Provenance : Avec la permission de Wikimedia Commons
TARIEU DE LANAUDIÈRE, CHARLES-LOUIS, officier dans l’armée et dans la milice, seigneur, fonctionnaire et homme politique, né le 14 octobre 1743 à Québec, fils de Charles-François Tarieu* de La Naudière et de Louise-Geneviève Deschamps de Boishébert ; décédé le 2 octobre 1811 à Québec.
Filleul de Charles de Beauharnois* de La Boische, gouverneur général de la Nouvelle-France, Charles-Louis Tarieu de Lanaudière est issu de l’aristocratie seigneuriale et militaire. Après des études au séminaire de Québec de 1752 à 1756, Lanaudière, comme beaucoup de jeunes gens de sa condition, embrasse la carrière des armes en s’engageant dans le régiment de La Sarre en 1756. Il participe à la bataille de Sainte-Foy le 28 avril 1760 [V. François de Lévis*]. Blessé à une jambe lors du combat, il passe quelques mois de convalescence à l’Hôtel-Dieu de Québec. À la suite de la Conquête, il quitte le Canada pour la France en septembre 1760 avec son régiment ; son père l’accompagne.
En France, Lanaudière retrouve des membres de sa famille et poursuit sa carrière militaire comme aide-major. En 1767, il accompagne le comte du Châtelet-Lomont, ambassadeur de France, à la cour du roi George III à Londres. Ayant alors obtenu un passeport, Lanaudière revient dans son pays natal au printemps de 1768 afin de régler des affaires de famille et recueillir l’héritage de sa mère décédée depuis 1762. Sans doute influencé par son père, qui était revenu au Canada en 1763, Lanaudière se fixe définitivement dans la colonie. Il complète sa réinsertion en sol natal en épousant, le 10 avril 1769, à Montréal, Geneviève-Élisabeth de La Corne, fille de Luc de La Corne* et de Marie-Anne Hervieux. De cette union naîtront trois enfants, dont seulement une fille parviendra à l’âge adulte.
Devenu un familier des autorités coloniales britanniques grâce à son père, Lanaudière est nommé aide de camp du gouverneur Guy Carleton, lequel désire s’appuyer sur la noblesse et le clergé pour mieux soumettre les Canadiens. En 1770, à titre de représentant des habitants de la colonie, Lanaudière accompagne son supérieur à Londres. Sans doute pour mieux se l’attacher, les autorités britanniques le nomment surintendant des eaux et des forêts en 1771 et désirent le créer baronnet. Il refuse cependant ce dernier titre, car le serment qu’il doit prêter est incompatible avec sa religion.
L’invasion américaine de 1775 [V. Benedict Arnold ; Richard Montgomery*] offre à Lanaudière l’occasion de jouer un rôle militaire. Parcourant les campagnes, il tente de recruter des miliciens dans la région de Trois-Rivières pour se porter à la défense de Montréal en octobre. Mais il a peu de succès. En arrivant à Berthier-en-Haut (Berthierville) avec un détachement de milice dépourvu d’armes, Lanaudière est attaqué par les habitants, fait prisonnier puis délivré. En novembre de la même année, il accompagne Carleton lorsque ce dernier évacue Montréal avec ses troupes, faisant voile vers Québec. Mais des vents contraires obligent la flotte à s’arrêter à Sorel ; Carleton et Lanaudière, aidés du capitaine de navire Jean-Baptiste Bouchette, réussissent à s’échapper. En 1777, Lanaudière participe, aux côtés de son beau-père, aux premières étapes de l’expédition du major général John Burgoyne* qui se dirige vers New York. De retour à Québec en août, Lanaudière n’assistera pas à la défaite infligée par les Américains aux troupes britanniques à l’automne.
Fidèle serviteur de Carleton, Lanaudière l’accompagne de nouveau en Europe en 1778. En 1785, il visite la Prusse et rencontre le roi Frédéric II qui lui donne la permission d’assister aux manœuvres de ses armées en divers endroits. L’attachement de Lanaudière pour les autorités britanniques reçoit sa récompense en 1786, année où Carleton, devenu lord Dorchester, le nomme conseiller législatif et grand voyer. Ces fonctions lui sont de nouveau confirmées en 1791 ; il reçoit en plus le titre de surintendant des Postes.
Lanaudière possède de vastes étendues de terre dans la seigneurie de Lac-Maskinongé (appelée aussi Lanaudière) qu’il a héritées de sa mère, ainsi que dans celle de Sainte-Anne-de-la-Pérade, don de son père en 1772. Comme seigneur, il prête foi et hommage en 1781, puis dresse l’aveu et dénombrement l’année suivante. Encore peu peuplées, ses seigneuries lui rapportent de maigres revenus. En 1783, Lanaudière fait paraître une annonce dans la Gazette de Québec incitant les Loyalistes à venir s’établir sur ses terres, et ce, à des conditions très avantageuses comme l’exemption de rentes pour une période de dix ans. En 1788, il présente un mémoire au gouvernement demandant la suppression de la tenure seigneuriale et la concession de ses seigneuries en franc et commun socage. Pour Lanaudière, un tel changement s’avérerait bien lucratif. Toutefois, ce projet soulève le mécontentement des seigneurs et des censitaires canadiens, et la demande est mise de côté [V. Thomas-Laurent Bédard* ; William Smith*]. Malgré cette rebuffade, Lanaudière continue de s’intéresser à l’agriculture ; en 1789, il souscrit à la Société d’agriculture du district de Québec, créée au cours de la même année. Il se préoccupe aussi de la culture du chanvre sur ses terres de Sainte-Anne-de-la-Pérade. Cependant, retenu à Québec par ses nombreuses obligations, Lanaudière n’habite pas ses seigneuries ; il en confie la gestion à des intendants, tel Louis Gouin.
Personnalité bien en vue, Lanaudière signe les adresses de bienvenue et de départ aux autorités britanniques à qui il est tout dévoué. En 1792, il est vice-président du Club constitutionnel. Ce groupe, fondé en janvier de cette année-là et constitué en majorité de marchands britanniques, veut diffuser la connaissance de la constitution britannique et promouvoir l’économie. Le gouvernement reconnaît encore une fois les bons services de Lanaudière en le nommant quartier-maître général de la milice en 1799. Cette nouvelle fonction comme plusieurs autres postes qu’il occupe, plutôt honorifiques mais fort lucratifs eux aussi, lui procurent un train de vie enviable. Lanaudière demeure rue des Pauvres (côte du Palais) qui, en dépit de son nom, est une des rues les plus huppées de Québec à la fin du xviiie siècle. Sa maisonnée comprend quelques domestiques et esclaves.
Durant les dernières années de sa vie, Charles-Louis Tarieu de Lanaudière continue de remplir les différentes fonctions qui lui ont été confiées. Il meurt à Québec le 2 octobre 1811 et est inhumé trois jours plus tard dans la crypte de la cathédrale Notre-Dame. Lanaudière s’était assez bien accommodé du changement de gouvernement. Comme bien d’autres seigneurs, il s’était lié par intérêt aux Britanniques qui, durant cette période, cherchaient à renforcer la position sociale et économique de la noblesse. Selon John Lambert, de passage au Bas-Canada au début du xixe siècle, Lanaudière était « un des plus respectables gentilshommes de la colonie [...] Il [était] sincèrement attaché au gouvernement anglais, et dans sa conduite, ses manières, ses principes, il sembl[ait] un Anglais. »
Charles-Louis Tarieu de Lanaudière est l’auteur de : Chanson (Québec, 1792) ; le Discours suivant, destiné par l’honorable Charles de Lanaudière, pour être prononcé à la dernière assemblée du club constitutionnel ; n’a pu l’être parce que plusieurs rapports du comité permanent ont paru devant le club pour avoir sa décision (Québec, 1792) ; A hand-bill against M. Deschenaux (Québec, 1792) ; et de Speech to habitants of Ste. Anne (Québec, 1792).
ANQ-Q, CE1-1, 15 oct. 1743, 7 oct. 1777, 27 mars 1779, 5 oct. 1811, 1er avril 1817 ; P–244.— AP, Notre-Dame de Montréal, Reg. des baptêmes, mariages et sépultures, 10 avril 1769, 28 févr. 1770, 17 sept. 1771.— APC, MG 11, [CO 42] Q, 26-2 : 515s., 518 ; 35 : 416–428 ; 38 : 25–33 ; 48-1 : 5 ; 51-2 : 46s. ; 89 : 117–123 ; 90 : 346–362 ; 93 : 196s.— « Les dénombrements de Québec » (Plessis), ANQ Rapport, 1948–1949 : 15, 65, 115, 166.—Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1759–1791 (Shortt et Doughty ; 1921).— Invasion du Canada (Verreau).— [L.-A.-A. Prévôt de Montaubert de Merleval], « La campagne du régiment de La Sarre au Canada (1756–1760) », Pierre Héliot, édit., RHAF, 3 (1949–1950) 518–536.— La Gazette de Québec, 2 août 1770, 22 sept. 1774, 23 juin 1785, 6 avril 1789, 19 août 1791, 31 mai 1792, 13 févr. 1794, 11 déc. 1800, 22 juill. 1802, 15 janv. 1807.— Le Jeune, Dictionnaire, 2 : 58.— P.-G. Roy, Inv. concessions, 2–3.— Raymond Douville, Hommes politiques de Sainte-Anne-de-la-Pérade ([Trois-Rivières, Québec], 1973).— Tanguay, Dictionnaire, 7 : 262.— Turcotte, Le Conseil législatif.— P. [–J.] Aubert de Gaspé, Mémoires (Ottawa, 1866).— Caron, La colonisation de la prov. de Québec, 2.— L.-S. Rhéault, Autrefois et aujourd’hui à Sainte-Anne de la Pérade (Trois-Rivières, 1895).— P.-G. Roy, La famille Tarieu de Lanaudière (Lévis, Québec, 1922).— Sulte, Hist. des Canadiens français, 7–8.— Trudel, L’esclavage au Canada français.— Maurice Séguin, « Le régime seigneurial au pays de Québec, 1760–1854 », RHAF, 1 (1947–1948) 382–402.— Benjamin Sulte, « L’exploit du capitaine Bouchette », BRH, 5 (1899) : 318.
Yves Beauregard, « TARIEU DE LANAUDIÈRE, CHARLES-LOUIS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/tarieu_de_lanaudiere_charles_louis_5F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/tarieu_de_lanaudiere_charles_louis_5F.html |
Auteur de l'article: | Yves Beauregard |
Titre de l'article: | TARIEU DE LANAUDIÈRE, CHARLES-LOUIS |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |