ROBERTSON (Robinson), WILLIAM, marchand, juge, fonctionnaire, homme politique et officier de milice, né vers 1760 en Écosse ; le 26 janvier 1798, il épousa à New York Cornelia Eleanor Brooks, et ils eurent une fille, puis le 18 mars 1803, Jane Ogilvy, née Dunlop, mère de John Ogilvy ; décédé le 13 décembre 1806 à Londres.
William Robertson s’établit à Detroit en 1782. Son frère Samuel, qui mourut cette année-là, y était capitaine de bateau depuis 1774. William travailla comme commis chez le beau-père de Samuel, John Askin, et devint son associé, le 1er juillet 1784. Il reçut £600 par année pour « gérer l’affaire » jusqu’à sa dissolution, le 22 août 1787. Robertson réussit rapidement dans le commerce des fourrures dans la région du Sud-Ouest (au sud et à l’ouest des lacs Huron et Supérieur). En 1788, il estima que la valeur des peaux s’élevait à £150 000 ou à £200 000 annuellement. Habile à s’exprimer et réfléchi, Robertson fut, avec Askin et Alexander Grant, l’un des marchands importants de la région et, dès 1788, il apparaissait comme leur principal porte-parole.
En juillet 1788, lord Dorchester [Guy Carleton] créa quatre nouvelles régions administratives dans l’ouest de la province de Québec. L’importance locale de Robertson se refléta dans sa double nomination à la Cour des plaids communs et au conseil des terres du district de Hesse. Même s’il jugeait que le tribunal était essentiel à une société fondée sur le commerce « afin de protéger [la] propriété [de ses membres] et de corriger [leurs] erreurs », Robertson s’opposa au choix des juges, y compris lui-même. Puisque la principale fonction de la cour visait le règlement de dettes, et parce que, selon lui, « les professions de juge et de marchand [étaient] entièrement incompatibles chez la même personne », il soutint la nécessité d’avoir un magistrat « doté d’une formation professionnelle en droit ». Par conséquent, il démissionna et apporta à Québec une requête en ce sens qu’il avait signée avec 33 autres marchands. Le 24 octobre, il témoigna dans cette ville devant un comité du Conseil législatif. À la suite du rapport favorable de celui-ci sur la pétition, William Dummer Powell* devint l’unique juge du district. Robertson ne vit apparemment aucun conflit d’intérêts à sa désignation au conseil des terres, en 1789, et il assista à toutes les réunions jusqu’à la fin du mois d’août 1790. Malgré des absences ultérieures, il fut nommé de nouveau en mai 1791 et, l’année suivante, on l’appela au conseil des terres des comtés d’Essex et de Kent, qui remplaça celui du district de Hesse.
La renommée de Robertson était telle qu’en mars 1790 sir John Johnson* le recommanda pour siéger aux conseils exécutif et législatif de la nouvelle province du Haut-Canada, alors en voie de création. Robertson fut nommé au premier conseil le 9 juillet 1792, et au second, trois jours plus tard. Bien que le lieutenant-gouverneur Simcoe estimât qu’il fût « une personne de très bonnes manières et de bon sens », il se demanda si Robertson pouvait accorder le temps nécessaire à ses nouvelles obligations. Quel qu’en soit le motif, Robertson avait démissionné de ces deux postes le 4 novembre.
Le prestige de Robertson reposa sur son succès en tant que marchand. Cependant, on connaît peu cet aspect de sa vie, particulièrement en ce qui a trait à sa principale préoccupation : le commerce des fourrures à partir de Detroit. Les liens de parenté jouèrent un rôle important dans l’établissement de ses relations d’affaires. Dès le début, Robertson fut lié au réseau Askin par la veuve de son frère Samuel, Catherine Askin. En 1785, celle-ci épousa Robert Hamilton, le plus important marchand de la région de Niagara, dont Robertson fut d’ailleurs le financier, le fournisseur, le protecteur et le client. En 1790, Robertson fut rejoint à Detroit par son jeune frère David. En juillet de cette année-là, ils s’associèrent avec James MacDonell, commis de Robertson depuis 1785. MacDonell se retira de l’association en septembre, et David en prit la direction pendant le séjour de son frère à Londres, de 1791 à 1795. En 1793, la Trésorerie britannique accorda à Alexander Davison le contrat d’approvisionnement des troupes des deux Canadas. À son tour, celui-ci nomma le marchand de Montréal John Gray* et la société de Québec Monro and Bell ses agents au Bas-Canada. Richard Cartwright, Hamilton, Askin et David Robertson reçurent un sous-contrat exclusif pour le ravitaillement des garnisons du Haut-Canada de 1793 à 1795, à la suite de fortes pressions faites à Londres par Robertson et Isaac Todd. Avant son retour en 1795, Robertson s’associa de nouveau avec Askin. Cette année-là, il mit un terme à son association avec son frère et créa deux nouvelles sociétés avec Askin et d’autres personnes à des fins de spéculation foncière. On lui confia le rôle de procureur pour le deuxième contrat, appelé Cuyahoga Purchase, mais il ne remplit guère longtemps cette fonction. À l’automne de 1795, il se rendit à Philadelphie et, à son retour, il s’installa à Montréal. Il y fut le mandataire d’Askin auprès des marchands locaux et continua d’exploiter sa propre entreprise. Ainsi, en 1797, il fournit 2 000 boisseaux de maïs à la garnison d’Amherstburg, dans le Haut-Canada. De plus, à cette époque, il possédait une source saline avec Askin. En mai 1801, Robertson était de retour à Detroit, probablement pour recouvrer le « grand nombre de dettes qui [lui] étaient dues de ce côté ».
En 1800, la mort de sa femme laissa Robertson « inconsolable » et, l’année suivante, celui-ci alla se fixer à Londres. Fuyant ses amis, il devint alcoolique et on entendit parler dans les deux Canadas de sa vie de « débauche continuelle ». Mais un de ses neveux démentit les rumeurs, les jugeant exagérées, et exprima l’espoir que la bonne influence de sa deuxième femme détournerait Robertson de son penchant pour l’alcool. Le mariage ne dura pas longtemps, car les époux se séparèrent en août 1803, Robertson invoquant comme raison « l’intolérable extravagance » de son épouse. Les ouï-dire continuèrent tout autant. Hamilton crut que Robertson « avait perdu toute pudeur [et que] sa conduite déshonorerait le dernier membre de la classe la plus inférieure de la société ». Todd fut même plus sévère, qualifiant Robertson « d’ivrogne invétéré et de canaille [...] d’infâme menteur et de vaurien ». Seul Askin conserva des sentiments charitables envers « un brave homme, amical et honnête », frappé de fièvre ou d’alcoolisme.
Avant de quitter Detroit, en 1791, Robertson avait aidé le ministre de l’Église d’Angleterre de l’endroit et avait servi, par ailleurs, comme officier de milice. Décrit par Peter Russell comme « un Écossais distingué, plein de bon sens », il fit preuve d’un esprit pénétrant, souvent en désaccord avec les opinions courantes de sa classe. Contrairement à la plupart des marchands, il appuya la division de l’ancienne province de Québec. Au cours de son séjour en Angleterre, au début des années 1790, il s’intéressa ardemment à la guerre contre la France révolutionnaire, s’affligeant « que pour le bien des uns et des autres, les hommes dussent s’entre-égorger [...] pour un esprit empreint d’humanité, la perspective d’un carnage [était] vraiment désolante ! » Il fut découragé par la scène d’une « Europe submergée de sang humain, déchirée jusque dans ses fondements, et dont tous les royaumes [étaient] sur le point de s’effondrer politiquement à cause de la conduite irréfléchie de rois, de prêtres, de ministres et de citoyens ». Ses amis réagirent à ses idées, à la fois choqués, pleins de reproches et même de menaces.
Vers la fin de sa vie, Robertson parla peu de sa carrière dans le Haut-Canada. Ses neveux y prirent la direction de ses affaires. Pressé peut-être par ses créanciers, il écrivait, à l’occasion, une lettre pour se plaindre de dettes en souffrance, et, de 1804 à 1806, il harcela Hamilton. Au moment de sa mort, Robertson était riche ; il laissa £500 à chacun de ses deux neveux et plaça en fiducie pour sa fille le reste de sa succession. En 1820, la valeur de ses propriétés foncières fut estimée à plus de £54 000.
Quelque chose de pathétique se dégage de la vie de William Robertson. Son esprit et son sens aigu et naturel des affaires le destinaient au succès. Son affabilité et la justesse de son jugement en firent un bon ami et un brave conseiller. Par sa sensibilité à fleur de peau, Robertson fut un être hors du commun : la mort d’une personne chère révéla sa tragique vulnérabilité et le plongea dans un désespoir dont il ne se remit jamais.
AO, MS 75, Russell à Elizabeth Russell, 9 févr. 1792 ; MS 536, Archange Meredith à Mme Askin, 5 juill., 1er août 1803 ; David Meredith à John Askin, 29 avril 1804 ; Archange Meredith à Askin, 13 avril 1805.— APC, RG 1, L3, 422 : R1/19 ; RG 8, 1 (C sér.), 115B : 259, 352.— DPL, Burton Hist. Coll., ms index, file no 95, David, Samuel, and William Robertson, biog. notes, M. M. Quaife, compil. ; William Robertson papers.— UWO, William Robertson papers, docs. 42, 45, 50–51, 55, 61, 67, 83, 87, 101n.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank), 1 : 10s., 47, 121, 253, 300n. ; 4 : 99n., 211n. ; 5 : 163, 173s.— John Askin papers (Quaife), 1 : 208n. ; 2 : 64n., 297, 392.— Mich. Pioneer Coll., 11 (1887) : 627–650, 655s.— Armstrong, Handbook of Upper Canadian chronology, 13, 33.— Burt, Old prov. of Quebec (1968), 2 : 110.— W. R. Riddell, Michigan under British rule : law and law courts, 1760–1796 (Lansing, Mich., 1926), 52–57.
Daniel James Brock, « ROBERTSON, WILLIAM (mort en 1806) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/robertson_william_1806_5F.html.
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Auteur de l'article: | Daniel James Brock |
Titre de l'article: | ROBERTSON, WILLIAM (mort en 1806) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 5 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1983 |
Année de la révision: | 1983 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |