MATHER, JOHN, homme d’affaires, né le 29 octobre 1827 dans la paroisse de Craig, près de Montrose, Écosse, fils de James Mather et de Jean Low ; avant 1851, il épousa Jean Low, et ils eurent trois fils et deux filles ; décédé le 10 juin 1907 à Ottawa.

John Mather fit son apprentissage auprès de son père, entrepreneur et constructeur. Par la suite, il fut mécanicien adjoint sur la ligne de chemin de fer Montrose-Aberdeen, puis il dirigea une vaste entreprise de sciage et de construction navale à Montrose. En 1857, une société de Glasgow, la Gilmour and Company, l’envoya à Chelsea, au Bas-Canada, diriger ses exploitations forestières de l’Outaouais et de la Gatineau [V. Allan Gilmour*]. Homme « énergique et minutieux », Mather acquit une réputation de « compétence dans la gestion d’exploitations forestières et de scieries ». Il n’allait quitter l’entreprise qu’en 1876, à peu près au moment où elle serait réorganisée. Cependant, il garderait des liens avec Allan Gilmour, d’Ottawa, qui le financerait en un certain nombre d’occasions et investirait personnellement dans quelques-unes de ses entreprises.

En 1871, le gouvernement fédéral nomma Mather, Robert Ward Shepherd, de Montréal, et Hamilton Hartley Killaly*, de Toronto, à la commission chargée de s’enquérir de la condition des cours d’eau navigables de l’Ontario et du Québec. Après être allé inspecter un grand nombre de scieries, de lacs et de cours d’eau, Mather recommanda, avec les deux autres commissaires, que l’on interdise le déversement de tout rebut de sciage autre que la sciure.

Même si Mather prit sa retraite en 1876, on le persuada d’assumer des responsabilités visant à assurer l’expansion de l’industrie du bois d’œuvre dans le nord-ouest de l’Ontario. Au moment de son arrivée à Rat Portage (Kenora), à la fin des années 1870, la frontière de l’Ontario et du Manitoba faisait l’objet d’un litige [V. Simon James Dawson] ; le statut politique de la région était donc incertain et la mise en valeur des richesses naturelles, peu avancée. Au printemps de 1881, Mather présenta au sous-ministre fédéral de l’Intérieur, John Stoughton Dennis*, un rapport sur les perspectives d’avenir des établissements du lac des Bois. Il proposait de construire, dans la région, des scieries, des ateliers de menuiserie, des usines de papier et des minoteries pour le grain de l’Ouest canadien. Il comparait au débit de la rivière des Outaouais, qu’il connaissait très bien, le volume d’eau que l’on pourrait capter en divers points de la rive du lac des Bois entre Rat Portage et un village voisin, Keewatin Mills (Keewatin). Son rapport indiquait aussi plusieurs endroits où l’on pourrait creuser des chenaux afin de produire de l’énergie hydraulique qui viendrait s’ajouter à celle que pourraient donner les deux effluents naturels du lac, l’embranchement est et l’embranchement ouest de la rivière Winnipeg.

Mather devint – et resta jusqu’à sa mort – l’un des principaux agents du développement du district de Keewatin. Il prêta son concours à presque toutes les industries de quelque importance, soit à titre de directeur, de vice-président ou de simple administrateur. D’abord, il se consacra à la Keewatin Lumbering and Manufacturing Company Limited, qu’il avait fondée à Rat Portage en 1879, à la veille des grands travaux de construction ferroviaire de l’Ouest et de la première phase d’expansion de Winnipeg. Toutefois, son salaire de directeur, qui était de 5 000 $, finit par se révéler insuffisant pour compenser les exigences de sa tâche. Au plus tard en 1884, comme la compagnie allait, selon toute probabilité, rapporter régulièrement des dividendes, il confia une bonne partie de l’administration à deux de ses fils : David Low, qui supervisait l’exploitation forestière, et Robert Addison, qui s’occupait des ventes et de la comptabilité. Ainsi, il put se consacrer à d’autres entreprises.

Mather suivait de près les affaires d’une banque très proche des milieux de l’industrie du bois d’œuvre, la Banque d’Ottawa. Cette dernière avait été fondée en 1874 et James Maclaren* en fut président jusqu’à sa mort en 1902. Mather fit partie du conseil d’administration à compter de 1879, et il lui arrivait souvent d’inspecter les succursales de Keewatin et de Winnipeg. C’est sans doute sur ses conseils que la Banque d’Ottawa et la Banque impériale du Canada décidèrent d’intervenir, en 1896, pour protéger les sommes qu’elles avaient prêtées à la Rat Portage Lumber Company, entreprise appartenant à Douglas Colin Cameron*.

À titre de vice-président de la Lake of the Woods Milling Company Limited, société constituée juridiquement en 1887 pour construire et exploiter un réseau de silos à céréales dans tout l’Ouest canadien et pour installer une minoterie à Keewatin, Mather supervisa la construction de tous ces ouvrages. Allan Gilmour était le principal bailleur de fonds de cette entreprise qui, dans les années 1890, domina le marché manitobain des céréales avec l’Ogilvie Milling Company [V. William Watson Ogilvie*]. Pour faire valoir son droit à l’énergie hydraulique produite sur le rivage, la Lake of the Woods Milling Company dut se livrer à des négociations complexes et soutenir un contentieux prolongé qui occupèrent beaucoup Mather. Par ailleurs, il tenta de trouver des débouchés pour la production d’une nouvelle entreprise, la Keewatin Power Company Limited, à laquelle la Keewatin Lumbering and Manufacturing Company Limited transféra ses droits de captation d’eau en 1893. Il mit de l’avant plusieurs solutions – par exemple, vendre directement l’énergie à la municipalité de Winnipeg ou acquérir des concessions forestières pour consommer l’énergie sur place – mais aucune ne se matérialisa ; exaspéré, il abandonna la partie au bout d’une dizaine d’années. Mather s’intéressa aussi à l’industrie minière. Il suivait attentivement les fluctuations de l’exploitation des gisements aurifères de la région du lac des Bois, et avait des intérêts dans l’Ottawa Gold Milling and Mining Company et dans l’Ontario Mining Company.

En travaillant dans le commerce céréalier, Mather avait collaboré étroitement avec des membres haut placés de la Compagnie du chemin de fer canadien du Pacifique. Au moins à compter de 1892, il aida certainement celle-ci à mettre la main sur le Manitoba Free Press de Winnipeg, dont le rédacteur en chef, William Fisher Luxton, s’opposait au gouvernement provincial du libéral Thomas Greenway et à sa politique ferroviaire. Selon Mather, ce journal devait « cesser de se livrer à des attaques personnelles et être le plus objectif possible ». En 1893, Luxton fut congédié ; en mai 1895, Mather nota dans son journal intime qu’il avait acquis une « emprise totale » sur le Manitoba Free Press. À partir de 1897 au moins, il participa à la gestion de la Manitoba Free Press Company avec Clifford Sifton*, ministre fédéral de l’Intérieur, au nom de qui, en 1902, il détenait toutes les actions du journal, sauf huit. Selon l’historien D. J. Hall, Mather était, dans ses rapports avec Sifton, « tout à fait effacé » ; il l’était sûrement aussi dans ses autres relations d’affaires.

Résident d’Ottawa durant toutes les années 1890, John Mather limita ses voyages d’affaires à compter de 1900. Il continua pourtant de s’occuper activement de ses intérêts, même s’il avait au delà de 70 ans. Après la mort de sa femme, Jean Low, en janvier 1906, sa santé se détériora beaucoup ; il mourut en juin 1907. Il laissait dans le deuil ses trois fils et une de ses filles, Jemima Jean ; elle était l’épouse de James Wilson Robertson*, directeur du Macdonald College de Sainte-Anne-de-Bellevue, au Québec.

Jamie Benidickson

Des détails généalogiques provenant des registres du lot familial et des données historiques tirées de l’acte de sépulture de John Mather ont été fournis par le Beechwood Cemetery, Ottawa.

AO, F 256 ; F 1027 ; RG 22, Ser. 354, no 5168.— GRO-E, Craig, reg. of births and baptisms, 4 nov. 1827.— Ogilvie Flour Mills Company Limited (Montréal), Lake of the Woods Milling Company papers (mfm aux AO).— Univ. of B.C. Library, Arch. and Special Coll. Div. (Vancouver), M415 (papiers John Mather).— Kenora Miner and News (Kenora, Ontario), 12 juin 1907.— Ottawa Evening Journal, 8 janv. 1906.— Canada, Commission chargée de s’enquérir de la condition des cours d’eau navigables, Rapport (Ottawa, 1873).— of Scottish emigrants to Canada (Whyte).— A. E. Epp, « The Lake of the Woods Milling Company : an early western industry », The Canadian west : social change and economic development, H. C. Klassen, édit. (Calgary, 1977), 147–162.— Hall, Clifford Sifton, 1.— J. W. Hughson et C. C. J. Bond, Hurling down the pine ; the story of the Wright, Gilmour and Hughson families, timber and lumber manufacturers for the Hull and Ottawa region and on the Gatineau River, 1800–1920 (2e éd., Old Chelsea, Québec., 1965).— A. R. M. Lower, The North American assault on the Canadian forest : a history of the lumber trade between Canada and the United States (Toronto, 1938 ; réimpr., New York, 1968).— Newspaper reference book.— John Rankin, A history of our firm, being some account of the firm of Pollok, Gilmour and Co., and its offshoots and connections, 1804–1920 (2e éd., Liverpool, 1921).

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Jamie Benidickson, « MATHER, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mather_john_13F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
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