Durant la guerre d’Indépendance américaine, Elijah Miles (1753–1831) fut capitaine dans la brigade de De Lancey. En 1783, avec d’autres loyalistes, il émigra dans le futur Nouveau-Brunswick, où il se retrouva mêlé à des disputes sur ce qu’il considérait comme les droits de l’Église d’Angleterre. En 1802, il se porta candidat à des élections qui menèrent à des accusations, à des contre-accusations et, selon ses affirmations, à une agression. À la chambre d’Assemblée, il appuya le gouvernement. Il agit également en qualité de juge, pratiqua l’agriculture avec succès, probablement en partie grâce au travail d’esclaves, et on le considérait comme l’un des gentlemen pragmatiques des loyalistes américains.

MILES, ELIJAH, marchand, fermier, officier dans l’armée et dans la milice, homme politique, juge de paix et juge, né le 16 janvier 1753 à New Milford, Connecticut, fils de Justus Miles et de Hannah Olmstead ; en 1779, il épousa Frances Cornwell, de Hempstead, New York, et ils eurent huit enfants, puis le 3 août 1800 Elizabeth Harding, de Maugerville, Nouveau-Brunswick, et de ce mariage naquirent deux fils ; décédé le 26 mai 1831 à Maugerville.

Elijah Miles fit ses études à l’école publique de New Milford. Lorsque la guerre d’Indépendance américaine éclata, il cultivait la terre à cet endroit. On ne sait pas à quel moment il se fit soldat, mais il était capitaine dans le 3e bataillon de la brigade de De Lancey en 1776. À la réorganisation de cette unité loyaliste en 1781, le bataillon de Miles devint le 2e bataillon. Le frère aîné de Miles, Samuel, échappa au service dans les rangs des rebelles, d’abord en se tenant à l’écart, puis en payant quelqu’un pour prendre sa place, avant de s’enfuir dans l’île Long en 1776. À la fin de la guerre, les deux frères se rendirent dans la future colonie du Nouveau-Brunswick, en 1783, avec d’anciens militaires des troupes provinciales et des réfugiés loyalistes.

Samuel Miles devait se fixer à Saint-Jean, où il s’établit comme marchand et où il fut, plus tard, échevin. Elijah, pour sa part, s’installa à l’intérieur des terres et devint commerçant et fermier. En tant que membre du 2 e bataillon de la brigade de De Lancey, Elijah reçut une terre située en face de Woodstock, tellement dans le haut de la rivière Saint-Jean que, comme la plupart des officiers et des soldats de l’unité, il n’exploita pas cette concession. Au lieu de cela, il acquit des terres, par concession et par achat, à Maugerville, près de Fredericton. Il s’agissait d’un vieil établissement dont les fondateurs, des congrégationalistes du Massachusetts, avaient pris le parti des Américains durant la guerre et n’appréciaient pas l’intrusion des loyalistes [V. Israel Perley*]. Au moment où fut créée une congrégation de l’Église d’Angleterre, en septembre 1784, Elijah Miles devint membre du conseil paroissial. Il fut l’un de ceux qui, dans leur ardeur à défendre et à promouvoir ce qu’ils considéraient comme les droits d’une Église établie, contribuèrent à attiser les tensions politiques et sociales au sein de la communauté. Les passions se déchaînèrent avec une violence particulière au cours d’une querelle qui surgit, en 1793, entre les anglicans et les non-conformistes au sujet du droit de propriété sur le temple du village avoisinant de Sheffield. Le ministre non conformiste de l’endroit avait adhéré à l’Église d’Angleterre et s’était approprié le presbytère qui faisait partie du temple [V. David Burpe*]. La circonscription de Sunbury comptait suffisamment de non-anglicans pour que l’un de ses deux députés à la chambre d’Assemblée appartienne à ce groupe. En 1789, un modèle de division de l’ensemble des députés fut instauré avec l’élection de l’immigrant écossais radical James Glenie*, qui était presbytérien, tandis que l’autre député à cette époque était un anglican loyaliste, William Hubbard. En 1795, les électeurs choisirent Glenie et Samuel Denny Street, anglican mais ardent critique du gouvernement.

De 1793 à 1802, Miles servit en tant que capitaine dans le King’s New Brunswick Régiment. Cette unité avait été recrutée pour la défense de la colonie après que la Grande-Bretagne eut retiré ses troupes régulières par suite de son entrée en guerre avec la France. En 1802, Miles et William Hubbard se présentèrent comme candidats du gouvernement lors des élections générales les plus âprement disputées de toutes celles qui avaient été tenues dans la jeune colonie. Glenie, dans le discours qu’il prononça devant les électeurs à l’ouverture du scrutin, compara le despotisme du lieutenant-gouverneur Thomas Carleton* au Nouveau-Brunswick à celui d’Henri VIII en Angleterre. Lors du scrutin, Glenie et Street recueillirent le plus grand nombre de voix, mais le shérif Gabriel De Veber déclara Glenie et Miles élus après avoir trouvé, en faisant une vérification, qu’un certain nombre d’électeurs n’avaient pas le droit de vote. Les partisans de Street en appelèrent à la nouvelle chambre d’Assemblée, où une majorité de députés qui appuyait inconditionnellement le gouvernement ne trouva aucune irrégularité dans la conduite du shérif. À la suite des élections, une querelle empreinte de rancœur éclata entre les groupes rivaux ; des accusations et des contre-accusations furent soulevées devant les tribunaux, dont une portée par Miles selon laquelle « Samuel D. Street, le 8 octobre 1802, dans le palais de justice de Burton, l’[a] attaqu[é] et frapp[é] avec un gros bâton ou une grosse quenouille – en même temps, [qu’]il utilis[ait] des termes très injurieux ».

Aux élections suivantes, en 1809, Street et James Taylor remportèrent la victoire, mais dès 1816, Miles qui avait consolidé sa situation dans la circonscription arriva au premier rang lors du scrutin, avec l’appui de 115 des 207 électeurs. Il fut réélu en 1819 et 1820, au cours d’élections où aucun autre candidat anglican ne se présenta. Certaines des vieilles animosités de sectes s’estompaient. En 1816, les électeurs choisirent comme second député William Wilmot, prédicateur laïc baptiste issu d’une famille loyaliste américaine. Ce choix reflétait le succès remporté par cette secte qui aurait réussi à faire des conversions dans tous les groupes de la population. Environ la moitié des partisans de Wilmot votèrent aussi pour Miles, mais rien ne prouve que celui-ci avait un attrait particulier pour cette secte, dont ses deux plus jeunes fils, Frederick William* et George, allaient plus tard devenir des membres importants. Il vota en 1821 contre un projet de loi soutenu par les baptistes qui visait à « autoriser tous les ministres de l’Évangile ayant le droit de prêcher, à célébrer les mariages ». Puis, en 1824, il appuya l’exclusion de Wilmot de l’Assemblée, exclusion basée sur le fait que, comme prédicateur laïc, Wilmot était inéligible en vertu de la loi interdisant l’élection de membres du clergé et de personnes qui dispensaient un enseignement religieux. Il vota également contre une motion qui visait à faire effectuer des recherches pour établir s’il y avait des précédents favorables à Wilmot ; cette motion fut rejetée par une voix de majorité.

À la chambre d’Assemblée, Miles appuya invariablement le gouvernement, tant et si bien qu’en 1819 il vota, avec trois autres députés seulement, pour une résolution soutenant le point de vue du lieutenant-gouverneur George Stracey Smyth, qui prétendait que la chambre ne devrait pas contester une taxe d’un shilling par tonne imposée sur le bois de pin coupé sur les terres de la couronne. Il fut l’un des juges de paix les plus actifs du comté de Sunbury : il remplit diverses tâches administratives, siégea à titre de commissaire d’une grammar school et s’acquitta de responsabilités judiciaires en tant que juge de la Cour inférieure des plaids communs. Pendant de nombreuses années, il commanda aussi le bataillon de Sunbury de la milice provinciale, où il avait le grade de lieutenant-colonel.

En plus d’être un commerçant, Miles se révéla un fermier et un propriétaire foncier prospère. Il est probable qu’il compta en partie sur le travail d’esclaves. Selon un article ancien, le premier sacristain de l’église anglicane de Maugerville était l’esclave noir de Miles, et George Harding, son beau-père, légua ses esclaves et ses domestiques à Elizabeth, seconde femme de Miles. En 1798, celui-ci poursuivit en justice un Noir, John Windson, pour vol avec effraction, méfait qui constituait alors un crime capital. Le jury acquitta l’accusé, mais la cour ordonna que Miles prenne £2 et 15 shillings de l’argent que Windson avait en sa possession, car elle était persuadée que cette somme appartenait à Miles, et elle garda la livre qui restait pour payer une partie des frais de la poursuite.

Elijah Miles semble avoir eu la réputation d’être un homme d’honneur et un homme intègre. Il incarne les qualités que les admirateurs des loyalistes américains considéreront comme typiques des jeunes gens qui n’appartenaient pas à l’élite bureaucratique, mais qui soutenaient fermement les principes d’une Église établie et d’un pouvoir exécutif fort. Miles était un de ces loyalistes américains qualifiés de gentlemen pratiques qui, comme le notait un voyageur de l’époque, Patrick Campbell, « sont tous des hommes formés soit pour le droit, soit pour quelque commerce ou industrie, ou pour l’agriculture, [occupations] auxquelles ils se consacrèrent chacun de leur côté en arrivant dans ce pays [... où] ils réussissent en général très bien ».

D. Murray Young

APNB, MC 1, Miles file, genealogical chant ; E. C. Wright, « Miles : pioneer families of New Brunswick » (coupures de journaux, sans référence ni date) ; MC 211, MS4/5/13 ; MC 1156 ; RG 18, RS157, J2/1.— EEC, Diocese of Fredericton Arch., Maugerville Parish Church (Maugerville, N.-B.), vestry books (mfm aux APNB).— Musée du N.-B., Harding papers, folder 2 ; folder 3, item 2.— P. Campbell, Travels in North America (Langton et Ganong).— N.-B., House of Assembly, Journal, 1803–1827.— Royal Gazette (Fredericton), 1er juin 1831.— APNB, « A new calendar of the papers of the House of Assembly of New Brunswick », R. P. Nason et al., compil. (3 vol., copie dactylographiée, Fredericton, 1975–1977).— G.-B., WO, Army list, 1783.— I. L. Hill, Some loyalists and others (Fredericton, 1976).— Beckwith Maxwell, Hist. of central N.B.— I. E. Bill, Fifty years with the Baptist ministers and churches of the Maritime provinces of Canada (Saint-Jean, N.-B., 1880).— Hannay, Hist. of N.B.— Lawrence, Judges of N.B. (Stockton et Raymond).— MacNutt, New Brunswick.Maugerville, 1763–1963, I. L. Hill, compil. (Fredericton, 1963).— W. D. Moore, « Sunbury County, 1760–1830 » (thèse de m.a., Univ. of N.B., Fredericton, 1977).— R. W. Colston, « Maugerville », Weekly Herald (Fredericton), 17 sept. 1898 ; « Old Sunbury [...] », St. John Daily Sun (Saint-Jean), 9 sept. 1898 : 6–7.

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D. Murray Young, « MILES, ELIJAH », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/miles_elijah_6F.html.

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Auteur de l'article:    D. Murray Young
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
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