LA CHASSE, PIERRE DE, prêtre, jésuite, missionnaire, supérieur des missions jésuites de la Nouvelle-France, baptisé dans la paroisse Saint-Pierre-en-Château d’Auxerre, France, le 7 mai 1670, fils de Joseph de La Chasse, conseiller du roi au bailliage et au siège présidial d’Auxerre, et d’Edmée Roussol, décédé à Québec le 27 septembre 1749.

Pierre de La Chasse entra au noviciat des jésuites de la province de France, à Paris, le 14 octobre 1687. Son noviciat terminé, il enseigna à Rennes durant six années scolaires et, en 1695, il entreprit ses quatre années de théologie au collège Louis-le-Grand de Paris. En 1700, sa dernière année de probation terminée, il s’embarqua pour le Canada et, dès 1701, il remplaça le père Vincent Bigot* à Naurakamig (probablement sur la rivière Androscoggin, près de Canton, Maine). En novembre 1708, La Chasse fit faire le recensement de tous les Abénaquis de la Kennebec. Il demeura dans cette région jusqu’en 1719, et sa présence aux frontières des colonies anglaises et françaises l’amena à jouer un rôle concret dans les événements militaires qui marquèrent, en Amérique du Nord, la guerre de la Succession d’Espagne. Sa correspondance avec les autorités civiles en fait foi : il servit à la fois d’agent de liaison, d’informateur, de conseiller et il se montra particulièrement zélé pour stimuler le « patriotisme » des Abénaquis. Sa conduite fut remarquée par le gouverneur Vaudreuil [Philippe de Rigaud*] qui voyait en lui un émissaire efficace. Dans une lettre d’instructions au baron de Saint-Castin [Bernard-Anselme d’Abbadie*], le gouverneur recommanda à ce dernier de « prendre avis [du missionnaire] lorsque l’occasion s’en présentera, sur ce qui regarde le plus grand bien du service de sa Majesté ». Après le traité d’Utrecht en 1713, La Chasse fut le principal instigateur de la politique des « présents aux sauvages » qui devait retenir les Abénaquis dans l’alliance française.

Le 15 juillet 1719, La Chasse fut nommé supérieur des missions jésuites de la Nouvelle-France, remplaçant Julien Garnier*. Les autorités religieuses et civiles s’accordèrent à reconnaître en lui un homme exceptionnel, doué de nombreux et « admirables » talents. Ses nouvelles fonctions lui permirent déjouer un rôle plus efficace dans les relations franco-abénaquises. En 1719, en effet, les autorités de la Nouvelle-France s’engageaient à protéger les Abénaquis et à se joindre à eux « si, pour conserver leur pays, ils étaient contraints d’en venir à la guerre ». Or, dans son mémoire sur les limites de l’Acadie, daté du 29 octobre 1720 et envoyé au duc d’Orléans, le père de Charlevoix précise que c’est le père de La Chasse lui-même qui proposa cette politique. « Cet avis, ajoute le mémoire, donné par un homme qui connaissait mieux que personne les Abénaquis, [...] fut trouvé judicieux et l’on s’y tint. » Par la suite, en 1721 et en 1724, le supérieur des jésuites fit à deux reprises la tournée des missions abénaquises de l’Acadie française, pour les maintenir sous l’allégeance de la France. Lors des négociations anglo-abénaquises de 1721, le père de La Chasse fut choisi par les Abénaquis, de concert avec les autorités de Québec, pour accompagner la délégation abénaquise [V. Sébastien Rale*], au cours de la rencontre avec les représentants de Boston. Enfin, rappelons qu’en 1724 il immortalisa, dans une lettre célèbre, le « martyre » du père Rale, mort le 23 août 1724, au cours de la guerre dite de Dummer ou de Lovewell.

Son supériorat fut marqué par quelques faits notables. En 1727, il fut appelé à dresser les procès-verbaux attestant l’état de conservation des corps, lors de l’exhumation des trois premières religieuses de l’Hôpital Général de Québec dont la première supérieure, Louise Soumande*, dite de Saint-Augustin, ainsi que les guérisons miraculeuses qui eurent lieu à cette occasion. Il réussit à augmenter les effectifs des missions d’Amérique : en 1720, il confia à Pierre-Michel Laure* le rétablissement de la mission du Saguenay qui était fermée depuis 18 ans [V. François de Crespieul*], et, en 1723, il favorisa l’établissement de la « mission de la Louisianne » [V. Nicolas-Ignace de Beaubois]. En 1726, participant à une discussion sur le commerce de l’eau-de-vie, il émit l’opinion, qu’il récusa par la suite, « que l’usage de l’eau-de-vie était nécessaire pour la conservation et la domination du Roi et de la religion catholique ».

Le 6 août 1726, La Chasse laissa son poste de supérieur à Jean-Baptiste Duparc, pour se consacrer exclusivement aux religieuses de l’Hôpital Général de Québec, dont il était le confesseur depuis 1720. Il était également le confesseur et un familier de Mgr de Saint-Vallier [La Croix*]. C’est ainsi qu’il se trouva mêlé, en 1727–1728, aux pénibles événements qui entourèrent la mort de l’évêque de Québec. Il fut impliqué, bien malgré lui, semble-t-il, dans la querelle qui opposa l’intendant Claude-Thomas Dupuy* au chapitre de Québec. Il prononça l’oraison funèbre du prélat à l’Hôpital Général : le rôle qu’il joua dans cette circonstance lui mérita vraisemblablement d’être interdit, durant quelques mois, par le chanoine Étienne Boullard*.

Pierre de La Chasse passa les 20 dernières années de sa vie au collège de Québec, partageant son temps entre la prière, la poésie et la tâche de père spirituel de la communauté. Durant ses dernières années, il souffrit d’une sciatique et ne pouvait plus « exercer son ministère en public ». Âgé de plus de 70 ans, il apprit l’anglais pour tenter de convertir quelques prisonniers retenus à Québec. Il mourut dans cette ville, le 27 septembre 1749, laissant le souvenir d’un homme de « grands talents pour la parole de Dieu et le gouvernement ».

Micheline D. Johnson

AD, Yonne (Auxerre), État civil de Saint-Pierre-en-Château d’Auxerre, 7 mai 1670.— AN, Col., B, 47, ff.1 129, 1 206 ; 48, f.855 ; 49, f.678 ; 50, f.500 ; 53, ff.450, 541 ; Col., C11A, 22, f.32 ; 36, f.124 ; 43, f.372 ; 44, f.131 ; 45, ff.11, 12, 118 ; 46, ff.19, 27, 144, 307 ; 47, ff.60, 121, 301 ; 48, ff.106, 140 ; 49, ff.124, 561, 576 ; 50, f.23.— ASJCF, 588 ; 588 bis ; 2 220 ; 2 221 ; Fonds Rochemonteix, 4 006, 143, 168, 276 ; 4 018, 38.— ASQ, mss, 176 ; Polygraphie, II : 24A.— Newberry Library (Chicago), Ayer Coll., Lachasse census (1708).— Coll. de manuscrits relatifs à la N.-F., II : 497, 530s., 534–536, 56 ; III : 5, 49–54, 57–63, 68–70, 93, 108–110.— Éloge funèbre de Mgr de Saint-Vallier, BRH, XIII (1907) : 66–80, 97–118.— JR (Thwaites), passim.— Martyrs de la Nouvelle-France ; extraits des Relations et Lettres des missionnaires jésuites, Georges Rigault et Georges Goyau, édit. (« Bibliothèque des missions ; mémoires et documents », 1, Paris, 1925), 215–272.— Melançon, Liste des missionnaires jésuites.— Tanguay, Répertoire (édition annotée à la main par les archivistes du séminaire de Québec).— F.G. Bressani, Les jésuites martyrs du Canada, Félix Martin, trad. (Montréal, 1877), 243–249.— Charland, Les Abénakis d’Odanak, 42, 63, 91.— Dubé, Claude-Thomas Dupuy, 187, 237, 245.— Johnson, Apôtres ou agitateurs, 79, 91, 98, 100, 139, 143.— J.-A. Maurault, Histoire des Abénaquis depuis 1605 jusqu’à nos jours (Sorel, 1866), 378–407.— Mgr de Saint-Vallier et l’Hôpital Général, 250–293, 712.— Rochemonteix, Les Jésuites et la N.-F. au XVIIe siècle, III : 442–78 ; Les Jésuites et la N.-F. au XVIIIe siècle, I : 145–161 ; Le père Sébastien Rasle, BRH, V (1899) : 229.— P.-G. Roy, Un poème héroï-comique, BRH. III (1897) : 114–116.— Henri Têtu, Le chapitre de la cathédrale de Québec et ses délégués en France, BRH, XVI (1910) : 329.

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Micheline D. Johnson, « LA CHASSE, PIERRE DE », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/la_chasse_pierre_de_3F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 3
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1974
Année de la révision:    1974
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