COFFIN, JOHN, officier, homme d’affaires, homme politique, juge de paix, juge et fonctionnaire, né vers 1751 à Boston, fils de Nathaniel Coffin, dernier receveur général et caissier des douanes britanniques de Boston, et d’Elizabeth Barnes, frère d’Isaac Coffin et neveu de John Coffin* ; le 21 octobre 1781, il épousa Ann Mathews (Matthews), de Johns Island, Caroline du Sud, et ils eurent dix enfants ; décédé le 12 mai 1838 dans la paroisse de Westfield, Nouveau-Brunswick.
Né dans une famille de marchands prospères liée à l’élite gouvernante de la colonie du Massachusetts, John Coffin passa son enfance à Boston ; il y reçut une éducation respectable et on l’initia à la doctrine de l’Église d’Angleterre. Coffin et sa famille avaient sans doute bien des raisons de rester fidèles à la couronne britannique pendant la Révolution américaine ; il est certain, entre autres, que leur prospérité exigeait le maintien de leur attachement à l’ordre établi.
Coffin commença sa carrière militaire à la bataille de Bunker Hill, le 17 juin 1775. Par la suite, ses activités demeurent obscures jusqu’à ce qu’il devienne capitaine dans un nouveau corps d’armée provincial, les King’s Orange Rangers, le 19 janvier 1777. Il servit avec cette unité dans les États du New Jersey et de New York puis, le 19 juillet 1778, il se joignit aux New York Volunteers à la suite d’une permutation. À la fin de 1778, on envoya ce régiment dans les colonies du Sud et Coffin prit part aux combats en Géorgie et en Caroline du Sud. Comme il s’était illustré à la bataille d’Eutaw Springs, en septembre 1781, il fut promu major du King’s American Regiment le 28 août 1782. Après la dissolution de cette unité en 1783, on le mit à la demi-solde. Même s’il ne servit que pendant une brève période après la guerre d’Indépendance – il leva la troupe des New Brunswick Fencibles durant la guerre de 1812 –, il reçut régulièrement des promotions et devint général le 12 août 1819.
Après le retrait des troupes britanniques des colonies du Sud, Coffin passa une grande partie de l’année 1783 à New York, à tenter d’assurer son avenir en prévision du moment où la guerre prendrait officiellement fin. Il choisit de se réinstaller dans ce qui allait devenir le Nouveau-Brunswick. Edward Winslow* lui obtint une propriété à l’ouest du futur port de Saint-Jean ; un ancien subalterne de Coffin dans le King’s American Regiment, Henry Nase, reçut le contrat pour la construction de la maison du major. Une fois ces préparatifs terminés, il s’embarqua avec sa famille pour Parrtown (Saint-Jean), où ils arrivèrent le 26 septembre 1783. Au moins trois esclaves africains – Paul, 29 ans, Harry, 23 ans, et Pheobe, 21 ans – furent envoyés de New York à Port Roseway (Shelburne), en Nouvelle-Écosse, puis au Nouveau-Brunswick pour rejoindre la résidence de Coffin.
Coffin s’occupa immédiatement de son installation. Profitant sans doute de sa situation d’agent foncier loyaliste, il acquit de Beamsley Perkins Glasier*, lui aussi officier loyaliste, une part dans le Glasier’s Manor, domaine de 5 000 acres situé au confluent des rivières Nerepis et Saint-Jean. En 1790, il obtint les titres de la propriété de Glasier, qui comptait alors 1 000 acres de plus. Coffin effectua bien d’autres transactions foncières, principalement dans le comté de Kings, et fit construire dans son domaine un moulin à farine de même qu’une scierie. Loin de limiter ses entreprises commerciales à la spéculation foncière et aux travaux d’agriculture, il vendait au détail du poisson, du bois d’œuvre et du rhum. Grâce à sa perspicacité en affaires, à son dynamisme et à ses ressources financières, il réussit de façon remarquable, sans jamais toutefois pouvoir se payer le train de vie des aristocrates, ni accumuler une grande fortune.
Malgré sa participation active à la campagne pour la séparation du Nouveau-Brunswick d’avec la Nouvelle-Écosse et ses liens avec une grande partie de l’élite loyaliste, Coffin ne récolta pas de succès politique immédiat lorsqu’on forma la nouvelle colonie en 1784. On ne lui avait réservé aucun poste élevé dans le nouveau gouvernement, mais on le nomma plus tard juge de paix et juge de la Cour inférieure des plaids communs. En marge du réseau d’influences politiques, il dut devenir député afin de prendre part aux affaires de la province. Élu dans la circonscription de Kings en novembre 1785, il conserva ce siège pendant 25 ans. À deux reprises on l’accusa de manœuvre électorale : en 1796, pour avoir distribué des provisions dans le but d’acheter des votes et, en 1810, à cause d’irrégularités survenues à son élection l’année précédente. À cette occasion, on déclara son siège vacant. À titre de député, Coffin se révéla un grand défenseur de l’autorité de l’Église et de l’État et ne cacha pas son mépris pour les champions de la démocratie. Durant la session de 1802, l’Assemblée adopta sous sa conduite un projet de loi sur le revenu, malgré le petit nombre de députés présents en chambre, huit seulement, et par conséquent le défaut de quorum [V. Samuel Denny Street*]. De tempérament fougueux, Coffin fut impliqué dans plusieurs duels dont un avec le radical James Glenie*.
Une oligarchie, dont les membres les plus influents étaient Coffin et George Leonard*, dominait le comté de Kings. À partir de 1786, année où il accéda à la magistrature, Coffin cumula de nombreuses charges dans le comté, y compris celle de juge en chef de la Cour inférieure des plaids communs. Avec le lieutenant-gouverneur Thomas Carleton*, le juge en chef George Duncan Ludlow* et quelques autres, il fonda en 1786 le comité du Nouveau-Brunswick de la New England Company. En 1807, il devint surintendant de l’école de la compagnie, créée pour les enfants autochtones, à Sussex Vale (Sussex) [V. Oliver Arnold*]. À son nouveau poste, Coffin joua un rôle majeur dans la redéfinition des objectifs de l’établissement, qui était fermé depuis trois ans. On n’enseignerait plus à lire et à écrire aux jeunes micmacs (mi’gmaqs) et malécites (wolastoqiyiks) ; l’école servirait plutôt d’intermédiaire dans « l’apprentissage des enfants ». Les élèves seraient placés jusqu’à l’âge de 21 ans dans des familles de colons. Celles-ci recevraient une généreuse somme annuelle de £20 pour parrainer un jeune, qui devenait en fait un domestique asservi. Coffin soutenait que le programme les isolerait de manière plus efficace des éléments répréhensibles de leur culture, leur fournirait une éducation plus pratique et augmenterait le nombre de convertis à l’Église d’Angleterre. Il détailla ses arguments dans une lettre au conseil de la compagnie : « [S]i vous ne prenez pas les enfants tôt, ils [deviennent] non seulement de complets Indiens, mais aussi de complets catholiques. » Cependant, le programme coûtait cher et engendrait des abus de toutes sortes ; en outre, il s’avérait difficile de convaincre les familles autochtones d’y inscrire leurs enfants. En 1822, le réformateur social britannique Walter Bromley produisit un rapport qui exposait les nombreuses failles de l’école, et le missionnaire John West en fit de même en 1825 [V. Molly Ann Gell*]. Moins d’un an plus tard, la New England Company abandonna le projet.
Les nombreuses fonctions de John Coffin, dont celui de député à l’Assemblée législative, lui conférèrent un grand pouvoir dans toutes les affaires séculaires et religieuses du comté de Kings. En 1812, on le nomma au Conseil du Nouveau-Brunswick, honneur qu’il attendait sans doute depuis longtemps. Il souleva là aussi la controverse. En 1824, les membres du conseil en vinrent à se demander si Coffin avait perdu le droit de siéger, puisqu’il était parti vivre en Angleterre depuis 1817, sans renoncer à son siège ni obtenir la permission officielle de s’absenter. On soumit la question au secrétaire d’État aux Colonies, qui décréta que Coffin avait en effet perdu son poste. Il fut cependant réintégré après avoir laissé entendre au lieutenant-gouverneur, sir Howard Douglas*, qu’il reviendrait. Par la suite, même s’il fit bien des séjours périodiques dans la colonie, il demeura peu soucieux de ses obligations, et on le renvoya du conseil en 1828. L’année suivante, il retourna s’établir définitivement au Nouveau-Brunswick, mais il était trop tard, il avait perdu son siège et sa carrière politique prenait fin. Sa nomination au Conseil constitua sans doute le point culminant d’une vie marquée par une détermination à réussir dans tout ce qu’il entreprenait.
APC, MG 23, D1, sér. 1, 7 : 34, 277 ; D9 ; RG 8, I (C sér.), 719 : 15–17, 23–24, 211–212 ; 1874 : 35, 50 ; 1908 : 4, 10, 15, 24 (mfm au Musée du N.-B.).— APNB, RG 7, RS66, 1838, John Coffin ; RG 10, RS108, 1833.— EEC, Diocese of Fredericton Arch., Greenwich and Westfield Parish Church (Kings County, N.-B.), vestry minutes, 1797–1853 (mfm au Musée du N.-B.) ; « Inglis papers, 1787–1842 », W. O. Raymond, compil. (copie aux APNB).— Kings Land Registry Office (Sussex, N.-B.), Registry books, C-1 : 183–185 (mfm aux APNB).— Musée du N.-B., Bibles, n° 65 (Coffin family Bible) ; Coffin family, cb doc ; Jarvis family papers, E. J. Jarvis à R. F. Hazen et Munson Jarvis, 7 sept. 1823 ; Nase family papers, Henry Nase diary, 20, 29 sept. 1782, 7 août, 4, 26 sept. 1783.— PRO, PRO 30/55, n° 4088 (mfm à l’UNBL).— UNBL, BC-MS, Sir Howard Douglas letter-books, Douglas à William Huskisson, 31 janv. 1828, 18 mai 1829 (transcriptions au Musée du N.-B.).— Winslow papers (Raymond).— Royal Gazette (Saint-Jean, N.-B. ; Fredericton), 11 nov. 1811, 23 mai 1838.— Lorenzo Sabine, Biographical sketches of loyalists of the American revolution (2 vol., Boston, 1864 ; réimpr., Port Washington, N. Y., 1966).— J. H. Stark, The loyalists of Massachusetts and the other side of the American revolution (Boston, 1910).— A memoir of General John Coffin [...], H. [E.] Coffin, compil. (Reading, Angl., 1860).— R. G. Watson, « Local government in a New Brunswick county ; Kings County, 1784–1850 » (thèse de
Bibliographie de la version modifiée :
Bibliothèque et Arch. Canada (Ottawa), MG9-B9-14, vol. 1, p. 164–165.— National Arch. (Londres), PRO 30/55/100, « Book of Negroes », Paul Coffin (exemplaire aux N.S. Arch., archives.novascotia.ca/africanns/book-of-negroes/page/?ID=18&Name=Paul%20Coffin).— Musée du N.-B. (Saint Jean), fonds John Clarence Webster, OS F59-25 ([Walter Bromley], « Report of the state of the Indians in New Brunswick under the patronage of the New England Company », 14 août 1822).— Commission de vérité et réconciliation du Canada, Pensionnats du Canada : l’histoire, partie 1, des origines à 1939 (Montréal et Kingston, Ontario, 2015).
Robert S. Elliot, « COFFIN, JOHN (mort en 1838) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_john_1838_7F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/coffin_john_1838_7F.html |
Auteur de l'article: | Robert S. Elliot |
Titre de l'article: | COFFIN, JOHN (mort en 1838) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1988 |
Année de la révision: | 2024 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |