MEIGHEN, ROBERT, homme d’affaires, né le 18 avril 1837 à Dungiven (Irlande du Nord), fils de Robert Meighen et de Mary Osborne McLenaghan ; le 28 juillet 1868, il épousa à Montréal Elsie Stephen (décédée en 1917), et ils eurent trois enfants ; décédé dans cette ville le 13 juillet 1911.

Robert Meighen vint en Amérique du Nord britannique avec sa mère après la mort de son père, survenue en janvier 1838. Mme Meighen rejoignit son frère Charles McLenaghan le 9 septembre 1839 à la ferme de celui-ci près de Perth, dans le Haut-Canada. Après avoir fréquenté l’école locale, Robert s’installa à Perth, où son frère aîné Arthur avait ouvert une épicerie en 1848. Employé au magasin dès l’âge de 14 ans, il s’associa en 1867 à l’Arthur Meighen and Brothers, qui deviendrait la plus grosse maison de commerce du comté de Lanark.

En 1868, Robert Meighen épousa Elsie Stephen, la plus jeune sœur de George Stephen*, un des magnats de l’industrie montréalaise du textile. Tout au long de sa carrière, il resterait très lié à son beau-frère. Pendant un temps, il continua de travailler dans l’entreprise familiale, mais, en 1882, il s’établit à Montréal afin de participer à l’administration de l’empire commercial de Stephen, qui ne cessait de croître. Le 10 avril 1909 seulement, il donnerait la part qu’il avait conservée dans l’entreprise de Perth à son frère survivant, William, et à ses neveux William et Robert.

En 1882, Meighen commença de participer aux activités de la Compagnie du chemin de fer d’Ontario et Québec, dont la charte, obtenue en 1871, avait été remise en vigueur en 1881. Au nom du groupe dirigé par Stephen, il négocia un droit de passage afin que le chemin de fer canadien du Pacifique puisse construire une ligne entre Perth et le Credit Valley Railway, au nord-ouest de Toronto, et avoir ainsi une liaison entre Montréal, Ottawa et Toronto. En 1884, Meighen succéda à Stephen à la présidence de la New Brunswick Railway Company. Stephen et son groupe s’étaient portés acquéreurs de cette société en 1880 afin que le chemin de fer canadien du Pacifique ait une ligne et un terminus dans l’Est [V. Alexander Gibson]. Meighen s’intéressa aussi à la Portage Milling Company de Portage-la-Prairie, au Manitoba. En 1889, il devint président et administrateur délégué de la Lake of the Woods Milling Company Limited. Des membres du groupe de Stephen avaient mis cette entreprise sur pied le 21 mai 1887 afin de profiter de l’accroissement de la production céréalière dans l’Ouest et d’accroître le trafic sur leur chemin de fer. Le siège social de la compagnie était à Montréal et ses installations à Keewatin (Ontario), sur le tronçon principal du chemin de fer canadien du Pacifique et à proximité d’une source d’énergie hydraulique. La Lake of the Woods Milling Company établit à cet endroit l’un des plus grands complexes industriels de l’Ontario. La construction de sa première minoterie, qui avait une capacité de 140 000 boisseaux et produisait 800 barils par jour, fut terminée en 1888. Réalisée sous la supervision du vice-président John Mather*, elle coûta plus de 300 000 $. L’entreprise vendait sa farine sous le nom de Five Roses, qui deviendrait l’une des marques les plus connues au monde.

Pour faire face à l’augmentation de la demande et à l’intensification de la concurrence de sa principale rivale, l’Ogilvie Milling Company (future Ogilvie Flour Mills Company Limited) [V. William Watson Ogilvie*], la Lake of the Woods Milling Company prit beaucoup d’expansion dans les années 1890 à 1910. Elle acquit la Portage Milling Company, construisit des élévateurs à grain au Manitoba et en Saskatchewan et se dota de moulins à Winnipeg, à Montréal et à Saint-Jean au Nouveau-Brunswick. Dès 1907, elle comptait 75 élévateurs à grain dans l’Ouest canadien. Elle possédait aussi, à Keewatin, une usine qui fabriquait 1 200 barils par jour. Meighen profita de l’expansion de l’entreprise. En 1886, il estimait à 87 750 $ la valeur nette de ses biens, dont la plus grande partie était encore investie dans l’Arthur Meighen and Brothers. En 1889, il touchait un salaire annuel de 5 000 $ de la Lake of the Woods Milling Company et la valeur nette de ses biens atteignait 121 500 $.

En 1902, le capital-actions de la Lake of the Woods fut fixé à 500 000 $, soit 5 000 actions d’une valeur de 100 $ chacune. Son principal actionnaire était Meighen, qui détenait 1 350 actions, et le deuxième lord Strathcona [Smith], qui en détenait 1 000. Le bénéfice annuel de l’entreprise pouvait atteindre 400 000 $ et ses dividendes, 20 %. En 1902, deux Montréalais, le promoteur boursier David Russell et l’avocat James Naismith Greenshields*, achetèrent la compagnie au prix de 2 800 000 $. Meighen se résigna à approuver la transaction, démissionna de la présidence mais resta directeur général. Après avoir émis un million de dollars d’obligations, 1 500 000 $ d’actions privilégiées et 2 millions de dollars d’actions ordinaires, Greenshields et Russell offrirent de vendre la Lake of the Woods Milling Company pour 4 500 000 $. Dès l’assemblée annuelle du 16 novembre 1904, Meighen redevint actionnaire majoritaire.

Pendant son deuxième mandat à la présidence, Meighen s’employa à réduire le capital-actions de la société et à étendre ses activités. En 1904, Mather, qui n’était plus vice-président de la Lake of the Woods mais toujours membre de son conseil d’administration, et un groupe d’hommes d’affaires d’Ottawa avaient commencé à construire une meunerie à Keewatin. Sans tarder, la Lake of the Woods Milling Company entama des poursuites en vue d’empêcher la Keewatin Flour Mills Company d’employer ce nom, souvent associé à ses propres produits. En avril 1906, avant l’ouverture de la nouvelle minoterie, la Lake of the Woods acheta la compagnie pour 950 000 $ et acquit ainsi un deuxième moulin à Keewatin. De toutes les minoteries du pays, c’était celle dont la capacité était la plus élevée : 5 000 barils de 196 livres par jour. Cette transaction fit de la Lake of the Woods Milling Company la plus &rosse entreprise meunière de l’Empire britannique. À la mort de Meighen, le contrôle de la Lake of the Woods passerait à son fils, Frank Stephen*, qui dépensait sans compter pour ses trois grandes passions : l’opéra, l’armée et le Montreal Hunt Club. La Lake of the Woods Milling Company ouvrit aussi des boulangeries après la Première Guerre mondiale. Elle commença à connaître des difficultés financières dans les années 1920 et faillit s’effondrer après le krach boursier de 1929. L’Ogilvie Flour Mills Company Limited en prit possession en 1954.

En 1894, Meighen s’était installé rue Drummond dans la résidence que Stephen avait fait construire de 1880 à 1883 au coût de 600 000 $. Meighen loua d’abord la maison, peut-être la plus splendide de Montréal, puis l’acheta le 4 octobre 1900. Il y résiderait jusqu’à son décès. En 1929, elle deviendrait le Mount Stephen Club. Meighen y gardait sa collection de tableaux, qui comprenait des œuvres des Canadiens Otto Reinhold Jacobi* et Allan Aaron Edson*, du portraitiste anglais John Hoppner et des paysagistes français Adolphe Monticelli et Léon Lhermitte.

Meighen exerça des fonctions importantes dans le cercle d’entreprises associées à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, à la fois en tant que porte-parole de Stephen et de gros actionnaire. Prudent dans ses habitudes personnelles et dans ses pratiques d’investissement, il était un mandataire idéal pour lord Mount Stephen [Stephen] et lord Strathcona. En 1898, quand Stephen créa une fiducie pour assurer un revenu annuel de 2 000 $ à chacun de ses nombreux neveux et nièces, il en confia l’administration à Meighen et à son avocat John William Sterling. Meighen se trouva donc à gérer des biens d’une valeur excédant 2 800 000 $ et assuma la tâche ingrate de distribuer de l’argent au compte-gouttes à des membres de sa famille, dont quelques-uns n’étaient que des oisifs. Il serait aussi l’un des fiduciaires d’un fonds de 300 000 $ créé par Stephen en 1909 pour promouvoir l’immigration britannique au Canada. En 1901, Stephen demanda à Meighen d’entrer au conseil d’administration de la Canada North-West Land Company [V. William Bain Scarth*], consortium britanno-canadien formé à l’instigation de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique en juin 1882 afin de rassembler des capitaux pour terminer la voie. La Canada North-West fit l’acquisition de vastes terrains concédés à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique et vendit la plupart de ses actions sur le marché de Londres à des investisseurs britanniques. Réorganisée en décembre 1883, puis en 1893, elle ne réussit ensuite qu’à récolter des recettes médiocres sur ses ventes de terres. Après la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique, Stephen en était le principal actionnaire. Ses actions lui avaient coûté 348 440 $ en 1882. En septembre 1901, il transféra la gestion de ses 4 398 actions à Meighen, qui entra au conseil d’administration peu de temps après. Meighen préconisa de ralentir la liquidation des biens fonciers de l’entreprise et d’exercer des droits d’option sur de grandes terres. En outre, il poussa le conseil d’administration à fixer le prix de l’acre à 10 $, même quand la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique vendait des terres 5 $ l’acre. De 1901 à 1906, la valeur des actions de la Canada North-West Land Company monta en flèche : elle passa de 10 $ à 475 $ grâce à la vente de 750 000 acres et à la réduction progressive de son capital par l’annulation de ses actions privilégiées. En 1906, Meighen en était le principal actionnaire : il détenait 7 643 des 30 000 actions ordinaires pour Stephen. Dès 1908, le total s’élevait à 8 623. Le 23 décembre 1909, Stephen vendit ses actions de la Canada North-West à Meighen au prix très avantageux de 43 285 $. Ne lui avait-il pas promis qu’il vaudrait la peine de se joindre à cette entreprise ?

Essentiellement, la New Brunswick Railway Company était aussi une société foncière. En 1890, elle avait loué ses voies ferrées et son droit de passage à la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique pour une durée de 990 ans, mais elle possédait 1 647 272 acres sur la rive est de la Saint-Jean. En tant que président, Meighen préconisait de vendre graduellement ces terres et d’en augmenter les prix. L’entreprise tirait principalement son revenu de la coupe de 50 à 60 millions de pieds-planches de bois d’œuvre par an. Meighen appliqua des mesures novatrices de prévention des incendies de forêt et repoussa constamment les offres des investisseurs britanniques et américains et de la province du Nouveau-Brunswick qui voulaient acheter des terres de la compagnie.

Meighen appartint au conseil d’administration de la Cornwall Manufacturing Company, de la Saint John Bridge and Railway Extension Company [V. Thomas Rosenell Jones*], de la Banque de Toronto, de la Dominion Transport Company et de la Compagnie de chemin de fer urbain de Montréal. Il fut aussi président du conseil d’administration canadien de la Phoenix Assurance Company de Londres. Le 12 juin 1908, il fut élu au conseil d’administration de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Il détenait des avoirs substantiels dans ces entreprises et négociait des actions de chemins de fer américains. Philanthrope généreux, il préférait en général conserver l’anonymat. Il appartint au conseil d’administration de la Parks and Playgrounds Association of Montreal, de l’hôpital Royal Victoria, du Western Hospital of Montreal et de l’hospice de la maternité de Montréal. Membre de la congrégation presbytérienne St Paul, il fut président de son conseil d’administration. Il était membre de plusieurs clubs prestigieux, du Bureau de commerce de Montréal et de l’Association de la halle au blé de Montréal. De plus, il fut président du New Brunswick Fish and Game Club, dont la fonction était d’administrer les droits de chasse et de pêche de la New Brunswick Railway Company. À sa mort, on estima la valeur de sa succession à 2 208 425 $. Il léguait des dons à sa famille à Perth, à l’hôpital protestant des aliénés de Verdun, au Québec, et au Montreal General Hospital, ainsi que 15 000 $ à l’église presbytérienne Erskine de Montréal. Le plus gros de sa fortune passa à sa femme et à ses enfants. Il s’était donné beaucoup de mal pour que le mari de sa plus jeune fille, Margaret, ne touche pas la moindre part des 800 000 $ qu’il léguait à sa famille. Margaret avait épousé un médecin, Robert O. Harley, qui passa la plus grande partie de sa vie à se promener en Écosse et en Angleterre pour échapper à ses créanciers.

Conservateur, Meighen manifesta tôt de l’admiration pour sir John Alexander Macdonald*. Il versa 2 500 $ pour le seul portrait d’après nature de l’homme politique, œuvre du peintre Andrew Dickson Patterson, et l’exposait fièrement dans sa résidence montréalaise. Partisan de la Politique nationale, il fut pourtant le premier homme d’affaires de Montréal à se prononcer en faveur d’un tarif préférentiel et du libre-échange au sein de l’Empire. Sa motion en faveur du libre-échange impérial fut adoptée par le Bureau de commerce de Montréal en 1900. Une motion semblable fut adoptée le 20 février 1902, mais battue plus tard par des membres favorables aux fabricants, ce qui amena Meighen, dans la décennie suivante, à défendre l’agriculture canadienne contre les manufacturiers montréalais. Il se fit connaître comme le plus fervent impérialiste du milieu des affaires montréalais.

Les conservateurs courtisèrent Meighen pour qu’il se présente aux élections de 1904, mais il refusa. Il contribua généreusement aux caisses de réélection des candidats conservateurs à l’occasion du scrutin de 1908, et notamment à celle de son jeune cousin Arthur Meighen*, afin d’encourager les employés de la compagnie à Portage-la-Prairie à voter pour lui.

Robert Meighen faisait partie du groupe qui profita de l’emprise exercée par la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique sur l’économie montréalaise et nationale. Parent par alliance de George Stephen, il entra dans le cercle de ses intimes. Il exerça des fonctions dans plusieurs des filiales de la compagnie et se révéla un administrateur compétent. En outre, sa carrière à la direction de l’une des principales entreprises meunières du pays fut liée au développement de l’Ouest canadien. Chaque année, il surveillait les récoltes avec autant d’appréhension qu’un fermier céréalier. Cet homme à l’allure quelconque et au visage austère avait beaucoup d’esprit. Son paternalisme envers tous ses employés aida ses entreprises à échapper aux conflits de travail. Il avait peu de passe-temps à part son jardin et reprochait à ses collègues de prendre des vacances prolongées. Il s’effondra à l’âge de 74 ans par une journée suffocante en revenant de son bureau.

Alexander Reford

Les papiers Robert Meighen aux Arch. de la Robert Reford Company Limited (Montréal) consistent en des lettres, des documents et d’autres papiers concernant sa succession ; on y trouve aussi quelques dossiers sur sa carrière auprès de la Lake of the Woods Milling Company et d’autres entreprises. On peut consulter aux AO, F 136, un microfilm des papiers de la Lake of the Woods Milling Company ; les originaux semblent avoir disparu à la suite d’une série de prises de contrôle dont l’Ogilvie Mills a fait l’objet.

AN, MG 29, A30.— ANQ-M, CE1-116, 28 juill. 1868.— Gazette (Montréal), 26 août 1901.— Canadian annual rev. (Hopkins), 1903–1904, 1907, 1909, 1911.— Randolph Carlyle, « The romance of milling », Canadian Magazine, 30 (nov. 1907–avril 1908) : 65–74.— Land to energy, 1882–1982, C. S. Lee, édit. ([Calgary, 19821).— Guy Pinard, Montréal : son histoire, son architecture (4 vol. parus, Montréal, 1986-  ).— Saturday Night, 22 juill. 1911.— Larry Turner et J. J. Stewart, Perth : tradition & style in eastern Ontario (Toronto, 1992).— D. M. Wilson, The Ontario & Quebec Railway : a history of the development of the Canadian Pacific system in southern Ontario (Belleville, Ontario, 1983).

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Alexander Reford, « MEIGHEN, ROBERT », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/meighen_robert_14F.html.

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Auteur de l'article:    Alexander Reford
Titre de l'article:    MEIGHEN, ROBERT
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    21 déc. 2024