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Titre original :  Michel-Jean-Hugues Péan

Provenance : Lien

PÉAN, MICHEL-JEAN-HUGUES, officier dans les troupes de la Marine et aide-major de Québec, né au manoir de Contrecœur et baptisé à Saint-Ours, Québec, le 18 mai 1723, fils de Jacques-Hugues Péan* de Livaudière et de Marie-Françoise, fille de François-Antoine Pécaudy* de Contrecœur, décédé à Cangey (dép. de l’Indre-et-Loire, France) le 21 août 1782.

Fils aîné d’un officier en vue de la colonie, Michel-Jean-Hugues Péan gravit assez rapidement les échelons de la hiérarchie militaire en Nouvelle-France. Entré dans les troupes de la Marine dès son jeune âge, il fut successivement nommé enseigne en second (1738), enseigne en pied (1742), aide-major (1745) et capitaine (1750) avant de se voir accorder la croix de Saint-Louis en 1756. Même si certains, comme Charles Deschamps de Boishébert, son commandant alors qu’il servait en Acadie, ont vanté les qualités militaires de Péan, son principal mérite résidait dans son habileté à se gagner les faveurs des personnes occupant les plus hauts postes de l’administration coloniale. Son opportunisme et son sens peu commun de l’organisation lui permirent de devenir l’un des officiers préférés des gouverneurs La Jonquière [Taffanel*], Duquesne et Vaudreuil [Rigaud]. Duquesne, notamment, dira de lui qu’il était « un prodige en talents, en capacité, en ressource et en zèle ».

Profitant de sa position privilégiée d’aide-major de la ville et gouvernement de Québec depuis 1745, de son mariage, en 1746, à Angélique Renaud d’Avène Des Méloizes et de ses relations familiales et sociales, Péan commença de s’enrichir peu de temps après l’arrivée de l’intendant Bigot en 1748. Il devint un véritable entremetteur pour les fournisseurs et l’intendant, participa à toutes les entreprises et à tous les contrats et influença les recommandations et les nominations faites par l’intendant.

Dès 1749, Péan s’associa avec Bigot, La Jonquière et Jacques-Michel Bréard pour l’exploitation et la fourniture des postes de la mer de l’Ouest et de la baie des Puants (baie Green, Michigan). Les associés touchaient des profits appréciables en faisant payer par l’État, à titre de présents aux Indiens, toutes les marchandises de traite. Péan administrait environ 2 p. cent de l’affaire, mais ses intérêts, disait-il, provenaient de cessions faites par les associés sur leur part.

Péan s’impliqua également dans le commerce du blé et la fourniture des farines à l’État. Au printemps de 1750, il n’eut pas de mal à obtenir le contrat de fourniture des farines, résilié par sa tante, Louise Pécaudy de Contrecœur, épouse de François Daine* ; il semble cependant que, pour cette opération, il utilisa un prête-nom. De plus, il reçut la commission de fournir les blés au roi et le Trésor lui avança les fonds nécessaires pour faire ses achats ; il acquit ainsi, à vil prix, d’énormes provisions de céréales. Par la suite, l’intendant taxa le blé à un prix plus élevé de sorte que Péan put réaliser des profits considérables sans avoir déboursé un sou. La mouture, s’effectuant dans son moulin, et le blutage, dans ses hangars, lui permirent de retirer respectivement un droit d’un douzième et de deux sous par minot. Péan perçut également des bénéfices intéressants de l’exportation des farines. D’après l’auteur anonyme du « Mémoire du Canada », les vastes hangars qu’il érigea dans sa seigneurie de Saint-Michel (Saint-Michel-de-Bellechasse) étaient le point d’embarquement du blé vers les Antilles.

Péan fit l’objet de nombreuses plaintes à la cour en raison de son rôle dans la fourniture des blés et dans l’approvisionnement des troupes. Répondant aux demandes réitérées de La Jonquière pour l’avancement de cet officier, le ministre Rouillé lui accorda, le 14 juin 1750, une commission de capitaine ; ce dernier ajouta toutefois que si les accusations d’abus, se rattachant aux approvisionnements et concernant Péan, s’avéraient exactes, il devrait retenir la commission ; le gouverneur rejeta toutes ces accusations. De tels soupçons refirent surface en 1756 lorsque l’intendant Bigot lui obtint la croix de Saint-Louis auprès du ministre Machault. Malgré ce rejet des plaintes, Jean-Victor Varin de La Marre dénonça Péan lors de l’enquête du Châtelet. Il déclara avoir majoré d’un quart le prix des fournitures entre 1752 et 1757 à la sollicitation de Péan et avec le consentement de Bigot qui, l’un et l’autre, possédaient dans cette affaire 25 p. cent d’intérêts ; Bréard en détenait 20 p. cent, et lui-même, 30 p. cent. Avec ce même Varin, en 1756, Bigot et Péan auraient formé une société dans le but d’acquérir un fonds de commerce, appartenant à Guillaume Estèbe et Jean-André Lamaletie, qui pouvait justement disposer de ce dont manquaient les magasins du roi. Les trois associés firent alors des bénéfices de 155 p. cent. Péan reconnut lors de son procès avoir joué un rôle dans cette affaire tout en se défendant d’en connaître les dessous.

En 1756, un groupe d’entrepreneurs, connu sous le nom de la Grande Société, monopolisa l’activité économique de la Nouvelle-France. Le résultat de cette concentration fut le « marché du munitionnaire » qui, par un contrat passé à Québec le 26 octobre 1756, permettait aux associés d’accaparer le commerce colonial. Si Joseph-Michel Cadet dirigeait officiellement cette société, Péan en était le véritable protecteur. Incidemment, il n’eut rien à débourser ; il empocha tout simplement, au dire de Cadet, 50 puis 60 p. cent des profits que ce dernier réalisait grâce à sa protection. Par sa position d’aide-major et grâce à de nombreux voyages dans les pays d’en haut, Péan put fournir de précieux conseils à Cadet concernant la fourniture des forts, la composition et le prix des rations. La manipulation des inventaires d’approvisionnement des forts constituait une activité commerciale importante pour la Grande Société. Cadet devait acheter du roi les vivres déjà en magasin lors de la signature du contrat. En 1757 et 1758, Louis Pennisseaut, chargé de faire un tel inventaire, reçut de Péan l’ordre d’accommoder les états de façon « à en diminuer le montant jusqu’à concurrence de la moitié ». À la même occasion, Péan lui aurait donné une carte des rations fixant la quantité des vivres qu’il fallait ajouter dans chaque établissement à celles que les garnisons y auraient effectivement consommées. Le commis effectua cette besogne et gonfla les états en y inscrivant des additions notables à ce que le gouvernement devait acheter de Cadet.

En raison de son association avec Bigot à tous les niveaux du commerce colonial, Péan entretenait aussi des relations commerciales très étroites avec la famille Gradis de Bordeaux. Au cours des années 1757 et 1758, il aurait participé au ravitaillement du Canada en tant qu’associé des marchands bordelais, pour lesquels il servit d’intermédiaire auprès de Bigot. Il est en effet fort probable que ce dernier ait partagé la part de Péan qui, dans cette association, accumula une fortune que certains ont évaluée à près de 7 000 000# lors de la Conquête.

Alors qu’il était régulièrement en contact avec la métropole, Péan put profiter de la présence de son frère, René-Pierre, commissaire de la Marine au port et arsenal de Brest, pour favoriser certaines entreprises commerciales. Bien que Canadien d’origine, Péan était profondément attaché à la France et cela peut expliquer son désir de s’y installer. On peut même supposer que ses contacts en France l’ont aidé non seulement dans ses entreprises commerciales mais également lors de son procès. Il ne faut pas mésestimer les qualités personnelles de Péan et la valeur de ses relations familiales et sociales. Il ne fait aucun doute également que l’amitié de Mme Péan pour Bigot a permis à son mari d’occuper une place privilégiée au sein de la société coloniale et que cela a favorisé les affaires de ses proches.

Péan investit des sommes importantes dans l’acquisition de biens fonciers et immobiliers. Il obtint la totalité des seigneuries de Saint-Michel et de La Livaudière grâce à quelques ententes avec son frère, René-Pierre, qui lui cédait, le 16 juillet 1750, moyennant 12 000#, tous les droits qu’il pouvait prétendre y détenir ; il acquit, de la même façon, le 1er août 1757, tous les biens immobiliers de son frère, au Canada, pour la somme de 15 000#. Péan possédait également plusieurs maisons dans la ville de Québec dont sa résidence, la maison Arnoux, achetée au coût de 9 000# en 1751.

À la veille de la Conquête, Péan était l’un des hommes les plus en vue de la colonie. Lors de son voyage en France en 1758, entrepris sous prétexte de douleurs rhumatismales requérant le secours des eaux, le gouverneur Vaudreuil lui confia la mission de rendre compte au ministre de la dernière victoire de Montcalm* au fort Carillon (Ticonderoga, New York). Mais certains se méfiaient de Péan ; en effet, André Doreil*, qui chargea le lieutenant Jacques Kanon* de devancer Péan pour annoncer la victoire de Carillon, met le ministre Massiac en garde, dans une lettre du 12 août 1758, « à l’Egard de M. Pean [qui] est un officier vendu à M. de Vaudreuil Et a M. Bigot [...] [qui] a fait une fortune si rapide depuis huit ans quon luy donne deux millions ». Dans une autre lettre, du 31 août de la même année, il présente Péan « comme une des premières causes de la mauvaise administration Et de la perte de ce malheureux pays ». L’arrivée de Berryer, le let novembre 1758, au ministère de la Marine devait donner un tournant brusque à la carrière de Bigot et de Péan ; non seulement le ministre refusa d’écouter Péan, mais il envoya un délégué spécial au Canada, Charles-François Pichot de Querdisien Trémais.

Après la capitulation de Montréal, Bigot, Péan et son épouse s’embarquèrent pour la France, en septembre 1760, à bord de la Fanny. À la suite des enquêtes faites sur l’administration du Canada, on recommanda que l’arrestation de Bigot, de Péan et de quatre autres suspects, Varin, Pennisseaut, Deschamps et François-Marc-Antoine Le Mercier, sefasse le 15 novembre 1761. Amenés à la Bastille, les prisonniers furent traités selon leur rang ; Bigot avait droit à 20# par jour pour sa subsistance et ses besoins tandis que Péan devait se contenter de 15#. Au cours de leur séjour, ils s’achetèrent et se firent envoyer une foule de choses, dont des vêtements et des meubles. Toutes les semaines, Péan recevait des bouteilles de vin de Bordeaux. Après le 20 février 1762, les deux comparses obtinrent de prendre l’air une ou deux fois par semaine, mais séparément et sous bonne garde.

Le 12 décembre 1761, un arrêt du Conseil du roi avait constitué un tribunal pour juger les fonctionnaires de la Nouvelle-France. L’interrogatoire de Péan commença le 27 janvier 1762. La procédure avançait mais les prisonniers ne pouvaient pas encore recourir aux services d’un avocat. Au printemps, Mme Péan établit une correspondance clandestine avec son mari en insérant des lettres dans la doublure d’un habit et usa de ses relations pour empêcher son mari d’être déshonoré et de perdre sa fortune ; il y allait de son intérêt d’agir ainsi.

Même si Péan fut l’un des principaux responsables des abus de l’administration du Canada, il se tira fort bien des différentes accusations. Après l’avoir banni pour neuf ans, les juges revinrent sur leur décision et le soumirent à un « plus amplement informé de six mois ». Le 25 juin 1764, Péan fut mis hors de cour ; il dut restituer 600 000# – somme qu’il déposa sur-le-champ en lettres de change du Canada – mais il ne reçut pas la plus petite note d’infamie.

Après sa libération, Péan se retira dans son domaine d’Orzain, situé non loin de Blois, France, où il vécut comme un seigneur. En 1771, il obtenait la permission d’y faire venir en visite son ancien compagnon, Bigot. Quant à Mme Péan, elle préférait séjourner à Blois, où elle soutenait les familles canadiennes qui les avaient suivis en France. Péan mourut à Cangey en août 1782 ; son épouse lui survécut dix ans. Leur fille, Angélique-Renée-Françoise, née à Québec, avait épousé en septembre 1769 le marquis de Marconnay, colonel d’infanterie et grand prévôt du Pas-de-Calais, France ; elle était décédée sans postérité en mars 1779.

Guy Dinel

AD, Indre-et-Loire (Tours), État civil, Cangey, 23 août 1782.— ANQ-Q, AP-G-322 ; AP-P-1 607 ; Greffe de Claude Barolet, 17311761 ; Greffe de C.-H. Du Laurent, 17341759 ; Greffe de P.-A.-F. Lanoullier Des Granges, 17491760 ; Greffe de J.-C. Panet, 17451775 ; Greffe de J.-A. Saillant, 17501776 ; Greffe de Simon Sanguinet, 17481771.— Les archives de la famille Gradis et le Canada, Claude de Bonnault, édit., ANQ Rapport, 19441945, 267306.— Bégon, Correspondance (Bonnault), ANQ Rapport, 19341935, 1277.— Bougainville, Journal (A.-E. Gosselin), ANQ Rapport, 19231924, 202393.— [Charles Deschamps de Boishébert et de Raffetot], Mémoire de M. de Boishébert au ministre sur les entreprises de guerre contre les Sauvages, novembre 1747, BRH, XXII (1916) : 375381.— Doc. relatifs à la monnaie sous le Régime, français (Shortt).— Doreil, Lettres (A. Roy), ANQ Rapport, 19441945, 3171.— Mémoire du Canada, ANQ Rapport, 19241925, 94198.— [L.-G. de Parscau Du Plessis], Journal d’une campagne au Canada à bord de la Saunage (mars juillet 1756) par Louis-Guillaume de Parscau Du Plessix, enseigne de vaisseau, ANQ Rapport, 19281929, 211226.— Archives Gradis, ANQ Rapport, 19571959, 352.— Æ. Fauteux, Les chevaliers de Saint-Louis.— Gustave Lanctot, L’Affaire du Canada ; bibliographie du procès Bigot, BRH, XXXVIII (1932) : 817.— Le Jeune, Dictionnaire.— P.-G. Roy, Inv. concessions ; Inv. jug. et délib., 1717–1760 ; Inv. ord. int.— Frégault, François Bigot.— Jean de Maupassant, Un grand armateur de Bordeaux, Abraham Gradis (1699?–1780) (Bordeaux, 1917).— P.-G. Roy, Bigot et sa bande ; Les petites choses de notre histoire (7 sér., Lévis, Québec, 19191944), 3e sér. : 238s.— [P.-]P.-B. Casgrain, La maison d’Arnoux où Montcalm est mort, BRH, IX (1903) : 116.— Guy Frégault, La guerre de Sept Ans et la civilisation canadienne, RHAF, VII (19531954) : 183206.— Juliette Rémillard, Angélique Des Méloizes, RHAF, XIX (19651966) : 513534.— P.-G. Roy, La famille Renaud d’Avène des Méloizes, BRH, XIII (1907) : 161181.— Benjamin Sulte, Les Saint-Michel, BRH, XX (1914) : 292295.— Têtu, Le chapitre de la cathédrale, BRH, XVI : 262.

Bibliographie générale

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Guy Dinel, « PÉAN, MICHEL-JEAN-HUGUES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 19 mars 2024, http://www.biographi.ca/fr/bio/pean_michel_jean_hugues_4F.html.

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Auteur de l'article:    Guy Dinel
Titre de l'article:    PÉAN, MICHEL-JEAN-HUGUES
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 4
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1980
Année de la révision:    1980
Date de consultation:    19 mars 2024