Fortin, Sifroy-Joseph (baptisé Joseph-Sigfroy, il signait aussi Sifroy), ingénieur civil et fonctionnaire, né le 6 mai 1867 à Saint-Sébastien, Bas-Canada, fils de Jules Fortin, cultivateur, et de Sophie Roy ; le 14 juin 1894, il épousa à Montréal Maria Lalonde, et ils eurent deux fils, dont l’un mort à la naissance ; décédé le 16 mai 1937 à Montréal.
Sifroy-Joseph Fortin étudie d’abord à l’académie commerciale catholique de Montréal, berceau de l’École polytechnique de Montréal [V. Joseph-Émile Vanier], où il s’inscrit ensuite. Pendant les années où il fréquente cette école francophone d’ingénierie alors dirigée par Urgel-Eugène Archambeault*, il compte parmi les meilleurs et remporte la médaille d’argent remise à l’étudiant de troisième année le plus méritant. Diplômé en 1889, il commence dès lors à exercer à son compte sa profession d’ingénieur civil à Montréal. À l’époque où Fortin est un jeune ingénieur, beaucoup de diplômés de l’École polytechnique entreprennent leur carrière soit à leur compte, soit au sein de ministères du gouvernement fédéral. La carrière de Fortin prend cependant une trajectoire particulière en 1890, quand il décide de partir exercer sa profession aux États-Unis, où il se spécialise dans les charpentes métalliques. De 1890 à 1899, il travaille pour des bureaux d’ingénieurs-conseils comme Levering and Garrigues Company et C. O. Brown, de New York, et American Bridge Works, de Chicago, connus pour leur expertise dans la construction de ponts métalliques et de gratte-ciel, qui marque le début de l’ère des grandes métropoles modernes.
En 1899, Fortin devient représentant de la Milliken Brothers, firme d’ingénierie new-yorkaise. Cet emploi l’amène à parcourir le monde. Fortin participe notamment à la construction d’une raffinerie de sucre aux îles Hawaii, où il réside deux ans, de l’arsenal de Port-Arthur (Lüshun, république populaire de Chine) et, pour le gouvernement russe, de l’hôtel des postes. Après avoir réalisé des bâtiments aux Philippines et au Japon pendant deux ans, il se rend à Mexico, où il habite durant 11 ans et travaille à l’édification du théâtre national et du palais législatif. Cette expérience lui permet d’acquérir des connaissances sur la mécanique des sols et d’élaborer un système spécial de fondations adaptées à la nature d’un sous-sol constitué de cendres volcaniques.
Fortin revient au Canada en 1914 pour occuper un poste d’ingénieur au ministère fédéral des Travaux publics, à Ottawa. On lui confie la réalisation de ponts, de jetées et de travaux hydrauliques divers. En septembre 1918, la ville de Montréal le recrute comme adjoint du directeur des travaux publics et adjoint de l’ingénieur en chef. Ces fonctions l’amènent à diriger les services de la voirie, des eaux et des égouts de la métropole canadienne. De plus, Fortin est responsable de l’autorisation de toutes les constructions en acier ou en béton armé, comme les ponts, les tunnels et les édifices. À cette époque, les ingénieurs canadiens-français participent activement, au sein des administrations publiques, au développement des grandes infrastructures. Le gouvernement de la province de Québec et la ville de Montréal sont alors des milieux d’exercice de la profession qui les attirent de plus en plus.
À Montréal, dans les années 1920, Fortin joue un rôle stratégique d’intermédiaire entre l’univers technique de l’ingénierie civile et le monde politique d’une ville qui connaît un développement accéléré. En 1921, on crée la commission technique de la ville de Montréal, qui ne sera mise sur pied qu’en 1930 ; Fortin la dirigera pendant ses deux années d’existence. Il est également membre du bureau de l’aqueduc. En 1930, il devient ingénieur-conseil rattaché au comité exécutif puis, trois ans plus tard, ingénieur en chef de la commission du plan d’ensemble (ou d’urbanisme) de la ville de Montréal. Cette dernière nomination se comprend mieux quand on sait qu’en 1924 il a écrit un article dans la Revue trimestrielle canadienne sur l’importance d’établir une commission d’urbanisme pour l’île de Montréal. Il a d’ailleurs profité de cette tribune pour affirmer que les ingénieurs devaient se préoccuper des questions liées à l’urbanisme, activité qui, selon lui, faisait partie intégrante de leur profession. Sa carrière se termine en 1935 quand, à l’âge de 68 ans, il connaît des ennuis de santé qui l’amènent à prendre sa retraite. Il s’éteint deux ans plus tard, tout juste après son soixante-dixième anniversaire.
En ces temps de montée en puissance des ingénieurs à la tête des grands organismes publics, la trajectoire professionnelle de Sifroy-Joseph Fortin illustre bien ce processus de technocratie promue par les associations d’ingénieurs (telles que la Corporation des ingénieurs professionnels de Québec, l’Engineering Institute of Canada et l’Association des anciens élèves de l’École polytechnique de Montréal), au sein desquelles il a notamment occupé des postes de direction.
Sifroy-Joseph Fortin est notamment l’auteur des articles suivants : « Novel system of foundations used in connection with the federal legislative palace, Mexico City », Canadian Soc. of Civil Engineers, Trans. (Montréal), 30 (1916), part. i : 136–146 et « Considérations sur un projet d’organisation et sur les fonctions d’une commission d’urbanisme de l’île de Montréal », Rev. trimestrielle canadienne (Montréal), 10 (1924) : 254–269.
BAnQ-CAM, CE601-S1, 14 juin 1894 ; CE601-S51, 16 oct. 1869, 19 mai 1937 ; CE604-S15, 7 mai 1867.— VM-SA, VM001, S21 (corr. et doc. administratifs).— Gazette (Montréal), 18 mai 1937.— La Presse, 17 mai 1937.— N. R. Ball, « Vision, cœur et raison » : l’ingénierie au Canada de 1887 à 1987 (Ottawa, 1987).— BCF, 1924.— Michèle Dagenais, Des pouvoirs et des hommes : l’administration municipale de Montréal, 1900–1950 ([Montréal et Kingston, Ontario], 2000).— Robert Gagnon et A. J. Ross, Histoire de l’École polytechnique, 1873–1990 : la montée des ingénieurs francophones (Montréal, 1991).— Robert Mayer, « les Ingénieurs-Entrepreneurs canadiens-français et canadiens-anglais à Montréal » (mémoire de m.a., univ. de Montréal, 1968).— Joseph Vavasseur, l’Émigré Julien Fortin (1621–1687) : sa famille au Vairais & en Canada (Le Mans, France, [1932 ?]).
Dany Fougères et Robert Gagnon, « FORTIN, SIFROY-JOSEPH (baptisé Joseph-Sigfroy) (Sifroy) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/fortin_sifroy_joseph_16F.html.
Permalien: | https://www.biographi.ca/fr/bio/fortin_sifroy_joseph_16F.html |
Auteur de l'article: | Dany Fougères et Robert Gagnon |
Titre de l'article: | FORTIN, SIFROY-JOSEPH (baptisé Joseph-Sigfroy) (Sifroy) |
Titre de la publication: | Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16 |
Éditeur: | Université Laval/University of Toronto |
Année de la publication: | 2019 |
Année de la révision: | 2019 |
Date de consultation: | 20 nov. 2024 |