juillet 1896 au fort Macleod (Alberta).

Jerry Potts fut le produit d’une époque brutale et farouche de l’histoire du Nord-Ouest canadien et américain, caractérisée par le meurtre, le vol, l’ivrognerie et l’exploitation. Pour survivre, il fallait se battre, et Potts apprit tôt à le faire. À la mort de son père, en 1840, Namo-pisi, sa mère, le donna à un trafiquant de l’American Fur Company, Alexander Harvey, et retourna dans sa tribu. Harvey était un homme violent, vindicatif ; il négligea et maltraita l’enfant, puis l’abandonna en 1845. Un autre trafiquant de la compagnie, Andrew Dawson, du fort Benton (Montana), homme doux que l’on appelait « le dernier roi du Missouri », adopta alors le jeune Potts. Il lui apprit à lire et à écrire et le laissa se mêler aux Indiens qui visitaient le poste de traite afin qu’il apprenne leurs coutumes et leurs langues. À la fin de son adolescence, Potts, qui avait adopté les mœurs insouciantes de la frange pionnière, rejoignit le peuple de sa mère ; il vécut tantôt avec les Gens-du-Sang, tantôt avec Dawson. En qualité de sang-mêlé, il devait prouver à la fois aux Indiens et aux Blancs qu’il pouvait se débrouiller dans chacune des deux cultures ; sa présence d’esprit, sa bravoure et la précision mortelle de son tir, tant au revolver qu’au fusil, l’aidèrent beaucoup à y arriver.

Employé de l’American Fur Company pendant une partie des années 1860, Potts fut chasseur pour divers trafiquants de whisky de 1869 à 1874. La violence assombrit largement cette époque de sa vie. Il acquit une renommée comme guerrier indien ; on ne compte plus les récits quasi légendaires de ses batailles avec les Sioux, les Corbeaux et les Cris des Plaines. George Allan Kennedy, chirurgien de la Police à cheval du Nord-Ouest, a noté par la suite l’un de ces récits, celui de la dernière et sans doute la plus grande bataille indienne du Nord-Ouest canadien. À la fin d’octobre 1870, des Cris des Plaines et des Assiniboines, parmi lesquels se trouvaient Gros Ours [Mistahimaskwa*] et Piapot [Payipwat*], attaquèrent un campement de Gens-du-Sang sur la rivière Belly (près de Lethbridge). Potts, en compagnie d’un groupe de Peigans, membres comme les Gens-du-Sang de la confédération des Pieds-Noirs, se porta à leur secours. Au terme d’une journée de combat, les Cris et les Assiniboines, qui avaient perdu près de 300 hommes, furent mis en déroute. Le massacre avait été tel, disait Potts, qu’« on pouvait tirer les yeux fermés et être sûr d’abattre un Cri ». À cette époque, les effets du trafic du whisky contribuèrent à rendre encore plus brutale la vie parmi les Indiens des Prairies. En 1872, Namo-pisi fut tuée par un homme ivre de sa tribu tandis qu’elle rapportait le corps d’un autre de ses fils ; peu après, Potts la vengea en abattant son meurtrier.

Les violences de ce genre et les abus du trafic du whisky poussèrent le gouvernement du Canada à former la Police à cheval du Nord-Ouest en 1873 [V. Patrick Robertson-Ross*]. Le premier contingent de policiers se rendit dans l’Ouest en 1874 sous les ordres du commissaire George Arthur French*, qui rencontra Potts au fort Benton et l’embaucha comme guide, éclaireur et interprète. Comme les policiers ne connaissaient ni le territoire qu’ils devaient surveiller, ni les Indiens et Métis qui y habitaient, Potts se révéla d’emblée un collaborateur très précieux. Cet homme de la plaine, laconique, ne tarda pas à leur inspirer respect et admiration pour son expérience de la vie en région sauvage, son courage, son remarquable sens de l’orientation et sa connaissance approfondie de la topographie de la région.

À l’automne de 1874, Potts organisa les premières rencontres qui eurent lieu entre le commissaire adjoint James Farquharson Macleod et des chefs indiens, dont Pied de Corbeau [Isapo-muxika*] et Red Crow [Mékaisto]. En partie grâce à lui, la Police à cheval du Nord-Ouest et les Pieds-Noirs entretinrent très vite des relations amicales : il expliquait à chacune des parties les coutumes, l’étiquette et les préoccupations de l’autre, et se faisait leur interprète.

Potts allait travailler 22 ans pour la Police à cheval du Nord-Ouest. Au début, il dirigeait presque toutes les patrouilles importantes. Par la suite, les éclaireurs qu’il avait formés prirent la relève dans une certaine mesure, mais son rôle dans le maintien de bonnes relations avec les Pieds-Noirs demeura important. En 1877, il contribua au succès des négociations du traité n° 7 [V. Isapo-muxika], et au moment de la rébellion du Nord-Ouest, en 1885 [V. Louis Riel*], il usa de son influence pour obtenir la neutralité des Pieds-Noirs. Sa consommation excessive d’alcool et la tuberculose dont il souffrit à compter des années 1890 finirent par le rendre moins utile à la police ; à mesure que les colons s’installaient, sa connaissance de la vie en région sauvage fut moins précieuse. Il demeura cependant avec la police jusqu’à sa mort en 1896.

Selon Samuel Benfield Steele*, officier de la Police à cheval du Nord-Ouest, Jerry Potts était « un homme de petite taille, aux jambes arquées, au regard noir et perçant et au long nez droit ». Il laissa sa marque dans l’histoire du Nord-Ouest à titre d’intermédiaire culturel, de guide et d’interprète. Le lendemain de sa mort, le Macleod Gazette and Alberta Livestock Record déplora la disparition de l’homme qui « avait permis à une police peu nombreuse et tout à fait insuffisante d’occuper puis de maîtriser peu à peu ce qui aurait pu si facilement, en d’autres circonstances, être un territoire hostile et difficile [...] Eût-il été différent de ce qu’il était [...], ajoutait le journal, l’histoire du Nord-Ouest, il n’est pas exagéré de le dire, aurait été tout autre. »

D. Bruce Sealey

Charles Larpenteur, Forty years a fur trader on the Upper Missouri ; the personal narrative of Charles Larpenteur, 1833–1872, Elliott Coues, édit., introd. de M. M. Quaife (Chicago, 1933).— The new west ; being the official reports to parliament of the activities of the Royal North-West Mounted Police Force from 1888–1889 (Toronto, 1973).— S. B. Steele, Forty years in Canada : reminiscences of the great north-west [...], M. G. Niblett, édit. (Toronto et Londres, 1918 ; réimpr., 1972).— Lethbridge News (Lethbridge, Alberta), 30 avril 1890.— Macleod Gazette and Alberta Livestock Record (Fort Macleod, Alberta), 17 juill. 1896.— H. M. Chittenden, The American fur trade of the far west [...] (2 vol., New York, 1902 ; réimpr., Santa Fe, N. Mex., 1954).— H. A. Dempsey, Jerry Potts, plainsman (Calgary, 1966).— P. S. Long, Jerry Potts : scout, frontiersman, and hero (Calgary, 1974).— D. B. Sealey, Jerry Potts (Don Mills [Toronto], 1980).— Turner, NWMP.— Lethbridge Herald, 28 oct. 1921.

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D. Bruce Sealey, « POTTS, JERRY (Ky-yo-kosi) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/potts_jerry_12F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1990
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