Provenance : Bibliothèque et Archives Canada/MIKAN 3665037
CLARKE, sir ALURED, officier et administrateur colonial, né vers 1745, peut-être le fils de Charles Clarke, baron à l’Échiquier en Angleterre, et de sa seconde femme, Jane Mullins ; décédé célibataire le 16 septembre 1832 à Llangollen, pays de Galles.
Alured Clarke obtint une enseigne dans le 50th Foot en 1759 ; six ans plus tard, il devint capitaine dans le 5th Foot. Après avoir accédé au rang de major dans le 54th Foot en 1771, il fut promu lieutenant-colonel en 1775. Il se rendit à New York avec ce régiment l’année suivante. En 1777, il prit le commandement du 7th Foot jusqu’à ce qu’il remplace John Burgoyne* au poste de chef général de rassemblement des troupes allemandes ; en 1782, il devint colonel. De 1782 à 1790, il fut lieutenant-gouverneur de la Jamaïque, où il jouissait d’une grande popularité auprès des planteurs et gagna la faveur du secrétaire d’État à l’Intérieur, lord Grenville. Clarke passa ensuite au rang de major général ; en juillet 1791, il fut promu colonel du 1er bataillon du 60th Foot.
Le 19 mars 1790, Clarke avait été nommé lieutenant-gouverneur de la province de Québec en remplacement de Henry Hope*. Il arriva à Québec le 7 octobre pour entrer en fonction le lendemain. En août 1791, lorsque le gouverneur, lord Dorchester [Guy Carleton*], partit pour la Grande-Bretagne, Clarke assuma le commandement des troupes britanniques en Amérique du Nord et l’administration du territoire qui devint à cette même date la province du Bas-Canada. Sa fonction d’administrateur civil consistait surtout à faire appliquer les dispositions de l’Acte constitutionnel de 1791 ; le gouvernement provincial devait pour ce faire prendre des mesures d’ordre administratif avant que l’on ne puisse convoquer le nouveau Parlement.
La délimitation exacte des frontières, non seulement entre le Bas et le Haut-Canada mais aussi avec les États-Unis, posait à Clarke un problème complexe ; en effet, les divers documents et instructions qu’il recevait de Londres étaient souvent contradictoires. La démarcation de la frontière des États-Unis était une affaire particulièrement délicate : depuis que les Britanniques avaient décidé de conserver certains postes situés du côté américain des Grands Lacs, violant ainsi le traité de paix de 1783, les relations anglo-américaines étaient restées précaires. En outre, les tribus indiennes de la région de l’Ohio, irritées de la promesse que les Britanniques avaient faite aux Américains de leur céder le territoire situé au sud des Grands Lacs, menaçaient constamment la paix et la stabilité frontalières. Clarke ne pouvait que tenter d’éviter les conflits en territoire indien ; la répartition des postes dépendait de négociations diplomatiques entre les gouvernements britannique et américain et elle fut finalement établie en 1794 par le traité Jay.
Au Bas-Canada, Clarke publia une proclamation le 7 février 1792, qui s’inspirait des directives générales de Londres et peut-être aussi des conseils particuliers de certains fonctionnaires provinciaux, pour fixer les conditions relatives à l’attribution des terres de la couronne dans la province. Pour attirer les colons et récompenser les loyalistes, un maximum de 200 acres, que le chef du gouvernement pouvait porter à 1 200 acres, serait accordé à tout pétitionnaire qui promettrait de cultiver la terre, qui prêterait le serment d’allégeance et qui paierait aux fonctionnaires les émoluments convenus. Faisant montre d’une si grande générosité, le comité des terres du nouveau Conseil exécutif fut bientôt assailli de pétitions qui restèrent sans réponse pendant des années, et Clarke seul signa des ordres pour l’arpentage de 150 cantons, soit quelque sept millions d’acres. De plus, le système des chefs et associés de canton [V. Samuel Gale] allait permettre aux spéculateurs et aux fonctionnaires de monopoliser de vastes étendues de terre au détriment des colons de bonne foi et du développement économique de la province. D’autres ennuis et controverses résultèrent de la réservation du septième de chaque canton pour le maintien d’un clergé protestant, et d’un autre septième à titre de terres de la couronne dont le gouvernement provincial pourrait par la suite tirer un revenu non assujetti au contrôle de l’Assemblée. De plus, le projet de Clarke visait à constituer les réserves de la couronne et du clergé en une seule étendue de terrain par canton. En acceptant plutôt un plan qui répartissait ces réserves dans les cantons en lots de 200 acres disposés en damier, Londres s’avéra encore plus imprévoyant ; cette formule était en effet encore moins commode, puisque les lots se trouvaient alors intercalés parmi les terrains concédés à des particuliers.
Pour adapter les institutions au nouveau régime constitutionnel, il fallut réorganiser les tribunaux et créer un Conseil exécutif, qui allait être, entre autres, une cour d’appel. Le 7 mai 1792, avant de convoquer le Parlement du Bas-Canada, Clarke publia une proclamation divisant la colonie en comtés, cités et villes, qui constituaient des circonscriptions électorales auxquelles on destinait 50 députés. Cette question, qui portait à controverse, se régla ainsi à la satisfaction générale, et des élections provinciales s’ensuivirent la même année. En décembre, Clarke ouvrit avec fierté la première session du Parlement du Bas-Canada, qui se tint au Palais épiscopal de Québec. Comme il ne parlait pas français et qu’un grand nombre de députés ne connaissaient pas l’anglais, son discours à la chambre d’Assemblée et au Conseil législatif fut repris par un traducteur. Dans un rapport sur le fonctionnement de l’Assemblée qu’il fit à Henry Dundas, nouveau secrétaire d’État à l’Intérieur, Clarke décrivit certaines des conditions qui allaient généralement entraver les délibérations pendant des années. « La première réunion du Parlement, écrivait-il à Dundas, a vu l’émergence d’un esprit de jalousie et d’une certaine animosité. » Ces sentiments étaient suscités par la crainte que les Canadiens éprouvaient, même s’ils détenaient une majorité confortable, que les députés britanniques ne dominent l’Assemblée et ne l’utilisent pour modifier les lois et usages de la colonie. Les Canadiens exigèrent que le quorum s’élève à 34 et s’assurèrent ainsi qu’aucun projet de loi ne puisse être adopté sans l’assentiment de leur majorité interne. De plus, ils tenaient à ce qu’un Canadien occupe le poste clé de président et ils y élurent Jean-Antoine Panet*. Par ailleurs, ils tentèrent au départ de faire aussi du français la langue officielle des textes législatifs mais, finalement, tous les projets de loi furent adoptés en anglais ; si une loi lui avait été remise en français, assurait Clarke à Dundas, il en aurait réservé la sanction. Le climat de méfiance qui régnait à l’Assemblée et le chiffre élevé du quorum bloquèrent effectivement toute activité législative jusqu’au dernier mois. Un grand nombre de députés étaient retournés, déçus, à leurs affaires privées et on craignait que « la session ne se termine d’une manière très inconvenante », sans qu’aucune loi, pour ainsi dire, ait été votée. Le quorum fut abaissé et, les travaux étant menés tambour battant, huit projets de loi furent adoptés, dont un qui exemptait les quakers de servir dans la milice et de prêter le serment d’allégeance. Le printemps était alors si avancé que rien ne pouvait empêcher le reste des législateurs d’aller vaquer à leurs affaires personnelles et, le 9 mai 1793, Clarke prorogea la session.
Le rythme endiablé de cette fin de session rendit Clarke optimiste. « Les députés canadiens, disait-il, ayant, selon eux, affirmé leur importance » en montrant à la population qu’ils étaient capables de s’unir pour dominer l’Assemblée et les députés britanniques ayant fait preuve de modération, « les odieuses distinctions qui s’étaient d’abord esquissées avaient presque disparu avant la prorogation ; et [...] tous les députés, anciens et nouveaux sujets, qui demeuraient en ville, dînèrent ensemble le dernier jour de la session et se quittèrent dans un excellent climat d’harmonie et de bonne humeur générale ». Par conséquent, même si le nombre de lois adoptées était minime, Clarke considérait « qu’on a[vait] fait autant qu’on pouvait raisonnablement espérer » et il était persuadé que l’expérience acquise par les députés allait leur permettre de se montrer plus efficaces à l’avenir.
Lorsque Dorchester revint à Québec en septembre 1793, Clarke fut heureux de partir (probablement en novembre) pour l’Angleterre où il n’avait passé qu’environ cinq mois durant les vingt années précédentes. Dundas avait déjà manifesté l’« entière satisfaction » que Clarke lui donnait dans son service et il lui avait promis « d’exprimer plus concrètement l’opinion qu’[il] a[vait] de [son] mérite ». Il avait été question que Clarke soit nommé gouverneur de la Jamaïque, mais il demeura lieutenant-gouverneur du Bas-Canada jusqu’en 1795. Au cours de ce mandat, en 1794, il devint colonel du 68th Foot, puis du 5th Foot. Cette année-là, Dundas devint secrétaire d’État à la Guerre, et sa promesse se réalisa peut-être en 1795 quand Clarke fut choisi pour commander une troupe de renfort qui partait pour l’Inde. En route, il s’arrêta pour aider à la capture de la colonie hollandaise du Cap (Afrique du Sud). En 1796, il fut promu lieutenant-général de l’Inde et, en janvier 1797, il reçut les pleines attributions de ce grade. Après avoir été commandant en chef de Madras, il fut affecté au même poste au Bengale en 1797, où il exerça également les fonctions de président et de conseiller principal ; la même année, il fut fait chevalier de l’ordre du Bain. En septembre, il fut nommé gouverneur général de l’Inde, mais il démissionna en 1798 pour devenir commandant en chef de l’armée britannique de cette colonie, poste qu’il occupa jusqu’en 1801.
De retour en Angleterre cette année-là, Alured Clarke devint colonel du 7th Foot en août et, en 1802, il accéda au grade de général ; il fut nommé maréchal en 1830. Cette dernière promotion était un hommage approprié, quoique tardif, à un soldat de métier qui, grâce à un talent modeste et des manières courtoises, avait su remplir les fonctions civiles d’administrateur colonial sans se distinguer ni se déshonorer.
APC, MG 23, GII, 10, vol. 3 : 724–727, 732–737 ; MG 30, D1, 8 : 359–383.— PRO, CO 42/73–98 ; CO 43/16.— Corr. of Lieut. Governor Simcoe (Cruikshank).— Doc. relatifs à l’hist. constitutionnelle, 1791–1818 (Doughty et McArthur), 54–77, 109–118.— «Quelques prêtres français en exil au Canada », ANQ Rapport, 1966 : 144, 158, 168.— La Gazette de Québec, 29 août, 8 sept., 10, 24 nov. 1791, 5 janv., 9, 23 févr., 1er mars, 10, 17 mai, 12 juill., 16 août, 20 sept., 18 oct., 27 déc. 1792, 24 janv., 25 avril, 2, 16 mai, 31 oct. 1793.— Times (Londres), 20 sept. 1832.— DNB.— G.-B., WO, Army list, 1759–1832.— Morgan, Sketches of celebrated Canadians, 113–114.— Wallace, Macmillan dict.— Caron, la Colonisation de la prov. de Quebec, 2 : 11–55.— Christie, Hist. of L.C. (1848–1855), 1.
Peter Burroughs, « CLARKE, sir ALURED », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/clarke_alured_6F.html.
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Auteur de l'article: | Peter Burroughs |
Titre de l'article: | CLARKE, sir ALURED |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |