Lien

Provenance : Lien

QUERTIER, ÉDOUARD, prêtre catholique, fondateur de la Société de tempérance, né à Saint-Denis-sur-Richelieu le 5 septembre 1796, deuxième des 17 enfants de Hélier Quertier, sacristain, et de Marie-Anne Ariail, décédé à Saint-Denis-de-Kamouraska le 17 juillet 1872.

Édouard Quertier fait ses études au séminaire de Nicolet de 1809 à 1815, et il est au dire de l’abbé Paul-Loup Archambault « le plus fort de sa classe ». En 1815, il s’inscrit en théologie au grand séminaire de Québec, institution qu’il quitte trois ans plus tard. On le retrouve en 1820 à Sainte-Marie-de-la-Nouvelle-Beauce où il travaille comme précepteur. Il opte ensuite pour le droit et entre en 1822 dans l’étude de maître Charles Panet à Québec. Deux ans plus tard, le dénuement le force à abandonner sa cléricature. Il demande à nouveau d’entrer dans la vie ecclésiastique. Mgr Joseph-Octave Plessis* décide de ne l’admettre qu’après deux ans de réflexion, délai au cours duquel le jeune homme dirige l’école de fabrique de Saint-Antoine de la Rivière-du-Loup (Louiseville). Enfin, au seuil de sa trente-troisième année, Édouard Quertier est ordonné prêtre à Québec le 9 août 1829, par Mgr Bernard-Claude Panet*.

« Carrure d’athlète ; visage rude ; traits courts et saillants ; œil impérieux ; lèvres sévères ; chevelure débordant sous la calotte noire », l’abbé Quertier est un homme remarquable. Après 26 mois de vicariat, le voilà nommé, en octobre 1831, premier curé résident de Saint-Antoine, dans l’île aux Grues (comté de Montmagny). « Charmant petit séjour, écrira Quertier. Une vieille masure pour logement et qui, réparée à demi deux fois en trois ans, ne m’a donné que le trouble de me renfermer dans le grenier de ma petite sacristie. Si je n’ai pu bâtir un presbytère, on sait qui, alors, est venu sur mes entreprises et que, pour la paix, j’ai cédé et laissé la place. » Le curé est en conflit avec l’abbé Charles-François Painchaud*, propriétaire de l’emplacement où l’église paroissiale et le presbytère sont bâtis, qui maintient âprement ses droits. « Tout le mal [...] retombe sur [Painchaud] le grand bienfaiteur de l’Isle », écrit Quertier à Charles-Félix Cazeau*.

Au printemps de 1833, l’abbé Quertier parcourt les missions de Mingan (comté de Saguenay) et revient dans son île pour y demeurer, en maugréant, jusqu’en 1834, alors que, cédant à ses plaintes, Mgr Joseph Signay* le nomme curé de Saint-Georges de Cacouna. Y sera-t-il « l’ange de paix et le nœud de réconciliation » que souhaite son évêque ? À cette époque, le pouvoir civil et le pouvoir ecclésiastique sont en perpétuels conflits. Le « bill des notables », qui devait modifier la composition des assemblées de fabrique, avait été présenté à la chambre d’Assemblée lors de la session de 1831 et renvoyé par le conseil ; il avait dressé l’État contre l’Église, au moins dans l’opinion publique, par le retentissement qu’il avait eu. Quertier était averti qu’à Cacouna il serait pris entre deux groupes opposés : l’un favorable à la construction au village même d’une église destinée à remplacer la vieille chapelle, l’autre, à la construction dans les concessions de cette nouvelle église. « Il ne s’agit que d’adoucir et de gagner le parti des gens éloignés de la place fixée [...] si difficile à changer, surtout quand on procède légalement. » Quertier répondra en partie aux vues de son évêque : un presbytère neuf dans le village et la chapelle réparée seront à son actif après sept années de cure.

Dès 1835, alors qu’il assure Mgr Signay que « la paix est faite et presque solidement établie », le prêtre demande son rappel. Périodiquement, en des pages d’amères revendications, d’insinuations gouailleuses, le fécond épistolier renouvelle ses instances. Enfin, en 1841, il reçoit une réponse, mais à son désavantage. Pour la deuxième fois, en 12 ans de sacerdoce, l’abbé Quertier est appelé, en septembre 1841, à fonder une nouvelle paroisse, celle de Saint-Denis-de-Kamouraska. « Comment ai-je pris ce rocher aride ? [...] À mon arrivée [au mois d’octobre], pas même un morceau de plancher pour recevoir un lit ou une table. Il fallut descendre le coteau et louer une petite maison, plutôt cabane. N’importe ! J’y attendis que mon logement fut passable. »

C’est pourtant à partir de ce coin isolé que la renommée de Quertier va s’étendre. À Saint-Denis, il accomplira l’œuvre maîtresse de sa carrière, la fondation de la Société de tempérance, dite de la croix noire. Depuis 1839, d’éminents prédicateurs, dont Mgr Charles-Auguste-Marie-Joseph de Forbin-Janson* et Charles-Paschal-Télesphore Chiniquy*, s’élevaient contre le fléau de l’alcoolisme. Mais c’est à Quertier que revient le mérite d’avoir, en 1842, rédigé les statuts de la société, formulé les serments de ses nouveaux croisés et donné, comme symbole, une croix noire et nue. L’année suivante, Quertier peut écrire : « La tempérance règne partout. Chaque maison est ornée d’une croix bénie, souvenir de nos engagements. » En 1844, même heureuse constatation : « Tout est paisible ici. Je ne puis qu’attribuer à notre société de la croix notre vraie tranquillité, au milieu des discordes de nos voisins [...]. Cette croix bénie [...] doit parler de son grand langage. »

À partir de 1847, l’abbé Alexis Mailloux seconde Quertier. Il sera considéré comme son collaborateur le plus puissant, voire son maître. Petit à petit, sous l’action de Quertier, la prédication de la tempérance totale s’étend bien au-delà des limites de Saint-Denis et même du diocèse de Québec. La prestigieuse éloquence de Quertier l’a rendu célèbre : en chaire, il devenait tour à tour « l’homme de feu », le tribun fougueux, le prédicateur suave ou le catéchiste érudit : « Il se trouve souvent plus de monde au catéchisme qu’à la messe [...]. L’église est assez foulée qu’on a peine à passer », constate le pasteur. La foi populaire attribuait à la croix noire une vertu prodigieuse et le chapelet Quertier aurait éteint des incendies et guéri des malades.

Alors qu’on vénère encore la mémoire du prêtre, l’histoire se doit d’admettre qu’en lui l’homme était difficile : instable et toujours geignant, de caractère violent, d’une humeur processive envers les curés voisins, d’un jugement contestable à l’égard des politiciens de l’époque. Quertier s’attira maints coups de crosse des chefs du diocèse et fit la vie dure à certains de ses contemporains, dont le seigneur de La Bouteillerie, Pierre-Thomas Casgrain, le député Pierre Canac, dit Marquis, et le marchand, Jean-Charles Chapais (père).

Après 15 ans de ministère curial à Saint-Denis, l’abbé Quertier, « vieux [et] cassé », obtient sa retraite, qui s’écoulera dans la quiétude et la sérénité. Sous ses cheveux blancs, la violence de l’homme s’atténue sans que déclinent la foi et le zèle du prêtre. Il meurt à Saint-Denis et est inhumé sous le sanctuaire de l’église. Sa statue domine aujourd’hui la colline dénudée qu’il gravissait il y a plus de 100 ans.

Julienne Barnard

AAQ, Cahier Signay, p. 196 ; Séminaire de Nicolet, I : 217, 238 ; Registres des lettres des évêques de Québec, 15, f.295 ; 16, f.260 ; 19, f.252.— AJQ, Greffe d’Étienne Boudreault, 9 sept. 1822.— Archives de l’évêché de Sainte-Anne (La Pocatière, Qué.), Isle-aux-Grues, I : 10 ; Saint-Denis, I : 66, 71, 82, 100.— Archives paroissiales de Saint-Denis (comté de Kamouraska, Qué.), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 1872.— Archives paroissiales de Saint-Denis (comté de Saint-Hyacinthe, Qué.), Registre des baptêmes, mariages et sépultures, 1872.— Inventaire de la correspondance de Mgr Bernard-Claude Panet, archevêque de Québec, Ivanhoë Caron, édit., RAPQ, 1934–1935, 350.— J.-B.-A. Allaire, Histoire de la paroisse de Saint-Denis-sur-Richelieu (Canada) (Saint-Hyacinthe, 1905), 256.— Julienne Barnard, Mémoires Chapais ; documentation, correspondance, souvenirs (4 vol., Montréal et Paris, 1961–1964), I : 191–237 ; II : 17–22, 36–39, 60, 191s., 321–324, 346–349.— N.-E. Dionne, Vie de C.-F Painchaud ; prêtre, curé, fondateur du collège Sainte-Anne de la Pocatière (Québec, 1894), 399–404.— J.-A.-I. Douville, Histoire du collège-séminaire de Nicolet, 1803–1903, avec les listes complètes des directeurs, professeurs et élèves de l’institution (2 vol., Montréal, 1903).— Inauguration du monument Quertier ; quatrième croisade de tempérance (Québec, Kamouraska, 1925).

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Julienne Barnard, « QUERTIER, ÉDOUARD », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 16 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/quertier_edouard_10F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/quertier_edouard_10F.html
Auteur de l'article:    Julienne Barnard
Titre de l'article:    QUERTIER, ÉDOUARD
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 10
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1972
Année de la révision:    1972
Date de consultation:    16 nov. 2024