CAMPBELL, DUGALD (Dougald), officier, arpenteur, juge et fonctionnaire, né en 1758 ou 1759 en Écosse ; décédé le 12 avril 1810 à Fredericton.
On sait peu de chose des origines de Dugald Campbell, si ce n’est qu’il était le neveu de Patrick Campbell*, fermier, marchand et soldat à Fort William, en Écosse, lequel était de surcroît l’auteur d’un intéressant récit portant sur une expédition qui avait eu lieu en 1791 et 1792 au Nouveau-Brunswick, aux Canadas et dans les états américains du Nord-Est. Ils appartenaient tous deux à la branche de la famille Campbell qui semble avoir pendant longtemps détenu la charge héréditaire de gardien de la forêt royale de Mamlorn, près d’Achallader, en Écosse. Dugald épousa Jacobina Drummond, fille de Donald Drummond, membre de la famille MacGregor, de Balhaldie, près de Stirling, qui s’était établi à Poughkeepsie, dans la colonie de New York ; sa sœur Susan épousa le capitaine Archibald McLean, officier dans les New York Volunteers, qui sera pendant de longues années député à la chambre d’Assemblée du Nouveau-Brunswick. Dugald et Jacobina eurent trois fils et deux filles ; le fils aîné, Alexander, servit comme lieutenant dans le 104e d’infanterie durant la guerre de 1812 et devait plus tard s’établir dans une ferme du canton d’Etobicoke, dans le Haut-Canada.
Après avoir obtenu le grade d’enseigne dans le 42e d’infanterie (Royal Highland Regiment) en avril 1777 et avoir été promu lieutenant en 1781, Campbell servit dans le 1er bataillon du régiment, dans la colonie de New York, et reçut le commandement d’un détachement qui fut licencié à Parrtown (Saint-Jean, Nouveau-Brunswick), en 1783. En 1784, sous la direction de Campbell, les Highlanders se déplacèrent vers la rivière Nashwaak, à environ 15 milles de la pointe St Anne, où s’installaient en majorité les régiments loyalistes arrivés à cette époque sur les rives de la rivière Saint-Jean. En avril de la même année, Campbell fut désigné par le gouverneur John Parr* pour aider au tracé d’une ville qu’il comptait faire bâtir à la pointe St Anne. La province du Nouveau-Brunswick fut créée deux mois plus tard, et le projet de Parr fut mis de côté au début de 1785, lorsque Thomas Carleton, premier gouverneur de la nouvelle province, décida de faire construire sur cet emplacement la capitale, qui devait s’appeler Fredericstown. Campbell se vit confier la responsabilité de l’arpentage et du lotissement de la nouvelle ville, dont les rues de 66 pieds de large devaient se croiser à angle droit ; les maisons seraient construites dans l’alignement de la rue sur des lots d’un quart d’acre, mesurant chacun 66 pieds sur 165. Campbell fut aussi l’un des administrateurs désignés pour réaliser le peuplement rapide de la capitale et dresser le premier plan de la ville. Il déclara plus tard que l’arpentage ne faisait pas partie de ses fonctions et qu’il n’avait reçu aucune indemnité pour son travail. Cela lui permit néanmoins de se rapprocher du gouverneur, dont il devint plus tard l’aide de camp et avec qui il allait demeurer associé jusqu’au moment où Carleton quitta la province, en 1803.
Il semble que la protection du major général John Campbell, commandant des forces armées de la Nouvelle-Écosse, ait eu quelque chose à faire avec le fait que Parr ait spécifiquement mentionné le nom de Dugald Campbell dans le document ordonnant l’arpentage de la pointe St Anne. Celui-ci n’en était pas moins un arpenteur compétent et expérimenté qui, tout le reste de sa vie, allait de temps en temps faire fonction de sous-ingénieur dans l’armée. Durant les hivers de 1784 et de 1785, il fit l’arpentage de la rivière Saint-Jean, de l’embouchure jusqu’à Grand Falls, et établit une carte dont l’historien William Francis Ganong* devait dire : « Elle est remarquable par la fidélité avec laquelle elle rapporte les noms indiens de la rivière, qui sont, en plus, souvent accompagnés de leur traduction. » En 1791, lors d’une expédition remontant la rivière Saint-Jean, à laquelle il participait en compagnie de son oncle Patrick, il fut chargé de la construction de casernes et du ravitaillement de nouveaux postes établis à Presque Isle et à Grand Falls pour défendre la frontière. Six ans plus tard, il fit l’arpentage de la rivière Magaguadavic, dans le cadre du règlement de la querelle de frontière avec les États-Unis, terminant ainsi le travail commencé par Isaac Hedden (Heddon) en 1796. L’épisode le plus marquant de sa carrière d’arpenteur survint à la fin de 1799. Tandis qu’il cherchait à se faire employer à plein temps comme ingénieur, il parvint à intéresser le duc de Kent Edward Augustus], alors commandant en chef à Halifax, à la possibilité d’améliorer les communications militaires en reliant Halifax à Québec, à travers le Nouveau-Brunswick. Le projet fut abandonné au bout de quelques mois, « l’avancée d’une partie du territoire américain en travers du parcours le plus approprié et peut-être le seul praticable à cette fin apparaissant comme un obstacle insurmontable ». On a établi un rapport entre le projet de Campbell et une carte datée de 1799, qui indiquait la route du fort Cumberland (près de Sackville) à Fredericton et dont Campbell pourrait fort bien être l’auteur. En 1807, il se joignit au lieutenant-colonel George Johnstone lors d’une tournée dans l’ouest du Nouveau-Brunswick. Pendant ce voyage, il dressa une carte de la frontière, destinée à accompagner un projet de défense. Son excellente connaissance de la topographie du sud et de l’ouest du Nouveau-Brunswick lui avait aussi valu la tâche de préparer un rapport sur les routes de la province, comprenant également des recommandations en vue d’amélioration. Ce rapport fut publié en 1803 sur l’ordre de la chambre d’Assemblée.
Lorsque son oncle Patrick Campbell lui rendit visite en 1791 et 1792, Campbell vivait près de Fredericton, dans un quartier où fonctionnaires et officiers loyalistes avaient élu domicile. Il continua de vivre à Fredericton ou à proximité, mais il se fit également construire une maison de campagne, appelée Taymouth Farm, sur une concession de 580 acres, au confluent de la rivière Nashwaak et d’un petit cours d’eau qu’il rebaptisa le Tay. Sa résidence était une solide bâtisse d’un étage, construite en bois équarri, avec les coins à queue d’aronde et chaque bille prise dans le mortier ; les murs extérieurs étaient recouverts de beaux bardeaux et la finition intérieure était soignée. Les gens de l’endroit l’appelaient le château Campbell, ce qui était sans aucun doute une allusion au château Taymouth, en Écosse, forteresse de la branche Breadalbane du clan. Parmi les colons établis dans la petite communauté de langue gaélique, au bord de la Nashwaak, beaucoup en voulurent à Campbell de s’être approprié la seule bonne terre de dimensions intéressantes et de ne leur avoir assigné que des lots d’une superficie ridicule, « très étroits et tout en longueur ».
En 1802, Campbell fut au centre des dernières et des plus pénibles péripéties de la querelle politique qui opposait le groupe officiel entourant Carleton et les forces radicales de l’Assemblée, menées par James Glenie qui, tout comme Campbell, avait déjà servi dans l’armée en tant que sous-ingénieur. À la mort de Hedden, qui était greffier de la chambre d’Assemblée, Carleton, selon la pratique en vigueur en Grande-Bretagne voulant que le droit de nommer le greffier de la chambre des Communes fit partie de la prérogative royale, désigna Campbell à ce poste. Mais son droit de procéder ainsi fut contesté par la majorité des députés. Citant un précédent en Nouvelle-Écosse, fondé sur l’ancienne pratique ayant cours dans les colonies de la Nouvelle-Angleterre, ceux-ci défièrent l’autorité de Carleton et élurent un de ses adversaires les plus acharnés, Samuel Denny Street*. Ce fut alors, des deux côtés, le jeu classique de la confrontation entre la Royauté et le Parlement, les députés de la majorité essayant d’utiliser le droit de l’Assemblée pour mettre de l’avant des projets de loi concernant les finances afin d’allouer les honoraires du poste de greffier à celui qu’ils avaient élu. Lorsque le Conseil du Nouveau-Brunswick fit objection et qu’il réclama la tenue d’une conférence, les adversaires du lieutenant-gouverneur refusèrent d’assister aux séances et échappèrent au sergent d’armes en quittant la ville, laissant ainsi l’Assemblée sans le quorum requis de 13 députés. Les partisans du lieutenant-gouverneur défièrent alors les règlements. Sous la conduite de John Coffin*, ceux qui étaient restés rayèrent le nom de Street du projet de loi sur le revenu annuel, qu’ils adoptèrent sous cette forme lors d’une séance où il n’y avait que huit députés. Le conseil et le lieutenant-gouverneur ratifièrent leur action, et les honoraires qui devaient revenir à Street pour son travail furent versés à Campbell. Celui-ci conserva son poste, même lorsqu’il retourna à plein temps dans l’armée, envoyant un substitut remplir ses fonctions quand c’était nécessaire. Les élections qui suivirent la session législative de 1802 furent contestées avec une rancœur et une hostilité jamais égalées jusque-là dans l’histoire de la province. En octobre, Campbell, qui depuis 1791 était juge à la Cour inférieure des plaids communs, se joignit à six autres magistrats du comté d’York pour signer une pétition réclamant le renvoi de la cour de Caleb Jones en raison de sa conduite déloyale au cours de la campagne électorale. Les partisans du lieutenant-gouverneur obtinrent la majorité dans la nouvelle législature, mais cette campagne électorale laissa un goût amer aux habitants du Nouveau-Brunswick.
Au cours des premières années qui suivirent la création de la province du Nouveau-Brunswick, Campbell servit comme major dans la milice du comté d’York. Il se considéra toujours comme un soldat, et lorsque les troupes régulières furent retirées de la province au début des guerres de la Révolution française, il obtint une commission de capitaine dans le King’s New Brunswick Regiment, unité recrutée pour défendre la province de 1793 à 1802. Au cours de cette période, il servit quelque temps à Saint-Jean : en 1797, il commandait la compagnie légère de ce régiment en garnison au lieu-dit Lower Cove dans une caserne que l’on venait de construire et, pendant un certain temps, en 1800, il fut officier commandant dans la ville. Finalement, en 1803, il eut la possibilité de reprendre sa carrière comme officier régulier en service actif ; il exerça les fonctions de capitaine suppléant dans un régiment nouvellement formé, les New Brunswick Fencibles, qui allait devenir un régiment de ligne, le 104e d’infanterie, en 1810, peu après la mort de Campbell. Le régiment chercha à se recruter à travers toute l’Amérique du Nord britannique. C’est ainsi que Campbell fut amené, au début de 1804, à effectuer le trajet de Fredericton à Québec, voyage qui préludait en quelque sorte à la fameuse marche d’hiver du régiment neuf ans plus tard. En février 1804, il arriva à Québec après une campagne de recrutement réussie, mais « très fatigué à cause des conditions particulièrement difficiles de la route qu’[il se vit] dans l’obligation de paver de dollars pour la rendre à peu près praticable. À la rivière des Caps, [il ôta] sans aucun regret [ses] raquettes, après les avoir portées durant près de 300 milles. » Il resta à Québec quelques semaines, à la tête d’une importante troupe de recrues. On lui confia le commandement d’une compagnie du régiment en septembre 1804, et il passa presque tout le reste de sa vie en service régimentaire à Fredericton et à Saint-Jean.
Issu d’une famille de gardes forestiers habitués à la rude vie de plein air dans les landes écossaises, puis formé à l’école des soldats et des arpenteurs, Dugald Campbell s’adapta facilement aux dures conditions de vie du Nouveau-Brunswick loyaliste. Il accepta les valeurs d’une société fondée sur la clientèle et le favoritisme officiellement reconnu ; mais les loyaux services n’étaient que maigrement récompensés dans une colonie pauvre. Le seul poste intéressant que le gouvernement du Nouveau-Brunswick fut jamais en mesure d’offrir à un homme qui n’avait pas de puissants appuis en Grande-Bretagne était celui de greffier de l’Assemblée. Campbell n’avait ni le temps ni les ressources nécessaires pour mettre en valeur un domaine de gentilhomme ou pour prendre la tête de la petite communauté de Highlanders qu’il avait installée sur les bords de la Nashwaak. Toutefois, cela ne l’empêcha pas d’apporter une contribution notable et durable à l’histoire de la province en participant à l’élaboration du plan et du lotissement de la ville de Fredericton, en faisant l’arpentage et en dressant les cartes des rivières de la région, en traçant des routes et en organisant les communications militaires. On sait que l’historien Ganong appréciait beaucoup le travail de Campbell et parlait de la façon admirable dont il avait rapporté les noms de lieux indiens, allant jusqu’à laisser entendre que Dugald Campbell, vu ses talents de dessinateur, était peut-être l’auteur des originaux de trois excellentes illustrations qui agrémentent le livre de Patrick Campbell sur ses voyages en Amérique du Nord.
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D. Murray Young, « CAMPBELL, DUGALD (Dougald) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_dugald_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/campbell_dugald_5F.html |
Auteur de l'article: | D. Murray Young |
Titre de l'article: | CAMPBELL, DUGALD (Dougald) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |