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PEEL, PAUL, peintre, né le 7 novembre 1860 à London, Haut-Canada, fils de John Robert Peel et d’Amelia Margaret Hall ; le 16 janvier 1886, il épousa à Willesden (Londres) Isaure Fanchette Verdier, et ils eurent un fils et une fille ; décédé le 3 octobre 1892 à Paris.
Au début des années 1850, les parents de Paul Peel, tous deux originaires d’Angleterre, s’établirent à London, dans le Haut-Canada, où son père se fit vite connaître comme sculpteur sur pierre et professeur de dessin. Les huit enfants des Peel s’épanouirent dans un milieu familial attentif et artistique ; Paul et sa sœur Mildred se montrèrent particulièrement réceptifs aux enseignements de leur père. En 1875, Paul devint l’élève de William Lees Judson, paysagiste et portraitiste d’origine anglaise qui lui enseigna les rudiments du style alors en vogue, l’académisme, et l’encouragea à peindre en extérieur. La Western Fair de London couronna en septembre 1876 l’une des œuvres que réalisa Paul au cours de ses deux années d’apprentissage auprès de Judson.
Admis l’été suivant à la Pennsylvania Academy of Fine Arts, à Philadelphie, Peel eut pour maîtres Christian Schussele et Thomas Eakins, plus progressiste. Outre le dessin d’après gravures, plâtres et modèles vivants, la formation comprenait des cours de portrait, de nature morte, de perspective et d’anatomie. Eakins donna au jeune Peel le goût d’explorer le monde visuel jusque dans ses moindres détails et de le rendre avec précision en employant une technique nouvelle, directe : le « dessin » sans ébauche à l’aide d’un pinceau et de pigments de couleur. En avril 1880, Peel était de retour chez lui, grandement enrichi.
Peel remporta trois prix à la Western Fair de 1880 et réalisa plusieurs ventes : sa réputation locale grandissait, même si ses toiles – surtout des scènes de genre et des paysages – étaient encore guindées et hésitantes. Élu membre de l’Ontario Society of Artists [V. John Arthur Fraser] au début d’octobre, il était en route pour l’Europe dès la fin du mois ; peut-être s’arrêta-t-il à Londres pour suivre des cours à la Royal Academy of Arts. Pendant la douzaine d’années qui suivirent, il séjourna souvent à Paris, foyer de grandes écoles d’art et de multiples expositions, ce qui le classe, avec William Brymner*, George Agnew Reid* et Robert Harris*, parmi la deuxième vague d’artistes canadiens qui étudièrent et travaillèrent en France.
Peel passa le printemps et l’été de 1881 au village breton de Pont-Aven, particulièrement goûté des Américains en raison de son décor pittoresque et du mode de vie traditionnel de ses habitants. Dès juin, il avait déjà envoyé quatre toiles d’inspiration bretonne à son père, qui les présenta à la deuxième exposition annuelle de l’Académie royale canadienne des arts [V. Lucius Richard O’Brien ; John Douglas Sutherland Campbell*], tenue à Halifax, et à l’Exposition industrielle de Toronto. À l’automne, installé à Paris, près du quartier bohème de Montparnasse, Peel se mit à travailler à la première de ses nombreuses grandes scènes de genre, The spinner. Le réalisme de cette toile, composée avec soin mais exécutée d’une main sûre, marque une étape importante dans sa démarche. En avril 1882, l’Académie royale canadienne des arts l’exposa à Montréal ; non seulement accrut-elle la renommée du jeune peintre au pays, mais elle contribua à le faire élire, ce même mois, membre associé de l’académie. Toujours en avril, à Paris, Peel commença à étudier auprès de Léon Gérôme, l’un des principaux représentants du style académique, à son atelier de l’École des beaux-arts. Ce n’était d’ailleurs pas une coïncidence, car Gérôme avait enseigné à Eakins, que Peel avait eu comme professeur à Philadelphie. Cependant, contrairement à la tradition, il ne fut jamais officiellement inscrit à cette école. Fait remarquable pour un peintre de 22 ans, on accepta au Salon de la Société des artistes français en 1883 la Première Notion, grande toile sur le thème de la mère et l’enfant.
Peel passa l’été et l’automne de cette année-là à London, où il acheva plusieurs portraits et paysages, dont le très réussi Covent Garden Market, London, Ontario. Il participa à l’Exposition industrielle, ainsi qu’à la Western Fair, où il remporta sept premiers prix. Le 13 décembre, Mildred et lui s’embarquèrent pour Paris. Ils passèrent l’été suivant à Pont-Aven où, sous l’influence de Jules Bastien-Lepage, partisan du « juste milieu », compromis entre l’académisme et l’impressionnisme, il commença à élargir sa manière et à aviver sa palette. À Pont-Aven, Peel fit aussi la connaissance d’Isaure Fanchette Verdier, peintre d’origine danoise qu’il épousa le 16 janvier 1886. Au printemps, ils rendirent visite à la famille d’Isaure à Copenhague où, l’année suivante, la belle-mère de Peel vendit une toile peinte en 1886, Two friends, à la princesse de Galles, Alexandra, alors en visite dans sa ville natale. Après s’être rendu à Londres en mai 1886 pour la Colonial and Indian Exhibition, où sept des œuvres de Peel étaient exposées, le couple rentra à Paris. Leur premier enfant, Robert André, naquit dans cette ville le 22 octobre. Émilie Marguerite allait voir le jour le 15 novembre 1888.
Peel exposa un pastel aux Salons de 1887 et de 1888 (ces deux œuvres sont perdues) et poursuivit son apprentissage. En 1887, il entama quatre années d’études auprès de Benjamin Constant, qui influença son intérêt naissant pour les sujets exotiques. Constant devint professeur à l’Académie Julian à l’automne de 1888, et Peel l’y suivit avec un nouvel ami canadien, fraîchement débarqué, George Agnew Reid. Ils y trouvèrent un large cercle amical de jeunes artistes qui comprenait plusieurs autres Canadiens. Les œuvres que Peel réalisa en 1888 et 1889, surtout ses nus, sujet nouveau pour lui, montrent une assurance et un raffinement qui jusque-là ne s’étaient pas encore faits jour. Ses pièces du Salon de 1889, The Venetian bather et The modest model (qui remporta une mention honorable), sont conçues de façon attrayante et exécutées avec talent ; le modelé du corps humain y est particulièrement réussi.
Des œuvres de Peel figurèrent aussi dans des expositions canadiennes tenues en 1889 : celles de l’Académie royale canadienne des arts à Ottawa, de l’Association des beaux-arts de Montréal, de l’Ontario Society of Artists à Toronto, et l’Exposition industrielle. Qu’il ait été élu membre à part entière de l’Académie royale canadienne des arts le 26 avril 1890 atteste de sa renommée croissante au pays. Cependant, son plus grand titre de gloire fut la médaille de troisième classe qu’il reçut cette année-là au Salon des artistes français pour une toile remarquable, After the bath. Comme plusieurs de ses œuvres, elle était inspirée d’une photographie composée avec soin, technique recommandée par Gérôme mais dont on n’a pas encore mesuré tout l’effet dans l’œuvre de Peel. En partie à cause de critiques favorables, qui ne se firent pas attendre, plusieurs collectionneurs, dont l’actrice Sarah Bernhardt, s’intéressèrent à cette grande toile. Finalement, c’est le gouvernement de la Hongrie qui l’acquit en 1891 ; elle se trouve aujourd’hui au Musée des beaux-arts de l’Ontario.
En juillet 1890, Peel vint au Canada pour voir sa mère, mourante. Il fit dans le sud de l’Ontario et à Québec quelques lumineux croquis à l’huile à la manière des impressionnistes et organisa lui-même, vers la fin de septembre, une exposition de 32 de ses œuvres au Tecumseh House Hotel de London. Fait plus important, à la mi-octobre, il vendit aux enchères à Toronto 57 œuvres qui lui rapportèrent au total 2 746 $. Même si, dans l’ensemble, ses contemporains ont jugé que ses toiles s’étaient vendues à moins que leur valeur réelle, les experts se demandent encore aujourd’hui si cette somme constituait une rémunération convenable pour son travail. Aucun commentaire de l’artiste ne subsiste à ce propos. En novembre, il s’embarqua pour la France.
Durant les deux années suivantes, Peel perfectionna son art et vit sa réputation s’affermir. Il passa ses étés au Danemark avec sa famille et continua d’exposer au Salon (la Jeunesse en 1891 et les Jumelles en 1892) ainsi qu’à Toronto. À la fin de septembre 1892, à Paris, il tomba brusquement malade et mourut le 3 octobre, peut-être de l’influenza.
Paul Peel a laissé une œuvre abondante, mais il mourut au moment même où son talent était sur le point d’atteindre sa pleine maturité. Parfois un peu inégal, chose courante chez les jeunes peintres, il était peut-être, à cause de sa créativité, le peintre canadien le mieux connu en Europe à l’époque. Ses fréquentes démonstrations de virtuosité technique, surtout dans la représentation du corps humain, de même que son adhésion aux principes conservateurs du « juste milieu » et sa fascination pour les scènes domestiques de femmes et d’enfants – toujours touchantes, quelquefois érotiques – reflètent parfaitement les valeurs bourgeoises européennes du xixe siècle et les préoccupations artistiques de la plupart de ses contemporains. La grande popularité dont Peel jouit aujourd’hui au Canada repose sur quelques toiles de ce genre. Malgré leur sentimentalité, elles émeuvent toujours.
On trouve des œuvres de Paul Peel dans de nombreuses collections publiques, notamment au Musée des beaux-arts du Canada (Ottawa), au Musée des beaux-arts de l’Ontario (Toronto), et à la London Regional Art Gallery (London, Ontario).
L’auteur rend hommage à Victoria Baker pour son catalogue d’exposition, Paul Peel : a retrospective, 1860 1892 (London, 1986), la publication la plus complète sur Peel jusqu’à maintenant. Malgré le détail de l’information factuelle et les illustrations qu’il contient, le catalogue ne parvient pas à définir adéquatement les contextes artistiques et sociaux nord-américains et européens où s’inscrit la carrière de Peel, et donc, à interpréter pleinement son œuvre. Les ouvrages d’Aleksa Ćelebonović, The heyday of Salon painting : masterpieces of bourgeois realism (Londres, 1974), de H. B. Weinberg, The American pupils of Jean Léon Gérôme (Fort Worth, Tex., 1984), et de Bram Dijkstra, Idols of perversity : fantasies of feminine evil in fin-de-siècle culture (New York, 1986), sont trois publications qui ajoutent de l’information dans ce domaine. [d. w.]
A.-P.-M. Dayot, le Salon de 1890 (Paris, 1890), 38.— Le Figaro (Paris), 30 avril 1890.— Globe, 3 nov. 1892.— London Free Press, 12 oct. 1892.— Times (Londres), 28 oct. 1892.— Albert Boime, The academy and French painting in the nineteenth century (Londres, 1971).— David Sellin, Americans in Brittany and Normandy, 1860–1910 (Phoenix, Ariz., 1982).— David Wistow, « 19th century Paris and the Canadian artist », Canadians in Paris, 1867–1914 ([Toronto], 1979), 4–11.
David Wistow, « PEEL, PAUL », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/peel_paul_12F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/peel_paul_12F.html |
Auteur de l'article: | David Wistow |
Titre de l'article: | PEEL, PAUL |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 12 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1990 |
Année de la révision: | 1990 |
Date de consultation: | 20 déc. 2024 |