Titre original :  Notice in La Patrie (19 janvier 1924, page 31): J. Arthur Homier Présente

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HOMIER, Joseph-Arthur (baptisé Joseph-Louis-Arthur, il signait parfois Arthur et, plus souvent, J.-Arthur), prestidigitateur, photographe, auteur et cinéaste, né le 8 août 1875 à Montréal, fils de Joseph Homier et d’Henriette Gauthier ; le 22 février 1898, il épousa à Boston Ernestine-Alice Bougler, et ils eurent deux fils et deux filles ; décédé le 7 juillet 1934 à Montréal.

Fils d’un fourreur et chapelier prospère, Joseph-Arthur Homier se joignit au commerce de son père après ses études à l’académie commerciale catholique de Montréal [V. Urgel-Eugène Archambeault*]. Il n’y resta toutefois que peu de temps, avant de partir travailler, à titre d’apprenti, avec le célèbre prestidigitateur français Alexander Herrmann, connu sous le nom de Herrmann the Great ; il fit des tournées au Canada et aux États-Unis jusqu’à la mort de son maître, en décembre 1896. Homier finit par abandonner l’illusionnisme et ouvrit un studio de photographie à Montréal vers 1904. Deux ans plus tard, ses techniques d’éclairage, dont il faisait la démonstration partout au pays, lui avaient déjà acquis une renommée. Autour de 1915, il inaugura un autre studio, Homier et Lavergne, qui réalisait des photos individuelles et familiales, ainsi que des portraits officiels de personnes comme Émile Chartier*, premier vice-recteur de l’université de Montréal.

Homier avait aussi des aspirations littéraires, qui le conduisirent vers le théâtre et le cinéma. Parmi ses pièces figurent le Retour, le Lys brisé, le Portrait, Reste et tais-toi, Deux Âmes et Son fils. Il en ferait paraître au moins une, le Beau Soir, à Montréal, en 1924. En 1921, Homier s’intéressa au cinéma. Cet été-là, il tourna son premier film, une comédie muette d’environ 40 minutes intitulée Oh ! Oh ! Jean, en collaboration avec une troupe de théâtre française, dont le directeur, Maurice Castel, et la vedette féminine, Berthe Renout, tenaient les rôles principaux. La distribution comprenait en outre l’actrice de la région Juliette Béliveau*, qui jouait une servante. La première du film Oh ! Oh ! Jean eut lieu à Montréal en juin 1922, au théâtre Saint-Denis, qui, avec ses 3 000 places, était la deuxième plus grande salle de la ville à l’époque ; on le projeta pendant quatre jours dans le cadre d’un programme où figurait également une production de sa pièce Deux Âmes.

La même année, l’homme d’affaires montréalais Samuel-Théodore Grenier fonda, avec Homier et trois autres associés, Le Bon Cinéma canadien Limitée, dans le but de produire des longs métrages conformes aux valeurs catholiques et canadiennes. Le 22 mars 1923, la compagnie prendrait un nouveau nom, Le Cinéma canadien Limitée, auquel on ajouterait The Canadian Cinema Limited quelques mois plus tard. Pour son premier film, le conseil d’administration choisit un sujet historique, Marie-Madeleine Jarret* de Verchères, et nomma Homier réalisateur. Emma Gendron*, qui deviendrait l’une des plus proches collaboratrices d’Homier, écrivit le script en se fondant sur la biographie publiée en 1913 par Frédéric-Alexandre Baillairgé, curé à Verchères. Elle n’avait que 18 ans à l’époque, mais avait déjà de nombreuses nouvelles et une pièce primée à son actif, et poursuivait une carrière journalistique.

Le tournage du film Madeleine de Verchères commença à l’automne de 1922 dans la réserve de Caughnawaga (Kahnawake), où la compagnie bâtit une réplique du petit fort de bois que la jeune femme avait défendu en 1692. Le caméraman était un des fils d’Homier, Joseph-Armand, et la distribution comprenait des acteurs professionnels et amateurs, ainsi que des Autochtones de la réserve. Estelle Bélanger, jeune résidente de Montréal, tenait le rôle-titre. On projeta le long métrage muet pour la première fois le 10 décembre 1922 au théâtre Saint-Denis, puis dans d’autres salles de la région de Montréal et à Québec.

Les critiques de la presse francophone accueillirent le film avec un enthousiasme modéré. Ils saluèrent son caractère authentique, nonobstant une intrigue secondaire romantique fictive, et y virent un excellent outil pour familiariser les enfants avec l’histoire de la province. Le jeu naturel d’Estelle Bélanger lui valut quelques éloges et les critiques lui prédirent une belle carrière au cinéma. Ils soulignèrent le fait que des gens au Québec, malgré des moyens limités, avaient prouvé que la production cinématographique n’était pas nécessairement réservée aux étrangers : on pouvait créer des films dans la province, avec une distribution et une équipe locales. La presse anglophone parla aussi de Madeleine de Verchères, qui reçut une critique particulièrement positive de Samuel Morgan-Powell dans le Montreal Daily Star.

Encouragés par le succès de leur premier long métrage, Homier et Emma Gendron se lancèrent dans un deuxième projet, sur un thème plus actuel : la drogue. Écrit par cette dernière, le script de ce drame moraliste, la Drogue fatale (connu en anglais sous le titre The fatal drug), raconte l’histoire de narcotrafiquants qui font chanter un chef de police. Homier le réalisa, et son fils Joseph-Armand fut une fois de plus le caméraman. Le tournage se déroula à la prison de Bordeaux, à la Prison des femmes catholiques, à la Cour du recorder et dans les rues de la ville. Homier aménagea aussi un studio, où on construisit 23 décors. La distribution se composait de professionnels de la communauté théâtrale de Montréal et de nombreux acteurs amateurs. Paul Lefrançois et Omer Saint-Georges (tous deux du théâtre Chanteclerc), Raoul Léry (du Théâtre canadien-français et souvent comparé au comédien américain Harold Lloyd), Juliette Piché, Lucienne Plante, Claudia Delys et Alberte Lecompte (du conservatoire Lassalle), alors âgée de sept ans, tenaient les rôles principaux. La première eut lieu au théâtre Saint-Denis le 20 janvier 1924.

Les critiques jugèrent que la Drogue fatale constituait un bien meilleur film que Madeleine de Verchères. On le projeta à nouveau durant trois jours au Cinéma passe-temps en juin 1924. La même année, la semaine des fêtes de la Saint-Jean-Baptiste donna lieu à un véritable festival Homier : on joua sa pièce Son fils au Théâtre national français avec Raoul Léry, Rose Rey-Duzil et Eva Prégent dans les rôles principaux, tandis qu’on présentait la Drogue fatale au Théâtre canadien-français.

En mars 1924, Homier s’était rendu à New York afin d’attirer des investisseurs pour créer un studio cinématographique moderne à Montréal ; l’entreprise ne connut pas de suite. En septembre, il n’appartenait plus au conseil d’administration du Cinéma canadien Limitée-The Canadian Cinema Limited, et avait vendu ses parts du studio Homier et Lavergne.

L’association d’Homier et Emma Gendron ne se limita pas au cinéma : ils collaborèrent également à plusieurs magazines littéraires et féminins de Montréal. Après avoir écrit pour le Bon Loisir en 1924, Homier fut directeur-gérant de la Revue de Manon de mai 1926 jusqu’à au moins janvier 1928. Il y publia, en 1925 et en 1926, ses souvenirs d’événements historiques à Montréal dans une série d’articles (sous les titres « Montréal il y a quarante ans » et « Montréal depuis quarante ans »). En 1929, Homier ouvrit une imprimerie à Montréal avec Marjorique Gendron, père d’Emma, qu’ils nommèrent Gendron et Homier, et où ils imprimeraient leurs périodiques. La même année, Homier devint copropriétaire et corédacteur de la Revue du foyer et, en 1931, Emma et lui étaient copropriétaires de la revue littéraire le Dimanche illustré.

Joseph-Arthur Homier mourut d’un cancer le 7 juillet 1934, un mois avant son cinquante-neuvième anniversaire. Malheureusement, un service d’incendie ordonna la destruction de ses films, qu’un de ses fils avait conservés, en raison du caractère hautement inflammable de la pellicule en nitrate de cellulose. Même s’il ne fit que quelques films, Homier fut, au Québec, le premier réalisateur à produire un long métrage de fiction destiné à la projection publique dans des salles de cinéma et un pionnier de l’industrie cinématographique.

D. J. Turner

Ancestry.com, « Actes de mariage, Massachusetts, 1840 à 1915 » : www.ancestry.ca (consulté le 28 avril 2015) ; « Recensement du Canada de 1921 » : search.ancestry.ca/search/db.aspx?dbid=8991 (consulté le 14 nov. 2017).— BAnQ-CAM, CE601-S51, 8 août 1875.— FD, Notre-Dame (Montréal), 11 juill. 1934.— Le Devoir, 6 déc. 1924.— La Presse, 9 juill. 1934.— D. J. Turner, « Dans la nouvelle vague des années 20 : J.-Arthur Homier », Perspectives (Montréal), 26 janv. 1980.— Annuaire, Montréal, 1897–1934.— BCF, 1927 : 204.— J. Hamelin et al., la Presse québécoise, 6 : 81, 91–92, 176–177, 219–220, 242–243.— Germain Lacasse, Histoire de scopes : le cinéma muet au Québec (Québec, 1988).— D. J. Turner, « J.-A. Homier photographe : le pionnier oublié du cinéma québécois », 24 images (Longueuil, Québec), no 11 (1981) : 45–53.

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D. J. Turner, « HOMIER, JOSEPH-ARTHUR (baptisé Joseph-Louis-Arthur) (Arthur, J.-Arthur) », dans Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16, Université Laval/University of Toronto, 2003– , consulté le 20 nov. 2024, https://www.biographi.ca/fr/bio/homier_joseph_arthur_16F.html.

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Auteur de l'article:    D. J. Turner
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Titre de la publication:    Dictionnaire biographique du Canada, vol. 16
Éditeur:    Université Laval/University of Toronto
Année de la publication:    2020
Année de la révision:    2020
Date de consultation:    20 nov. 2024