LAMOTHE, JOSEPH-MAURICE (baptisé Maurice-Joseph), trafiquant de fourrures, fonctionnaire et officier de milice, né le 16 mars 1781 à Montréal, fils unique de Joseph Lamothe et de Catherine Blondeau ; décédé le 5 février 1827 au même endroit.

À la fin du xviie siècle, les ancêtres de Joseph-Maurice Lamothe immigrèrent en Nouvelle-France où ils exercèrent des fonctions civiles et militaires. Son père se distingua comme courrier pendant la guerre d’Indépendance américaine ; il porta des dépêches au gouverneur Guy Carleton* en 1775, au moment où la ville de Québec était assiégée par les troupes américaines [V. Benedict Arnold* ; Richard Montgomery*]. À partir de 1793, il travailla au département des Affaires indiennes comme interprète à Michillimakinac (Mackinac Island, Michigan), puis comme agent résidant à Lac-des-Deux-Montagnes (Oka), près de Montréal.

Joseph-Maurice comptait, parmi ses oncles maternels, le trafiquant de fourrures Maurice-Régis Blondeau*, et ce fut sans doute grâce aux relations de celui-ci qu’il obtint, en 1801, le poste de commis de Pierre Rastel* de Rocheblave au sein de la New North West Company (appelée parfois la XY Company) [V. John Ogilvy*]. Après avoir été affecté à Grand Portage (près de Grand Portage, Minnesota) et à Kaministiquia (Thunder Bay, Ontario), Lamothe se rendit jusque dans la région de la rivière de la Paix. Il existait une vive concurrence entre la New North West Company et sa rivale, la North West Company, plus ancienne et mieux établie. En 1803, Lamothe tua d’un coup de feu un trafiquant de la North West Company qui l’avait attaqué. Même s’il ne fut jamais accusé de crime et qu’il fut par la suite exonéré de tout blâme, cette affaire le tourmenta pendant de nombreuses années. Parmi ceux qui le soutinrent moralement au cours de cette période difficile se trouvaient le trafiquant de fourrures John Haldane*, pour qui l’événement n’était qu’une « misérable affaire », et Blondeau, sur la recommandation duquel il retourna dans la région de Montréal vers 1807.

La connaissance des Indiens que Lamothe avait acquise dans l’Ouest et l’influence que son père avait auprès de sir John Johnson lui permirent d’obtenir, peu de temps après son arrivée à Montréal, le poste d’assistant de son père, qu’il remplaça plus tard comme agent résidant à Lac-des-Deux-Montagnes. Il impressionna le gouverneur, sir James Henry Craig*, par la diligence avec laquelle il exécutait son travail administratif ; en 1810, Craig fit circuler une demande de renseignements sur toutes les bandes indiennes du Haut et du Bas-Canada, et Lamothe fut l’un des rares fonctionnaires qui répondit assez rapidement. Au début de 1812, avec l’appui de Johnson, Lamothe s’adressa au successeur de Craig, sir George Prevost*, pour obtenir le poste d’agent résidant du département des Affaires indiennes à Montréal ; ce poste ainsi que le grade de capitaine « des guerriers indiens » au sein du département lui furent accordés à compter du 25 mars 1812. Le 8 avril, il fut également nommé capitaine dans le 3e bataillon de milice de la ville de Montréal.

Au début de la guerre de 1812, Lamothe et ses Indiens furent rattachés aux Voltigeurs canadiens, sous le commandement du lieutenant-colonel Charles-Michel d’Irumberry de Salaberry, et on les employa à recueillir des renseignements sur les mouvements des troupes américaines. Lorsque le major général Wade Hampton envahit le Bas-Canada à l’automne de 1813, Lamothe reçut instructions d’épier son armée en vue de découvrir la route qu’elle allait suivre. Les troupes de Hampton et de Salaberry s’affrontèrent à Châteauguay le 26 octobre 1813 ; Lamothe et les Abénaquis, Algonquins et Iroquois qui formaient son groupe furent déployés sur le front droit de l’armée canadienne et prirent part à quelques-uns des combats les plus acharnés. Ils se comportèrent honorablement et Lamothe lui-même reçut des louanges pour avoir participé à la bataille et pour avoir poursuivi les Américains pendant les deux journées suivantes.

Le commandement britannique avait déjà envisagé la possibilité d’envoyer Lamothe dans la région des lacs Supérieur, Michigan et Huron, qui lui était familière. Le major général Roger Hale Sheaffe*, commandant des troupes du district de Montréal, hésitait cependant à le laisser partir : « La Mothe, disait-il, est le seul officier ici qui sache comment agir avec les Indiens et il est difficile de se passer de lui. » Néanmoins, le 9 juillet 1814, Lamothe quittait Lachine à la tête d’un convoi de canots qui se dirigeait vers Michillimakinac. Dans le Nord-Ouest, il se comporta encore une fois d’une manière remarquable, accomplissant « une tâche périlleuse [...] à la façon d’un officier », comme Johnson l’affirma par la suite.

Paradoxalement, le séjour de Lamothe dans le Nord-Ouest lui fit rater les honneurs et les récompenses que l’on distribua aux officiers du département des Affaires indiennes après la guerre ; pire encore, il perdit son grade de capitaine. Avec l’appui de ses supérieurs, il demanda réparation ; il finit par obtenir l’avancement et les indemnités auxquelles il avait droit et, dès le 25 octobre 1816, il retrouva le rang qu’il occupait à titre permanent au département. C’est vers cette année-là que Lamothe reprit son travail à Montréal et continua d’œuvrer efficacement au département des Affaires indiennes. En 1824, il participa à l’arpentage des terres que les Algonquins et les Mississagués réclamaient dans la vallée de l’Outaouais.

Le 1er février 1813, Lamothe avait épousé Josette Laframboise à Montréal. Ils eurent cinq enfants, et l’entretien de cette famille contribua peut-être aux difficultés financières que Lamothe semble avoir connues dès 1823. Il se peut qu’une directive générale, qui enjoignait au personnel du département d’acheter et de porter un nouvel uniforme vert à parements noirs et boutons dorés, ait accru ses difficultés. Le 5 février 1827, Lamothe mourut subitement à l’âge de 45 ans. Sa veuve obtint une pension correspondant à celle qu’on accordait habituellement aux veuves des officiers de l’armée régulière.

Joseph-Maurice Lamothe mena une carrière qui, sans être de premier plan, s’avéra importante. Trafiquant de fourrures, il acquit, sur les dialectes indigènes et sur le Nord-Ouest, des connaissances qui furent grandement appréciées par le département des Affaires indiennes. Officier courageux et compétent, il fournit une aide précieuse à la cause britannique pendant la guerre de 1812. Administrateur efficace, il raffermit l’action du département au Bas-Canada après la guerre. En outre, sa courte vie est entourée d’une atmosphère d’aventures et de romantisme qui lui confère un intérêt particulier.

J. Douglas Leighton

ANQ-M, CE1-51, 16 mars 1781, 1er févr. 1813, 8 févr. 1827.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 112 : 273–283 ; MG 19, A 12 ; RG 8, I (C sér.), 256 : 135–136 ; 257 : 316 ; 680 : 54–56, 332 ; 1168 : 294 ; 1218 : 184 ; 1219 : 126 ; 1224 : 56–57 ; RG 10, A1, 487 ; A3, 488 ; 494 ; B3, 2368, file no 74316 ; 10019 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 349, 358.— La Gazette de Québec, 26 juin, 14 août 1817, 13, 20 déc. 1821, 24 juill., 4 sept. 1823.— Officers of British forces in Canada (Irving), 169, 214, 217.— T.-M. Charland, Histoire des Abénakis d’Odanak (1675–1937) (Montréal, 1964), 324.— Benjamin Sulte, la Bataille de Châteauguay (Québec, 1899) ; Histoire de la milice canadienne française, 1760–1897 (Montréal, 1897).— Léon Trépanier, « Guillaume Lamothe (1824–1911) », Cahiers des Dix, 29 (1964) : 145.

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J. Douglas Leighton, « LAMOTHE, JOSEPH-MAURICE (baptisé Maurice-Joseph) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/lamothe_joseph_maurice_6F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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