BELLET, FRANÇOIS (baptisé Antoine-François), capitaine de navire, milicien, homme d’affaires, fonctionnaire et homme politique, né le 2 novembre 1750 à Québec, fils de François Bellet et de Marie-Anne Réaume, veuve de Jean-Baptiste Gadiou ; décédé le 19 février 1827 au même endroit.

François Bellet, qui avait acquis une formation de navigateur, participa dès son jeune âge au cabotage que son père, né dans le diocèse de La Rochelle, en France, faisait le long des rives du Saint-Laurent. Ils partaient de la basse ville de Québec où, dès 1775, le jeune Bellet avait commencé à acquérir des propriétés. Pendant l’invasion de la province de Québec par les Américains en 1775–1776 [V. Benedict Arnold* ; Richard Montgomery*], ils servirent ensemble dans la milice canadienne à Québec. À cette époque, Bellet père se signala par l’audace avec laquelle il transportait de la poudre à canon pour les Britanniques sur le fleuve. Pendant au moins deux autres décennies, le père et le fils poursuivirent leurs activités de navigateurs, probablement dans le cadre d’une association assez souple qui leur permettait de répondre aux fortes demandes saisonnières de certains marchands comme George Allsopp* et William Grant*, de Québec. Bellet fils était propriétaire et capitaine d’au moins un navire, le schooner Magdelaine, construit à Bécancour en 1774. Dans les premières années du xixe siècle, il ouvrit un petit commerce dans la basse ville de Québec. En 1804, il vendit le Magdelaine à un autre navigateur, Hypolithe Duvilleray, et s’engagea plus avant dans l’achat, la vente et la location de fermes et de propriétés urbaines dans la région de Québec, à Charlesbourg surtout, où son père vivait, et dans la région de Montréal, où il était souvent représenté par le notaire Louis Guy*. Toujours en 1804, on lui concéda des lots dans le canton de Somerset, qui faisait partie du comté de Buckingham.

Le fait que Bellet demeurait depuis toujours à Québec fut l’un des facteurs qui l’amenèrent à se lancer sur la scène publique, tout comme peut-être l’influence de son père, qui vécut jusqu’en 1812. En 1804, dans la circonscription de la Basse-Ville de Québec et, cinq ans plus tard, dans celle d’York, au nord de Montréal, il tenta sans succès de se faire élire député à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. En juin 1805, il fut nommé examinateur adjoint des pilotes du port de Québec, poste qu’il conserva pendant 12 ans. Au printemps de 1810, il fut élu député d’York avec Pierre Saint-Julien. Ami de longue date de Joseph Papineau*, de Pierre-Stanislas Bédard et d’autres membres en vue du parti canadien, Bellet passa beaucoup de temps à faire campagne dans la circonscription de Québec, où Joseph-François Perrault* et peut-être Ralph Gray*, tous deux candidats, évoquaient avec amertume « l’activité des Bellets, des Lagueux, des Langlois, des Leblonds et des Germains (reconnus pour des Boutefeux) ». En mars, au moment où le gouverneur sir James Henry Craig* saisit le Canadien, organe du parti, Bellet était devenu avec Bédard, Jacques Leblond, François Blanchet, Joseph Levasseur-Borgia*, Thomas Lee et François Huot, copropriétaire de l’Imprimerie canadienne, qui publiait le journal. Même si le Canadien ne recommença pas à paraître avant plusieurs années, Bellet conserva sa part dans les autres activités de l’imprimerie, qui ne constituait que l’un de ses intérêts commerciaux.

Le rôle de Bellet au sein du parti canadien ne l’empêcha pas d’obtenir d’autres postes. En 1811, avec John Mure et John Hale*, il fut nommé commissaire chargé de faire dresser les plans des nouveaux édifices parlementaires ; en 1815, avec Andrew Stuart* et le notaire Félix Têtu, il fut nommé au sein de la commission chargée de la réparation de la prison et du palais de justice de Québec ; enfin, en 1817, il devint syndic de la Maison de la Trinité de Québec [V. François Boucher*]. Il occupa aussi des postes à l’extérieur de la fonction publique, notamment comme marguillier de la cathédrale Notre-Dame et inspecteur de la Société du feu de Québec. En 1814, il souscrivit à la Quebec Free School, établissement non confessionnel fondé par Thaddeus Osgood*. Cinq ans plus tard, il fut l’un des directeurs du dispensaire de Québec, centre médical destiné aux mal nantis [V. Charles-Norbert Perrault] et, en 1821, il souscrivit à la Société de Québec des émigrés. Aux élections générales de 1814, Bellet avait été élu député de Buckingham avec James Stuart*, auquel succédèrent Louis Bourdages (1815–1816) et Joseph Badeaux (1816–1820). Pendant six autres années, Bellet continua à appuyer, tant à l’Assemblée que dans des discours publics, les positions nationalistes du parti canadien, dont Louis-Joseph Papineau* se distinguait de plus en plus comme chef, sur des questions comme le contrôle des dépenses publiques et le favoritisme.

Entre-temps, en 1811, Bellet avait pris comme associé son commis, Jean-Olivier Brunet, et avait fondé la François Bellet et Compagnie. Leur entente expira cinq ans plus tard, mais ils poursuivirent leurs activités deux autres années encore sous le nom de Bellet et Brunet. Pendant cette période, la vie privée de Bellet ne s’était pas déroulée sans incident. Sa première femme, Cécile Flamme, qu’il avait épousée à Québec le 12 juillet 1773, mourut en 1815. Le 15 septembre 1817, à l’âge de 67 ans, il épousa à Beaumont sa servante, Marie-Honoré Fournier, ce qui provoqua un charivari dont on ignore s’il prit une allure légère et comique ou s’il fut grotesque. Par une sombre nuit d’octobre, les Bellet furent réveillés par quatre hommes à la figure barbouillée de noir qui portaient des lanternes suspendues à de longues perches et un cercueil en papier éclairé. Le tapage qu’ils firent avec un fifre, un tambour et des marmites attira un petit attroupement de jeunes voyous. D’après une version, un membre du groupe, perché sur les épaules de deux de ses compagnons, prononça un simulacre d’oraison funèbre en l’honneur de Mme Bellet. Pour les calmer, Bellet leur donna 100 piastres en les invitant à aller boire à la santé des nouveaux mariés. Selon une autre version, les soldats ne parvinrent pas à apaiser les chahuteurs, qui promirent de revenir « tout l’hiver », à moins que Bellet ne leur donne 25 guinées pour les pauvres, ce qu’il fut « obligé » de faire. Marie-Honoré Bellet mourut en août 1820.

Cette année-là, quelques mois après sa réélection dans Buckingham, Bellet abandonna la vie politique et la Maison de la Trinité. On ignore exactement pourquoi, mais la mort de sa femme y fut peut-être pour quelque chose. Il continua néanmoins à s’occuper de ses affaires et conserva des liens commerciaux avec l’Angleterre et l’Écosse. Il investit dans la Banque de Québec et la Compagnie d’assurance de Québec contre les accidents du feu, loua ou vendit des propriétés et approvisionna des marins naufragés de l’île d’Anticosti. En 1820, peut-être pour faciliter son commerce, il acheta un schooner d’Antoine Mayrant, marin de Sainte-Anne-de-la-Pérade (La Pérade). Le troisième mariage de Bellet, célébré à la chapelle de l’Hôpital Général de Québec le 4 mars 1822, résultait probablement de ses relations dans le cercle des marchands : sa femme, Mary Robinson, était en effet la veuve de Gavin Major Hamilton, marchand de Québec, et la sœur de Webb Robinson, à qui Bellet louerait des propriétés et qui était lui-même marchand. Vers 1823, Bellet s’installa dans le faubourg Saint-Jean et se retira apparemment des affaires, même s’il avait encore de nombreux débiteurs, dont Brunet, qui lui devait plus de £500 et qui acheta peut-être ses stocks.

En 1827, la santé de François Bellet était mauvaise. Au début de février, selon Louis-Joseph Papineau, il était « dangereusement malade » et, le 19, il mourut à l’Hôpital Général. Parmi les personnes qui assistèrent deux jours plus tard à son inhumation dans la chapelle de l’hôpital se trouvaient Andrew Stuart et Papineau, accompagné de son beau-frère Jean Dessaulles.

David Roberts

ANQ-Q, CE1-1, 2 nov. 1750, 12 juill. 1773 ; CE1-93, 4 mars 1822, 21 févr. 1827 ; CN1-116, 8 août, 5 sept. 1820, 20 févr., 28 avril, 14 mai, 15, 18 juin, 6 août, 15 nov. 1821, 29 mars, 12 avril, 15 mai 1822, 22 avril, 12 mai 1823, 31 mars 1824, 1er mars 1825, 2 janv. 1826 ; CN1-178, 12 janv., 30 mars 1813 ; CN1-205, 8 févr. 1775 ; CN1-230, 13 févr. 1798, 20 déc. 1803, 31 mars 1804, 28 mai 1811.— APC, MG 23, GII, 3, vol. 3, E. W. Gray à William Grant, 13 nov. 1786 ; GIII, 1, vol. 2 : 41 ; MG 24, B2 : 363–372 ; L3 : 8126, 8167 ; MG 30, D1, 4 : 268–273, 280, 282 ; RG 1, L3L : 1291, 2098, 2646, 20603–20638 ; RG 4, A1 : 26969–26971, 35953–35957 ; 144 : 93–93a ; 145 : 86 ; 147 : 176 ; 165 : 124 ; RG 8, I (C sér.), 600 : 173–174 ; 714 : 120 ; RG 31, C1, 1825, Québec : 1786 ; RG 42, E1, 1382 : 6 ; RG 68, General index, 1651–1841 : 5, 226, 272, 698.— AUM, P 58, U, Bellet à Louis Guy, 20 mars, 15 déc. 1806, 19 sept. 1808, 30 juin 1809 ; Bellet à André Guy, 5, 25 nov. 1818.— American arch. (Clarke et Force), 4e sér., 4 : 854.— B.-C., chambre d’Assemblée, Journaux, 1814–1820.— « Blockade of Quebec in 1775–1776 by the American revolutionists (les Bastonnais) », F. C. Würtele, édit., Literary and Hist. Soc. of Québec, Hist. Docs. (Québec), 7e sér. (1905) : 274.— Joseph Papineau, « Correspondance de Joseph Papineau (1793–1840) », Fernand Ouellet, édit., ANQ Rapport, 1951–1953 : 175.— L.-J. Papineau, « Correspondance de Louis-Joseph Papineau (1820–1839) », Fernand Ouellet, édit., ANQ Rapport, 1953–1955 : 246.— La Gazette de Québec, 12 déc. 1776, 1er avril 1779, 3 nov. 1785, 13 mars 1788, 28 janv. 1790, 10 juill. 1794, 12 mars 1795, 11 janv. 1798, 31 janv., 21 mars, 18 juill. 1799, 10 avril 1800, 14 mai 1801, 26 mai 1803, 10 mai, 14 juin 1804, 27 juin 1805, 12 juin 1806, 9 avril, 9 juill. 1807, 8, 22 déc. 1808, 2 mars, 8 juin, 14 sept., 19 oct., 16 nov. 1809, 5, 19, 26 avril 1810, 11 avril, 2, 23 mai, 6 juin, 11 juill. 1811, 19 mars, 17 sept. 1812, 30 déc. 1813, 25 mai, 22 juin, 24 août, 19 oct. 1815, 4 avril, 9, 16 mai 1816, 16 janv., 12 juin, 25 sept. 1817, 8 janv., 20 avril, 21 mai, 9 juill., 31 déc. 1818, 4 févr., 13 mai, 19 août, 2 déc. 1819, 17 janv., 20 mars, 13, 20 avril, 5 juin, 21, 24 août 1820, 16 avril, 26 nov. 1821, 21 avril 1823.— Almanach de Québec, 1820 : 138.— Geneviève G. Bastien et al., Inventaire des marchés de construction des archives civiles de Québec, 1800–1870 (3 vol., Ottawa, 1975), 1 : no 426.— Beaulieu et Hamelin, la Presse québécoise, 1 : 16.— P.-V. Charland, « Notre-Dame de Québec : le nécrologe de la crypte ou les inhumations dans cette église depuis 1652 », BRH, 20 (1914) : 279.— Desjardins, Guide parl., 125, 144.— Mariages et nécrologe de Beaumont, 1692–1974, Rosaire Saint-Pierre, compil. (Québec, 1975), 17.— «Papiers d’État – B.-C. », APC Rapport, 1896 : 70.— P.-G. Roy, Fils de Québec, 2 : 88–89.— Tanguay, Dictionnaire, 2 :212.— N.-E. Dionne, Pierre Bédard et ses fils (Québec, 1909), 243.— Lanctot, Canada & American revolution, 93.— Ouellet, Lower Canada, 186.— P.-GRoy, les Cimetières de Québec (Lévis, Québec, 1941), 147 ; Toutes Petites Choses du Régime anglais, 1 : 194195, 224226. Albertine Ferland-Angers, « la Citadelle de Montréal (16581820) », RHAF, 3 (19491950) : 506. L. A. H. Smith, « Le Canadien and the British constitution, 18061810 », CHR, 38 (1957) : 9495. Benjamin Sulte, « l’Exploit du capitaine Bouchette », BRH, 5 (1899) : 318. « Un charivari à Québec », BRH, 44 (1938) : 242243.

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David Roberts, « BELLET, FRANÇOIS (baptisé Antoine-François) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/bellet_francois_6F.html.

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Auteur de l'article:    David Roberts
Titre de l'article:    BELLET, FRANÇOIS (baptisé Antoine-François)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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