PīTIKWAHANAPIWīYIN (Poundmaker), chef des Cris des Plaines, né vers 1842 dans ce qui est aujourd’hui le centre de la Saskatchewan, fils d’un Stoney (Nakoda), Sīkākwayān (Skunk Skin), et d’une Métisse ; décédé le 4 juillet 1886 à Blackfoot Crossing (Alberta).

Poundmaker naquit au sein d’une famille très en vue des Cris des Plaines de la nation de la Maison et, par sa mère, il était le neveu de Mistawāsis (Big Child), un des chefs importants de la région de la colline Eagle (Alberta). Bien que sa mère fût de descendance canadienne-française, Poundmaker avait tout à fait l’apparence et la culture d’un Cri des Plaines. Robert Jefferson, instructeur agricole de la réserve de Poundmaker, écrivit quelques années après la mort du chef cri que celui-ci était « grand et bien de sa personne, svelte, avait un visage intelligent sur lequel se détachait un gros nez aquilin ; il avait un port si digne et un langage si approprié aux circonstances que son sérieux et ses opinions faisaient impression sur chaque auditeur ».

Un trafiquant qui rencontra Poundmaker à la fin des années 1860 se souvenait qu’à cette époque « il n’était qu’un Indien ordinaire, [un] homme ordinaire comme d’autres Indiens ». L’existence de Poundmaker changea toutefois après que Pied de Corbeau [Isapo-muxika], un des principaux chefs des Pieds-Noirs, eut perdu un fils en 1873 au cours d’un raid sur un camp cri. Peu de temps après, quand un traité de paix de courte durée fut conclu entre les deux nations, une des femmes de Pied de Corbeau aperçut Poundmaker et fut frappée de sa ressemblance avec son fils mort. Le chef pied-noir adopta aussitôt le Cri et l’invita à demeurer avec sa nation à Blackfoot Crossing, donnant à Poundmaker le nom pied-noir de Makoyikoh-kin (Wolf Thin Legs).

Au retour de Poundmaker chez les Cris, son influence sur les Pieds-Noirs en tant que fils de Pied de Corbeau et la richesse que constituaient les chevaux reçus de sa nouvelle famille améliorèrent sa situation au sein de son propre peuple. Lorsque les Autochtones du centre de la Saskatchewan se réunirent, en août 1876, au fort Carlton (Fort Carlton) pour négocier un traité avec le gouvernement canadien, on le considérait alors comme un conseiller ou chef mineur, subordonné à Pihew-kamihkosit (Red Pheasant) de la nation des Gens de la Rivière. À la différence de son oncle Mistawāsis, Poundmaker mit en doute le but du traité no 6, après que le lieutenant-gouverneur du Manitoba et gouverneur des Territoires du Nord-Ouest, Alexander Morris, en eut exposé les clauses à grands traits. Il soutint que le gouvernement devrait être en mesure de procurer aux Autochtones et à leurs descendants, en échange de leurs terres, l’instruction en matière d’agriculture et de l’assistance après la disparition du bison. Le lieutenant-gouverneur ayant fait des difficultés, Poundmaker déclara qu’il ne connaissait rien à la construction des maisons, ni à l’agriculture, et ajouta : « Selon ce que j’entends et je vois en ce moment, il ne m’apparaît pas que je pourrai vêtir mes enfants et les nourrir tant que le soleil brillera et que les rivières couleront. » En fin de compte, Poundmaker donna néanmoins son accord aux clauses du traité et le signa, le 23 août 1876. Deux ans plus tard, tandis que Pihew-kamihkosit consentait à s’établir sur une réserve, Poundmaker forma sa propre communauté qui continua de chasser les troupeaux de bisons en voie d’extinction, mais, en 1879, il accepta aussi une réserve et s’installa au confluent de la rivière Battle et du ruisseau Cut Knife, à 40 milles environ à l’ouest de Battleford (Saskatchewan) ; il continua de faire la chasse toutes les fois que l’occasion s’en présentait.

En 1881, Poundmaker fut choisi pour accompagner le marquis de Lorne [Campbell*], gouverneur général du Canada, lors d’une tournée effectuée de Battleford jusqu’à Blackfoot Crossing. Au cours de ce voyage, Poundmaker impressionna le gouverneur et sa suite par sa connaissance de la culture crie et par sa philosophie de pacificateur. Poundmaker fut lui aussi frappé par les renseignements obtenus des dignitaires et, plusieurs mois plus tard, à l’occasion d’un festin qu’il offrit à sa communauté, il exhorta ses compagnons à maintenir la paix : « les Blancs vont envahir le pays, dit-il, et ils vont nous régenter comme ils l’entendront. Il est inutile de songer à les effrayer ; cette époque est révolue. Notre seule ressource est notre travail, notre application, nos fermes. »

En 1883, une campagne d’économie de la part du gouvernement amena le congédiement de nombreux employés du département des Affaires indiennes et une diminution des rations des Autochtones. Des retards dans la livraison des approvisionnements firent courir les rumeurs qu’on les priverait tout à fait de leurs rations et qu’ils seraient réduits à la famine. De plus, comme les fonctionnaires à Ottawa ne portèrent pas attention aux plaintes formulées par les agents voulant que les Autochtones fussent en train de mourir de faim à la suite de l’hiver rigoureux de 1883–1884, Poundmaker se révéla incapable de maintenir la paix au sein de ses compagnons, surtout chez les jeunes guerriers. Au mois de juin 1884, de nombreux Autochtones, dont Gros Ours [Mistahimaskwa] et ses compagnons, se rassemblèrent à la réserve de Poundmaker pour discuter de la situation. Malgré les efforts de la Police à cheval du Nord-Ouest pour les disperser, plus de 1 000 Cris exécutèrent la danse de la soif, leur principale célébration religieuse, au cours de laquelle les participants réaffirmèrent leur foi à l’esprit du soleil. Au cours des cérémonies, un homme fut accusé de voies de fait sur l’instructeur agricole d’une réserve voisine, John Craig. En prévision de la possibilité d’une explosion de violence, la Police à cheval du Nord-Ouest fortifia le poste local et expédia un détachement de quelque 90 hommes pour arrêter l’accusé. Poundmaker et Gros Ours refusèrent toutefois de le remettre entre leurs mains durant les cérémonies, et Poundmaker s’offrit en otage. Lorsque les policiers menacèrent plus tard d’arrêter de force l’homme recherché, Poundmaker s’éleva contre leur attitude, les menaçant avec colère d’une massue de guerre à quatre lames. Le fugitif fut cependant mis en état d’arrestation et conduit sous escorte à Battleford où on le condamna à une semaine de prison.

Le mécontentement que traduisit cette altercation régnait à travers la plus grande partie des Prairies chez les Premières Nations et les Métis, et conduisit des porte-parole de ce dernier groupe à inviter Louis Riel à rentrer du Montana pour chercher une solution. Poundmaker ne fut pas de ceux qui envoyèrent chercher Riel ; en raison cependant de son rôle de chef, particulièrement auprès du groupe de jeunes guerriers, au moment où éclata la rébellion en 1885, la population de son camp augmenta de plusieurs fois son volume normal et compta des Cris, des Stoneys et même un certain nombre de Métis. Après la victoire des Métis à l’établissement du lac aux Canards (Duck Lake), en mars, et le meurtre d’un instructeur agricole par des Stoneys, la plupart des colons blancs abandonnèrent leurs fermes et se réfugièrent dans les casernes de la Police à cheval du Nord-Ouest près de Battleford tandis que quelques autres, qui avaient été faits prisonniers par les compagnons de Poundmaker, trouvèrent asile dans sa hutte. Le chef se rendit ensuite aux casernes situées à environ un quart de mille du village pour voir l’agent des Affaires indiennes et obtenir les rations en retard. L’agent ayant refusé de quitter la zone de protection de la Police à cheval du Nord-Ouest, Poundmaker fut impuissant à empêcher les jeunes guerriers qui l’accompagnaient de piller le village que ses habitants avaient aussi abandonné pour les casernes.

Au retour du groupe au ruisseau Cut Knife, Poundmaker demeura leur chef de nom, gardant beaucoup d’influence, mais une hutte de guerrier dressée dans le camp devint le véritable siège de l’autorité. Un certain nombre de Stoneys en particulier, qui avaient participé au meurtre de l’instructeur agricole, étaient fortement partisans d’une politique de guerre ouverte contre les Blancs. Entre-temps, la troupe du lieutenant-colonel William Dillon Otter* arriva à Battleford. Ayant pris la décision de « punir » Poundmaker d’avoir mis le village à sac, Otter partit attaquer le camp de ce dernier près du mont Cut Knife avec 325 hommes, deux canons et une mitrailleuse Gatling. Tôt le matin du 2 mai 1885, cependant, on reçut la nouvelle que la troupe gouvernementale approchait et un groupe de guerriers cris et stoneys partit aussitôt afin de bloquer son avance. Après sept heures de combat, les forces d’Otter se replièrent. Même si Poundmaker ne fut pas du nombre des combattants, il réussit à empêcher les guerriers de poursuivre la troupe en retraite. L’armée d’Otter se trouvait alors dans un tel désarroi que tout autre affrontement aurait engendré de lourdes pertes.

Après l’engagement, un certain nombre de Métis persuadèrent les membres du camp de Poundmaker de se joindre aux forces de Riel à Batoche. Le chef cri tenta à plusieurs reprises de se rendre au lac Devil, dans la direction opposée, mais les guerriers stoneys ne le permirent pas. Peu de temps après, les Métis s’emparèrent d’un convoi d’approvisionnements mais, grâce à l’intervention de Poundmaker, les prisonniers furent protégés et bien traités. Quand on sut au camp que les forces de Riel avaient été défaites à Batoche le 12 mai, Poundmaker envoya un prêtre, le père Louis Cochin, chargé d’un message destiné au major général Frederick Dobson Middleton* dans lequel il disait être disposé à négocier un règlement de paix. Le major général repoussa la requête et exigea que Poundmaker se livrât sans condition à Battleford. Le 26 mai, le chef et ses compagnons entrèrent dans le fort où ils furent aussitôt emprisonnés.

Poundmaker passa en jugement pour trahison, à Regina, en juillet 1885. « Tout ce qui était en mon pouvoir pour arrêter l’effusion de sang, je l’ai fait », protesta Poundmaker en cour. « Si j’avais souhaité la guerre, je ne serais pas ici en ce moment. Je serais dans la Prairie. Vous ne m’avez pas capturé. Je me suis rendu. [Si] vous m’avez, [c’est] parce que je voulais la justice. » Il fut reconnu coupable et condamné à trois ans de prison. Après avoir purgé une année de peine à la prison de Stony Mountain, au Manitoba, Poundmaker, abattu et malade, fut libéré. Quatre mois plus tard, au cours d’une visite à Pied de Corbeau, son père adoptif, dans la réserve des Pieds-Noirs, il fit une hémorragie pulmonaire et mourut.

Il fallut attendre la fin de l’agitation entourant la rébellion pour qu’on reconnût, trop tard, en Poundmaker celui qui n’avait jamais abandonné son rôle de pacificateur et n’avait combattu que pour se défendre. La reconnaissance officielle de ces faits viendrait beaucoup plus tard. Le 23 mai 2019, le premier ministre Justin Trudeau, au nom du gouvernement du Canada, s’adressa à la Nation crie de Poundmaker, au nord-ouest de Saskatoon : « [L]e chef Poundmaker est entièrement innocenté de tout crime ou méfait [...] je tiens [...] à présenter [...] des excuses pour les injustices, les épreuves et l’oppression historiques subies par le chef Poundmaker et par votre communauté. » Il ajouta : «  Il nous a fallu 134 ans pour franchir l’étape importante que nous franchissons aujourd’hui. »

Hugh A. Dempsey

Canada, Parl., Sessional papers, 1886, XIII, no 52.— Louis Cochin, Reminiscences [...] a veteran missionary of the Cree Indians and a prisoner in Poundmaker’s camp in 1885 [...] ([Battleford, Saskatchewan, 1927]).— Morris, Treaties of Canada with the Indians.— W. H. Williams, Manitoba and the north-west : journal of a trip from Toronto to the Rocky Mountains [...] (Toronto, 1882), 104–110.— Robert Jefferson, Fifty years on the Saskatchewan [...] (Battleford, 1929).— John Maclean, Canadian savage folk : the native tribes of Canada (Toronto, 1896).— Norma Sluman, Poundmaker (Toronto, 1967).— Stanley, Birth of western Canada ; Louis Riel.— Mary Weekes, Great chiefs and mighty hunters of the western plains [...] (Regina, [1947]), 7–27.— [Edward Ahenakew], « The story of the Ahenakews », R. M. Buck, édit., Saskatchewan Hist. (Saskatoon), 17 (1964) : 12–23.— J. W. Shera, « Poundmaker’s capture of the wagon train in the Eagle Hills, 1885 », Alberta Hist. Rev. (Edmonton), 1 (1953), no 1 : 16–20.

Bibliographie de la version révisée :
Justin Trudeau, premier ministre du Canada, « Déclaration de l’innocence du chef Poundmaker » : pm.gc.ca/fr/nouvelles/discours/2019/05/23/declaration-de-linnocence-du-chef-poundmaker (consulté le 10 juin 2019).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Hugh A. Dempsey, « PĪTIKWAHANAPIWĪYIN (Poundmaker) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 25 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/pitikwahanapiwiyin_11F.html.

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Auteur de l'article:    Hugh A. Dempsey
Titre de l'article:    PĪTIKWAHANAPIWĪYIN (Poundmaker)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1982
Année de la révision:    2019
Date de consultation:    25 déc. 2024