RUSSELL, CHARLES MARION, artiste, né le 19 mars 1864 à St Louis, Missouri, fils de Charles Silas Russell et de Mary Elizabeth Mead ; le 9 septembre 1896, il épousa à Cascade, Montana, Nancy Cooper (décédée en 1940), et ils eurent un fils ; décédé le 24 octobre 1926 à Great Falls, Montana.

Charles Marion Russell appartenait à une famille en vue et son père était associé dans une briqueterie. Charles Marion avait de la difficulté à l’école et, dès son jeune âge, il rêvait de partir dans l’Ouest pour suivre les traces des frères de sa grand-mère, Charles et William Bent, trafiquants de fourrures pionniers de l’Ouest. En 1880, peu avant son seizième anniversaire, ses parents l’autorisèrent à accompagner un éleveur de moutons de leur connaissance jusque dans le territoire du Montana. Après avoir vécu avec un chasseur de gibier professionnel, « Kid » Russell fut embauché en 1882 comme gardien de nuit pour les troupeaux, sur un trajet qui aboutissait dans la région du bassin Judith dans le centre du Montana. Au cours des 11 années suivantes (sauf en 1888, où il passa l’été dans la région qui deviendrait l’Alberta), il conduisit les chevaux et les bovins pendant les rassemblements du printemps et de l’automne, et acquit la réputation, à l’échelle locale, d’être un joyeux conteur qui avait le don de dépeindre son milieu de vie. Son aquarelle de 1887 intitulée Waiting for a chinook, qui illustrait une vache souffrant de famine encerclée par des loups, résumait un hiver dévastateur qui avait sévi dans les Plaines et lui apporta la notoriété.

La première visite de Russell au Canada fut un événement marquant dans sa vie. Parti de Helena, au Montana, il chevaucha vers le nord avec deux amis à la fin du mois de mai 1888. L’un d’eux, Philip A. Weinard, avait un emploi qui l’attendait dans un ranch au sud-ouest de Calgary. Cependant, Russell et son autre compagnon de voyage, qui avaient manqué le rassemblement du bétail du printemps, passèrent l’été à pêcher, à chasser et à se prélasser dans un ranch appartenant à Charles D. M. Blunt. Russell fit quelques peintures avec des fournitures que Blunt lui avait données et saisit l’occasion de faire connaissance avec les peuples amérindiens de la région : Stonies, Sarcis, Pieds-Noirs, Gens-du-Sang et Peigans. Sensible et avide d’apprendre, il acquit les rudiments du langage des signes et s’imprégna de récits d’actes de bravoure du temps passé. Ceux-ci laissèrent une empreinte indélébile sur son art et ajoutèrent à sa compréhension de la vie de cow-boy un intérêt durable pour la culture des Amérindiens des Plaines. Russell retourna à Helena en septembre. Il laissait derrière lui des croquis, un tableau achevé, représentant un ours, et, œuvre ambitieuse et très impressionnante, une peinture à l’huile qu’il avait offerte à Blunt, intitulée Canadian mounted police bringing in Red Indian prisoners ; celle-ci illustrait un incident dont il avait été témoin pendant sa chevauchée vers le nord en mai. Dans des tableaux et dessins ultérieurs, Russell rendrait hommage à la police à cheval comme symbole de justice à la frontière canadienne, sujet digne de mention pour un artiste qui ne tenait pas compte du rôle de l’armée des États-Unis dans la « conquête de l’Ouest » et éprouvait de la sympathie pour la résistance des Amérindiens à l’avance des Blancs.

Après son retour au Montana, Russell reprit son travail de gardien de nuit pour les troupeaux. Toutefois, en 1893, convaincu que les jours de gloire de l’industrie du bétail dans les grands pâturages étaient révolus, il se tourna vers l’art comme moyen de subsistance, et s’installa à Cascade, entre Helena et Great Falls. À cet endroit, en 1895, il rencontra Nancy (« Mame ») Cooper, âgée de 17 ans, qu’il épousa l’année suivante. Elle se révéla une excellente femme d’affaires et avait assez de détermination pour deux. Ils emménagèrent à Great Falls en 1897 et, ensemble, sous l’impulsion du moment, firent un voyage dans le Nord en 1903. Désireux de voir la dernière région pionnière des ruées vers l’or dans ce secteur, ils montèrent à bord d’un train à destination du « fort Edmonton » et découvrirent en fait une ville moderne. Russell put dessiner un traîneau à chiens et peignit plus tard la même année une aquarelle intitulée The winter packet. Il créa également, vers 1903–1905, une sculpture en cire connue sous le titre Transport to the northern lights. Il eut une meilleure occasion de vivre ses fantaisies romantiques, en novembre 1908 et au printemps de l’année suivante, lorsqu’il assista à un rassemblement de bétail, puis participa à un autre dans la réserve Flathead, dans le Montana ; le troupeau comportait plus de 700 bisons achetés par le gouvernement du Canada pour être livrés en Alberta. L’expérience raviva son intérêt pour ces animaux et leur chasse comme thèmes artistiques.

À cette époque, Nancy Russell était la gérante de son mari. En 1904, elle l’avait persuadé d’entreprendre le premier d’une série de voyages à New York. Les tableaux de Russell étaient déjà très connus sous forme de cartes postales et de reproductions en couleurs, et son premier bronze avait été coulé cette année-là. Des commandes d’illustrations et un important contrat de création d’un calendrier suivirent, ce qui contribua à former l’opinion selon laquelle, après la mort de Frederic Remington en 1909, Russell était le plus grand artiste nord-américain inspiré par l’Ouest, ce que vint confirmer sa brillante exposition solo aux Folsom Galleries, à New York, en 1911. Intitulée « The west that has passed », cette exposition transmettait parfaitement sa vision nostalgique des cow-boys, des Amérindiens et des animaux vivant en liberté dans de grands pâturages.

L’année suivante, Russell exposa au premier Stampede de Calgary, ce qui lui attira à la fois l’attention internationale et de nouveaux mécènes. L’exposition connut un grand succès – 13 des 20 tableaux catalogués furent vendus, dont 3, illustrant des cow-boys, à sir Henry Mill Pellatt* de Toronto, et 4, représentant des Amérindiens, à un noble anglais – et Russell exposa de nouveau ses œuvres en 1913 à l’occasion d’un stampede à Winnipeg. Les relations qu’il noua au Canada le conduisirent à sa seule exposition outre-mer, aux Doré Galleries de Londres, en 1914. Russell avait déjà bénéficié de l’appui de Canadiens. En effet, en 1897, William Bleasdell Cameron*, qui représentait un journal américain consacré à la chasse et à la pêche, lui avait commandé six dessins pour illustrer ses mémoires de ses deux mois de captivité au camp de Gros Ours [Mistahimaskwa*], à la suite de l’attaque au lac La Grenouille (lac Frog, Alberta) en 1885. L’ingénieur Charles Alexander Magrath*, de Lethbridge, avait persuadé Russell en 1905 de faire une peinture à l’huile représentant une bataille rangée entre Pieds-Noirs, Cris et Assiniboines qui avait éclaté tout près de ce dernier endroit en 1870 [V. Jerry Potts*]. Habituellement, Russell vendait des tableaux montrant des scènes générales de la vie des Amérindiens et des cow-boys à des mécènes canadiens tels que Jimmy Simpson, équipeur et guide à Banff, ainsi qu’à William B. Campbell, propriétaire d’un ranch en Alberta qui fit la connaissance de Russell au Stampede de Winnipeg en 1913. Cependant, après le succès qu’il connut à Calgary, il ajouta à son répertoire des sujets typiquement canadiens en produisant, à raison d’une par année entre 1912 et 1915, quatre importantes peintures à l’huile mettant en vedette la police à cheval.

Les « quatre grands » qui avaient soutenu le premier Stampede de Calgary – George Lane, Alfred Ernest Cross*, Patrick Burns* et Archibald James McLean* – étaient tous associés à l’industrie du bétail en Alberta et Lane devint un mécène de premier ordre. Lorsque les Russell furent de nouveau attirés au Canada en 1919 pour participer à des expositions au « Victory Stampede » de Calgary et à Saskatoon, Cross acheta une œuvre représentant un cow-boy, tandis que Burns fit l’acquisition de l’une des huiles sur la police à cheval, Whiskey smugglers caught with the goods (1913), et Lane se procura deux autres de cette série, The queen’s war hounds (1914) et When law dulls the edge of chance (1915). Plus tard, Lane donna la première à la province de l’Alberta ; quant à la dernière, elle fut offerte au prince de Galles, qui, à l’occasion d’un voyage prolongé au Canada, avait acheté le ranch voisin du Bar U Ranch, alors propriété de Lane. La hausse des prix consentis pour les toiles de Russell à cette époque témoigne de sa réussite sur la scène artistique ; dès 1920, une seule huile se vendait 10 000 $.

Les liens de Charles Marion Russell avec l’Ouest canadien prirent maintes formes. Entre 1906 et 1910, il fut copropriétaire d’un ranch dans la région des monts Sweet Grass, à cinq milles au sud de la frontière canadienne, et il se rendit souvent dans le sud de l’Alberta, où il comptait de nombreux amis parmi les éleveurs de bétail. Les Russell passèrent l’hiver en Californie en 1920, mais c’est au Montana et en Alberta, parmi les gens qui parlaient son langage, que Russell se sentait vraiment chez lui. Après sa mort, en 1926, Alfred Ernest Cross exprima ce que la disparition de Russell signifiait pour les Canadiens de l’Ouest. « Vous avez non seulement toutes mes condoléances, écrivit-il à Nancy Russell, mais également [celles] de tous les vieux propriétaires de ranch de ce pays. » Sa mort serait « une véritable perte, non seulement pour la communauté [de Mme Russell], les États-Unis, mais [aussi] pour le monde entier ». Charles Marion Russell est encore aujourd’hui universellement connu comme « l’artiste cow-boy ».

Brian W. Dippie

Arch. privées, Jim Combs (Great Falls, Mont.), Doc. concernant Charles Marion Russell.— Taylor Museum, Colorado Springs Fine Arts Center (Colorado Springs, Colo.), Helen and Homer E. Britzman Coll., C.7.159 (A. E. Cross à N. C. Russell, 30 oct. 1926) ; E.189 bi (exemplaire de Special exhibition : paintings by Charles M. Russell, at « The Stampede, Calgary, 1912 » annoté par N. C. Russell) ; E.346 (The west that has passed, catalogue d’exposition, Folsom Galleries, New York, 1911).— « An artist visitor », Edmonton Bull., 25 févr. 1903 : [3].— Charlie Russell roundup : essays on America’s favorite cowboy artist, B. W. Dippie, édit. (Helena, Mont., 1999).— H. A. Dempsey, « Tracking C. M. Russell in Canada, 1888–1889 », Montana : the Magazine of Western Hist. (Helena), 39 (1989), nº 3 : 2–15.— B. W. Dippie, « Charles M. Russell and the Canadian west », Alberta Hist. (Calgary), 52 (2004), nº 4 : 4–26.— [C. M. Russell], Charles M. Russell, word painter : letters, 1887–1926, B. W. Dippie, édit. (Fort Worth, Tex., 1993).— John Taliaferro, Charles M. Russell : the life and legend of America’s cowboy artist (Boston, 1996).

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Brian W. Dippie, « RUSSELL, CHARLES MARION », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/russell_charles_marion_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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