Titre original :  Robert Chambers Edwards. Image courtesy of Glenbow Museum, Calgary, Alberta.

Provenance : Lien

EDWARDS, ROBERT CHAMBERS, journaliste et homme politique, né en 1859 ou 1860, probablement le 12 septembre, à Édimbourg, fils d’Alexander Mackenzie Edwards et de Mary Chambers ; le 30 juin 1917, il épousa à Calgary Katherine Penman, et ils n’eurent pas d’enfants ; décédé dans cette ville le 14 novembre 1922.

Le père de Robert Chambers Edwards était médecin à Édimbourg. Sa mère, selon son témoignage à lui, appartenait à la célèbre famille d’éditeurs écossais. Orphelin dès son jeune âge, Edwards fut élevé par deux tantes célibataires. Apparemment, il étudia dans une école privée de St Andrews et à la Royal High School d’Édimbourg. Entre 1877 et 1880, il fit trois trimestres à la University of Glasgow, mais il n’alla pas jusqu’au diplôme.

Parti ensuite pour la France, Edwards publia à Boulogne, pendant un moment, un journal de langue anglaise, le Traveller. En 1884, il émigra aux États-Unis avec son frère Jack. Ils se rendirent d’abord au Wyoming, où ils passèrent leurs étés dans un ranch à Horseshoe Creek et leurs hivers à Cheyenne. Trois ans plus tard, ils achetèrent une ferme dans l’Iowa. Ce que fit Edwards pendant les dix années suivantes demeure un mystère ; ses écrits ne donnent à ce sujet que de maigres indices. Il mentionne être allé à Chicago, à St Paul, au Minnesota, à Kansas City, dans l’Arkansas, et à San Francisco, et il ajoute : « les seules connaissances vraiment utiles que nous avons aujourd’hui, nous les avons acquises en roulant notre bosse à travers le continent et les États-Unis – sans le sou ». En 1897, il arriva à Wetaskiwin (Alberta), où il fonda le Free Lance. Cet hebdomadaire où se côtoyaient information, articles au ton spirituel et observations sur la société était l’œuvre d’un journaliste remarquablement talentueux et chevronné. Comme Edwards n’avait pas de presse, il le faisait imprimer par d’autres journaux. En peu de temps, le Free Lance trouva des lecteurs bien au delà de Wetaskiwin, mais il perdit bientôt des appuis dans cette région après que des commerçants du lieu, irrités par la publication de commentaires humoristiques à leur sujet, eurent cessé d’y faire de la réclame. Employé au Free Press de Winnipeg pendant une courte période en 1899, Edwards constata vite qu’il préférait être son propre patron. De retour en Alberta dans le courant de la même année, il publia un hebdomadaire, l’Alberta Sun, à Leduc, puis à Strathcona, en face d’Edmonton, de l’autre côté de la rivière. En 1901, il lança le Wetaskiwin Breeze, mais l’année suivante, quand son ami Jerry Boyce ouvrit un hôtel à High River, il décida de l’y rejoindre. Le 4 mars 1902, il fit paraître le premier numéro de l’Eye Opener, ainsi nommé « parce que peu de gens résister[aient] à [la tentation de] le prendre ».

Précurseur du fameux Eye Opener de Calgary, le journal n’était encore qu’un petit hebdomadaire où se mêlaient nouvelles locales et humour. Les annonceurs locaux lui étaient fidèles, mais les membres du clergé éprouvaient beaucoup d’hostilité envers Edwards à cause de son goût pour la bouteille et de ses fréquentes remarques sur l’alcool. Au cours de ses deux années à High River, Edwards créa le personnage de Peter J. McGonigle, rédacteur en chef de la légendaire Gazette de Midnapore et habitué du bar de la Nevermore House. McGonigle était un sage, un gentleman et un ivrogne – à peu près comme son créateur. Edwards inventa aussi le personnage d’un Anglais résidant au Canada et vivant aux crochets de sa famille, Albert Buzzard-Cholomondeley, dont les « lettres » à ses proches donnaient des trucs ingénieux et hilarants pour soutirer de l’argent à son père.

À l’été de 1903, Edwards s’attira le mécontentement d’un ministre presbytérien de High River en le qualifiant d’« inadapté [au service] de Dieu ». Peu après, il s’installa à Calgary, où l’Eye Opener acquit bientôt une renommée nationale à cause de son ton spirituel, de ses satires et de ses commentaires politiques. Dès 1908, le tirage atteignait 18 500 exemplaires ; 4 000 se vendaient à Toronto, 2 600 à Winnipeg, 1 000 à Vancouver et 1 800 à bord des trains du chemin de fer canadien du Pacifique.

En politique, Edwards penchait du côté des conservateurs, mais aucun parti ni individu n’étaient à l’abri de ses attaques au vitriol. Quand William Mackenzie et Donald Mann* (« Bill » et « Dan » dans l’Eye Opener) tentèrent de vendre leur part du réseau de tramways de Winnipeg pour la somme de 24 millions de dollars, il compara leur avoir à un tas de ferraille. En apprenant que Robert J. Stuart se présentait au conseil municipal de Calgary, il écrivit : « Il paraît – ah ah ! – que – ah ah ! – R. J. Stuart – hi hi hi – ah ah ah ! – va briguer – oh oh ah ah – un siège d’échevin – ah ah ah ah ah ah ! – Ah ah ah ah ah ah – ah ah ah ah ah ah ah ah ah ah ! ». Edwards jugeait corrompu le gouvernement de sir Wilfrid Laurier*, mais en même temps il disait : « À propos des partis libéral et conservateur : de deux maux il faut n’en choisir aucun. »

À cause de son franc-parler, Edwards se mit à dos bon nombre d’hommes politiques et de gens d’affaires. En 1905, John Stoughton Dennis et la Compagnie de chemin de fer canadien du Pacifique (CP) lui intentèrent une poursuite en diffamation parce qu’il avait critiqué le projet d’irrigation de la compagnie à l’est de Calgary. Richard Bedford Bennett*, solicitor du CP, représentait la compagnie de chemin de fer. Le tribunal rendit un non-lieu, mais Edwards lança une vigoureuse offensive contre Bennett, Dennis et le CP. Il se concentra sur les traverses de chemin de fer dangereuses, celles de Calgary surtout. En 1906, il commença à publier des photographies de trains accidentés en les présentant comme des épaves du CP. Puis, le 7 avril 1906, il plaça en première page un grand portrait de Bennett, accompagné de la légende suivante : « Une autre épave du CP. » Dès 1911, pourtant, Edwards soutiendrait Bennett et prédirait qu’il pourrait devenir un jour premier ministre du Canada. Entre-temps, en 1908, l’Eye Opener accusa le chef conservateur Robert Laird Borden* d’être père d’un enfant illégitime. Aucune poursuite ne fut intentée contre Edwards dans ce cas, mais un tribunal émit une ordonnance pour interdire la distribution du journal dans Halifax, la circonscription de Borden.

L’affaire judiciaire peut-être la plus ridicule à laquelle fut mêlé Edwards eut lieu en 1906, après la publication d’une histoire à propos de Peter J. McGonigle, son rédacteur en chef imaginaire. Edwards racontait que McGonigle avait été libéré de prison après avoir purgé une peine pour vol de chevaux et que, au cours d’un banquet donné en son honneur à Calgary, un télégramme de lord Strathcona [Donald Alexander Smith*] avait été livré. Le message disait notamment : « Le nom de Peter McGonigle figurera toujours en bonne place sur la liste des as de l’arnaque. Un jour, il y a longtemps, j’ai moi-même failli me distinguer dans ce domaine en gérant adroitement des fonds de la Banque de Montréal. Cependant, comme les actions du CP ont monté au lieu de descendre, j’ai fini à la Chambre des lords plutôt qu’[au pénitencier de] Stony Mountain. » Furieux, dit-on, à la lecture de l’article, Strathcona ordonna à ses solicitors d’entamer des poursuites. Cependant, quand on expliqua à leurs représentants à Calgary quel genre de journal était l’Eye Opener, il se laissa convaincre d’abandonner.

Clifford Sifton était un autre des adversaires de l’Eye Opener. Edwards l’accusa d’avoir une liaison avec une femme mariée en 1905, pendant les négociations en vue de la formation des provinces de l’Alberta et de la Saskatchewan. Trois ans plus tard, il entendit dire que Sifton soutenait la création, à Calgary, d’un journal libéral qui devait contrer l’influence de l’Eye Opener. Peu après, Daniel McGillicuddy lança le Daily News à Calgary et, à la veille des élections de 1908, il publia une attaque cinglante contre Edwards, le traitant de « misérable scélérat à l’existence dépravée », de diffamateur, de lâche, de menteur, d’ivrogne, de drogué et de dégénéré. Edwards le poursuivit en diffamation au criminel et eut gain de cause, mais McGillicuddy fut condamné seulement à une amende de 100 $.

Edwards ne pardonna jamais à ceux qui avaient été mêlés à la poursuite. Il ridiculisa à tel point l’avocat de McGillicuddy, Edward Pease Davis, que celui-ci lui intenta un procès en diffamation et qu’Edwards dut publier des excuses. En outre, Edwards accusa le juge, Nicholas Du Bois Dominic Beck, de partialité politique et le décrivit une fois ainsi ; « Beck l’étroit d’esprit, l’homme à préjugés, le fanatique ». Quant à McGillicuddy, Edwards continua de lui en vouloir même après sa mort. Lorsqu’il serait élu à l’Assemblée législative de l’Alberta, 13 ans après le procès, il écrirait : « N’est-il pas extraordinaire que nous soyions à l’Assemblée alors que McGillicuddy est en enfer ? »

Convaincu que l’affaire McGillicuddy n’aurait pas eu lieu si les citoyens de Calgary l’avaient appuyé en plus grand nombre, Edwards tenta de réimplanter son journal à Toronto ou à Montréal en 1909, mais il le publia finalement à Port Arthur (Thunder Bay, Ontario), pendant un an, puis à Winnipeg en 1910 et au début de 1911. Toutefois, dès avril 1911, il était de retour à Calgary. Pendant cette période, ses attaques contre ses adversaires politiques prirent un ton moins cinglant et plus humoristique. Il commença à parsemer les pages de l’Eye Opener d’aphorismes tels « la Politique est un bon jeu mais une sacrée mauvaise affaire » ainsi que d’extraits d’un prétendu « carnet mondain » où il se moquait de l’élite. En 1911 par exemple, il écrivit : « Nous apprenons que Mlle Mary E. Frobisher, de Didsbury, épousera le 20 novembre M. John T. Billcoe, Calgarien bien connu. De toute évidence, Titania n’était pas la seule femme à être amoureuse d’un âne. » Bon nombre de ses commentaires portaient sur l’alcool car, malgré plusieurs tentatives, il ne parvint jamais à cesser de boire. « Tout le monde a son dada, écrivait-il. Le nôtre, c’est de faire la noce. » En dépit de son alcoolisme, ou peut-être à cause de celui-ci, il soutint sans réserve l’instauration de la prohibition en Alberta en 1916. Toutefois, il la critiqua ouvertement après son entrée en vigueur, déçu que les Albertains boivent désormais chez eux plutôt que dans les bars.

Célibataire jusqu’à la fin de la cinquantaine, Edwards logeait dans des chambres d’hôtel et publiait son journal à partir d’un minuscule bureau. À l’occasion, il se faisait aider d’un secrétaire, mais il envoyait toujours sa copie à l’un des quotidiens locaux pour l’impression. En 1913, il rencontra Katherine Penman, une femme de 20 ans qui arrivait d’Écosse. Elle travailla d’abord au cabinet de l’avocat Richard Bennett, puis dans l’édifice des titres fonciers. Leur mariage eut lieu sans témoins en 1917. Edwards restait très discret sur sa vie conjugale ; le nom de sa femme paraissait rarement dans le journal.

En 1920, à cause de sa réputation d’humoriste, on encouragea Edwards à regrouper ses écrits dans une anthologie. Au lieu de se contenter de rééditer des textes déjà parus, il y ajouta des histoires et des blagues nouvelles, et retravailla maints articles publiés des années plus tôt. Cela donna un magazine à prix modique de 90 pages, Bob Edwards Summer Annual, dont tout le tirage se vendit en quelques semaines. Edwards conclut ensuite une entente avec la Musson Book Company Limited de Toronto en vue de publier le magazine chaque été. En tout, il y eut cinq numéros, dont deux à titre posthume.

Au fil des ans, bien des gens avaient pressé Edwards de briguer une charge publique, mais il avait toujours résisté, préférant rester neutre sur la politique de partis. Finalement, en 1921, il céda à la tentation. Candidat indépendant, il remporta haut la main un siège à l’Assemblée de l’Alberta. Sans avoir fait ni publicité ni campagne, il se classa deuxième des 20 candidats des circonscriptions de Calgary par le nombre de voix. Il siégea pendant une session et ne prononça qu’un discours, sur les effets néfastes de la prohibition. Déjà malade, il continua de décliner et mourut le 14 novembre 1922.

Tout au long de sa vie, Robert Chambers Edwards recourut à l’humour et à la satire pour préconiser des changements sociaux. Compatissant envers les pauvres, il s’éleva contre la corruption politique, dénonça les fraudeurs de l’immobilier et les escrocs, et favorisa la réforme du droit, l’adoucissement des lois sur le divorce et le nationalisme canadien. En son temps, il était le journaliste le plus célèbre dans l’Ouest du pays.

Hugh A. Dempsey

Le Calgary Eye Opener a été publié et édité par Robert Chambers Edwards jusqu’au 29 juillet 1922, et sa femme a continué de le faire paraître au moins jusqu’au 18 août 1923. Le journal a par la suite été vendu à une entreprise de Minneapolis, qui en a fait un petit magazine humoristique.

Les principales sources d’information sur la carrière d’Edwards sont [J. W.] G. MacEwan, Eye Opener Bob : the story of Bob Edwards (Edmonton, 1957), et les deux anthologies de ses écrit publiées par Hugh A. Dempsey, The best of Bob Edwards (Edmonton, 1975) et The wit & wisdom of Bob Edwards (Edmonton, 1976). Une série en six parties sur sa vie rédigée par Andrew William Snaddon a paru toutes les semaines dans le Calgary Herald entre le 22 sept. et le 27 oct. 1956.

Il ne semble pas exister de papiers regroupés sur Edwards ou sur l’Eye Opener. On trouve une petite collection comprenant tout au plus diverses lettres aux GA (M 353–56, M 2623, M 3826, M 3943). Les registres d’inscription aux Arch. and Business Records Centre de la Univ. of Glasgow attestent qu’Edwards a fréquenté cet établissement. L’information confirmant la carrière médicale de son père a été obtenue du Royal College of Surgeons d’Édimbourg et du Royal College of Surgeons of England de Londres.

On ne trouve plus aucun dossier complet sur l’Eye Opener. En 1962, les exemplaires existants ont été microfilmés par l’Assoc. canadienne des bibliothèques ; la Glenbow Library, de Calgary, et la Univ. of Alta Library, d’Edmonton, en ont par la suite obtenu quelques numéros additionnels. La Glenbow Library possède une série complète de Bob Edwards’ Summer Annual (Toronto). [h. a. d.]

G. C. Porter, « Legendary Midnapore character made Calgary laugh ; Lord Strathcona was not amused », Calgary Herald, 4 févr. 1939.— Andrew Snaddon, « Bob Edwards’ story a bit of a mystery », Calgary Herald, 4 déc. 1954.— Alberta newspapers, 1880–1982 : an historical directory, G. M. Strathern, compil. (Edmonton, 1988).— Max Foran, « Bob Edwards & social reform », Alberta Hist. (Calgary), 21 (1973), nº 3 : 13–17.— Bertha Hart Segal, « “Bob” Edwards », Cattlemen (Winnipeg), juin 1950 : 18, 35, 42.— T. U. Primrose, « Bob Edwards of High River », Cattlemen, janv. 1954 : 6, 33.

Comment écrire la référence bibliographique de cette biographie

Hugh A. Dempsey, « EDWARDS, ROBERT CHAMBERS », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/edwards_robert_chambers_15F.html.

Information à utiliser pour d'autres types de référence bibliographique


Permalien: https://www.biographi.ca/fr/bio/edwards_robert_chambers_15F.html
Auteur de l'article:    Hugh A. Dempsey
Titre de l'article:    EDWARDS, ROBERT CHAMBERS
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 15
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2005
Année de la révision:    2005
Date de consultation:    20 nov. 2024