ROSS, ARTHUR WELLINGTON, enseignant, fonctionnaire, avocat, homme d’affaires et homme politique, né le 25 mars 1846 à Nairn, Haut-Canada, fils aîné de Donald Ross et d’une prénommée Margaret ; le 30 juillet 1873, il épousa Jessie Flora Cattanach, fille de Donald Cattanach, de Laggan, Ontario, et ils eurent deux fils ; décédé le 25 mars 1901 à Toronto.

Arthur Wellington Ross affirmerait un jour qu’il avait lui-même connu la misère de ces petits fermiers écossais qui n’avaient quitté « les ruines fumantes des chaumières de leurs aïeux » que pour venir « creuser leur tombe » en essayant de refaire leur vie dans le Haut-Canada. Son père, presbytérien qui tirait une maigre subsistance de sa terre du canton d’East Williams, ne put lui transmettre que la fortune d’une bonne éducation. Après avoir fréquenté l’école publique locale, Ross quitta la ferme pour la Wardsville Grammar School. Attiré par l’enseignement, qu’il voyait comme un moyen d’échapper à cette vie de paysan qui avait procuré si peu de confort matériel à sa famille, il s’inscrivit à la Toronto Normal School et obtint son brevet d’enseignement de première classe, probablement en 1865 ou 1866. Il enseigna à Cornwall et impressionna tant les commissaires que, en 1868, ceux-ci lui confièrent la direction de l’école secondaire. En septembre 1871, il devint inspecteur des écoles publiques du comté de Glengarry, poste créé par la loi scolaire adoptée la même année.

Malgré son avancement rapide, Ross ne considérait l’enseignement que comme un tremplin vers une profession plus lucrative et plus prestigieuse. Il poursuivit ses études et, ayant obtenu son baccalauréat de la University of Toronto en 1874, il démissionna de son poste d’inspecteur pour faire son stage de clerc auprès d’un attorney et solicitor. Il était cependant si impatient de s’élever dans la hiérarchie qu’au début du mois de juin 1877, soit cinq mois seulement avant la fin de ses études de droit, il partit pour Winnipeg avec son jeune frère William Henry Ross. Il entra à titre de stagiaire au cabinet de son frère, qui était déjà avocat, mais comme sa formation avait été interrompue par ce déplacement, il dut obtenir de l’Assemblée législative du Manitoba une loi spéciale pour être admis au barreau, en 1878. Les frères Ross pratiquèrent le droit ensemble, et furent pendant une courte période solicitors à Winnipeg pour le gouvernement du premier ministre Alexander Mackenzie*. Albert Clements Killam se joignit à eux en 1879 et, après la mort de William Henry Ross la même année, Alexander Haggart fut admis comme associé en second dans le bureau, qui prit le nom de Ross, Killam and Haggart.

Bientôt cependant, Ross tirerait la plus grande partie de ses revenus de la spéculation foncière. En 1882, il se classait déjà dans le premier centile des plus opulents propriétaires fonciers de Winnipeg ; la valeur de ses biens immobiliers, qui s’établissait cette année-là à environ 210 000 $, le plaçait au huitième rang parmi ces riches particuliers. De plus, Ross était propriétaire de presque toute la banlieue qui prendrait plus tard le nom de Fort Rouge (Winnipeg), et il y fit construire l’une des plus impressionnantes résidences de cette époque de prospérité soudaine. Il spécula également sur les certificats de concession de terres aux Métis, ainsi que sur des terres appartenant à la Hudson’s Bay Company, des lots de ville à Brandon et à Edmonton et diverses propriétés rurales. D’un seul coup en 1880, il vendit 25 000 acres. Le département de l’Intérieur croirait plus tard, mais sans pouvoir le prouver, que Ross et ses associés avaient profité de renseignements fournis par un employé de son Bureau des terres de la Puissance à Winnipeg. Alexander Mackinnon Burgess*, sous-ministre de l’Intérieur, écrivit en 1885 à son ministre Thomas White* : « ainsi informés, ils pouvaient, chaque fois qu’ils recevaient une liste des terres allouées aux sang-mêlé, être sur place au bon moment, à leur propre avantage, et au détriment de tous les autres spéculateurs de la même catégorie ».

L’effondrement de la valeur des terres de l’Ouest en 1882 ruina Ross. Comme d’autres spéculateurs, il avait l’habitude d’acheter ses terrains en versant un acompte minimal, puis de les revendre rapidement avant que les autres versements ne deviennent exigibles. Ses acheteurs, qui étaient de petits spéculateurs, adoptèrent la même stratégie, de sorte que Ross dut, pour respecter ses engagements, attendre que ceux-ci le paient ou trouver des acheteurs pour les billets qu’il acceptait en garantie de ses ventes. Quand le prix des terres baissa, il se trouva coincé entre ses créanciers, notamment la Hudson’s Bay Company qui lui réclamait impitoyablement son dû, et ses propres clients, dont beaucoup étaient prêts à laisser tomber leurs placements et leurs obligations. En 1884, la Hudson’s Bay Company intenta une poursuite en Cour de la chancellerie pour récupérer les propriétés vendues à Ross à crédit. Ross était insolvable, et son sort suscita maints commentaires dans la presse locale. Le Commercial le dénonça comme un escroc qui s’était engagé « dans les combines les plus extravagantes pour spéculer avec de l’argent qui ne lui permettait même pas de payer le dixième de ses entreprises ». Plus compatissant, le Daily Times jugea que Ross n’était pas plus coupable que les autres spéculateurs malchanceux surpris par un revers de fortune, et que ses créanciers devaient accepter un compromis. « Il est injuste, nota le journal, [...] de frapper un homme à terre [...] Ces manières ne sont pas compatibles avec l’esprit de liberté qui règne dans le Nord-Ouest. Elles sentent l’Est, où les usuriers sont toujours prêts à écraser quelqu’un pour lui arracher son dernier dollar. »

Ross n’était pas homme à accepter facilement l’échec, et il se concenterait sur la politique pour rétablir sa situation. Aux élections provinciales de décembre 1878, il avait été élu par une faible majorité dans la circonscription de Springfield, comme libéral et adversaire du gouvernement de John Norquay*. Il avait été réélu aux élections générales de 1879. À l’Assemblée, son attention se portait surtout sur les chemins de fer. Quoiqu’il ait douté que les maigres subventions versées par le gouvernement Norquay puissent vraiment aider la construction ferroviaire, il travailla à un certain moment à la promotion du chemin de fer de Manitoba et du nord-ouest du Canada, dont il fut vice-président. Quand le gouvernement fédéral fit connaître les clauses du contrat pour le chemin de fer du Pacifique en 1880, Ross présenta à l’Assemblée du Manitoba une motion demandant que le gouvernement du dominion annule l’entente. S’élevant contre le monopole accordé au syndicat financier dirigé par George Stephen*, il affirma que « le peuple du Canada était prêt à payer des impôts pour construire la voie, mais ne voulait pas que celle-ci soit exploitée au profit des capitalistes ». Sa vigoureuse opposition, sans parler de ses alliances libérales, en faisait un intéressant représentant des intérêts de l’Ouest pour le consortium de William Pearce Howland, formé en vue de déposer une contre-offre pour le contrat du chemin de fer transcontinental en janvier 1881. Quoique dans son offre, le consortium de Howland ait déclaré que Ross, seul représentant de l’Ouest dans le groupe, se proposait d’acheter des actions de la compagnie si celle-ci obtenait le contrat, il ne le mentionna pas comme futur administrateur, pas plus que Ross ne déposa de cautionnement.

L’attitude critique que Ross avait eue à l’égard du chemin de fer canadien du Pacifique lui fut très utile quand, en 1882, il démissionna de l’Assemblée provinciale pour se porter candidat libéral dans Lisgar aux élections fédérales. Au début, il avait hésité à se présenter, car les conservateurs avaient arbitrairement remanié la circonscription pour que le député sortant, John Christian Schultz*, la conserve. Cependant, les électeurs étaient encore profondément choqués de ce que Schultz n’avait pas appuyé le choix du village de Selkirk pour la construction d’un pont sur la rivière Rouge par la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Le directeur de campagne de Ross expliquerait plus tard que les organisateurs libéraux de Lisgar étaient si déterminés à déloger Schultz que, au moment de la fermeture des bureaux de scrutin, ils avaient « rassemblé à Selkirk quelques scrutateurs, avec leur urne, prêts à toute urgence, mais [que], Dieu merci, on n’en [avait] pas eu besoin, [car Ross avait] été élu loyalement ». À Ottawa, Ross défendit de son mieux les intérêts de ses commettants, faisant pression pour obtenir des aménagements à Selkirk et se renseignant sur les titres de biens-fonds ainsi que sur les concessions forestières et minières pour les spéculateurs.

Avec la détérioration de sa situation financière, cependant, Ross ne pouvait plus se contenter d’être un bon député. Une occasion se présenta en février 1884, quand la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique demanda une aide financière supplémentaire au gouvernement du dominion. Dans une surprenante volte-face, Ross prit éloquemment la défense de la compagnie, et même de son monopole, soutenant qu’ils étaient essentiels à la prospérité du Nord-Ouest et du Canada, ainsi qu’à la croissance du sentiment national en général. Ross prit encore une fois la défense de la compagnie l’année suivante, quand celle-ci demanda au Parlement d’approuver un autre prêt. On ne sait pas si, avant son discours à la Chambre des communes, il avait discuté avec les dirigeants des services qu’il pourrait rendre, mais à la fin de l’été de 1884, il se trouvait à Vancouver, pour le compte de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, et y assemblait les terres nécessaires à la construction du terminus de l’Ouest, à Granville (Vancouver). Ross se trouvait aussi dans une situation idéale pour spéculer lui-même et il acheta des lots de ville de la compagnie. En 1886, il ouvrit une agence immobilière, dont son beau-frère Malcolm Alexander MacLean* assuma pendant un certain temps la direction. Deux ans plus tard, Ross, qui avait partagé son temps entre la côte Ouest, Winnipeg et Ottawa, s’établit à Vancouver et se lança dans l’immobilier et l’assurance avec Henry Tracy Ceperley. Cette association ne dura toutefois que deux ou trois ans et, en 1891, Ross était de retour à Winnipeg, où il s’occupait de nouveau d’immobilier.

Craignant que son association avec la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique ne compromette sa carrière politique, Ross, maintenant conservateur, commença la campagne électorale de 1887 fort inquiet. Il pressa donc le vice-président de la compagnie, William Cornelius Van Horne*, de l’aider à « faire sortir » le vote. Van Horne chargea le surintendant général de la division de l’Ouest du chemin de fer, William Whyte*, de prévoir des trains pour transporter les électeurs vers les bureaux de scrutin et de fabriquer de fausses factures indiquant que ce service avait été payé par Ross. Si l’un des cadres de la compagnie s’avisait de contester ces mesures exceptionnelles, Whyte devait expliquer que Ross méritait bien cette récompense pour avoir aidé la compagnie « à un moment [où] sa survie même était en jeu ».Van Horne ordonna que quiconque révélerait le détail de l’entente soit « flanqué à la porte sans plus de façons ». Ross n’eut cependant pas besoin de l’aide de la compagnie, car il fut réélu sans opposition.

L’éloquence avec laquelle Ross avait défendu le chemin de fer canadien du Pacifique contrasta avec le relatif silence qu’il conserva pendant ses dix dernières années à la Chambre des communes. Quoiqu’il ait parfois, et brièvement, abordé des questions relatives aux terres du dominion et aux terrains concédés aux entreprises ferroviaires, il ne dit rien sur les grandes questions de l’époque, notamment celle des écoles du Manitoba [V. Thomas Greenway]. Peut-être ne voyait-il pas ce qu’il pourrait personnellement en tirer. Il est vrai, par ailleurs, que le Parti conservateur ne l’encouragea nullement à se prononcer. Anticipant peut-être le décès de Schultz avec une indécente impatience, en 1891 Ross demanda avec insistance à John Joseph Caldwell Abbott*, sénateur et avocat pour la Compagnie du chemin de fer canadien Pacifique, de le nommer lieutenant-gouverneur du Manitoba, lui rappelant qu’il était le plus ancien député de l’Ouest et qu’il avait, pour remporter son siège aux dernières élections, dépensé plus d’argent que tous les autres candidats conservateurs de la province. Il expliqua : « Jusqu’à maintenant, je n’ai jamais rien obtenu du parti, et je crois qu’il est temps que je sois reconnu. » Il ne le fut pas.

Ross ne se porta pas candidat aux élections de 1896, ce qui n’est guère étonnant, et il se consacra plutôt à de nouvelles spéculations. Cette année-là, il quitta Winnipeg pour Toronto, où il devint courtier en valeurs minières et directeur général de la North Star Mining, Trading, and Transportation Company. En 1899, il se fixa à Columbia Gardens, en Colombie-Britannique, pour se rapprocher des terres aurifères de Rossland dans lesquelles il avait investi. C’est là qu’en janvier 1901 il fut paralysé par une attaque d’apoplexie. Il mourut d’une deuxième attaque à Toronto, où il était allé se faire traiter.

Étudiant les attaches politiques des députés du Manitoba à la Chambre des communes en 1882, Joseph Royal, qui était lui-même du groupe, affirma que « Ross représentait Ross ». Il avait probablement raison. Arthur Wellington Ross fut l’un de ces jeunes Ontariens ambitieux qui partirent chercher fortune dans l’Ouest dans les années 1870. Poussé par ce seul objectif, et peu soucieux d’être couvert d’opprobre, il avait voulu saisir toutes les chances, en affaires comme en politique.

David G. Burley

AN, MG 26, C : 690–692 ; MG 28, III 20, Van Horne letter-books, 3 : 571–573 ; 7 : 628–632 ; 9 : 208s., 321s., 601 ; 11 : 414 ; 13 : 539s. ; 15 : 698 ; 16 : 538 ; 19 :548 ; 20 : 280s., 285 ; MG 29, E114, letter-book : 359 ; RG 31, C1, 1851, East Williams, dist. 2 : 31, 63 ; 1861, East Williams : 1 ; agricultural census : 102.— City of Winnipeg Arch., Assessment rolls, 1882.— PAM, MG 14, B57, letterbook 3 : 111–118, 204–206, 214, 224s. ; letter-book 4 : 119s., 130, 150s., 232s., 294s., 302.— Commercial (Winnipeg), 30 juin, 14 juill. 1885.— Daily Times (Winnipeg), 24 déc. 1880, 9 juill. 1885.— Manitoba Morning Free Press, 22 janv., 12, 19, 28 déc. 1878, 5 févr. 1879, 25 mars 1901.— Winnipeg Tribune, 28 mars 1901.— Annuaire, Manitoba, 1888–1889, 1891, 1895–1896.— C. J. Brydges, The letters of Charles John Brydges, 1879–1882, Hudson’s Bay Company land commissioner, Hartwell Bowsfield, édit., introd. d’Alan Wilson (Winnipeg, 1977) ; The letters of Charles John Brydges, 1883–1889, Hudson’s Bay Company land commissioner, Hartwell Bowsfield, édit., introd. de J. E. Rea (Winnipeg, 1981).— Canada, Chambre des communes, Débats, 1883–1885, 1887, 1890 ; Parl., Doc. de la session, 1880–1881, nos 23m–23n.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— Manitoba, Statuts, 1878, c.38.

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David G. Burley, « ROSS, ARTHUR WELLINGTON », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/ross_arthur_wellington_13F.html.

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Auteur de l'article:    David G. Burley
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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