BROWNE, GEORGE, architecte, né le 5 novembre 1811 à Belfast, décédé à Montréal le 19 novembre 1885.
Les années que George Browne passa à Belfast restent obscures, et les recherches effectuées n’ont pas permis d’identifier ses antécédents familiaux et professionnels. Il fit partie de la grande vague d’immigration britannique qui déferla sur l’Amérique après les guerres napoléoniennes, et probablement que la prospérité de Québec, due au commerce florissant du bois, l’attira dans cette ville, tout comme d’autres architectes. Selon John Douglas Borthwick, qui aurait connu Browne dans ses dernières années, il était le fils d’un architecte du même nom et était arrivé à Québec en 1830. L’année suivante, la société G. Browne and Co. annonçait dans le Quebec Mercury qu’elle avait « traversé la période normale d’essai de [la] profession, en plus d’avoir dirigé la construction des édifices les plus importants ». Quelles qu’aient été ses origines ou ses relations, il est certain que Browne a exercé sa profession à Québec de 1830 à 1835, comme en témoignent les annonces pour des contrats et les contrats eux-mêmes.
Il est difficile de savoir quels architectes ont construit les édifices datant de cette époque. En 1966, le 9 rue Haldimand a été identifié comme l’une des « deux maisons à façade en pierres de taille dans la rue Haldimand » ayant fait l’objet d’un appel d’offres paru dans le Quebec Mercury du 15 décembre 1832. Elle a depuis été attribuée à Henry Musgrave Blaiklock*, mais, d’après son style, cela semble fort improbable. L’ancien édifice des douanes, rue Champlain, attribué à Blaiklock (1830–1839), présente en effet des similitudes du point de vue des techniques architecturales de base, mais absolument pas sur le plan sculptural ; on n’y trouve pas non plus les jeux d’ombre et de lumière qui caractérisent le 9 rue Haldimand. Il se pourrait aussi que l’architecte ait été Frederick Hacker, arrivé à Québec en 1832. Le 43 rue d’Auteuil, qu’il construisit en 1834, présente certaines formes architecturales similaires, mais un tout autre sens des proportions. Même si le 9 rue Haldimand n’est pas l’œuvre de Browne, le 73 rue Sainte-Ursule (construit en 1831 et aujourd’hui transformé en couvent) et le 56 rue Saint-Louis (1832–1834) peuvent, à juste titre, être rapprochés de cet édifice. Les trois constructions semblent de même conception, montrant de la subtilité dans l’utilisation des ressauts et des renfoncements, ainsi que des jeux d’ombre et de lumière, un art que Browne devait développer plus tard, durant les années qu’il passa à Kingston, au Haut-Canada.
En octobre 1835, Browne annonça son départ pour les États-Unis le printemps suivant, afin de « diriger la construction de plusieurs édifices très vastes », mais on ignore tout de cette affaire. Il semble qu’il était de retour au Canada à l’époque des troubles de 1837–1838. Borthwick dit qu’il obtint une commission dans la milice, où il « joua un rôle actif » ; il mentionne aussi que Browne déménagea à Montréal en 1840.
L’obtention de contrats gouvernementaux marqua une étape décisive dans la carrière de Browne, lui donnant une occasion unique d’exercer ses talents. Il le dut probablement à Dominick Daly*, secrétaire provincial du Bas-Canada, pour lequel il avait construit une villa gothique en 1834 (probablement celle connue aujourd’hui sous le nom de Benmore, à Sillery, Québec) et, l’année suivante, deux maisons de ville. En février 1841, lord Sydenham [Thomson*] proclama l’union des deux Canadas et choisit Kingston pour nouvelle capitale. Browne reçut mission de préparer l’installation du gouvernement en agrandissant ou en modifiant des édifices existants. Il ajouta une aile à Alwington House pour le gouverneur général, transforma l’hôpital, récemment construit, en hôtel du parlement et aménagea des bureaux pour y loger les services gouvernementaux. Il ne subsiste rien de ces réalisations. Bien qu’il travaillât pour le gouvernement, Browne pouvait accepter des contrats privés. Dans le Chronicle & Gazette du 17 février 1841, il sollicitait des clients, se décrivant comme « architecte, mesureur et paysagiste ». Durant les trois années qu’il passa à Kingston, il fit beaucoup de construction domiciliaire et commerciale. Ses deux réalisations les plus intéressantes qui aient survécu, la maison en pierre du pasteur de l’église presbytérienne St Andrews et une villa de campagne en stuc, nommée Rockwood et construite pour John Solomon Cartwright*, furent exécutées en 1841. La première fait montre d’une utilisation intelligente de la pierre calcaire du pays, aussi bien dans la surface que dans la forme. Le découpage des murs en larges panneaux renfoncés aux coins et dans la baie centrale fait penser aux constructions de sir John Soane, en Grande-Bretagne, mais la maison du pasteur est plus massive, plus lourde, comme pour se marier à la nature grossière de la pierre locale. Rockwood est elle aussi massive et symétrique, avec ses colonnes toscanes in antis. Elle a également un côté « picturesque », avec ses colonnes élancées se découpant sur le porche sombre en retrait et sa lourde corniche projetant des ombres marquées sur les murs qui, comme pour la maison du pasteur, sont construits en panneaux renfoncés. Ce côté picturesque devait être encore plus accentué lorsque l’aménagement et les dépendances, qui comprenaient une maison de garde et une écurie, étaient encore intacts, surtout que l’on s’approchait de biais vers la façade. L’intérieur de la villa présente une utilisation variée et raffinée des formes rectangulaires et courbes ainsi que des voûtes ; on y trouve une tribune octogonale de deux étages. L’enfilade des pièces de la façade à l’arrière débouchait à l’origine sur une vue magnifique des îles et du lac Ontario. On sent à Rockwood une atmosphère de confiance et de triomphe, qui s’accordait bien avec le climat de rapide croissance qui régnait à Kingston à cette époque.
On retrouve sur une plus grande échelle les qualités d’ordre physique et spirituel de la villa dans l’hôtel de ville et le marché, une commande que Browne remporta en 1842 sur 11 concurrents et qui constitue la grande œuvre de sa carrière. L’édifice, peut-être le plus grand du genre en Amérique du Nord à l’époque, devait comprendre deux grandes salles : l’une était un lieu de réunion et pouvait servir pour les grandes réceptions, et l’autre abritait une bourse de commerce ; à cela, s’ajoutaient une bibliothèque et une salle de lecture pour l’institut des artisans, un grand marché à l’arrière et bien d’autres commodités, telles une salle de vente à l’encan et un restaurant. C’était un véritable centre communautaire, peut-être unique sur tout le continent à l’époque. Il devait au départ coûter £10 000, mais la note finale s’éleva à plus de £25 000. Par son plan, l’extérieur de l’édifice exprimait bien ses différentes fonctions, tout en gardant la cohérence et la majesté qui convenaient à une ville qui s’enorgueillissait d’être la capitale de la province du Canada. Malgré deux incendies et des rajouts, cet hôtel de ville (récemment rénové et en partie restauré) demeure un des plus beaux exemples de l’architecture du xixe siècle au Canada.
Kingston compte d’autres édifices qui, d’après leur style, peuvent être attribués à Browne. Ce sont le mausolée des Stuart et le monument des Forsythe, dans le cimetière de l’église St Paul ; une ancienne maison de campagne, appelée Ashton (826, rue Princess) ; les deux parties de ce qui avait peut-être au départ été conçu comme un ensemble résidentiel et commercial à trois sections (165–167, rue Princess) ; et enfin les cottages Hales (311–317, rue King ouest). D’après les dessins, on peut supposer que Browne est également l’architecte de l’édifice à colonnes toscanes, à l’angle des rues William et King, construit pour abriter une succursale de la Banque de Montréal, aujourd’hui devenu les appartements Frontenac. Browne construisit aussi trois édifices commerciaux à coins arrondis, le Mowat Building (aujourd’hui détruit), les Wilson’s Buildings et le Commercial Mart. Tous sont de style toscan et « primitif », et les deux derniers possèdent les proportions massives de l’hôtel de ville et de tous les immeubles construits par Browne vers la fin de son séjour à Kingston. Ce goût pour le style toscan fut repris par les architectes qui œuvrèrent par la suite à Kingston, William Hay par exemple.
Au printemps de 1844, lorsque le siège du gouvernement fut transféré à Montréal, Browne déménagea également, pour surveiller l’aménagement des nouveaux locaux qui devaient abriter le parlement et le Conseil exécutif. Les travaux comprenaient la transformation du marché Sainte-Anne en édifice du parlement (détruit lors des émeutes de 1849) et des rajouts à la résidence du gouverneur général, appelée Monk-lands.
Au cours de ses dernières années, Browne exécuta un grand nombre de commandes. Il travailla pour le gouvernement au moins jusque dans les années 1850, et, à l’occasion, dans la ville de Québec où il transforma Spencer Wood (Bois de Coulonge, Sillery), la résidence du gouverneur général, et apporta aussi des changements aux édifices parlementaires. Il ne reste rien de ces édifices, mais on peut voir encore rue Sainte-Ursule la Chalmers-Wesley United Church, une construction sobre qui permet de penser que Browne n’était pas très séduit par le renouveau gothique. Quelques-uns des plus beaux édifices qu’il construisit sur le tard à Montréal ont été détruits. Il s’agit de la Wellington Terrace (1855–1856), qui occupait le côté sud de la rue Sainte-Catherine, entre l’avenue McGill College et la rue Mansfield, et de la Prince of Wales Terrace, construite en 1861 rue Sherbrooke et détruite en 1972. Comme l’a récemment fait remarquer David Hanna, Browne ne fut pas seulement l’architecte de ces édifices, mais également leur premier propriétaire. Il suivait l’exemple d’architectes britanniques qui l’avaient précédé, tels Thomas Cubitt ou les frères Adam, qui, en plus de construire des édifices, en faisaient la spéculation. Un immeuble majestueux dont Browne fut le maître d’œuvre a survécu à Montréal ; il s’agit de la Banque Molson (devenue la Banque de Montréal), à l’angle des rues Saint-Jacques et Saint-Pierre (construite entre 1864 et 1866), un superbe exemple de style Second Empire, contrastant avec le néo-classicisme qui caractérisait les premières constructions de Browne. Mais l’architecte ne rompt pas cependant avec son sens des masses imposantes adaptées à l’échelle urbaine, ainsi qu’avec sa capacité de concevoir un édifice « dans son ensemble » et non pas seulement comme un assemblage de façades.
Avant de procéder à une évaluation définitive de Browne et de son œuvre, il faudra attendre une étude détaillée du personnage et de ses contemporains, parmi lesquels il se classera vraisemblablement en bonne place. Mais on peut penser dès maintenant que ce seront les constructions datant de son séjour à Kingston, et particulièrement l’hôtel de ville, qui seront considérées comme ses plus grandes réalisations. Lorsqu’il n’était qu’un jeune architecte de 29 ans, à son arrivée dans la ville, il conçut des édifices d’un style très personnel, tout en étant adaptés aux conditions particulières locales, et offrant à la fois un caractère « national » tant par leur symbolisme que par leur aspect ambitieux. Il fut aidé par le superbe matériau qu’était le calcaire gris et austère de Kingston, qui correspondait parfaitement à ses idées de grande envergure.
Vers la fin de sa vie, Browne semble avoir consacré davantage de temps-à des activités autres que l’architecture. En 1854, il fut élu à l’unanimité représentant du Quartier-Centre de Montréal, et en 1857 il fut nommé commissaire de la paix. Il semble également qu’il se soit intéressé au commerce des biens immobiliers.
Lorsqu’il mourut en 1885, Browne fut enterré au cimetière du Mont-Royal, sous un splendide monument néo-baroque qu’il avait dessiné pour sa première femme, Anna Maria Jameson, de Dublin, décédée en 1859. Ce monument porte aussi les noms de quatre de ses enfants, morts en bas âge, de son fils aîné Thomas Richardson et de sa seconde femme, Helen Kissock. Sont également enterrés au même endroit son plus jeune fils, George, architecte renommé de Winnipeg, et John James, un autre de ses fils, qui devint un éminent architecte de Montréal. Le fils de John James, Fitzjames, poursuivit la tradition familiale et devint architecte et agent immobilier à Montréal.
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J. Douglas Stewart, « BROWNE, GEORGE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/browne_george_11F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/browne_george_11F.html |
Auteur de l'article: | J. Douglas Stewart |
Titre de l'article: | BROWNE, GEORGE |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 11 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1982 |
Année de la révision: | 1982 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |