MAVOR, JAMES, économiste, professeur et auteur, né le 8 décembre 1854 à Stranraer, Écosse, fils de James Mavor, ministre de l’Église libre et instituteur, et de Mary Ann Taylor Bridie ; le 16 janvier 1883, il épousa à Glasgow Christina Jane Gordon Watt (décédée en 1934), et ils eurent deux fils et deux filles, dont Dora* ; décédé dans la même ville le 31 octobre 1925.

Aîné des enfants survivants d’une famille nombreuse, James Mavor dut quitter très jeune la High School of Glasgow. Placé comme apprenti dans une entreprise de produits chimiques en 1868, il se mit à suivre des cours du soir à l’Andersonian Institution. En 1874, il s’inscrivit à la University of Glasgow, où il subit l’influence du philosophe idéaliste Edward Caird, mais un accès de fièvre typhoïde l’obligea à mettre un terme à ses études en 1876, avant d’avoir obtenu un diplôme. Néanmoins, il se forgea à Glasgow une carrière d’homme d’affaires, d’enseignant, de journaliste et de réformateur social. Rédacteur en chef de l’éphémère Scottish Art Review de Glasgow puis de Londres, il appartint aussi à l’équipe d’un périodique londonien consacré en partie à la technique, Industries. De plus, il œuvra pour les pauvres au sein de la Kyrle Society et fit partie des membres fondateurs de la Glasgow Workmen’s Dwellings Company Limited, qui s’employait à fournir aux ouvriers des logements salubres à un prix abordable. Nommé en 1888 assistant en économie politique et en statistique au St Mungo’s College de Glasgow, il donna également des cours au Glasgow Athenaeum, prononça des conférences dans des classes d’éducation permanente des universités d’Édimbourg et de Glasgow, et donna des cours populaires de sciences politiques dans divers organismes. Il ne tarda pas à être reconnu comme une sommité sur la question des formes d’organisation sociale et d’organisation du travail.

En quête d’un modèle plus critique pour expliquer les effets dévastateurs de l’industrialisation et de l’urbanisation sur les pauvres de Glasgow, Mavor milita dans un certain nombre de groupes socialistes, entre autres la Fabian Society, la Social Democratic Federation et la Socialist League. Il en vint ainsi à fréquenter quelques-unes des figures les plus prestigieuses qui évoluaient dans les milieux socialistes de l’Angleterre et de l’Écosse à la fin du xixe siècle, par exemple George Bernard Shaw, Sidney et Beatrice Webb, Patrick Geddes et William Morris. Pour lui rendre hommage, Shaw donna à l’un des principaux personnages de sa pièce Candida (1898) le nom de James Mavor Morell. En définitive cependant, les tendances autoritaires des leaders socialistes et sa propre conception de l’économie, qui n’avait rien de radical, l’amenèrent à rejeter la théorie marxienne de la valeur et à nier l’efficacité d’une analyse socialiste de problèmes contemporains.

En 1892, sur la recommandation de William James Ashley, premier professeur d’économie politique à la University of Toronto, Mavor lui succéda à la tête du département de sciences politiques. Il exercerait cette fonction jusqu’à sa retraite en 1923. Il veilla à ce que le département continue de privilégier la recherche empirique sur les conditions existantes, car il était convaincu que l’économie politique, en permettant de comprendre le contexte, pouvait favoriser le progrès social. Il contribua à remodeler le département, ouvrant au passage la voie à des programmes distincts en commerce et en finance, et créa un climat intellectuel propice à des disciplines futures tels le travail social et la sociologie. On y forma des gens qui occuperaient de hautes fonctions au sein de l’État, dans les affaires et dans des œuvres philanthropiques. Parmi les diplômés de renom se trouvent Samuel Morley Wickett*, un des pionniers des études urbaines au Canada, et Robert Hamilton Coats*, premier statisticien du gouvernement fédéral. Mavor fut à l’origine de la tendance suivant laquelle des chercheurs universitaires en sciences sociales se mirent à louer leurs services à des gouvernements ou à des organismes externes. Ainsi, en 1899, le ministre de l’Intérieur, Clifton Sifton, lui demanda de faire une étude sur les progrès de l’installation des doukhobors dans l’Ouest canadien. L’année précédente, à la demande de son ami le prince Kropotkine, Mavor avait convaincu Sifton d’autoriser les doukhobors à émigrer de Russie. Il continuerait de les appuyer vigoureusement et se lierait d’amitié avec le comte Tolstoï et Peter Vasil’evich Verigin, leur chef spirituel. Toujours en 1899, il rédigea à l’intention de Sifton un rapport sur les perspectives en matière d’immigration européenne au Canada. Son étude la plus controversée lui fut commandée en 1903 par le Board of Trade de Grande-Bretagne. Elle portait sur la colonisation et le potentiel économique de l’Ouest canadien. Il y concluait que, dans un avenir immédiat, le Canada ne pourrait pas fournir à la Grande-Bretagne tout le blé dont elle aurait besoin, ce qui provoqua de vives contestations dans la presse britannique et canadienne. Par la suite, il se consacra davantage à ses propres recherches, qui portaient sur des sujets très divers. En 1914, il publia son œuvre majeure, Economic history of Russia, qui fut bien accueillie. Parmi ses ouvrages subséquents – dont certains étaient hostiles à la propriété publique – figure Niagara in politics. Cette virulente critique contre Ontario Hydro et son président, sir Adam Beck, avait été subventionnée par des entreprises énergétiques des États-Unis.

Mavor ne fut pas actif uniquement en tant qu’universitaire. Il se constitua à la fois théoricien en esthétique, historien de l’art, connaisseur et protecteur des arts (y compris la littérature et le théâtre). Il promut par exemple l’œuvre des peintres Homer Ransford Watson* et Horatio Walker* ainsi que celle des écrivains Marjorie Lowry Christie Pickthall et Ernest Thompson Seton*. Il travailla, notamment avec Byron Edmund Walker, à la fondation de l’Art Museum of Toronto et du Royal Ontario Museum, collabora de bien d’autres manières à la vie culturelle et éducative de Toronto et prit part aux initiatives lancées par la Toronto Guild of Civic Art en vue d’embellir la ville. Un grand nombre de ses écrits et conférences parlent du potentiel de l’art. Ses textes à ce sujet parurent dans de grandes publications comme le Year Book of Canadian Art et le Canadian Magazine de Toronto. Sa réputation était telle que, dès 1897 (moins de cinq ans après son arrivée), John Castell Hopkins lui commanda, pour l’encyclopédie qu’il préparait, un article sur « l’avancement et la situation des arts au Canada » ; pour une raison quelconque, ce texte ne fut pas publié. Toujours en 1897, à l’instigation de Mavor, des artistes locaux, dont George Agnew Reid* et sa femme, Mary Augusta Catharine Hiester, firent des croquis des costumes portés par les invités au Victorian Era Ball. Ces dessins parurent l’année suivante dans un album commémoratif.

À l’université, Mavor n’était pas bien vu de tous ; d’après certains, il était un touche-à-tout et un excentrique. Dès 1895, il fut mêlé à une grève étudiante dont les motifs étaient des nominations entachées de favoritisme et des questions de discipline [V. William Dale]. On s’interrogea sur l’authenticité de ses références, sur le style décousu de ses cours et, d’une façon générale, sur son degré d’adaptation à la vie de l’établissement. Un des meneurs de la grève, William Lyon Mackenzie King*, étudiant de premier cycle au département de sciences politiques, lui était particulièrement hostile ; il le prit carrément en grippe après s’être vu refuser une prestigieuse bourse d’études. Souvent, certes, les animosités de ce genre avaient quelque chose de personnel ou s’enracinaient dans la politique universitaire, mais on remarque que les détracteurs de Mavor ont constamment alimenté le reproche de « mauvaise adaptation à la vie universitaire » – jugement découlant en bonne partie de son impopularité à titre de professeur – en faisant valoir qu’il était partagé entre « la bohème et l’école », pour reprendre les termes d’un article publié dans le Toronto Daily Star du 7 novembre 1925. Lui-même était chamailleur, ce qui peut s’expliquer notamment par le fait que, pour lui, Toronto n’était qu’un trou perdu et ses habitants, des coloniaux à l’esprit borné. Dans la préface de ses mémoires, parus en deux volumes à Londres et à Toronto en 1923 sous le titre My windows on the street of the world, Mavor parlerait encore de Toronto comme du « Nouveau Monde ». Néanmoins, l’université reconnut son apport en lui décernant en 1912 un doctorat honorifique en philosophie. En 1926, dans un éloge prononcé au nom de la Société royale du Canada, où Mavor avait été élu en 1914, Oscar Pelham Edgar* résuma ainsi sa contribution : « Aucun professeur n’a fait davantage pour repousser les frontières de l’université et pour la soustraire à l’accusation d’être une tour d’ivoire et un lieu de pédanterie. »

James Mavor mourut à Glasgow en 1925 ; il se rendait chez des amis à Montpellier, en France.

E. Lisa Panayotidis

La plus importante collection de papiers de James Mavor est conservée à la Univ. of Toronto Library, Thomas Fisher Rare Book Library, ms coll. 119 (James Mavor papers). Il faut aussi mentionner : BAC, MG 29, C16 ; UTA, A1967-0007 et A1976-0025, box 2, files 3, 7 ; fonds Mavor aux York Univ. Libraries, Arch. and Special Coll. (Toronto), F0351 ; correspondance de l’Art Gallery of Toronto et autres collections au Musée des beaux-arts de l’Ontario, Bibliothèque (Toronto). Une liste détaillée de ces sources et autres documents de première main concernant Mavor figure dans le Guide to the papers of James Mavor, compilé par D. A. Signori pour la Fisher Library in 1989. Mavor a été un auteur prolifique. Ses livres sont répertoriés dans les catalogues courants, mais il n’existe pas de bibliographie complète des articles qu’il a rédigés. Un grand nombre sont énumérés dans le Guide sur ses papiers, mais on n’y trouve pas d’information concernant leur publication. Des listes partielles figurent dans les ouvrages de Bowker et de Shortt indiqués ci-dessous. Parmi les titres mentionnés dans le texte, An economic history of Russia a été publié en deux volumes à Londres en 1914 (une deuxième édition a paru en 1925 et a été réimprimée à New York en 1965) ; Niagara in politics : a critical account of the Ontario Hydro-Electric Commission a paru à New York en 1925 et North west of Canada : report to the Board of Trade on the north west of Canada, with special reference to wheat production for export a été publié sous G. B., Parl., Command paper, 1905, 54, [C. 2628]. On consultera aussi le Book of the Victorian Era Ball, given at Toronto on the twenty eighth of December, MDCCCXCVII (Toronto, 1898).

General Register Office for Scotland (Édimbourg), Kelvin (Glasgow), reg. of marriages, 16 janv. 1883.— A. F. Bowker, « Truly useful men : Maurice Hutton, George Wrong, James Mavor and the University of Toronto, 1880–1927 » (thèse de ph.d., Univ. of Toronto, 1975).— Augustus Bridle, Sons of Canada : short studies of characteristic Canadians (Toronto, 1916).— S. Z. Burke, Seeking the highest good : social service and gender at the University of Toronto, 1888–1937 (Toronto, 1996).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— I. M. Drummond et William Kaplan, Political economy at the University of Toronto : a history of the department, 1888–1982 (Toronto, 1983).— [O. P. Edgar], « James Mavor », SRC, Mémoires, 3e sér., 20 (1926), proc. : xiii–xvi.— J. B. Glasier, William Morris and the early days of the socialist movement ; being reminiscences of Morris’ work as a propagandist [...] (Londres, 1921).— James Mavor and his world : an exhibition of books and papers selected from the James Mavor collection, June–July 1975, Rachel Grover et F. W. M. Moore, compil. (Toronto, 1975).— J. M. Moore, « Why “James Mavor” Morell ? », Shaw Rev. (University Park, Pa.), 23 (1980) : 48–51.— Mavor Moore, Reinventing myself : memoirs (Toronto, 1994).— E. L. Panayotidis, « James Mavor : cultural ambassador and aesthetic educator to Toronto’s élite », Journal of Pre-Raphaelite Studies (Tempe, Ariz.), nouv. sér., 6/7 (automne/printemps 1997/1998) : 161–173.— Rosalind Pepall, « Under the spell of Morris : a Canadian perspective », dans The earthly paradise : arts and crafts by William Morris and his circle from Canadian collections, K. A. Lochnan, édit. (Toronto, 1993), 19–35.— S. E. D. Shortt, The search for an ideal : six Canadian intellectuals and their convictions in an age of transition, 1890–1930 (Toronto et Buffalo, N.Y., 1976).

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E. Lisa Panayotidis, « MAVOR, JAMES », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/mavor_james_15F.html.

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Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
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