HOWLAN, GEORGE WILLIAM, homme d’affaires, homme politique et fonctionnaire, né le 19 mai 1835 à Waterford (république d’Irlande) ; le 25 octobre 1866, il épousa à Saint-Jean, Nouveau-Brunswick, Elizabeth Olson (décédée en 1876), puis le 22 février 1881, à Kingston, Ontario, Mary E. Doran ; il n’eut pas d’enfants ; décédé le 11 mai 1901 à Charlottetown.

George William Howlan et ses parents immigrèrent en Amérique du Nord à la fin des années 1830. Débarqués à Pugwash, en Nouvelle-Écosse, ils s’établirent à l’Île-du-Prince-Édouard en 1839. Après des études à la Central Academy de Charlottetown, George William commença sa carrière dans les affaires en 1850 à titre de commis au magasin de Henry Haszard, dans la même ville. En 1853, il s’installa à Cascumpec (Alberton), où il fut commis et représentant d’un marchand bostonien, le capitaine Ryder. Quelques années après, il était à son propre compte. Grâce à l’économie prospère de l’île dans les années 1850 et aux investissements qu’il fit dans la construction navale à compter de 1853, Howlan s’enrichit de plus en plus. Par la suite, il cesserait d’être propriétaire de navires, mais il ferait des affaires jusqu’à sa mort et exercerait diverses fonctions connexes, dont celles d’agent consulaire et de vice-président de la Chambre de commerce de la Puissance.

Pourtant, les affaires n’occupaient qu’une place secondaire dans la vie de Howlan. Sa passion était la politique et, une fois installé à Cascumpec, il veilla à se tenir au courant des potins de Charlottetown. Candidat libéral en 1863 dans le 1er district du comté de Prince, il fut élu à la Chambre d’assemblée, mais son parti ne remporta pas la majorité. La question de l’enseignement religieux divisait alors la Chambre, tout comme le Parti libéral. Depuis 1855 environ, les protestants de la colonie réclamaient que l’étude de la Bible soit inscrite au programme scolaire – ce à quoi s’opposaient les catholiques, qui dans l’ensemble soutenaient les libéraux [V. Peter McIntyre* ; Edward Palmer*].

Ce sujet et d’autres questions religieuses suscitaient des débats souvent acerbes, mais Howlan, catholique qui se définissait comme un modéré, souligna dans son premier discours à la Chambre que les protestants et les catholiques pouvaient trouver un terrain d’entente. Par la suite, son influence au Parlement s’accrut. Lorsque les libéraux de George Coles* prirent le pouvoir, en 1867, il accéda au Conseil exécutif. Son autorité venait de ce que les catholiques du parti se tournaient vers lui pour savoir quelle voie suivre. La querelle confessionnelle de la décennie précédente avait transformé le Parti libéral en une fragile coalition de protestants et de catholiques. Pour conserver l’appui des catholiques, le gouvernement devait donc y mettre le prix.

En 1868, la question de l’enseignement religieux refit surface. Les libéraux avaient fini par adopter le principe de la laïcité absolue. Howlan et l’aile catholique soutenaient désormais que le réseau scolaire était non confessionnel de nom seulement puisque, dans les faits, il était administré par la population protestante et adapté à ses besoins. Ne s’y sentant pas chez eux, les catholiques avaient leurs propres écoles. Howlan faisait valoir que, « sans les efforts philanthropiques » de Mgr McIntyre, évêque de Charlottetown, « bon nombre des enfants de cette ville n’auraient pas reçu d’autre formation que celle que l’on acquiert dans la rue ». Si la colonie était disposée à subventionner ce qui était en fait un réseau scolaire protestant, elle devrait accepter de faire de même pour un réseau catholique. Les journaux libéraux de la colonie furent consternés de voir une question aussi explosive revenir sur le tapis et blâmèrent Howlan.

Le débat s’intensifia à mesure que le désarroi s’installait chez les libéraux. Coles souffrant d’une maladie mentale, c’était le procureur général, Joseph Hensley*, qui s’occupait des affaires courantes du gouvernement. En 1869, après que Hensley eut accepté un poste de juge, le parti libéral choisit Robert Poore Haythorne* comme chef du parti et premier ministre. L’année suivante, le parti, très divisé, affronta des élections générales. La campagne fut confuse : elle porta sur plusieurs questions, dont l’éducation et le projet d’union avec le nouveau dominion du Canada. Howlan invita simplement les catholiques de la colonie à appuyer le candidat qui était favorable au financement public des écoles catholiques. Les libéraux remportèrent une majorité respectable ; cependant, ils ne pourraient pas conserver le pouvoir s’ils ne parvenaient pas à réconcilier leurs factions protestante et catholique.

Le 18 août 1870, Haythorne convoqua son caucus à Georgetown. Howlan posa des conditions simples : les catholiques continueraient d’appuyer les libéraux si ceux-ci soutenaient les écoles confessionnelles. Toutefois, au bout de deux jours, Howlan en eut assez, car les membres protestants du caucus se montraient intraitables. Il alla voir le chef de l’opposition conservatrice, James Colledge Pope*, et lui offrit une alliance avec les libéraux catholiques. Le marché fut conclu et, le 10 septembre, un gouvernement dirigé par Pope s’installa au pouvoir. Apparemment, Howlan était disposé à laisser à ses nouveaux alliés plus de latitude sur la question scolaire qu’il n’en avait laissé aux libéraux. Pope avait promis de soutenir les écoles confessionnelles, mais les comptes publics de 1871 et de 1872 ne font état d’aucune subvention. En fait, le gouvernement oublia vite la question scolaire dès qu’il s’attaqua aux problèmes de la Confédération et aux difficultés économiques de l’île.

Avant son alliance avec Pope, Howlan avait manifesté peu d’intérêt pour la Confédération. Pendant les débats décisifs que l’Assemblée avait tenus sur la question en 1865, il s’était opposé au projet. Il estimait que l’Île-du-Prince-Édouard ne parviendrait pas à se faire entendre dans un Parlement fédéral et craignait que la Confédération n’encourage les Canadiens à construire d’innombrables canaux et chemins de fer « que les insulaires auraient à payer ». Pourtant, il reconnaissait que l’abrogation du traité de réciprocité avec les États-Unis, en 1866, forcerait l’île à faire de nouveaux arrangements économiques. « Tout gouvernement se doit, déclara-t-il en 1867, de mettre de l’avant toute mesure susceptible d’élargir le commerce et d’encourager l’industrie. » Il finit par acquérir la conviction que la construction d’un chemin de fer sur l’île était une mesure de ce genre.

En 1869, lorsqu’on évoqua pour la première fois à l’Assemblée la possibilité de construire un chemin de fer, Howlan tourna l’idée en dérision en disant que cela coûterait trop cher. Pourtant, dès 1871, il soutenait que « la colonie ne pouvait se permettre de se priver des avantages qu’offr[ait] ce moyen de transport ». Faire adopter par l’Assemblée le projet de loi sur le chemin de fer ne fut pas facile, mais Howlan plongea dans la mêlée avec délices et lutta avec talent. En mars 1871, à la veille du combat, il prévint un ami en lui disant : « Si vous en avez assez de parler du chemin de fer, prenez votre mal en patience, car il reste bien des choses à dire. » Pendant presque un mois, il dirigea les partisans du chemin de fer ; il usa de cajoleries, de menaces et, comme on allait l’apprendre par la suite, alla jusqu’à offrir de l’argent pour obtenir des appuis. À la fin du mois, il put déclarer, triomphant : « [Nous avons] remporté la bataille [...] Nous avons mis l’opposition hors de combat. »

Howlan avait donc gagné la partie, mais pendant les travaux de construction, on mit au jour certaines de ses tractations. Un député affirma qu’il lui avait offert 1 000 £ en échange de son vote. Des journaux firent savoir que la gare de Cascumpec allait être construite sur un terrain appartenant à Howlan. Le premier ministre Pope écarta ces accusations et d’autres allégations de corruption, mais, ajoutées à la hausse des coûts de construction, elles suffirent à provoquer la chute du gouvernement. Les libéraux reprirent le pouvoir sous la direction de Haythorne aux élections d’avril 1872.

Le gouvernement Haythorne allait être éphémère, car les coûts du chemin de fer devenaient impossibles à contenir. Les débentures ne se vendaient pas ; la pression était si forte que les institutions financières de l’île commençaient à être ébranlées. En avril 1873, Haythorne se présenta à nouveau devant les électeurs pour tenter de les convaincre que la seule solution était de négocier la reprise de la dette de l’île par le gouvernement du Canada. Howlan se contenta de lui faire écho : « J’ai déjà été contre la Confédération, mais je vois que maintenant, aucune autre possibilité ne s’offre à nous [...] sinon d’entrer dans le dominion aux meilleures conditions possibles. » Les arguments électoraux de Pope et Howlan se réduisaient à peu de chose : ils avaient plus d’amis à Ottawa, donc ils étaient en mesure d’obtenir plus que Haythorne, qui avait déjà entamé des discussions avec les autorités fédérales. Fatigué, l’électorat se laissa convaincre. Pope, Howlan et Thomas Heath Haviland* se mirent en route pour Ottawa et menèrent les négociations à terme. Le 1er juillet 1873, l’Île-du-Prince-Édouard devenait une province canadienne.

Dès lors, Howlan reçut de plus en plus d’honneurs, mais eut de moins en moins de pouvoir. Selon lui, l’entrée de l’île dans la Confédération avait fait de l’Assemblée une simple succursale. Peut-être parce qu’il voulait assurer sa sécurité financière, il avait accepté en juin d’être receveur des douanes à Charlottetown, mais il était si pressé de sauter dans l’arène fédérale qu’il démissionna en septembre. Les élections spéciales qui détermineraient qui représenterait l’île au Parlement d’Ottawa se tenaient au cours de ce mois. Candidat dans la circonscription de Prince, Howlan fut battu, mais il fut nommé au Sénat en octobre. Par la suite, on ne sait pourquoi, il démissionna pour une courte période, du 27 décembre 1880 au 5 janvier 1881. Il trouvait qu’un siège de sénateur, bien que prestigieux, ne donnait guère de pouvoir réel. Dès 1884, il était prêt à retourner à l’Île-du-Prince-Édouard et se démenait pour être nommé lieutenant-gouverneur. Cette fonction ne lui fut pas confiée, en partie à cause de l’obstruction du sénateur Jedediah Slason Carvell*. L’année suivante, une occasion de refaire de la politique active se présenta à lui.

En accueillant l’Île-du-Prince-Édouard dans la Confédération, le gouvernement du Canada avait promis, entre autres, de la maintenir « en communication constante avec les réseaux ferroviaires du dominion ». C’était un engagement difficile à tenir, surtout en hiver, quand l’île était entourée par les glaces. Après que l’exploitation d’une série de vapeurs subventionnés par le gouvernement se fut avérée un échec, les insulaires acquirent la conviction que la seule solution sûre était de creuser un tunnel ferroviaire sous le détroit de Northumberland. Howlan se saisit de la question et la souleva au Sénat. En fait, retirer un profit politique de l’affaire n’était pas son seul but. En 1886, il forma une compagnie et proposa de construire le tunnel en échange de la propriété complète du Prince Edward Railway et d’une subvention annuelle d’exploitation. Toutefois, ses collègues du Parlement ne l’écoutèrent pas – ni à ce moment-là, ni plus tard. Estimant qu’il pourrait faire avancer davantage le projet en étant à la Chambre des communes, Howlan démissionna du Sénat en février 1891 pour se présenter aux prochaines élections générales. Il fit campagne dans son ancienne circonscription, celle de Prince, mais, si le projet de tunnel était populaire, lui ne l’était pas. Il fit donc piètre figure au scrutin. Son vieil ami sir John Alexander Macdonald*, premier ministre du pays, le nomma de nouveau au Sénat en mars. Finalement, en 1894, Howlan fut invité à devenir lieutenant-gouverneur de l’Île-du-Prince-Édouard. Il exerça cette fonction jusqu’en 1899 et mourut deux ans plus tard à Charlottetown.

Selon le Prince Edward Island illustrated, George William Howlan avait « [sur le plan] social les qualités d’un gentleman irlandais chaleureux et très intelligent ». En outre, les manœuvres politiques n’avaient pas de secret pour lui. Pendant dix des années les plus critiques de l’histoire de sa province, il en fut l’un des personnages politiques les plus puissants. Même s’il ne fut jamais chef de parti, il avait des appuis dans chaque circonscription. En rompant avec le Parti libéral, il brisa la vieille alliance entre catholiques et réformistes, ce qui modifia le paysage politique de l’île. En organisant l’adoption du projet de loi sur le chemin de fer en 1871, il fut à l’origine de la politique qui, au bout du compte, forcerait l’île à entrer dans la Confédération. On ne saurait le qualifier de visionnaire, car il ne vit probablement jamais bien loin au delà des avantages politiques immédiats de ses manœuvres. Pourtant, ses actes eurent des répercussions bien plus grandes que ceux de bon nombre de ses contemporains plus célèbres.

Boyde Beck

Memorial Univ. of Nfld (St John’s), Maritime Hist. Group, Atlantic Canada Shipping Project, Shipping registries of Prince Edward Island (microfiche ; exemplaire aux PARO).— PARO, Acc. 2851 ; Acc. 2654.— PRO, CO 231/53–54.— Examiner (Charlottetown), 11 mai 1863, 3 juill. 1865, 23 avril, 3 sept. 1866, 29 mars 1869.— Islander, 26 août 1870.— Morning Guardian, 13 mai 1901.— Patriot (Charlottetown), 6 mars 1869.— Summerside Journal and Western Pioneer (Summerside, Î.-P.-É.), 5, 8 sept. 1870.— Boyde Beck, « Tunnel vision », Island Magazine (Charlottetown), no 19 (printemps-été 1986) : 38.— F. W. P. Bolger, Prince Edward Island and confederation, 1863–1873 (Charlottetown, 1964).— Canadian annual rev. (Hopkins), 1901 : 506.— Canadian directory of parl. (Johnson).— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898).— CPG, 1891 : 51.— Dominion annual reg., 1880–1881 : 257.— Î.-P.-É., House of Assembly, Debates and proc., 1867–1869, 1871–1872.— Prince Edward Island illustrated (Charlottetown, 1897).— I. R. Robertson, « Religion, politics, and education in P.E.I. ».— Vital statistics from N.B. newspapers, 1866–67 (Johnson), no 820.

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Boyde Beck, « HOWLAN, GEORGE WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/howlan_george_william_13F.html.

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Auteur de l'article:    Boyde Beck
Titre de l'article:    HOWLAN, GEORGE WILLIAM
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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