BERTHIAUME, TREFFLÉ (baptisé Jean-Baptiste-Trefflé), typographe, imprimeur, éditeur, propriétaire de journaux et homme politique, né le 4 août 1848 à Saint-Hugues, Québec, fils de Gédéon Berthiaume, menuisier, et d’Éléonore Normandin ; le 21 août 1871, il épousa à Montréal Elmina Gadbois, et ils eurent cinq filles et trois fils ; décédé le 2 janvier 1915 à Outremont, Québec.

Un des cinq enfants issus du second mariage de Gédéon Berthiaume, Trefflé Berthiaume n’avait que quatre ans quand son père mourut à l’âge de 39 ans. Après des études primaires à l’école de son village, il fut admis au séminaire de Saint-Hyacinthe en 1859 dans la classe de syntaxe. Il n’y passa qu’une année, et ses résultats scolaires furent médiocres. Apprenti tailleur pendant plus de deux ans, il commença, en mars 1863, son apprentissage de typographe auprès des frères Lussier (Camille, Isidore et F.-X.-N.-Norbert), propriétaires du Courrier de Saint-Hyacinthe. Il accompagna F.-X.-N.-Norbert Lussier quand ce dernier alla fonder le Messager de Joliette en juillet 1863. Il fit seul la composition, l’impression et la distribution du Messager jusqu’à sa disparition en 1865. Il se rendit alors à Montréal, où il travailla quelque temps pour John Lovell*, puis à la Minerve. Il revint ensuite à Joliette, où Adolphe Fontaine lançait la Gazette de Joliette en avril 1866. Pendant deux ans, il en fut typographe, puis rejoignit sa famille aux États-Unis. De retour à la fin de 1868, il travailla deux mois dans l’imprimerie du Montreal Witness avant d’entrer de nouveau au service de la Minerve au début de 1869. En novembre 1871, il gagna un concours de composition sur lequel se fonda sa réputation d’excellent typographe. En 1872, il fut nommé prote du département de labeur de la Minerve. En 1870, il avait participé à la fondation de l’Union typographique Jacques-Cartier, qui regroupait les typographes montréalais de langue française affiliés à l’International Typographical Union. Au sein de ce syndicat, il occupa les postes de secrétaire-archiviste, en 1872, et de président en 1882–1883.

En 1879, avec Napoléon Sabourin, autre typographe de la Minerve, Berthiaume prit à sa charge la composition et l’impression du quotidien conservateur. Le contrat, signé le 21octobre, stipulait que le propriétaire de la Minerve, la Dansereau et Compagnie, fournissait l’équipement et le matériel d’imprimerie, et payait le papier et le loyer de l’établissement. Les deux associés, quant à eux, s’engageaient à chauffer et à éclairer les locaux où étaient composées et imprimées les deux éditions de la Minerve. En outre, la Dansereau et Compagnie affermait le département de labeur contre une somme représentant 7,5 % des revenus bruts de ce département, qui réalisait notamment les impressions des gouvernements conservateurs d’Ottawa et de Québec. L’entente, renouvelée en 1881 puis résiliée en janvier 1883, profita à Berthiaume ; grâce au capital accumulé, il fonda en janvier 1884 avec, entre autres, le lithographe George J. Gebhardt la Gebhardt and Berthiaume Lithographing and Printing Company Limited. Berthiaume investit 4 000 $ dans un capital social de 25 000 $. Il dirigea cette entreprise jusqu’au début des années 1890 et semble s’en être retiré avant qu’elle ne fasse faillite en 1894. Le 10 mai 1884, en association avec Sabourin, il avait lancé le Monde illustré, magazine destiné à remplacer l’Opinion publique, disparue en 1883. Pendant près d’un quart de siècle, cette revue occuperait une place importante dans la diffusion de la littérature canadienne-française.

Le 12 juillet 1889, Berthiaume signa un contrat d’affermage de la Minerve à des conditions fort différentes de celles de 1879 et qui allaient rapidement s’avérer intenables. Il obtenait l’autorisation d’exploiter pour son propre bénéfice un journal qui accumulait des dettes depuis plusieurs années en contrepartie d’un loyer annuel de 400 $ durant les deux premières années, de 800 $ les trois années suivantes et de 1 200 $ les 20 autres années. Berthiaume prenait sur lui l’administration, la rédaction, l’impression et la distribution du journal, ne laissant à la Compagnie de publication de La Minerve que la responsabilité de la direction politique, confiée à Joseph Tassé*. La rentabilité du quotidien était incertaine, mais la Gebhardt and Berthiaume Lithographing and Printing Company Limited, que Berthiaume représentait dans cette affaire, pouvait compter sur les contrats d’impression du gouvernement fédéral et des compagnies de chemin de fer. Peu de temps après, Berthiaume accepta une offre semblable de Joseph-Adolphe Chapleau* concernant le quotidien la Presse. Le contrat, signé le 19 novembre 1889, embrassait une période de 25 ans et contenait une clause suivant laquelle Berthiaume pouvait se porter acquéreur du journal, à tout moment durant les dix premières années du bail, moyennant une somme de 23 404,26 $, qui s’ajoutait au loyer de l’établissement. Berthiaume prenait en charge l’administration, la rédaction, l’impression et la distribution de la Presse, qui devait être imprimée par la Gebhardt and Berthiaume. Chapleau conservait la responsabilité de la direction politique, confiée à Guillaume-Alphonse Nantel*, et obtenait même que Berthiaume la lui laisse advenant le cas où il se porte acquéreur du quotidien. Berthiaume chercha à réaliser les économies d’échelle que lui offrait la publication d’un quotidien du matin et d’un quotidien de l’après-midi : il reproduisait les mêmes nouvelles de dernière heure dans les deux quotidiens, sollicitait des annonces pour les deux journaux, qu’il composait et imprimait dans les mêmes locaux.

Les conditions du bail de la Minerve étaient moins favorables que celles de la Presse et, dès le début de 1890, Berthiaume chercha vainement à se libérer du contrat. En août 1890, après que Tassé eut refusé de consentir à une réduction substantielle de son salaire, il prit plusieurs décisions dans le but d’assainir la situation financière de la Minerve : il forma avec son cousin Rémi Tremblay une société qui devait éditer le quotidien à la place de la Compagnie de publication de La Minerve ; il se substitua à la Gebhardt and Berthiaume dans l’impression du journal et, le 8 septembre, congédia sans cérémonie Tassé, épargnant du coup 3 000 $ de salaire. Tassé intenta aussitôt un procès à Berthiaume ; ce dernier le perdit, mais porta la décision en appel. Au début de juin 1891, les deux parties parvinrent à une entente mutuellement satisfaisante : Tassé reprenait possession du fauteuil éditorial de la Minerve, tandis que Berthiaume se trouvait dégagé, sans frais, de ses obligations à l’endroit du quotidien conservateur. Cette affaire réglée, Berthiaume continua de travailler à la prospérité de la Presse. Dès 1890, le quotidien avait dégagé un modeste profit qui augmenta sensiblement au cours des années suivantes. Le 7 février 1894, Berthiaume prit possession de la Presse des mains de Chapleau, qui se faisait plus discret depuis sa nomination au poste de lieutenant-gouverneur de la province de Québec. Durant les années 1890, Berthiaume s’appliqua à reproduire à Montréal des formules qui faisaient recette aux États-Unis : il accorda plus de place aux nouvelles, donna plus d’importance aux faits divers, augmenta le nombre de pages, introduisit l’illustration et les gros titres. Ces changements séduisirent le public, et le nombre de lecteurs de la Presse passa de 17 000 en 1890 à plus de 60 000 à la fin du siècle. Vers 1895, le tirage dépassa celui du Montreal Daily Star, et la Presse devint le journal le plus important au Canada.

Berthiaume fut nommé conseiller législatif de la division d’Alma le 16 novembre 1896. Assidu mais discret, il se fit un point d’honneur d’appuyer le Parti conservateur, qui l’avait nommé. La victoire de Wilfrid Laurier aux élections fédérales de 1896 et celle du Parti libéral au Québec en 1897 furent suivies d’un réalignement des forces politiques dans la province, auquel la Presse de Berthiaume contribua activement. La mort de Chapleau, en juin 1898, libéra la Presse de toute obligation politique à l’endroit de l’ancien chef conservateur qui, de toute façon, appelait déjà de ses vœux une alliance des conservateurs et des libéraux modérés de la province de Québec, laquelle aurait permis d’écarter les ultramontains et les radicaux. Depuis 1897, Arthur Dansereau jouait de son influence auprès du propriétaire de la Presse afin de faire prévaloir ce point de vue. En 1899, Dansereau quitta les services postaux à Montréal pour prendre en charge la direction politique de la Presse avec l’intention d’amener ce quotidien dans le giron libéral. Les maladresses commises par la direction du Parti conservateur fédéral au Québec à l’occasion des élections de 1900 facilitèrent ce rapprochement. Les dirigeants conservateurs, à la suite de la disparition de la Minerve de Nantel et devant le manque de conviction de la Presse de Berthiaume, décidèrent, en décembre 1899, de lancer un quotidien du matin dévoué aux seuls intérêts du parti [V. Louis Beaubien] ; Berthiaume avait réussi à les convaincre de protéger le marché de la Presse en après-midi. Il consentit à souscrire 2 000 $ d’actions dans le Journal. L’amertume causée chez Berthiaume par le rôle que joua Hugh Graham*, propriétaire du Montreal Daily Star, principal concurrent de la Presse, dans la mise sur pied du Journal fut encore avivée par la prépondérance stratégique consentie par le Parti conservateur au quotidien anglophone au moment des élections de 1900. Durant la campagne électorale, la Presse n’appuya pas les conservateurs et fit preuve d’une neutralité bienveillante envers Laurier. Par la suite, les conservateurs, en guise de représailles, décidèrent de publier le Journal en après-midi. Ce fut un coup d’épée dans l’eau et, après quelques semaines, à la fin de février 1901, ils durent ramener le quotidien sur le marché du matin. Par l’intermédiaire de Dansereau ou directement, Berthiaume fit comprendre à Laurier que son gouvernement pouvait compter sur l’appui, d’autant plus puissant qu’il était discret, du plus grand quotidien français d’Amérique. Cet appui n’était d’ailleurs pas désintéressé, car Berthiaume souhaitait faire de son journal le quotidien national des Canadiens français, où qu’ils fussent en Amérique du Nord. Il évaluait à près de deux millions les francophones établis aux Etats-Unis, en Ontario et dans les Maritimes, mais des tarifs postaux élevés rendaient cette population difficilement accessible à la Presse. Berthiaume et Dansereau multiplièrent les démarches auprès du premier ministre et du ministre des Postes ; en 1903, ils obtinrent une réduction substantielle des tarifs postaux. L’accord postal canado-américain de 1907 et les amendements qu’on y apporta en 1908 réduisirent les avantages du précédent tarif sans pour autant élever une barrière infranchissable à la diffusion de quotidiens canadiens aux États-Unis. Les résultats furent probants : l’édition américaine de la Presse passa de 8 000 exemplaires en 1900 à plus de 25 000 en 1907 et à près de 35 000 en 1914.

Berthiaume eut aussi recours à l’influence des hommes politiques afin d’obtenir plus facilement le capital que nécessitait l’expansion de son journal. Dans les années 1890, il avait dû investir des sommes importantes afin d’augmenter la productivité de son imprimerie, et l’immeuble qui abritait l’entreprise était devenu exigu et désuet. En 1900, il obtint la reconnaissance juridique de la Compagnie de La Presse, dotée d’un capital-actions de 750 000 $, et il acheta un terrain au coin des rues Saint-Jacques et Saint-Laurent afin d’y ériger un édifice spécialement conçu pour la Presse. Des hommes politiques fédéraux, dont Laurier et le sénateur George Albertus Cox, jouèrent de leur influence afin qu’il consolide sa dette à long terme à des conditions favorables. D’autres événements, moins heureux, ne tardèrent pas à révéler à Berthiaume l’importance d’amis politiques influents. À la veille des élections fédérales de 1904, la Presse fut au centre d’un vaste complot contre le gouvernement libéral, tramé par David Russell, financier qui possédait des intérêts dans les chemins de fer, et Hugh Graham. Opposés à la politique ferroviaire de Laurier, qui favorisait le Grand Tronc, ces derniers conçurent une machination complexe dans le but de discréditer les libéraux et de provoquer le retour au pouvoir des conservateurs, dont ils espéraient des avantages. L’acquisition de journaux libéraux importants qui, en temps opportun, seraient chargés de critiquer le gouvernement, figurait au centre de ce plan. Russell, Graham et un avocat montréalais associé au Parti libéral, James Naismith Greenshields*, réussirent à persuader Berthiaume de leur vendre son journal. Dans la nuit du 12 octobre 1904, la Presse passait aux mains de Russell pour la somme de 700 000 $ ; l’acheteur s’engageait en outre à payer des dettes d’une valeur de 125 000 $. Les libéraux eurent vent du complot, et Laurier menaça de dévoiler la machination si Russell et Graham mettaient leur plan à exécution. Après la victoire des libéraux aux élections, privés du soutien financier escompté et à court de liquidités, Russell, Graham et Greenshields durent accepter l’offre d’achat de deux financiers torontois, Donald Mann* et William Mackenzie*, qui acquirent le contrôle de la compagnie. Les raisons qui expliquent la décision de Berthiaume de céder le journal auquel il avait consacré une quinzaine d’années de travail acharné demeurent obscures, mais il semble hors de question qu’il ait voulu nuire à Laurier. Le jour même de la signature de l’acte de vente, qu’il affirma, sans grande vraisemblance, lui avoir été extorquée sous l’effet de l’alcool, Berthiaume regretta la transaction : « Je réalise maintenant quelle chute je viens de faire. Je tenais auparavant dans mes mains un instrument d’une extrême puissance qui obéissait à ma volonté et j’étais une force ; maintenant, tout ce que je possède est un carnet de banque et tout ce que j’aurai à faire le reste de mes jours sera de tirer des chèques ! »

Berthiaume demeurait toutefois encore propriétaire de l’Album universel, qui avait succédé au Monde illustré en 1902, et il chercha à en faire un hebdomadaire aussi attrayant que les meilleurs magazines américains. Cependant, la Presse lui manquait et, à plusieurs occasions au cours des mois suivants, il supplia Laurier d’intercéder auprès des nouveaux propriétaires afin qu’ils consentent à la lui remettre à des conditions avantageuses. Laurier lui répondit que Mackenzie et Mann accepteraient sûrement de lui revendre le journal s’il y mettait le prix. En février 1906, Berthiaume vendit l’Album universel et l’établissement où il était imprimé, sans doute en prévision du rachat de la Presse. Pour rentrer en possession de son journal, le 1er novembre 1906, il dut passer sous les fourches caudines. Le prix à payer était de 1 150 000 $ soit 325 000 $ de plus que ce que la vente du journal lui avait rapporté en 1904. En outre, comme il demeurait débiteur des anciens propriétaires, c’est-à-dire de Mackenzie et Mann pour une période de 20 ans et de David Russell, pour une période de dix ans, Berthiaume dut se soumettre à des conditions qui l’humilièrent : Mackenzie et Mann imposaient leur représentant au comité de direction de la Presse, celui-ci devait contresigner tous les chèques, factures et autres documents financiers, et des limites supérieures étaient fixées au salaire des directeurs du journal et de la compagnie éditrice.

Les années qui suivirent furent particulièrement difficiles pour Berthiaume à cause du poids que faisait peser sur la Presse et son budget personnel les obligations prises envers les créanciers du journal, mais surtout à cause de la mésaventure de la Saint Raymond Paper Company. Berthiaume s’était engagé, en 1904, à acheter du papier journal de cette compagnie, mais la construction de l’usine de papier subit des retards et Berthiaume, qui détenait une partie importante du capital-actions, accepta d’endosser des emprunts de la papetière. En novembre 1907, la Banque canadienne de commerce saisit l’usine et la fit fonctionner pendant plus d’un an sans consentir les investissements qui l’auraient rendu rentable. En plus du remboursement de ses dettes à l’égard de la Presse, Berthiaume dut donc assumer celles de la Saint Raymond Paper. Il vendit plusieurs de ses immeubles, céda plusieurs créances à la banque, mais il fut incapable de satisfaire à toutes ses obligations et, en 1909, celle-ci lui intenta une poursuite en Cour supérieure dans le but de récupérer une somme d’environ 160 000 $. La mise en liquidation de la Saint Raymond Paper par la banque, en mars 1909, lui procura des revenus qui lui permirent d’éviter une faillite imminente. Par la suite, grâce aux revenus substantiels de la Presse, dont le tirage dépassait les 100 000 exemplaires, sa situation financière s’améliora rapidement et, en 1911, il participa à la fondation de la British Canadian Paper Mills, qui reprenait l’actif de la Saint Raymond Paper. En novembre 1913, il contracta un emprunt sur le marché de Londres et racheta les actions de la Presse détenues par Mackenzie et Mann. Il devenait à nouveau le seul maître de la Presse.

Cependant, Berthiaume, qui souffrait d’artériosclérose depuis plusieurs années, sentait son état se détériorer. Il réduisit ses activités, s’accorda, de juin à septembre 1913, de longues vacances en Europe sans que sa santé ne s’améliore pour autant. Avant son départ, il avait dicté, le 23 juin, un testament dans lequel il faisait de son fils aîné, Arthur, son légataire fiduciaire et le chargeait de partager les revenus de ses biens entre lui et ses autres enfants et leurs descendants. Toutefois, le 26 décembre 1914, il signa une donation fiduciaire dans laquelle il cédait ses actions dans la Presse à l’avocat Zénon Fontaine, au notaire Joseph-Roch Mainville et à Arthur Berthiaume, en leur confiant la responsabilité d’administrer le journal après sa mort et d’en distribuer les revenus à ses enfants. Le décès de Berthiaume, le 2 janvier 1915, laissa ses héritiers dans l’incertitude au sujet de ses dernières volontés. Au cours des années suivantes, les enfants de Berthiaume, ses gendres et les fiduciaires de la Presse s’affronteraient dans les cours de justice et devant l’Assemblée législative autour des différentes interprétations données à ces documents.

Trefflé Berthiaume fut l’artisan d’une réussite exceptionnelle. Appliqué et industrieux, il amassa méthodiquement un capital dont il usa judicieusement. Conservateur de la famille des Dansereau et Chapleau, il s’intéressait plus aux affaires qu’à la politique. Il passa les 15 premières années de sa carrière d’homme d’affaires à gérer des journaux conservateurs pour le compte d’hommes politiques ou son propre compte. Il sut tirer profit des règles du jeu en vigueur à l’époque : même lorsqu’ils n’étaient pas déficitaires, les journaux n’étaient pas très rentables, mais les contrats d’impression que les partis au pouvoir confiaient aux journaux de leur allégeance étaient très profitables. De même, les grandes entreprises de service, comme les transporteurs ferroviaires, favorisaient de leurs annonces les journaux du Parti conservateur. Prudent, Berthiaume savait néanmoins prendre des risques calculés. Il ne mit pas de temps à tirer les conséquences de la fin de l’ère de la presse d’opinion et il engagea résolument la Presse dans la voie de l’indépendance politique et de l’actualité. Il voulut lier le succès de son journal à la promotion des intérêts des classes populaires et de la nation canadienne-française. Fervent catholique, il ne s’opposa pas à ce que l’archevêque de Montréal intervienne régulièrement dans le contenu de son journal ; au contraire, quand le succès de la Presse fut assuré, Berthiaume accepta d’en atténuer le caractère sensasionnaliste. Travailleur acharné, Berthiaume n’était pas âpre au gain : il savait être généreux pour ses parents, ses amis ou des œuvres charitables. Ses employés l’appréciaient même s’ils le savaient exigeant ; il lisait la Presse et ses concurrents chaque jour et adressait au besoin des remarques aux journalistes, aux rédacteurs ou au prote. Actionnaire de plusieurs compagnies, il fut aussi un important propriétaire foncier, qui possédait à Montréal plusieurs terrains, édifices commerciaux et maisons de rapport. Avec son fils Arthur, entre autres, il fonda en 1906 une société de promotion immobilière, la Québec Land Company [V. Édouard-Burroughs Garneau]. Ses succès dans le domaine immobilier lui permirent sans doute de surmonter les difficultés financières des années 1907 à 1909.

Jean de Bonville

La source la plus riche en renseignements sur Trefflé Berthiaume est le fonds Trefflé Berthiaume (P–207) aux ANQ-M, pour lequel deux instruments de recherche, concernant les manuscrits et les photographies, ont été préparés. De plus, le fonds a été microfilmé par la Société canadienne du microfilm.

ANQ-M, CE1-51, 21 août 1871 ; CE21-17, 5 août 1848.— Le Devoir, 15, 17–20, 22–24 févr. 1926.— Le Passe-Temps (Montréal), 16 janv. 1915.— La Presse, 2 janv. 1915.— Charles Robillard, « Réminiscences d’un vieux journaliste : l’hon. Trefflé Berthiaume », la Patrie, 15 sept. 1940 [éd. hebd.] : 52.— Jean de Bonville, la Presse québécoise de 1884 à 1914 ; genèse d’un média de masse (Québec, 1988).— Canadian album (Cochrane et Hopkins), 2 : 131.— Canadian men and women of the time (Morgan ; 1898 et 1912).— Cyrille Felteau, Histoire de la Presse (2 vol., Montréal, 1983–1984).— J. Hamelin et al., la Presse québécoise. R. R. Heintzman, « The struggle for life : the French daily press of Montreal and the problems of economic growth in the age of Laurier, 1896–1911 » (thèse de ph.d., York Univ., North York, Ontario, 1977).— Montréal fin-de-siècle ; histoire de la métropole du Canada au dix-neuvième siècle (Montréal, 1899), 132s.— Newspaper reference book.— RPQ.— Benjamin Sulte et al., A history of Quebec, its resources and its people (2 vol., Montréal, 1908), 2 : 645.

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Jean de Bonville, « BERTHIAUME, TREFFLÉ (baptisé Jean-Baptiste-Trefflé) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 21 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/berthiaume_treffle_14F.html.

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Auteur de l'article:    Jean de Bonville
Titre de l'article:    BERTHIAUME, TREFFLÉ (baptisé Jean-Baptiste-Trefflé)
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 14
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1998
Année de la révision:    1998
Date de consultation:    21 déc. 2024