CRAIGIE, JOHN, fonctionnaire, entrepreneur et homme politique, né probablement en 1757, peut-être à Kilgraston, Écosse, troisième fils de John Craigie ; décédé le 26 novembre 1813 à Québec.
John Craigie arrive à Québec en 1781 pour remplacer John Drummond au poste de sous-commissaire général de l’armée britannique au Canada. Il avait été recommandé par lord Adam Gordon qui le décrivait au gouverneur Haldimand comme un homme possédant une grande expérience de la tenue des livres. Lorsque le commissaire général Nathaniel Day quitte le Canada en 1784, Craigie, nommé par Haldimand, lui succède à la tête du commissariat, dont la fonction consiste à acquérir, à entreposer et à distribuer les provisions de bouche de l’armée et les matériaux de construction. L’année suivante, Craigie devient secrétaire particulier du lieutenant-gouverneur Henry Hope* qui, en avril 1786, le recommande, mais en vain, afin de pourvoir au poste de conseiller législatif laissé vacant par le décès de Conrad Gugy*. Craigie exerce aussi les charges de garde-magasin général et d’inspecteur général adjoint des comptes publics du Bas-Canada.
Le 13 novembre 1792, Craigie épouse la fille de John Coffin, Susannah, veuve de James Grant. L’année suivante, avec son beau-frère Thomas Coffin*, il s’associe à Thomas Dunn et à Joseph Frobisher pour fonder la Compagnie des forges de Batiscan afin d’exploiter des mines de fer et des forges sur la rive est de la rivière Batiscan, tout près de Sainte-Geneviève-de-Batiscan. Parallèlement à ces diverses occupations, il poursuit une carrière politique : élu en 1796 député de la circonscription de Buckingham, il siégera à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada jusqu’en juin 1804. Au cours de la session de 1797, il fait adopter une loi réglementant le commerce avec les États-Unis et propose l’établissement de maisons de travail ou d’autres locaux pour servir de refuges aux nécessiteux, de même que l’instauration d’écoles publiques, particulièrement dans les campagnes. En 1802, il est rapporteur d’un comité de la chambre d’Assemblée qui recommande la promotion de la culture du chanvre.
Craigie ne délaisse pas pour autant les forges de Batiscan dont il assume la direction avec son beau-frère à partir de 1800. Cette année-là, la compagnie, qui avait demandé le bail des forges du Saint-Maurice, se fait contrer par le groupe de Mathew Bell* ; ce dernier, avec la complicité du lieutenant-gouverneur Robert Shore Milnes*, obtient gain de cause grâce à une soumission dans laquelle il offre un montant égal à celui de son concurrent plus £50, écartant ainsi le groupe de Craigie. En octobre 1800, cependant, Milnes recommande Craigie au poste de conseiller exécutif, signalant qu’il a toujours appuyé le gouvernement à la chambre d’Assemblée. Bien qu’en réalité, de 1797 à 1800, Craigie ait plutôt partagé ses appuis entre le parti canadien et le parti des bureaucrates, privilégiant néanmoins ce dernier, il est nommé membre honoraire du Conseil exécutif en 1801. Dès lors, il devient le représentant le plus constant du parti des bureaucrates durant la deuxième législature.
Craigie exerce également plusieurs fonctions temporaires : il compte parmi les directeurs de la bibliothèque de Québec en 1794, et il est nommé commissaire à l’entretien des aliénés, à l’érection de l’église anglicane de Québec et à la construction d’un pont sur la rivière Jacques-Cartier, en 1801 ; puis il agit à titre de commissaire à la construction d’une nouvelle bâtisse pour l’Hôpital Général de Québec en 1803. Ses succès se reflètent dans sa vie sociale. Depuis au moins 1792, il habite rue Sainte-Anne, dans le quartier le plus huppé de la haute ville, et, en 1804, il achète de la sœur d’Adam Mabane*, Isabell, sa maison de la rue Saint-Louis, pour la somme de £1 300. Parmi les parrains et marraines des 12 enfants du couple Craigie, se trouvent Milnes, Dunn, Frobisher, George Allsopp, Roger Hale Sheaffe*, Henry Caldwell ainsi qu’Isabell Mabane.
Mais la réussite de Craigie se révèle plus apparente que réelle. Faute d’argent, il ne peut acquitter le prix de sa nouvelle maison et ne paie qu’un intérêt annuel de £78. À partir de 1805, il utilise des sommes appartenant à l’armée pour ses entreprises personnelles ; découvert, il est démis de ses fonctions de commissaire général, en 1808, par le gouverneur Craig qui propose aussi, mais sans succès, de le remplacer au Conseil exécutif. Craigie est également condamné à rembourser l’argent détourné. En 1811, ses écuries de la rue Haldimand sont détruites par un incendie et, au cours de l’année suivante, l’exploitation des mines et des forges de Batiscan est abandonnée après avoir englouti les fonds qu’il avait soustraits à l’État. En novembre 1813, Craigie meurt âgé d’environ 56 ans. Sans compter sa maison qui reste impayée, il doit £24 000 au gouvernement et il est grevé de nombreuses petites dettes. Par contre, il reste le principal propriétaire de la Compagnie des forges de Batiscan et possède une terre sur les plaines d’Abraham. En mars 1815, sa femme renonce à la succession en son nom et au nom de ses enfants.
John Craigie représente un type de personnage probablement assez commun au Canada. Issu d’une famille de notables écossais, il doit tenter sa chance dans une ancienne colonie française conquise par la Grande-Bretagne, où les anglophones se trouvent en bonne position pour accéder aux fonctions de dirigeants au sein d’une population francophone. Fort de quelques appuis politiques, il essaie de gravir les échelons et de s’enrichir avec l’argent de l’État. Dans son cas, cette tentative se solde par un échec.
ANQ-Q, CE1-61, 23 août 1784, 13 nov. 1792, 30 nov. 1813 ; CN1-16, 31 mai 1815 ; CN1-230, 19 déc. 1804, 11, 12, 13, 14 janv., 16, 17 févr., 28, 29 déc. 1814, 30 janv., 21 mars 1815.— APC, RG 4, A1, 29–32 ; RG 8, I (C sér.), 325 : 104–106.— BL, Add. mss 21724 : f.121 ; 21734 : f.63 ; 21736 : f.191 ; 21737 : ff.215–217, 225 (mfm aux APC).— PRO, CO 42/19 : f.187 ; 42/46 : f.96 ; 42/49 ff.198, 200 ; 42/66, 8 nov. 1788 ; 42/87 : f.433 ; 42/93 ff.166–167 ; 42/109 : ff.266–279 ; 42/115 : f.162 ; 42/116 ff.425–444 ; 42/117 : ff.6–7 ; 42/136 : f.229, 15 août 1808.— « Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 21, 72, 121, 172.— La Gazette de Québec, 9 août 1787, 3 juill. 1794, 24 oct. 1799, 1er janv. 1801, 14 nov. 1805, 14 juill. 1808, 19 sept. 1811, 17 sept. 1812, 9 déc. 1813.— Almanach de Québec, 1788 : 19 ; 1791–1813.— F.-J. Audet et Édouard Fabre Surveyer, Les députés de Saint-Maurice et de Buckinghamshire, 1792–1808 (Trois-Rivières, Québec, 1934), 6, 54–58.— Desjardins, Guide parl.— É.-Z. Massicotte, Sainte-Geneviève de Batiscan (Trois-Rivières, 1936), 77–79.— Albert Tessier, Les forges Saint-Maurice, 1729–1883 (Trois-Rivières, 1952), 116s.— Hare, « L’Assemblée législative du B.-C. », RHAF, 27 : 374–376.— Le Mauricien (Trois-Rivières), 1 (1937), no 6 : 8.
Christian Rioux, « CRAIGIE, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/craigie_john_5F.html.
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Auteur de l'article: | Christian Rioux |
Titre de l'article: | CRAIGIE, JOHN |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 16 nov. 2024 |