BARCLAY, JOHN, ministre de l’Église d’Écosse et auteur, né le 9 juillet 1795 à Kettle (Kettlehill, Écosse), fils du révérend Peter Barclay ; il était peut-être fiancé au moment de sa mort, survenue le 26 septembre 1826 à Kingston, Haut-Canada.

« Pouvez-vous nommer un personnage dans l’histoire [qui soit] plus ridicule que le presbytérien écossais ? » demande le docteur Dougald MacKenzie dans le roman de Hugh MacLennan* intitulé Each man’s son. « Si vous n’arrivez pas à vous moquer de lui, poursuit-il, vous aurez envie de l’assassiner. » Que MacLennan ait visé juste ou non dans sa description des travers rattachés à ce type de personnage, les presbytériens écossais ont joué un rôle marquant dans l’histoire du Canada. Quand ils commencèrent à manifester leur volonté tenace, les conséquences sociales furent parfois presque incendiaires. C’est ce qui se produisit quand, en 1825–1826, John Barclay, ministre de l’église St Andrew à Kingston, lança un appel claironnant à la défense des droits de l’Église d’Écosse.

Une fois diplômé de l’University of Edinburgh, Barclay obtint de l’Église d’Écosse l’autorisation de prêcher. Le 26 septembre 1821, le consistoire d’Édimbourg l’ordonna ministre et l’affecta auprès de la congrégation de Kingston, qui avait demandé qu’on lui envoie un pasteur. Arrivé à Kingston le 25 décembre, Barclay prit la responsabilité d’une église neuve et d’une congrégation pleine d’ardeur. Il exerça les fonctions pastorales habituelles ; de plus, il devint l’un des secrétaires de la société biblique locale et prêta son concours à des associations philanthropiques et éducatives de la région. En mai 1822, il informa le lieutenant-gouverneur sir Peregrine Maitland* que la congrégation avait l’intention de distinguer le banc réservé au gouvernement, selon « la coutume dans les églises écossaises ». Sans valeur intrinsèque, soutenait Barclay, cette dignité favorisait « la subordination, le bon ordre et la bonne moralité chez un peuple ».

Ce fut en tentant de résoudre le problème posé par l’étroitesse des lieux consacrés aux inhumations que Barclay déclencha la controverse qui allait lui valoir une hostilité sans réserve de la part de l’élite anglicane de Kingston. Vers la fin de 1822, il demanda au rector de l’église St George, le révérend George Okill Stuart*, l’égalité d’accès au cimetière situé en basse ville. Stuart lui opposa un refus catégorique en alléguant que les autres sectes protestantes avaient accès au cimetière seulement si elles se conformaient aux rites d’inhumation de l’Église d’Angleterre. Jugeant cette position inacceptable, Barclay réussit à négocier un arrangement avec les catholiques en vue du partage du cimetière situé en haute ville. Cependant, le projet ne s’étant pas réalisé, il s’intéressa de nouveau à la partie inférieure du terrain.

Deux incidents alimentèrent le conflit qui s’ensuivit : le premier eut lieu le 27 décembre 1824, le second, le 8 avril 1825. Dans le premier cas, Barclay conduisait un cortège funèbre au cimetière, où l’attendait Stuart. Craignant un « affrontement », il exprima l’espoir que le rector n’interviendrait pas. Celui-ci insista toutefois pour célébrer le service de l’Église « anglaise », et Barclay quitta la scène de peur que sa présence ne soit interprétée comme une approbation du geste de l’anglican. Le 29 décembre, Barclay demanda au procureur général John Beverley Robinson* de se prononcer officiellement sur l’incident. Comme les anglicans ne possédaient pas de titre de propriété sur le terrain, avançait Barclay, ils n’avaient pas de droit exclusif ; le cimetière devait donc être ouvert à toutes les confessions. Au début de janvier 1825, Robinson répondit qu’il déplorait la querelle et donna son avis de juriste : sans titre, il n’y avait « pas de droit légal ». Il concéda cependant que la congrégation St George avait peut-être sur le terrain un droit acquis par prescription et pressa les parties de négocier. Le 7 février, citant la proposition de Robinson, Barclay offrit d’entamer des négociations, ce que Stuart refusa le lendemain. Barclay et sa congrégation demandèrent immédiatement justice à Maitland.

Tout en conservant un ton poli et relativement conciliant, Barclay se montrait de plus en plus résolu à obtenir gain de cause. Le deuxième incident, survenu lors d’un autre enterrement le 8 avril, élimina toute possibilité de compromis. Cette fois, Barclay ordonna qu’un serrurier soit présent pour le cas où les grilles du cimetière seraient fermées à clé ; en fait, elles étaient ouvertes. Stuart se joignit encore une fois au cortège, mais Barclay demeura sur les lieux. Quand Stuart commença à lire devant la fosse, Barclay ordonna de la combler le plus vite possible. Il n’essaya pas de lire lui-même, puisque les rites presbytériens exigeaient un silence total. Stuart continua sa lecture ; les deux hommes n’échangèrent pas une parole. Cette effronterie exaspéra Stuart. Quelques jours plus tard, les presbytériens se virent interdire l’inhumation dans le cimetière. Barclay, tout en déplorant la « désagréable concurrence » entre les deux congrégations, déclara que, tant que l’affaire ne serait pas réglée, « ceux qui, par un quelconque recours à la force, empêcher[aient ses] fidèles d’entrer pour enterrer leurs morts [... devaient] être tenus responsables de tout le mal qui [pourrait] en résulter ».

La série d’événements qui suivit mit au jour une lutte dont les enjeux étaient des droits non seulement religieux mais aussi nationaux. Selon Stuart, l’incident était « inconvenant, scandaleux et blasphématoire ». Il rapporta à un comité sur les affaires ecclésiastiques, qui était formé de Christopher Alexander Hagerman*, John Macaulay* et Robert Stanton*, que tout empiétement sur les droits de sa congrégation devait « être contré et empêché par la loi ». Le comité fit enquête sur l’affaire et sur le droit de la congrégation au terrain. Dans son rapport du 16 avril, il rejeta les « prétentions » des presbytériens et affirma que St George avait « la propriété entière et exclusive » du cimetière. Ce rapport fut acheminé, documents à l’appui, au Conseil exécutif.

Le conseil se réunit le 22 avril. À l’exception de James Baby, les personnes présentes, dont John Strachan*, étaient membres de l’Église d’Angleterre. Elles recommandèrent prudemment de remettre la décision entre les mains du gouvernement impérial et, entre-temps, de maintenir le statu quo en laissant notamment aux « non-conformistes » le droit d’inhumer à condition qu’ils acceptent les rites de l’Église d’Angleterre. Barclay, qui attendait à York (Toronto) le verdict du conseil, apprit la nouvelle avec une colère bien compréhensible. Que les conseillers en aient été conscients ou non, les documents à partir desquels ils avaient pris leur décision étaient fondés sur un préjugé favorable aux anglicans. Dans une lettre du 22 juin où il confiait l’affaire à lord Bathurst, secrétaire d’État aux Colonies, Maitland notait que les presbytériens se sentaient « lésés d’un privilège qui sembl[ait] n’avoir jamais existé et auquel, apparemment, personne n’a[vait] songé jusqu’à très récemment ».

Le 16 août, Barclay fit parvenir au Conseil exécutif des déclarations sous serment qui mettaient en doute la légitimité du droit acquis par prescription que l’Église d’Angleterre prétendait avoir sur le cimetière. Il y ajouta à l’intention du roi une requête cherchant à régler le différend qui, selon lui, était issu « de la présomption d’une mainmise exclusive [...] de l’Église épiscopale ». En établissant bien inutilement une équation entre presbytériens et non-conformistes, le conseil avait donné à Barclay une perspective différente de la situation de son Église dans la colonie. Les presbytériens écossais, « résidant dans une colonie britannique et non anglaise », réclamaient « des droits égaux à ceux de l’Église épiscopale en vertu de l’Acte d’Union ». Le conseil se réunit encore une fois le 3 novembre, étudia les nouveaux éléments apportés par Barclay et réaffirma sa conclusion antérieure. Vers la fin du mois, la requête fut envoyée à Londres avec tous les nouveaux documents. Lorsqu’à la fin de mai 1826 Stuart apprit que le gouvernement impérial avait approuvé sa conduite, il soupira d’aise.

Barclay, quant à lui, se remit à la tâche et répondit le 1er juin par une brochure énonçant les droits de son Église, « négligés depuis si longtemps et [...] maintenant contredits si fortement » par l’Église d’Angleterre. Sa cause avait des fondements juridiques et historiques : Tant l’Acte de Québec de 1774 que l’Acte constitutionnel de 1791 parlaient de clergé protestant. L’Église d’Écosse, étant l’une des Églises établies de Grande-Bretagne, pouvait donc, « par son origine même, légalement prétendre à une part des bénéfices provenant des réserves du clergé au Canada ». Le Canada avait été conquis par la Grande-Bretagne, non par l’Angleterre ou l’Écosse : « par conséquent, tout droit, privilège, avantage accordé au clergé de la religion établie en Angleterre devait également être donné au clergé de la religion établie en Écosse ». Incapable de croire que les législateurs et le clergé écossais avaient « silencieusement » laissé ces droits leur échapper dans les colonies, Barclay montrait le changement qui s’effectuait en Écosse grâce à l’aide de l’État : les gens « pauvres, ignorants, oisifs et pervers » devenaient « à l’aise, éclairés, industrieux et moraux ». Comme le ferait plus tard Egerton Ryerson*, Barclay mettait en doute les estimations du nombre d’anglicans parmi la population et rejetait la structure de l’anglicanisme : « que des évêques gouvernent une Église est contraire au génie du peuple ».

L’ouvrage de Barclay, le « pamphlet écossais » comme on l’appelait, suscita évidemment un tollé chez les anglicans. Selon Stanton, c’était un écrit « ennuyeux, sale et dégoûtant ». Le Kingston Chronicle et le U.E. Loyalist le vilipendèrent dans leurs colonnes. Stanton, William Macaulay* et Hagerman répliquèrent en publiant eux aussi des brochures. Selon John Macaulay, l’ouvrage de Barclay aurait comme « effet néfaste de créer de nouveaux dissidents dans [la] société – le pire de l’affaire [étant] que les dissidents se réjouir[aient] des divisions suscitées parmi ceux qui devraient vivre ensemble dans l’harmonie ». Tous ces débats juridiques, constitutionnels et historiques sur les droits respectifs des deux Églises cachaient mal l’arrogance des Anglo-anglicans. « Que la gentry écossaise, lançait Stanton, apprenne à demander des faveurs avec respect, et elle s’en portera mieux [...] mais les hommes obstinés devront assumer les conséquences de leurs actes. »

La mort de John Barclay – résultat d’une fièvre contractée au retour d’une visite aux Écossais du district de London – mit fin à l’épisode. Toutefois, comme elle était étroitement associée au nationalisme écossais, la bataille en faveur des droits des presbytériens continua à faire rage longtemps après [V. William Morris*].

Robert Lochiel Fraser

Les principaux documents concernant l’affaire du cimetière et la controverse qui s’ensuivit se trouvent aux APC, RG 1, E3, 42 : 12–121, et au PRO, CO 42/375 : 222–269, 335–357. La réponse que fit le ministère des Colonies est conservée aux APC, RG 7, G1, 61 :344–363 ; 62 : 42–44, 69–70. Le Kingston Chronicle, 1825–1826, et le U.E. Loyalist (York [Toronto]), 1826, font état de la réaction des anglicans à toute cette affaire, et plus particulièrement au pamphlet de John Barclay. On trouve cependant dans les Macaulay papers (AO, MS 78), Strachan à Macaulay, 9, 30 mai, 22 août 1825 ; Stanton à Macaulay, 29 juin, 3, 8, 15, 22 juill., 5, 18 août, 1er sept., 5 oct. 1826, 20 sept. 1827 ; et Robinson à Macaulay, 25 juill. 1826, des réactions plus personnelles. Le pamphlet de Barclay, A letter to the Right Honourable the Earl of Liverpool, K. G., first lord commissioner of the Treasury ; relative to the rights of the Church of Scotland in British North America ; from a Protestant of the Church of Scotland (Kingston, Ontario, 1826), a suscité la publication des ouvrages suivants : An apology for the Church of England in the Canadas, in answer to A letter to the Earl of Liverpool [...] by a Protestant of the Church of Scotland ; by a Protestant of the established Church of England (Kingston, 1826) ; The exclusive right of the church to the clergy reserves defended : in a letter to the Right Honorable the Earl of Liverpool ; being an answer to the lester of a Protestant of the Church of Scotland, to his lordship ; by a Protestant (Kingston, 1826) ; et A letter to A Protestant of the Church of Scotland ; by Misopseudes (s.l., 1826).

Pour d’autres renseignements sur la vie et la carrière de Barclay, on consultera : APC, RG 5, A1 : 28881–28883, 28956–28961, 30583–30586, 30758–30759, 38157–38158, 38264–38269, 39120–39126, 39447–39450, 40315–40320, 41756–41759, 41760–41762, 41818–41821, 42284–42286, 42713–42714, 139062–139065 ; Ramsay, Dalhousie journals (Whitelaw), 3 ; Kingston Chronicle, différents numéros parus entre le 12 déc. 1821 et le 13 oet. 1826 ; Scott et al., Fasti ecclesiœ scoticanœ, 7 : 625 ; Gregg, Hist. of Presbyterian Church (1885) ; A. B. Burt, « The Rev. John Barclay, M.A., the first Presbyterian minister settled in Kingston », OH, 16 (1918) : 37–39 ; et R. A. Preston, « A clash in St. Paul’s churchyard », Historic Kingston, no 5 (1956) : 30–44. Pour comprendre les liens étroits qui existent entre les droits de l’Église d’Écosse et le nationalisme écossais, on se référera à H. J. Bridgman, « Three Scots Presbyterians in Upper Canada : a study in émigration, nationalism and religion » (thèse de ph.d., Queen’s Univ., Kingston, 1978). Finalement, la citation de Hugli MacLennan est tirée de son roman intitulé Each man’s son (Toronto, 1971), 67.  [r. l. f.]

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Robert Lochiel Fraser, « BARCLAY, JOHN », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/barclay_john_6F.html.

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Auteur de l'article:    Robert Lochiel Fraser
Titre de l'article:    BARCLAY, JOHN
Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 6
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1987
Année de la révision:    1987
Date de consultation:    20 nov. 2024