MANAHAN, ANTHONY, homme d’affaires, juge de paix, officier de milice, homme politique et fonctionnaire, né vers 1794 à Mount Bellew, comté de Galway (république d’Irlande) ; il épousa Sarah Phebe Nugent (décédée en 1847), et ils eurent au moins trois filles, dont l’une mourut en bas âge ; décédé le 21 janvier 1849 à Kingston, Haut-Canada.

On ne connaît ni le nom des parents d’Anthony Manahan, ni le détail de son enfance, mais il est évident qu’il venait d’une famille catholique respectable et avait reçu une instruction élémentaire. Vers 1808, il émigra à l’île de la Trinité (république de Trinité-et-Tobago) avec l’un de ses frères. Selon son propre témoignage, il y « occupa un poste de confiance dans l’administration publique » et gagna la faveur et l’amitié du gouverneur, sir Ralph James Woodford. En outre, il épousa une fille de John Nugent, membre du conseil de l’île. Pour des raisons inconnues, il quitta l’île de la Trinité en 1820 et se rendit à Kingston, où il devint marchand et fonda l’Anthony Manahan and Company, apparemment avec un parent de New York, Patrick Manahan.

En 1824, Anthony Manahan, Peter McGill* et Robert Hayes devinrent syndics de la Marmora Iron Works, dans le comté de Hastings. Implantée en 1820 sous la direction de l’homme d’affaires irlandais Charles Hayes, la fonderie avait connu depuis maintes difficultés, notamment l’absence d’un bon système de transport entre le canton de Marmora et la baie de Quinte. McGill l’acheta en 1825 et en confia l’administration à Manahan l’année suivante, probablement parce que la plupart des ouvriers étaient des catholiques irlandais et que Manahan avait lui aussi investi dans l’entreprise. Toutefois, comme il n’était pas parvenu à la rentabiliser et qu’il avait même perdu « plusieurs milliers de livres », Manahan la quitta en octobre 1831 pour retourner à Kingston. À titre de marchand et de commissionnaire, il tenta de nouveau sa chance dans le commerce, malgré « d’incertaines perspectives de réussite », et essaya, sans résultat immédiat, d’obtenir une charge publique, en plus de la commission de juge de paix qu’il avait reçue en 1829.

Même une fois installé à Kingston, Manahan continua de s’intéresser vivement au comté de Hastings. En décembre 1831, son nom figurait en tête de liste sur une pétition par laquelle les habitants de la région réclamaient l’amélioration de la route qui menait à la fonderie. Nommé major du 2nd Regiment of Hastings Militia en 1826 et colonel en 1830, il fit en 1837 du service actif avec ses hommes en supervisant le transport d’armes de Kingston à Belleville. Après avoir proclamé ses « fermes principes constitutionnels » et son opposition à « tout genre d’extrémisme », il avait remporté en 1836 l’un des deux sièges de la circonscription de Hastings. En 1836–1837, à l’Assemblée, il pressa le gouvernement de subventionner la canalisation de la rivière Trent afin de faciliter l’accès à la fonderie « abandonnée » de Marmora. En 1837, Manahan, George Neville Ridley et Isaac Fraser, réunis en commission, étudièrent la possibilité de réinstaller à Marmora le pénitencier provincial de Kingston. Le rapport majoritaire, signé par Manahan et Ridley, recommandait le déménagement et préconisait en outre de faire travailler les détenus à la fonderie, à bas salaire ; il resta cependant lettre morte.

Manahan fut aussi un défenseur de ses coreligionnaires catholiques d’origine irlandaise. En 1838, dans un mémoire adressé à lord Durham [Lambton], il alléguait que l’élite haut-canadienne exerçait contre eux une discrimination systématique et demandait justice pour ses « frères catholiques, dont pas un seul », affirmait-il, ne détenait dans le Haut-Canada « quelque charge qui rapportait bénéfices ou émoluments ». À plusieurs autres reprises, il se montra prompt à réagir, soit en public soit dans des lettres personnelles à des fonctionnaires, aux attaques anticatholiques ou à des cas précis de discrimination. Ses interventions, prévoyait-il, lui vaudraient « une foule d’ennemis au sein du fameux family compact », ce en quoi il n’avait pas tout à fait tort. En février 1838, impatienté par les plaintes de Manahan au sujet du family compact et d’une nomination à la Midland District Grammar School, John Macaulay* écrivait à sa mère : « Je suppose qu’il voulait qu’un catholique soit nommé – seule la suprématie pourra satisfaire de telles gens. » À cette époque, Manahan lui-même était au service du gouvernement. De 1837 à 1844, il fut agent des Terres de la couronne dans les districts de Midland et de Prince Edward ; de 1838 à 1840, et peut-être plus tôt, l’agent principal de l’émigration le chargea de superviser l’installation des immigrants dans la région de Kingston.

En 1841, Manahan devint député de Kingston à l’Assemblée législative. Bien que conservateur et partisan modéré de lord Sydenham [Thomson], il correspondit avec le solliciteur général et leader réformiste Robert Baldwin*, dont il soutint la campagne électorale dans Hastings. Le 18 juin 1841, soit trois jours après l’inauguration de la législature, il démissionna de son siège pour ouvrir une circonscription au secrétaire de la province nommé par Sydenham, Samuel Bealey Harrison*. Le jour même, en guise de récompense, on le nomma receveur des douanes à Toronto.

C’était enfin, semblait-il, la sécurité garantie pour Manahan, mais en fait ses difficultés financières persistèrent. Désireux d’améliorer l’efficacité du bureau qu’il dirigeait, il dépensa à profusion des fonds publics en loyers, en fournitures, en approvisionnements et en salaires pour des employés additionnels. Le gouvernement n’accepta de sanctionner aucune de ces dépenses car, ainsi que le lui avait souvent répété le bureau de l’inspecteur général, on n’avait voté aucun crédit à cette fin. Le 5 avril 1843, Manahan démissionna en faveur de son gendre William Moore Kelly, qui remplissait ses fonctions depuis quelque temps. Au moment de la vérification de ses comptes, Manahan apprit qu’il devait au gouvernement plus de £400 en dépenses non autorisées et commissions excédentaires. Le commissaire adjoint des Terres de la couronne, Tancrède Bouthillier, et l’agent principal de l’émigration pour le Haut-Canada, Anthony Bewden Hawke*, rapportèrent qu’il avait aussi des dettes envers leurs bureaux, auxquels il avait présenté « diverses réclamations » qui n’avaient pas été autorisées ou encore n’étaient étayées d’aucune pièce justificative, et ce même si on lui avait souvent expliqué « la méthode à suivre pour comptabiliser les fonds publics ». Manahan retourna à Kingston plus tard en 1843. La vente de ses biens, en 1844 et 1845, lui permit d’acquitter ses dettes envers le gouvernement.

Aux élections de 1844, Anthony Manahan se présenta de nouveau dans Kingston, mais ce fut la défaite au profit de John Alexander Macdonald*. Même si le Kingston Herald l’avait décrit comme le « plus libéral » des deux, il ne l’avait pas nommé parmi les candidats réformistes des circonscriptions régionales. Le virage politique qu’il avait semblé prendre au début des années 1840 s’explique mal ; peut-être venait-il du désenchantement qui le gagna à force de voir l’injustice avec laquelle l’élite provinciale traitait les catholiques irlandais. Manahan passa ses dernières années à tenter, en vain, de retrouver quelque solvabilité. En 1846, comme il le faisait périodiquement depuis bien des années, il réclama au gouvernement une indemnité de £2 530 pour la perte d’une cargaison de thé et de tabac injustement saisie en 1821 à l’île Carleton, dans l’état de New York, par Christopher Alexander Hagerman, alors receveur des douanes à Kingston. Le Conseil exécutif rejeta sa requête. En 1847, il posa sa candidature au poste de magistrat de police de Kingston en faisant valoir qu’il était juge de paix depuis 1829 et avait l’appui du conseil municipal ; sa lettre au secrétaire de la province fut « mise de côté ». Il mourut deux ans plus tard, à l’âge de 55 ans.

J. K. Johnson

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J. K. Johnson, « MANAHAN, ANTHONY », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/manahan_anthony_7F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 7
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1988
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