ARCHAMBEAULT (Archambault), URGEL-EUGÈNE (baptisé Urgèle), instituteur et administrateur scolaire, né le 27 mai 1834 à L’Assomption, Bas-Canada, fils de Louis Archambault, cultivateur, et d’Angélique Prud’homme, et frère de Louis ; le 1er octobre 1860, il épousa à Saint-Roch-de-l’Achigan, Bas-Canada, Azilda Robitaille, et ils eurent 11 enfants ; décédé le 20 mars 1904 à Montréal.

Au début des années 1840, le père d’Urgel-Eugène Archambeault quitte L’Assomption pour s’installer à Saint-Roch-de-l’Achigan, puis définitivement à Saint-Jacques-de-l’Achigan où il meurt en 1867. Ce village compte à l’époque huit écoles de rang et une école de village. C’est probablement sur les bancs de l’une de ces écoles que le jeune Urgel-Eugène, tout en apprenant à lire, à écrire et à compter, se découvre une vocation pour une profession bien peu reconnue à cette époque, celle d’instituteur. Après ses études primaires, il ne fréquente pas un collège comme son frère aîné Joseph qui désire devenir prêtre. À l’âge de 17 ans, en 1851, il choisit d’enseigner. Il commence sa carrière d’instituteur rural à Saint-Ambroise-de-Kildare, puis la poursuit à L’Assomption et à Châteauguay.

On commence à cette époque à s’interroger sur l’état de l’enseignement au Bas-Canada, et principalement sur les qualités et compétences des instituteurs et institutrices laïques. En 1853, l’Assemblée législative fait procéder à une enquête sur l’éducation dans le Bas-Canada, et en confie la présidence au député de Saint-Hyacinthe, Louis-Victor Sicotte*. Deux ans plus tard, Pierre-Joseph-Olivier Chauveau* devient surintendant du bureau d’Éducation. Il entend bien appliquer plusieurs recommandations du rapport Sicotte. En 1856, on adopte des projets de lois qui permettent de créer un journal de l’Instruction publique (1857), de fonder des écoles normales et de mettre sur pied un Conseil de l’instruction publique. Ces bases institutionnelles rendent désormais possibles de nouvelles trajectoires à ceux et celles qui embrassent la carrière d’instituteur.

Archambeault suit certainement avec intérêt les débats qui sont à l’origine des lois qui transforment le système d’éducation au Bas-Canada. En septembre 1857, il s’inscrit d’ailleurs à l’école normale Jacques-Cartier, inaugurée en mars de la même année. L’année suivante, il obtient un diplôme qui le rend apte à enseigner dans une école modèle. Cette initiative de s’inscrire à l’école normale lui permet, en 1859, d’être engagé par le Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal à titre de directeur de la première école dirigée par des maîtres laïques à Montréal, l’école Doran, du nom de son ancien directeur William Doran. Cet établissement, fondé en 1854, devient en 1860 sous la direction d’Archambeault l’Académie commerciale catholique de Montréal.

En 1860, âgé de 26 ans et directeur d’une école montréalaise, Archambeault peut songer à fonder un foyer. Il épouse Azilda Robitaille. Trois ans plus tard, le directeur de l’Académie commerciale catholique de Montréal s’inscrit de nouveau à l’école normale Jacques-Cartier afin de se perfectionner. Pendant un an, il y prépare le diplôme d’enseignement académique, qui lui sera accordé en juillet 1864.

À la fin des années 1860, plusieurs élites canadiennes-françaises exigent que le système d’éducation s’adapte aux nouvelles réalités économiques qui transforment le Bas-Canada. C’est dans ce contexte qu’en 1870 le Bureau des commissaires d’écoles de Montréal autorise Archambeault et Mathias-Charles Desnoyers, son trésorier, à effectuer un voyage dans plusieurs grandes villes américaines pour qu’ils s’informent sur les différents types d’enseignement offerts par les écoles publiques. À son retour, Archambeault est en mesure d’imprimer aux écoles laïques sous la compétence du Bureau des commissaires une impulsion nouvelle. Le 19 juin 1872, l’inauguration d’un immeuble neuf pour l’Académie commerciale catholique de Montréal permet aux commissaires et aux représentants du gouvernement de la province de Québec d’exprimer toute l’importance qu’ils accordent aux écoles laïques et à l’enseignement pratique. Le 27 juin, dans l’Opinion publique de Montréal, on souligne que les commissaires « ont voulu montrer le cas qu’ils faisaient de ce genre d’éducation [commerciale et industrielle] en lui dédiant cette maison magnifique et en choisissant pour la diriger un homme de talent et de caractère, l’un de [leurs] concitoyens les plus estimables, M. Archambault ». Érigé sur un promontoire, l’édifice d’architecture néo-gothique anglais sera désormais connu sous le nom d’académie du Plateau. L’année suivante, les commissaires créent le poste de surintendant local pour superviser leurs tâches relatives à la surveillance des maîtres, l’examen des classes et la direction des études. Archambeault en devient le premier titulaire. Il n’abandonnera ce poste que peu avant sa mort.

Archambeault s’impose peu à peu comme une autorité en matière d’enseignement spécialisé à Montréal. À la faveur d’un refus de l’université Laval d’accepter un octroi du gouvernement provincial afin d’inaugurer un enseignement des sciences appliquées, le directeur de l’académie du Plateau peut dès lors convaincre le Bureau des commissaires d’écoles de Montréal et le gouvernement de la province de Québec que son établissement est en mesure d’abriter une véritable école polytechnique. En octobre 1873, le projet d’un cours scientifique et industriel qui serait donné à l’académie du Plateau est accepté par le nouveau ministre de l’Instruction publique, Gédéon Ouimet. C’est l’acte de naissance de l’École polytechnique de Montréal. Archambeault en est le principal. Il se dévoue sans compter jusqu’à sa mort pour cette école française de génie à Montréal. Peu subventionnée, en marge du système d’enseignement supérieur qui, constitué par les collèges classiques et l’université Laval, est dominé par le clergé, l’établissement laïque réussit tout de même à former 114 ingénieurs civils sous le règne d’Archambeault. La première génération d’ingénieurs diplômés canadiens-français jouera un rôle important dans la constitution d’un nouveau groupe social au Canada français, celui des ingénieurs. Ces derniers doivent beaucoup à Archambeault qui, pour la survie de l’école, doit recruter des élèves, placer ses diplômés et militer en faveur d’une législation favorisant la profession d’ingénieur.

Urgel-Eugène Archambeault joue également un rôle de premier plan dans la promotion du statut de l’enseignant laïque. En 1879, il ne se gêne pas pour critiquer ouvertement la loi Boucherville qui avait, trois ans plus tôt, octroyé à tous les évêques le titre de membres d’office du Conseil de l’instruction publique [V. sir Charles-Eugène Boucher* de Boucherville]. En 1881, il rédige un mémoire que présentent 133 instituteurs et institutrices du Québec aux évêques membres du Conseil de l’instruction publique. Ce mémoire explique la nature du conflit entre l’enseignement laïque et l’enseignement religieux. Il fait état des revendications des enseignants laïques qui considèrent que la loi est beaucoup plus exigeante envers eux qu’envers les religieux. Il contribue puissamment à juguler les attaques ultramontaines qui, à cette époque, exigent rien de moins que l’abolition des écoles normales. Cette année-là, avec trois autres promoteurs de l’enseignement laïque, dont l’abbé Hospice-Anthelme-Jean-Baptiste Verreau et Joseph-Octave Cassegrain, il relance le Journal de l’Instruction publique qui s’était éteint deux ans plus tôt. De 1880 à 1886, il prend une part active et importante à la rédaction et à la défense de la loi sur les pensions de retraite des fonctionnaires de l’enseignement primaire. En 1892, Archambeault abandonne la direction de l’académie du Plateau pour remplir le poste de directeur général de toutes les écoles sous la compétence du Bureau des commissaires d’écoles catholiques romains de la cité de Montréal. Au début du xxe siècle, il s’occupe de doter l’École polytechnique de Montréal d’un immeuble qui lui a toujours fait défaut. Il meurt le 20 mars 1904, soit quelques mois seulement avant l’inauguration de l’édifice.

Robert Gagnon

AC, Montréal, État civil, Catholiques, Cimetière Notre-Dame-des-Neiges (Montréal), 23 mars 1904.— ANQ-M, CE5-12, 1re oct. 1860 ; CE5-14, 27 mai 1834.— Arch. de l’École polytechnique de Montréal, Corr. d’U.-E. Archambault.— Arch. hist. de la Commission des écoles catholiques de Montréal, Fonds U.-E. Archambault.— Bibliothèque nationale du Québec (Montréal), Fonds Soc. hist. de Montréal, coll. U.-E. Archambault, 101/1/1–101/2/8.— L’Opinion publique, 27 juin 1872.— La Presse, 1er juill. 1886.— Jules Archambault, « Notes biographiques sur Urgel-Eugène Archambault » (texte dactylographié, 2 vol., Montréal, 1962).— L.-P. Audet, « la Fondation de l’École polytechnique de Montréal », Cahiers des Dix, 30 (1965) : 149–191 ; « Urgel-Eugène Archambault [...] », Cahiers des Dix, 26 (1961) : 143–175 ; 27 (1962) : 135–176 ; 28 (1963) : 219–254 ; 29 (1964) : 159–191.— Ruby Heap, « l’Église, l’État et l’Éducation au Québec, 1875–1898 » (thèse de m.a., McGill Univ., Montréal, 1978).— André Labarrère-Paulé, « l’Instituteur laïque canadien-français au 19ème siècle », dans Marcel Lajeunesse, l’Éducation au Québec (XIXe-XXe siècles) (Trois-Rivières, Québec, 1971), 59–76.— [J.-L.-]O. Maurault, « l’École polytechnique de Montréal », Rev. trimestrielle canadienne (Montréal), 9 (1923) : 341–372.

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Robert Gagnon, « ARCHAMBEAULT (Archambault), URGEL-EUGÈNE (baptisé Urgèle) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 déc. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/archambeault_urgel_eugene_13F.html.

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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 13
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    1994
Année de la révision:    1994
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