FORSYTH, JOSEPH, marchand et fonctionnaire, né vers 1760 à Huntly, Écosse, fils de William Forsyth et de Jean Phyn ; vers 1797, il épousa à Kingston, Haut-Canada, Ann Bell, et ils eurent un fils, puis vers 1803, à Kingston également, Alice Robins, et de ce mariage naquirent six enfants, dont James Bell* ; décédé le 20 septembre 1813 au même endroit.
On ignore le moment exact où Joseph Forsyth arriva en Amérique du Nord britannique. Le 24 novembre 1784, il signait avec ses frères John* et Thomas une pétition demandant l’abrogation de l’Acte de Québec [V. George Allsopp], et la plupart des récits situent son arrivée cette année-là. Toutefois, dans un mémoire du 31 janvier 1795, Forsyth affirmait avoir résidé dans le Haut-Canada pendant « quinze ans et plus ». On n’est pas clairement fixé, non plus, sur ses allées et venues pendant les premières années. En 1786, dans une poursuite intentée à Montréal, on le disait vivant à Detroit et, l’année suivante, son nom apparaissait parmi ceux qui appuyaient le ministre de l’Église d’Angleterre de l’endroit. Mais, le 31 mai 1789, il était établi à Kingston, et c’est à partir du moment où il s’associa à la vie de cette ville qu’il atteignit à la notoriété. Ayant des liens de parenté avec des membres d’un puissant réseau de marchands, Forsyth se trouvait dès lors avantageusement placé pour tirer personnellement parti des occasions qu’offraient le commerce de détail local, le ravitaillement des garnisons et l’expédition de marchandises entre Montréal, Kingston, la région de Niagara et Detroit.
Bien qu’en juillet 1789 Forsyth décrivît son activité comme étant orientée « en partie vers le ravitaillement des Loyalistes qui [avaient] autorisé [ses] amis messieurs Phyn, Ellice et Inglis, de Londres, à toucher les compensations que leur [avait] accordées le gouvernement britannique », il semble que sa principale préoccupation jusqu’en 1793 fut de ravitailler des garnisons. Il acquit des droits exclusifs sur le quai du gouvernement et y construisit un grand entrepôt. Il améliora à ce point cette propriété que, lorsque le commissariat de l’armée britannique en reprit possession après sa mort, on dut verser une compensation de £2 836. À partir de 1786, la politique de l’armée avait été d’approvisionner les postes des pays d’en haut à même la production des fermiers des régions avoisinantes. Mais certains problèmes, tels la distance entre les fermes et les garnisons, l’incapacité des régions immédiates de produire des surplus, le manque d’un moyen d’échange, combinés aux conditions particulières de paiement, permirent à une poignée de marchands de diriger ce lucratif commerce. Il semble que la part que s’y tailla Forsyth fut importante. Jusqu’en 1795, les marchands de Kingston ravitaillèrent Detroit, la région ne disposant pas de surplus de blé. En outre, une mauvaise récolte survenue dans la région de Niagara en 1789 leur donna l’occasion d’y exercer un monopole pendant deux ans. Prévoyant que cette bonne fortune se maintiendrait en 1792, Forsyth et plusieurs autres, dont Richard Cartwright, Robert Macaulay* et Thomas Markland*, achetèrent près de 4 000 barils de farine. Mais une excellente récolte, à Niagara, réduisit leurs ventes à Kingston à 500 barils. Ils ne purent exporter de la farine dans le Bas-Canada qu’en subissant de lourdes pertes. Leurs remboursements reposant « principalement » sur leurs ventes de farine, les marchands adressèrent une pétition au lieutenant-gouverneur Simcoe, le priant d’acheter leurs surplus pour les magasins du gouvernement. Mais le commissaire général John Craigie ne vit aucune raison de les indemniser.
La chute du marché de Niagara en 1792, alliée à la concession à des marchands rivaux, l’année suivante, d’un contrat de deux ans pour le ravitaillement des garnisons, semble avoir forcé Forsyth à réorienter ses entreprises. À la fin de 1793, il se mit en rapport avec John Porteous, marchand de Schenectady, dans l’état de New York, au sujet de la possibilité d’y trouver un débouché pour le blé « assez abondant » de Kingston, mais cette démarche n’aboutit point. L’année suivante, il investit de l’argent dans la brasserie de John Denison, à Kingston, et lui loua les terres et les édifices nécessaires, au coût de £125 pour une année. Plus tard, Forsyth réclama la part qu’il avait investie ; Denison ne put la lui rembourser, et Forsyth prit la direction de l’entreprise. En 1802, la brasserie était dans un « état de décadence avancé ». Le nouvel associé de Forsyth dans l’affaire, Alexander Wood*, d’ York (Toronto), voulait conserver la propriété, mais Forsyth désirait vivement la vendre à James Robins, son futur beau-père, pour £1 000 plus les intérêts.
En 1793, Forsyth avait envoyé une pétition en vue d’obtenir un emplacement urbain à York ; il y réussit, mais ne semble pas s’être intéressé à la spéculation foncière avant 1795. Au début de cette année-là, il s’informa au nom de trois de ses parents – son oncle Alexander Ellice, son cousin John Richardson* et son frère John – des conditions auxquelles étaient concédés les cantons dans le Haut-Canada [V. Richard Duncan]. Plus tard, cette année-là, Forsyth et ses frères sollicitèrent chacun par pétition des concessions de 1 200 acres, et, à la fin de novembre 1799, Forsyth avait reçu ses lettres patentes pour des lots situés dans les cantons de Clarke, de Cramahe, de Haldimand, de Percy, de Scarborough et de Thurlow. Il acquit aussi des propriétés foncières par voie d’achat et en paiement pour des marchandises ; il accrut encore ses biens fonciers à la suite de poursuites contre des débiteurs. En ces cas, il n’était pas inhabituel qu’il consultât l’arpenteur général sur la qualité et la valeur des lots visés. Il est probable que Forsyth considérait les biens fonciers comme un investissement à long terme et qu’à sa mort il possédait encore la plupart d’entre eux.
Aux environs de 1795, Forsyth commença de servir de représentant, à Kingston, d’abord du receveur général Peter Russell, et, en 1797, de l’arpenteur général David William Smith*, fournissant des marchandises et des bons à leur intention. Il paraît avoir travaillé à ce titre jusqu’en 1800, et de nouveau en 1803–1804. Ces contacts lui valurent des bénéfices additionnels, et il devint l’expéditeur, le receveur et le fournisseur personnel d’autres fonctionnaires d’York, tels John McGill* et Robert Isaac Dey Gray.
En 1797, le nom de Forsyth réapparut sur les comptes de ravitaillement du commissariat. Cette année-là, il fournit à la garnison de Kingston 67 200 livres de farine et 550 barils de pois. Le volume de ses ventes tomba à 23 744 livres de farine et à 41 boisseaux de pois l’année suivante, resta stable en 1799 et chuta à un maigre 200 boisseaux de pois en 1800. Il s’écoula trois ans avant que Forsyth approvisionnât de nouveau la garnison – soit de 220 boisseaux de pois seulement. En 1804, il livra 80 barils de porc et 19 000 livres de farine. Après cette date, c’est le porc qui prima dans ses fournitures : 16 640 livres en 1805, 4 000 livres en 1807 et 25 000 livres en 1808 et 1809. Une fois de plus son commerce avec la garnison décrut, et la dernière transaction enregistrée est un compte de 500 boisseaux de pois, en 1811.
Bien que profitable, le marché de la garnison était instable. En 1800, les marchands du Haut-Canada, pour la première fois, commencèrent à exporter du blé et de la farine dans le Bas-Canada ; Forsyth expédia 400 barils de farine, 5 barils de potasse et 80 boisseaux de blé. L’année suivante, son commerce accusa une hausse spectaculaire. De la région de Kingston, il expédia 803 barils de farine à Montréal, en association avec Robins, et 250 barils au nom d’un autre marchand ; Robins et lui expédièrent de Niagara 298 barils de farine, et, de Detroit, 1 103, de même que 6 barils de potasse. Un relevé annuel, vers 1802, pour la seule région de Kingston, semble-t-il, montre avec quelle rapidité il s’était adapté au nouveau marché. Cette année-là, il expédia à Montréal 1 739 barils de farine, 25 barils de potasse, 20 barils de porc et 563 livres de beurre.
La boutique de Forsyth comptait parmi la poignée d’entreprises commerciales exploitées par les principaux marchands de Kingston, et le commerce de détail local continua de représenter une partie non négligeable de ses affaires. Il vendait une grande variété de marchandises, et ses importations à Coteau-du-Lac, en 1801, comprenaient une quantité importante d’objets de luxe. Une forte marge de crédit était nécessaire à tout marchand d’une province qui manquait d’argent d’échange, et elle lui permettait de se monter une clientèle stable. À cet égard, un progrès notable survint pendant la guerre de 1812 : Forsyth se joignit à d’autres gros marchands, tel John Kirby*, pour ouvrir un embryon de banque. Le seul objectif de la Kingston Association, tôt disparue après sa création le 28 août 1813, fut l’émission de lettres de change échangeables contre du numéraire.
Tous ses intérêts, Joseph Forsyth les reportait sur ses affaires ; il n’eut, apparemment, aucune ambition politique. L’un des plus anciens fidèles de l’Église d’Angleterre à Kingston, il fut membre du conseil paroissial en 1794 et marguillier de l’église St George en 1797 et en 1803. Juge de paix, il assista à 7 des 9 réunions tenues de 1802 à 1804, et à 8 des 25 qui furent tenues de 1808 à 1813. En 1807, il occupa le poste de commissaire de la voirie. Le 14 juin 1813, il devint receveur des douanes. Forsyth nomma Richardson et William Mitchell, son « associé en affaires », ses exécuteurs testamentaires et divisa ses biens également entre ses enfants. Les documents qui existent encore montrent en Forsyth un homme qui se consacrait entièrement à ses affaires. Mais une notice nécrologique louange en lui « un mari affectueux, un père aimant, et [...] le protecteur constant de tous ceux qui étaient honorés de sa confiance ; on ne pouvait être plus hospitalier, et, comme magistrat, il fut irréprochable, personne n’ayant jamais joui, dans cette honorable position, de plus de crédit ».
AO, ms 88, Elizabeth Russell à Joseph Forsyth, 8 août 1809 ; ms 392, 20–164 (Court of Common Pleas, Montreal District, court docs.), no 3 (Hoyles & Small v. Joseph Forsyth, 13 juin 1786) ; ms 522, William Jarvis à John Peters, 23 nov. 1793 ; Joseph Forsyth & Co. à Peters, 6 févr. 1796 ; ms 525, John Denison à Joseph Forsyth & Co., accounts, 10 avril 1794, 2 oct. 1795, 15 avril 1796 ; Kingston Brewery à Forsyth & Co., account, 12 avril 1794 ; indenture between Forsyth and Denison, 1er oct. 1795 ; RG 1, A-I-6 : 481s., 1503s., 1582s., 1795, 1853, 1857, 1893, 1984s., 2055, 2139, 2173, 2460, 2466s., 3147s., 3163, 3418, 3461, 3532, 3580, 3609 ; A-II-1, 1 : 222, 386, 402 ; C-I-4, 40 : 84 ; RG 22, ser. 54, 1–2 ; 155, testament de Joseph Forsyth.— APC, RG 1, E3, 100 : 206–211 ; L3, 185 : F1/6, 28 ; 186 : F4/11 ; 186a : F5/19 ; RG 8, I (C sér.), 77 : 34 ; 111 : 156 ; 112 : 34 ; 115A : 49, 62 ; 115B : 70, 92, 348 ; 115C : 3, 179, 244 ; 115D : 1 ; 115E : 53s., 66, 187, 246, 271s., 302 ; 115F : 101, 203s., 220s., 256 ; 272 : 191 ; 505 : 156 ; 688E : 89, 136, 138 ; 724 : 113 ; 913 : 53, 57 ; 930 : 63 ; RG 16, A1, 133, unsigned draft memo, 14 juin 1813 ; RG 68, General index, 1651–1841 : f.419.— Buffalo and Erie County Hist. Soc. (Buffalo, N.Y.), C64–4 (Porteous papers), nos 41–43, 1272–1278, 1280, 1282 (mfm aux APC).— Durham Land Registry Office (Whitby, Ontario), Abstract index to deeds, Clarke Township, 2 : 7–10 (mfm aux AO, GS 3852).— MTL, Peter Russell papers, Joseph Forsyth à Russell, 14 oct. 1795, 2 nov. 1796, 2 nov., 8 déc. 1797, 15 avril, 24 mai, 2, 12 juin, 13, 20 juill., 3–4 août, 1er sept., 12 déc. 1798, 30 mai 1800, 21 août 1803 ; John Gray à Russell, 23 déc. 1803, 18 févr. 1804 ; Alexander Wood papers, business letterbooks, I-III.— Northumberland East Land Registry Office (Colborne, Ontario), Abstract indexes to deeds, Cramahe Township, 1 : 213s. ; Percy Township, 1 : 111 (mfm aux AO, GS 4727 ; 4792).— PRO, CO 42/317 : ff.186–189, 191, 193–194, 197–205.— QUA, Richard Cartwright papers, letterbook (transcription aux AO).— « Accounts of receiver-general of U.C. », AO Report, 1914 : 739s., 742–745, 752, 774.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 2 : 217.— « District of Luneburg : Court of Common Pleas », AO Report, 1917 : 438, 445.— « District of Mecklenburg (Kingston) : Court of Common Pleas », AO Report, 1917 : 202, 213, 241, 250s., 275, 346.— Docs. relating to constitutional hist., 1759–91 (Shortt et Doughty ; 1907), 502–509.— Docs. relating to NWC (Wallace), 442s.— « Grants of crown lands in U.C. », AO Report, 1929 : 53, 129.— John Askin papers (Quaife), 1 : 303, 367.— Kingston before War of 1812 (Preston), 109s., 145s., 189s., 202, 280a–b, 296.— Parish reg. of Kingston (Young), 25, 32, 57, 65–67, 69, 72, 91, 94, 110, 112, 129, 137, 151, 158.— John Richardson, « The John Richardson letters », E. [A.] Cruikshank, édit., OH, 6 (1905) : 24.— « U.C. land book D », AO Report, 1931 : 123.— Kingston Gazette, 31 août, 23 sept. 1813.— Montreal Herald, 2 oct. 1813.— Heritage Kingston, J. D. Stewart et I. E. Wilson, édit. (Kingston, Ontario, 1973), 37.— MacDonald, « Hon. Richard Cartwright », Three hist. theses, 127.— Wilson, « Enterprises of Robert Hamilton », 62, 64, 111.— W. S. Wallace, « Forsyth, Richardson and Company in the fur trade », SRC Mémoires, 3e sér., 34 (1940), sect. ii : 187–194.
David S. Macmillan, « FORSYTH, JOSEPH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/forsyth_joseph_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/forsyth_joseph_5F.html |
Auteur de l'article: | David S. Macmillan |
Titre de l'article: | FORSYTH, JOSEPH |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |