BURNS, WILLIAM, homme d’affaires, officier de milice et homme politique, né vers 1755 en Grande-Bretagne ; décédé célibataire le 25 septembre 1829 à Québec.
William Burns quitte la Grande-Bretagne vers 1770, censément avec son père, qui était peut-être l’officier britannique George Burns. Par suite du décès de ce dernier pendant la traversée, William se trouve orphelin ; mais, dès son arrivée à Québec, il est recueilli par John Melvin, qui le prend à titre de commis dans la maison de commerce qu’il tient avec Meredith Wills.
Après avoir servi comme milicien pendant quelque temps au cours de l’invasion américaine de 1775–1776, Burns apprend rapidement à connaître tous les rouages du commerce à Québec : ainsi, il vend du blé (notamment pour Samuel Jacobs*), coordonne le transport fluvial des marchandises de la maison de commerce, fait des ventes aux enchères (la Melvin and Wills est désignée commissaire-priseur de Québec en 1778) et des transactions avec les fournisseurs londoniens et leurs représentants. En août 1784, Burns est déjà associé à ses anciens employeurs au sein de la Melvin, Wills, and Burns. Après la mort de Wills, qui survient dans les six premiers mois de 1787, la société prend le nom de Melvin and Burns. Melvin meurt à son tour en août 1791. Le mois suivant, Burns devient commissaire-priseur et, avant la fin du printemps de 1792, il s’associe à John William Woolsey* pour fonder la Burns and Woolsey, société d’encanteurs, de marchands à commission et de courtiers.
Tout au cours de la période 1790–1808, Burns se révèle un véritable marchand-négociant. Engagé dans tous les secteurs économiques rentables de l’époque, il continue à diversifier ses investissements. Intéressé au secteur de la chasse et de la pêche, il détient des actions dans une société qui fait des affaires au Labrador et dans le bas du fleuve Saint-Laurent. En vue d’exploiter les îles de Mingan et la seigneurie de Saint-Paul, il s’est associé avec des hommes d’affaires de poids : John Richardson, Patrick Langan, Woolsey et Mathew Lymburner. De plus, il participe au commerce du bois avec des associés, dont Woolsey, et vend ce matériau surtout en gros par le biais des ventes aux enchères. Il s’occupe également de l’importation et de l’exportation de marchandises sèches. La société Burns and Woolsey vend en gros et au détail des produits alimentaires, des spiritueux en provenance des Antilles anglaises et du vin européen, de même que des livres, des articles de maison et des billets de loterie.
Burns agit, en outre, à titre de commissaire-priseur pour le gouvernement. Il est aussi un encanteur connu et respecté qui, avec Woolsey, fait des ventes à l’encan sur les divers quais de la basse ville. D’après leurs catalogues d’enchères, ils vendent de gros volumes de marchandises et même des cargaisons ou des navires entiers, surtout pendant la brève saison où le port est ouvert. À Québec, le commerce est beaucoup plus réduit que dans les ports achalandés de la côte atlantique. De ce fait, la plupart des enchères sont confiées aux principaux encanteurs du port, Burns et John Jones*, et les importateurs et boutiquiers ne semblent pas se plaindre de ce qu’ils font baisser les prix. Par conséquent, et peut-être également en raison de la compétence que Burns manifeste sur la tribune, aucune réglementation ne vient toucher les ventes aux enchères à Québec. Burns réclame bien l’intervention du Conseil exécutif en 1805 puis de nouveau un an plus tard, mais seulement pour que soit fixé le pourcentage des commissions des encanteurs.
En 1806, Burns met fin à son association avec Woolsey. Il est probable qu’il n’a plus besoin du soutien d’un associé permanent car, en plus de ses activités au sein de la maison Burns and Woolsey, il fait déjà des affaires pour son propre compte. Il semble mieux réussir seul qu’avec Woolsey qui d’ailleurs lui devra des sommes d’argent considérables. Après la dissolution de cette société, Burns ne s’associera à d’autres marchands qu’en vue d’une transaction très précise, comme l’achat à trois d’une seigneurie ou d’une terre à bois.
Entre 1810 et 1830, sans pour autant délaisser le domaine commercial, Burns se lance activement dans la spéculation immobilière et foncière dans la ville de Québec et à sa périphérie. L’ampleur de ses mises peut être illustrée par les faits suivants. Le 20 septembre 1824, Burns achète 26 lots au cours d’une vente aux enchères faite par le shérif. Moins de I l mois plus tard, il revend le tout à Mary Neilson, l’épouse « non commune en biens » du notaire Thomas Lee. Mais, six mois avant cette dernière vente, il a pu se porter acquéreur de 30 autres lots situés au faubourg Saint-Jean.
À la même époque, Burns offre ses services comme courtier immobilier et maritime. Ainsi, en 1813, il vend des lots de terre à un marchand pour le compte d’un certain John Scott, de Londres. Deux ans plus tard, il devient le mandataire d’héritiers désireux de vendre le fief de la Grosse-Île ; il conclut la transaction avec Louis Gauvreau, marchand de Québec et député à la chambre d’Assemblée du Bas-Canada. Depuis le début des années 1800, Burns fait passer régulièrement des annonces dans la Gazette de Québec où il invite d’éventuels acheteurs à des ventes à l’encan de navires. On peut croire que ces derniers avaient été l’objet de saisies. Burns abandonne ce champ d’activité en 1811 au profit exclusif de Robert Melvin, son associé dans ce secteur spécifique et fils de celui qui l’avait initié au commerce.
Burns s’occupe aussi d’administrer les biens et les affaires de certaines personnes, généralement aisées, qui, devant s’absenter du pays, n’hésitent pas à en faire leur procureur spécial. Sa compétence et son intégrité sont reconnues dans le milieu marchand de la ville et même au delà, car Burns entretient également d’étroites relations avec le milieu des affaires en Angleterre. Il se révèle un grand financier qui, fait remarquable, prête de fortes sommes à des marchands anglais d’importance et à des sociétés de Londres. Ainsi, en 1808, il a avancé £6 000 (cours d’Angleterre) à une firme londonienne afin qu’elle puisse faire construire un navire. Ce montant élevé montre que Burns n’hésite pas à assumer certains risques et qu’il dispose de fonds considérables. Au Bas-Canada, certains grands marchands ainsi que des notables lui doivent aussi de gros montants. C’est le cas de Woolsey, avec une dette qui se chiffre à £10 000 vers 1816 et à £24 000 en 1829, de Noah Freer, un des administrateurs de la Banque de Québec, du juge en chef Jonathan Sewell*, dont la fille Eliza Jannet est la filleule de Burns, et de Mathew Bell*, conseiller législatif qui lui doit £10 000 en 1829.
Le rôle de banquier assumé par Burns lui permet de faire des profits intéressants par le biais de l’intérêt annuel de 6 p. cent sur le capital que ses débiteurs lui versent. Il revêt également une certaine dimension sociale, étant donné que les banques ne font leur apparition au Bas-Canada qu’en 1817 et 1818. Il faut donc des financiers ayant un pouvoir économique solide et disposant d’un surplus de capital pour financer les activités commerciales d’autres grands marchands et contribuer ainsi au développement économique de la société.
À partir de 1816, étant à un âge avancé, Burns tend à ralentir ses activités. Le 5 septembre, il fait part dans la Gazette de Québec de son intention de se retirer prochainement des affaires. Il n’en continue pas moins cependant à s’occuper de ses commerces. En 1817, il annonce de nouveau qu’il laisse les affaires, mais un certain William Smith tient toujours ses magasins de gros et de détail. En 1818 et 1819, Burns met en vente les portefeuilles d’actions qu’il détient, entre autres, dans le pont Dorchester et dans l’hôtel de l’Union. À compter de cette dernière année, Burns vivra surtout de ses multiples rentes, c’est-à-dire des intérêts que ses débiteurs lui versent sur les sommes considérables qu’il leur a prêtées.
D’autre part, Burns qui a été promu enseigne dans le Quebec Battalion of British Militia en 1787, devient lieutenant-colonel du 3e bataillon de milice de la ville de Québec en 1812. Bien que peu intéressé aux charges publiques – il décline un poste de juge de paix en 1809 – il est nommé conseiller législatif en janvier 1818 et il le demeurera jusqu’à sa mort. Les journaux du conseil révèlent qu’il assistait rarement aux réunions et qu’il semblait être un partisan de John Richardson et de l’aile radicale du parti des bureaucrates. La nomination de Burns au Conseil législatif peut être interprétée comme une récompense venue couronner la vie active d’un homme qui a toujours été fidèle à la métropole et qui a participé à l’essor du capitalisme commercial dans le Bas-Canada.
Vers la fin de sa vie, Burns participe à des activités à caractère social, comme la Société d’agriculture du district de Québec dont il est membre. Il contribue financièrement à cette société, donne de l’argent pour l’érection du monument consacré à Edward* Augustus, duc de Kent et Strathearn, et à certaines organisations. L’honorable William Burns a été assurément un modèle pour les autres membres du milieu des affaires. En effet, il a fait partie du nombre restreint de grands marchands qui ont vécu dans le Bas-Canada entre la fin du xviiie siècle et les premières décennies du xixe siècle et qui ont laissé à leur succession une situation financière exempte de toute dette passive. L’environnement matériel de Burns l’identifiait à un certain groupe très fortuné. Son inventaire après décès laisse voir due tout dans la maison n’était qu’objet recherché et importé, du mobilier en noyer et en palissandre jusqu’aux cabarets japonais, aux plateaux à cartes importés de Chine et à la lingerie fine. Bref, l’espace physique de Burns était le reflet de la richesse qu’il avait su accumuler au cours des ans dans le grand commerce. Mort célibataire, sans héritiers directs, Burns a légué plus de £33 000 à ses proches amis et aux membres de la famille Melvin. Phénomène rarissime : en plus de donner quittance à son ancien associé Woolsey, il lui a laissé £5 000.
Devant une telle réussite économique de la part d’un homme qui a débuté dans le commerce très jeune et en partant de rien, on peut affirmer sans risquer de se tromper que William Burns s’est révélé un marchand remarquablement au fait des réalités commerciales de son époque.
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George Bervin et David Roberts, « BURNS, WILLIAM », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 2 oct. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/burns_william_6F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/burns_william_6F.html |
Auteur de l'article: | George Bervin et David Roberts |
Titre de l'article: | BURNS, WILLIAM |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 1987 |
Année de la révision: | 1987 |
Date de consultation: | 2 oct. 2024 |